Le Moulin à images est une réalisation exceptionnelle à plusieurs égards. Si l’exposition Passagers/Passengers a sa valise-gadget et Rencontres, son utilisation inspirée des statues du Parlement, le Moulin repose sur une idée de génie mais aussi sur des dizaines de trouvailles qui étonnent le spectateur d’un bout à l’autre du spectacle. Robert Lepage et son équipe ont su exploiter à la fois la verticalité des silos et la longueur de l’écran qu’ils forment. Les silos deviennent des pieux, des balles, des cigares, des cigarettes, des éprouvettes. Les baleines, les voiliers, les voitures, les trains, les militaires traversent tour à tour l’écran géant. Les séquences s’enchaînent avec ingéniosité : ainsi, les manifestants du « samedi de la matraque » se transforment subitement en batailleurs sur glace.
Le Moulin est une prouesse artistique et technique incomparable. L’historien-éditeur qui publie des centaines de pages de texte avec quelques milliers de dollars est un peu jaloux de voir les millions de dollars qu’on peut investir pour diffuser quelques dizaines de pages de contenu mais c’est un autre monde et le Moulin vient d’y poser une barre extrêmement haute.
Le Moulin à images est aussi une réalisation exceptionnelle parce que c’est le seul des « grands événements » du 400e qui propose un contenu résolument historique et qui se consacre entièrement à la ville de Québec. Bien sûr, ce n’est pas un cours d’histoire et il n’est pas vraiment pertinent de discuter des choix du concepteur car Robert Lepage a bien précisé qu’il s’agit d’une œuvre impressionniste. Ses impressions sont cependant structurées autour de quatre thèmes qui constituent une périodisation originale (chemin d’eau, chemin de terre, chemin de fer, chemin d’air). Les années de fondation passent vite tandis que la dernière partie est beaucoup plus longue ; on comprend que le matériel audiovisuel a influencé la répartition du contenu.
Les spectateurs ont-ils compris ? Sur ce plan, on peut se poser des questions. Bien des spectateurs repartent heureux d’avoir simplement vu de belles images et des effets spectaculaires. Qu’ont-ils appris qu’ils ne savaient pas déjà? Ont-ils reconnu Louis XIV, le cardinal Villeneuve ? Au Musée de la civilisation, les amateurs de plantes potagères ont droit à un luxueux dépliant qui leur permet de retracer la moindre ciboulette; peut-être faudrait-il en faire autant pour le Moulin, au risque de brûler les punchs.
Le Moulin à images est aussi exceptionnel par sa durée et son accessibilité. À la fin de l’été, des centaines de milliers de personnes auront vu cet aperçu spectaculaire de l’histoire de Québec produit par un fils de Québec. Comme l’aurait dit René Lecavalier, dans « une montée à l’emporte-pièce », Robert Lepage a sauvé le 400e d’un blanchissage « historique ».