Le gouvernement du Québec consulterait sur la pertinence de créer une circonscription électorale épousant les limites du Nunavik. Cette nouvelle circonscription serait détachée de celle d’Ungava et compterait environ 10000 habitants dont quelque 750 Blancs. Le reste de la circonscription pourrait être partagé entre les voisines (Abitibi et Roberval) mais pourrait aussi survivre comme circonscription distincte. Le ministre a laissé entendre que cette décision reviendrait à la Commission de la représentation électorale.
On peut facilement imaginer que les commissaires auraient préféré éviter cette « responsabilité » qui s’ajoute aux difficultés qui se présentent chaque fois qu’ils doivent apporter des modifications à la carte électorale.
Le principal critère établi par la Loi électorale est l’égalité du vote: chaque circonscription doit compter un nombre à peu près égal d’électeurs. Comme il serait illusoire d’obtenir une égalité parfaite, la loi prévoit que le nombre d’électeurs dans une circonscription ne doit pas être inférieur ni supérieur à plus de 25 p. 100 de la moyenne qui se situait autour de 45000 électeurs au dernier scrutin général. La loi prévoit une exception (une sorte de clause grand-père), soit les Iles-de-la-Madeleine qui comptent environ 11000 électeurs, mais, dans les faits, plusieurs autres circonscriptions étaient sous la barre inférieure de 33 600 en 2007.
La circonscription d’Ungava était du nombre avec ses 24 000 électeurs inscrits et elle en perdrait environ 5000 avec la création d’une circonscription « nordique». Elle deviendrait la troisième exception avec les Îles et le Nunavik.
La prochaine carte électorale suscitera des grincements de dent en région, notamment dans l’Est où plusieurs circonscriptions sont « sous la barre ». Des régions risquent de perdre du poids politique; elles demanderont des « accommodements »: si on peut faire une circonscription de 5000, 10000 ou 20000 électeurs, pourquoi ne peut-on pas vivre avec seulement un peu moins de 33000?
Et pourquoi d’autres communautés ethniques, culturelles ou religieuses n’auraient-elles pas leur représentant au Parlement? Il y a plus de Mohawks dans la région de Montréal et de Cris à la Baie James que d’Inuits au Nunavik. Le précédent sera sûrement invoqué, de la même manière qu’on cite les Îles pour justifier le projet du Nunavik, même si le contexte est très différent et le nombre d’électeurs bien inférieur? Une commission d’enquête fédérale a déjà proposé la création d’un registre distinct pour les électeurs autochtones et l’élection de députés qui n’auraient pas de base territoriale; on pourrait bien imaginer un député représentant plusieurs villages ou réserves.
Le principe de l’égalité du vote des électeurs n’est pas apparu par hasard dans notre législation. Pendant près d’un siècle, la carte électorale du Québec a pourri sur place, jusqu’à ce qu’on la réforme dans les années soixante et soixante-dix en faisant disparaître les inégalités et les privilèges. Veut-on vraiment repartir dans l’autre direction?
Une réflexion au sujet de « L’accommodement inuit »
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Bravo pour votre analyse, monsieur Deschênes. Cette idée de donner à des autochtones une représentation à l’Assemblée nationale sur la base de l’ethnie est porteuse de risques.
Commencer à abandonner le critère territorial comme unité électorale nous ramène à l’époque du Tiers-État.
Aurons-nous ensuite des députés pour représenter les Allemands, les homosexuels, les musulmans, les gauchers,les blondes, les médecins, les obèses? Tient-on à créer une assemblée corporatiste et clientéliste?
Merci d’allumer la lumière et de nous tenir en éveil !