Tous les articles par Gaston Deschênes

La reconnaissance des partis à l’Assemblée nationale (1970-2008)

Aux élections de 1970, les Québécois ont élu 72 libéraux (45,4 % des voix  ), 17 unionistes (19,6 %), 12 créditistes (11,2 % ) et 7 péquistes (23,1 %). L’arrivée de représentants de nouveaux partis politiques annonçait des perturbations dans le fonctionnement traditionnel de l’Assemblée nationale qui expérimentait, à cette époque, diverses modifications au règlement.

Les amendements sessionnels adoptés en 1969 visaient principalement à limiter la durée des discours et des débats tout en accordant des droits de parole privilégiés au chef du parti ministériel et au chef de l’Opposition officielle. Ces amendements n’avaient cependant pas prévu le passage au multipartisme. Le Règlement Geoffrion et ceux qui l’avaient précédé ignoraient même le mot « parti ».

Dans un premier geste posé à l’égard des nouveaux partis politiques représentés en Chambre, l’Assemblée modifie la Loi de la législature pour accorder une indemnité additionnelle et une allocation spéciale pour frais de représentation aux députés qui occupaient les fonctions de chef, leader et whip des partis qui avaient fait élire au moins douze députés (ce qui était le cas des créditistes) ou qui avaient obtenu au moins 20 % des votes valides (ce qui était le cas du Parti québécois).

L’Assemblée se donne ensuite des critères de reconnaissance des partis dans le règlement sessionnel adopté le 12 mars 1972 et mis en vigueur le 1er avril suivant. Est alors considéré comme « parti reconnu » (art. 10f) :

« un parti qui, aux dernières élections générales, a fait élire au moins douze députés ou qui, d’après le recensement officiel des votes donnés dans l’ensemble du Québec à ces élections, a obtenu au moins vingt pour cent des votes valides donnés ».

Cette disposition est reprise dans le règlement permanent adopté le 13 mars 1973, et appliqué le surlendemain.

1973-1976

Après l’élection générale d’octobre 1973, le Parti québécois devient l’Opposition officielle avec 6 députés et 30,2 % des voix, tandis que le Parti créditiste obtient 2 députés et 9,9 % des voix. L’Union nationale est disparue. Le 21 mars 1974, l’Assemblée adopte une modification sessionnelle à son règlement donnant au Président (art. 10, par. 6A) le pouvoir

« [d’]accorder à un député n’appartenant pas à un parti reconnu un temps de parole analogue à celui que prévoit le règlement pour les chefs des partis reconnus autres que le premier ministre et le chef de l’Opposition officielle ».

Cette disposition vise les deux députés créditistes (Roy et Samson) qui expriment leur désaccord (JD, 21 mars 1974, p. 91 et ss.) et réclament un meilleur statut. En août, ils obtiennent du renfort quand Maurice Bellemare se fait élire dans l’élection partielle de Johnson. En décembre, la Loi de la Législature est modifiée (LQ, 1974, c. 7, a. 9) pour accorder le statut de chef à ceux dont le parti était reconnu dans la législature précédente, soit le chef de l’Union nationale et celui du Parti créditiste, le tout rétroactif au 1er avril 1974.

À l’automne, Jérôme Choquette quitte le Parti libéral et Fabien Roy se joignait à lui pour créer, en décembre 1975, le Parti national populaire, un parti qui n’existait pas lors des élections de 1973 et qui se trouvait donc exclu des dispositions de l’article 1-F. du Règlement et des dispositions de l’article 98A de la Loi puisqu’il n’existait pas sous l’ancienne législature.

Plus encore, les représentants de ce parti voient leurs privilèges réduits quand, le 2 avril 1976, l’Assemblée remplace, pour la session, le paragraphe 6A de l’article 10 (adopté en mars 1974) par le suivant :

« Il accorde à un chef dont le parti était reconnu lors de la Législature précédente un temps de parole analogue à celui que prévoit le règlement pour les chefs de parti reconnus autres que le premier ministre et le chef de l’Opposition officielle ».

