Le castor canadien serait-il ringard ?

Les temps sont durs pour le castor canadien.
L’an dernier, il voyait son nom disparaître de la page couverture d’un très ancien magazine dédié à l’histoire. La cause : les filtres Internet bloquaient le mot « beaver » qui désignerait en slang les organes génitaux féminins! Cette malheureuse confusion nuisait, selon la direction de la revue, aux relations avec les lecteurs, abonnés et correspondants potentiels. Fondé en 1920 par la fameuse Hudson’s Bay Company et publié de nos jours par la Canada’s National History Society, The Beaver a donc été rebaptisé prosaïquement … Canada’s History.
Et voilà qu’une sénatrice conservatrice (pour d’autres raisons, naturellement…) veut maintenant dépouiller le fameux rongeur du titre d’emblème animal que le Canada lui a accordé en 1979.
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Pour Nicole Eaton, citée par TVA, le castor est un animal périmé, un «has-been» qui ne reflète plus les valeurs canadiennes. «C’est un rat, un gros rat, a-t-elle déclaré. Nous passons l’été sur une baie et nos quais sont détruits chaque hiver par les castors.»
Pour remplacer le castor, madame Eaton propose l’ours polaire, « le mammifère le plus majestueux et splendide du Canada ». Elle dit croire que la «force, le courage, la débrouillardise et la dignité» de l’animal carnivore blanc serait un symbole approprié pour le Canada moderne.
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La sénatrice n’aime visiblement pas les castors et, s’ils détruisent vraiment ses « quais » chaque hiver, les spécimens de sa région sont de TRÈS GROS rats. Mais elle semble surtout en vouloir à leur apparence et à leur image : le castor manque de majesté, c’est un petit moche (tout « gros rat » qu’il soit) à côté du beau grand nounours. Qu’il évoque toute l’importance du commerce de la fourrure dans l’histoire de l’Amérique du Nord ne l’émeut guère, ni ses qualités d’animal ingénieux, travailleur, prévoyant et résilient.
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Emblème de New York dès 1623 et de la Compagnie de la baie d’Hudson en 1678, présent sur le premier timbre canadien et sur son cinq cents, le castor figure toujours sur les armoiries de la London School of Economics et sur la bague des étudiants du réputé Massachusetts Institute of Technology. Ce n’est pas par accident, comme on l’a expliqué au MIT: « The beaver not only typifies the Tech (student), but his habits are peculiarly our own. The beaver is noted for his engineering, mechanical skills, and industry ».
Bien sûr, il n’y a rien d’immuable. Même s’il s’agit de symboles d’identité avec lesquels on ne joue pas sans motifs sérieux, les emblèmes peuvent changer. Le Canada s’est donné un nouveau drapeau en 1965. Au Québec, l’iris versicolore a remplacé le lis blanc en 1999. Et l’ours polaire, théoriquement, serait un excellent choix. Consolons-nous : avec l’esprit rétrograde qui règne à Ottawa ces temps-ci, un conservateur aurait pu suggérer les corgis de Sa Majesté.
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Une réflexion au sujet de « Le castor canadien serait-il ringard ? »

  1. Mme Eaton voit le castor comme un gros rat. Comment voit-elle l’ours blanc ? Ce dernier, lointain cousin du raton-laveur dans l’arbre de l’évolution, est le plus gros prédateur terrestre de la planète. C’est un tueur redoutable qui attaque tout ce qu’il rencontre. Le mâle qui vit en solitaire après l’accouplement n’hésitera pas à attaquer des petits, y compris les siens, s’ils échappent à la surveillance de leur mère. L’ours polaire, aussi beau et fascinant soit-il est une machine à tuer. Tout un symbole. Peut-être que le parti de la députée reconnaîtra les changements climatiques et prendra des mesures pour sauver l’ours blanc ?

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