Non seulement fabrique-t-on des fleurdelisés dont les proportions ne respectent pas la norme légale (« La largeur et la longueur du drapeau sont de proportion de deux sur trois »), mais on trouve aussi sur le marché des drapeaux du Québec dont les fleurs de lis sont surdimensionnées. C’est ce que m’a fait remarquer un internaute à la suite de ma note précédente (Votre fleurdelisé est-il difforme ?).
Cette « mutation génétique » serait survenue à la suite de l’adoption du Programme d’identification visuelle du gouvernement du Québec en 2001. La signature gouvernementale établie à cette occasion se compose du mot « Québec » suivi d’un drapeau dont les fleurs de lis ont été agrandies.
Justifiable dans ce contexte, peut-être, cette manipulation graphique n’avait que pour objectif d’améliorer la « lisibilité » du fleurdelisé mais elle a manifestement inspiré les manufacturiers à fabriquer des drapeaux selon ce modèle qui est aussi reproduit à plusieurs endroits, dans les médias et sur Internet, notamment sur le site de Patrimoine Canada (http://www.pch.gc.ca/progs/cpsc-ccsp/atc-ac/qc_f.cfm).
Comment expliquer cette prolifération de fleurdelisés contrefaits (proportions inexactes, fleurs de lis surdimensionnées ou les deux) alors qu’il existe une loi et une réglementation claires ainsi qu’une norme technique précise (7192-175/2004) du Bureau de normalisation du Québec (http://www.drapeau.gouv.qc.ca/drapeau/specifications/specifications.html) ?
Ce n’est pas toujours de l’ignorance. L’entreprise où j’ai acheté mon drapeau hors normes était représentée au sein du comité formé par le BNQ pour établir… la norme. C’est donc qu’il y a des clients. Mais pourquoi veut-on avoir un drapeau du Québec qui n’est pas le vrai drapeau ?
Paradoxalement, c’est dans les cérémonies protocolaires que l’intégrité du fleurdelisé serait le plus en danger. Strictement interprétées, les règles de pavoisement voudraient que tous les drapeaux « nationaux » déployés lors d’un événement soient de même grandeur (format et proportions).
Le protocole québécois est souple. Il n’est pas « convenable, lit-on sur le site du MRI, de dénaturer un drapeau en changeant sa proportion, de façon par exemple à ce que les dimensions de tous les drapeaux qui font partie d’un pavoisement soient identiques ; ainsi, il est acceptable de placer côte à côte des drapeaux de 90 X 180 cm et de 120 X 180 cm ». Autrement dit, un « 3X6 » canadien devrait pouvoir s’accommoder d’un « 4X6 » québécois. Mais on penserait différemment du côté fédéral. La légende veut que le drapeau du Québec ait déjà été coupé sur place, au « bon » format. Depuis, les services protocolaires s’assureraient d’avoir des fleurdelisés « appropriés » Et il faut bien les acheter quelque part.
Les lois québécoises ne s’appliquent pas toujours à Ottawa, on l’a vu, et le ministre responsable de la Loi sur le drapeau du Québec a de toute manière beaucoup de travail à faire dans son jardin où les fleurs de lis poussent tout croche.