Les députés Samson (créditiste) et Bellemare (unioniste) donnent leur accord tandis que Roy, au nom du PNP, exprime sa dissidence.

1976-1981

Après l’élection générale du 15 novembre 1976, on comptait 71 députés du PQ, 26 libéraux, 11 unionistes (18,2 % des voix), un créditiste (Samson) et un député du PNP (Roy).

À l’ouverture des travaux, l’Assemblée ne reconduit pas le paragraphe 6A de l’article 10 qui aurait favorisé ces deux derniers députés comme ils l’avaient été en 1974 et le leader du gouvernement leur fait clairement savoir, le 22 décembre 1976, qu’il n’était pas question de reconnaître leurs partis pendant la législature en cours.

Par contre, l’Assemblée modifie la Loi de la Législature (LQ, 1976, c. 6) et son Règlement de façon permanente pour que le critère des douze députés soit réduit à onze dans le Règlement (art. 1, par. F) et dans la loi (art. 98A, par. B) pour permettre à l’Union nationale d’être reconnue et à ses dirigeants (chef, leader, whip) d’obtenir le statut et les privilèges correspondants.

D’autres députés sont devenus indépendants par la suite (Shaw, 18 février 1978 ; Tremblay, 27 septembre 1979 ; Biron, 3 mars 1980 ; Alfred, 29 août 1980) tandis que Fabien Roy a démissionné le 5 avril 1979 et que Camil Samson a joint les rangs du Parti libéral en octobre 1980.

Depuis 1981

Les résultats des élections générales de 1981 et de 1985 ont ramené l’Assemblée nationale au bipartisme traditionnel. Entre les deux élections, l’Assemblée rétablit les critères de reconnaissance originaux (12 députés ou 20 % des voix) et remplace l’expression « parti reconnu » par « groupe parlementaire ». L’article 13 des Règles de procédures actuelles se lit comme suit :

« Tout groupe d’au moins douze députés élus sous la bannière d’un même parti politique, ou tout groupe de députés élus sous la bannière d’un parti politique qui a obtenu au moins 20 p. 100 des voix aux plus récentes élections générales, constitue un groupe parlementaire ».

En 1989, avec quatre députés et 3,75 des suffrages, le Parti égalité est loin des critères fixés par le Règlement. Il en est de même pour l’Action démocratique du Québec en 1994 et 1998. En 2003, avec 18,1 % des suffrages, l’Action démocratique du Québec n’obtient que quatre sièges et se trouve loin de la situation de l’Union nationale de 1976. Elle relance néanmoins le débat, sans obtenir gain de cause.

Que se passera-t-il après les élections de 2008 ? Au moment d’écrire ces lignes, on ne peut que spéculer en regardant les sondages mais il est peu probable que la répartition des sièges soit encore aussi proportionnelle qu’en 2007.

Source:  http://www.assnat.qc.ca/fra/amicale/fra/publications/documents/V9N3.pdf

Le discours d’Henri Bourassa au Congrès eucharistique de 1910

Dans son témoignage aux funérailles de Bernard Landry, Lucien Bouchard a évoqué le fameux discours prononcé par Henri Bourassa en réplique à l’archevêque de Westminster, Mgr Bourne, pour qui l’Église ne pourrait gagner les immigrants de l’Ouest canadien « qu’en faisant connaître […] les mystères de notre foi par l’intermédiaire de notre langue anglaise ».On comprend, à la lecture, pourquoi Landry pouvait, dit-on, en réciter de grands bouts de mémoire.

Bourassa

Extraits du discours prononcé par Henri Bourassa :

« […] Nous avons — et permettez, Éminence, qu’au nom de mes compatriotes, je revendique pour eux cet honneur — nous avons les premiers accordé à ceux qui ne partagent pas nos croyances religieuses la plénitude de leur liberté dans l’éducation de leurs enfants (applaudissements). Nous avons bien fait ; mais nous avons acquis par là le droit et le devoir de réclamer la plénitude des droits des minorités catholiques dans toutes les provinces protestantes de la Confédération (acclamations prolongées. L’auditoire fait à l’orateur une longue ovation).[…]

Les catholiques anglais, fiers de leur titre de catholiques et non moins fiers de leurs droits de citoyens britanniques, réclament au nom du droit, de la justice et de la constitution, la liberté d’enseigner à leurs enfants ce qu’ils ont appris eux-mêmes (applaudissements). […]

Sa Grandeur a parlé de la question de langue. Elle nous a peint l’Amérique tout entière comme vouée dans l’avenir à l’usage de la langue anglaise ; et au nom des intérêts catholiques elle nous a demandé de faire de cette langue l’idiome habituel dans lequel l’Évangile serait annoncé et prêché au peuple.

Ce problème épineux rend quelque peu difficiles, sur certains points du territoire canadien. les relations entre catholiques de langue anglaise et catholiques de langue française (mouvement). Pourquoi ne pas l’aborder franchement, ce soir, au pied du Christ, et en chercher la solution dans les hauteurs sublimes de la foi, de l’espérance et de la charité (longues acclamations) ?[…]

Soyez sans crainte, vénérable évêque de Westminster : sur cette terre canadienne, et particulièrement sur cette terre française de Québec, nos pasteurs, comme ils l’ont toujours fait, prodigueront aux fils exilés de votre noble patrie comme à ceux de l’héroïque Irlande, tous les secours de la religion dans la langue de leurs pères, soyez-en certain (applaudissements).

Mais en même temps, permettez-moi — permettez-moi, Éminence — de revendiquer le même droit pour mes compatriotes, pour ceux qui parlent ma langue, non seulement dans cette province, mais partout où il y a des groupes français qui vivent à l’ombre du drapeau britannique, du glorieux étendard étoilé, et surtout sous l’aile maternelle de l’Église catholique (longues acclamations), de l’Église du Christ, qui est mort pour tous les hommes et qui n’a imposé à personne l’obligation de renier sa race pour lui rester fidèle (l’auditoire, debout, fait à l’orateur une longue ovation).

Je ne veux pas, par un nationalisme étroit, dire ce qui serait le contraire de ma pensée — et ne dites pas, mes compatriotes — que l’Église catholique doit être française au Canada. Non mais dites avec moi que, chez trois millions de catholiques, descendants des premiers apôtres de la chrétienté — en Amérique, la meilleure sauvegarde de la foi, c’est la conservation de l’idiome dans lequel, pendant trois cents ans, ils ont adoré le Christ (acclamations).[…]

Mais il y a plus encore. Non pas parce que nous sommes supérieurs à personne, mais parce que, dans ses décrets insondables qu’il n’appartient à personne de juger, la Providence a voulu que le groupe principal de cette colonisation française et catholique constituât en Amérique un coin de terre à part où l’état social, religieux et politique se rapproche le plus de ce que l’Église catholique, apostolique et romaine nous apprend être l’état le plus désirable des sociétés (applaudissements). Nous n’avons pas au Canada — qu’on me pardonne de rompre avec les formules de la diplomatie usitées même en des lieux comme celui-ci (mouvement) — nous n’avons pas au Canada l’union de l’Église et de l’État : ne nous payons pas de mots. Nous avons, dans la province de Québec la concorde, la bonne entente entre les autorités civiles et religieuses. Il est résulté de cette concorde des lois qui nous permettent de donner à l’Église catholique un organisme social et civil qu’elle ne trouve dans aucune autre province du Canada ni dans aucune autre portion de l’Empire britannique (applaudissements).[…]

De cette petite province de Québec, de cette minuscule colonie française, dont la langue, dit-on, est appelée à disparaître (mouvement), sont sortis les trois quarts du clergé de l’Amérique du Nord, qui est venu puiser au séminaire de Québec ou à Saint-Sulpice la science et la vertu qui ornent aujourd’hui le clergé de la grande république américaine, et le clergé de langue anglaise aussi bien que le clergé de langue française du Canada (longs applaudissements).

Éminence, vous avez visité nos communautés religieuses, vous êtes allé chercher dans les couvents, dans les hôpitaux et dans les collèges de Montréal la preuve de la foi et des œuvres du peuple canadien-français. Il vous faudrait rester deux ans en Amérique, franchir cinq mille kilomètres de pays, depuis le Cap-Breton jusqu’à la Colombie-Anglaise, et visiter la moitié de la glorieuse république américaine — partout où la foi doit s’annoncer, partout où la charité catholique peut s’exercer pour retracer les fondations de toutes sortes — collèges, couvents, hôpitaux, asiles — filles de ces institutions-mères que vous avez visitées ici (longs applaudissements). Faut-il en conclure que les Canadiens français ont été plus zélés, plus apostoliques que les autres. Non, mais la Providence a voulu qu’ils soient les apôtres de l’Amérique du Nord (acclamations).

Que l’on se garde, oui, que l’on se garde avec soin d’éteindre ce foyer intense de lumière qui éclaire tout un continent depuis trois siècles ; que l’on se garde de tarir cette source de charité qui va partout consoler les pauvres, soigner les malades, soulager les infirmes, recueillir les malheureux et faire aimer l’Église de Dieu, le pape et les évêques de toutes langues et de toutes races (acclamations prolongées).

« Mais, dira-t-on, vous n’êtes qu’une poignée ; vous êtes fatalement destinés à disparaître ; pourquoi vous obstiner dans la lutte » (mouvement) ? Nous ne sommes qu’une poignée, c’est vrai ; mais ce n’est pas à l’école du Christ que j’ai appris à compter le droit et les forces morales d’après le nombre et par les richesses (longues acclamations). Nous ne sommes qu’une poignée, c’est vrai ; mais nous comptons pour ce que nous sommes, et nous avons le droit de vivre (ovation). »

—————

Source : Henri BOURASSA, « Le discours de Notre-Dame au Congrès eucharistique de 1910 » Hommage à Bourassa, Montréal, Le Devoir, 1952, 215 p., p. 108-114, reproduit sur le site http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebechistory/docs/1910/4.htm.

La devise sur les plaques d’immatriculation : à chacun ses mérites

Une récente édition du magazine Échos-vedettes (16/21 septembre 2018) rendait hommage à Lise Payette et citait notamment le témoignage que sa fille avait publié sur sa page Facebook le 6 septembre : « Elle nous laisse une devise précieuse Je me souviens ».

Lise Payette n’a évidemment pas créé la devise qu’on doit à Eugène-Étienne Taché, architecte de l’Hôtel du Parlement.

On doit plutôt comprendre que Lise Payette serait à l’origine de l’inscription de cette devise sur les plaques d’immatriculation du Québec, ce qui n’est pas plus exact, même si on l’a dit et redit depuis plusieurs années, surtout ces derniers jours.

PLAQUE-DIMMATRICULATION-DU-QUEBEC-1978

Élue en novembre 1976, Lise Payette est aussitôt nommée ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières avec le mandat de créer un régime assurance-automobile « sans égard à la faute » (no fault), mission dont elle s’acquitta avec brio, malgré la tempête qu’elle suscita principalement chez les avocats. « Ce n’est pas arrivé par accident. Il y a eu des oppositions à ce mouvement-là », rappelait le premier ministre Couillard dans son hommage, sans préciser quelle lutte acharnée que le parti qu’il dirige avait menée contre cette réforme.

La Loi sur l’assurance automobile a été adoptée en 1977 et mise en application le 1er mars 1978 avec la création de Régie de l’assurance automobile du Québec (RAAQ), devenue par la suite la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

À cette époque, et jusqu’en 1980, l’émission des permis de conduire et des plaques d’immatriculation relevait du Bureau des véhicules automobiles, qui était sous la responsabilité de Lucien Lessard, député de Saguenay et ministre des Transports.

Lessard-miinistre en 1976 (RC)

(Lucien Lessard en novembre 1976)

Dans un communiqué émis le 15 décembre 1976 et cité par au moins quatre quotidiens le lendemain (Soleil, Presse, Nouvelliste, Sherbrooke Record), le ministre Lessard annonçait deux décisions : les plaques de 1977 seraient « de couleur beige avec lettres et chiffres marron » ─ puisqu’il était trop tard pour changer ce que son prédécesseur avait décidé* ─ , mais celles de 1978 présenteraient une modification importante, la devise Je me souviens remplaçant le slogan La belle province.

Devise sur plaques-Presse 16-12-1976

(La Presse, 16 décembre 1976)

Peu de temps avant l’émission de ce communiqué, dans un des premiers caucus des élus péquistes du 15 novembre 1976, Denis Vaugeois avait exprimé son agacement de voir son chèque de paye porter la mention « gouvernement de la province de Québec ». Et puisqu’on y est, avait-il ajouté, il faudrait aussi faire disparaître le slogan publicitaire « la belle province » inscrit sur les plaques d’immatriculation et le remplacer par la devise du Québec.

Vaugeois en 1978, photo Le Devoir)

(Denis Vaugeois en 1978)

Ses collègues n’étaient pas tous convaincus, mais Lucien Lessard, ministre responsable du Bureau des véhicules automobiles, prit la balle au bond et annonça, à peine un moins après l’accession du PQ au pouvoir, que la devise serait sur les plaques dès que possible, ce qui se produira au printemps 1978**.

À ces deux anciens députés, redisons « Je me souviens ».

————

*En fait, la plaque de 1977 sera bleue et celle de 1978, la première portant la devise, beige avec lettres et chiffres marron.

** La consultation des procès-verbaux du Conseil exécutif ne permet pas de conclure que cette question a été discutée formellement par les ministres en décembre 1976.

PS: Merci à Denis Vaugeois et Lucien Lessard pour les témoignages ainsi que Raynald Lessard et Judith Mercier pour la recherche de  documents.

Des commandements pour tous

Il était courant, autrefois, de formuler des « commandements » composés sur le modèle des Commandements de Dieu, issus du Décalogue reçu par Moïse au mont Sinaï, selon les traditions bibliques (https://www.paroissestjoseph.org/prieres/extrait-du-catechisme-de-l-eglise-catholique/65-les-10-commandements-de-dieu), ou des sept commandements de l’Église catholique (https://www.paroissestjoseph.org/prieres/extrait-du-catechisme-de-l-eglise-catholique/66-les-sept-commandements-de-l-eglise). C’était une façon de donner des conseils, des lignes de bonne conduite et des directives de toutes sortes, souvent de façon humoristique.

Les commandements fort variés retrouvés dans L’Opinion publique entre 1870 et 1881 donnent un aperçu de cette mode disparue avec la sécularisation de la société.

Le 26 mai 1870, un éditeur probablement agacé par les récriminations d’un abonné donne « Les X commandements de la presse » :

 Commandement-abonnés

Le 28 décembre 1871, c’est le « décalogue d’un étudiant en droit » :

 Commandement-droit

Un autre éditeur emprunte la formule pour donner des conseils aux maniaques des tribunes libres; certains « commandements » 5 février 1880 sont encore d’actualité :

 Commandement-lecteurs

La tempérance était un thème classique pour les auteurs de « commandements ». Ceux-ci datent du 10 mars 1881 :

 Commandement-tempérance

Enfin, publiés le 2 avril 1870, le « Décalogue de l’épouse » et « Les sept commandements de l’époux » témoignent de leur époque…

Commandement-époux-épouse

Le dernier grand mandarin?

Peu de mandarins québécois nous ont laissé des mémoires. L’exercice n’est pas toujours facile pour des fonctionnaires qui ont travaillé de près avec les politiciens. Quoi dire, quoi taire? Je me souviens d’un auteur qui avait commencé à relater ses souvenirs d’aide-de-camp auprès de plusieurs lieutenants-gouverneurs. Il a abandonné devant cette difficulté. Plus « jasant » était Alfred Hardy, ancien Directeur général des achats, qui a cependant attendu 20 ans avant de livrer « un témoignage inédit » sur l’époque Duplessis (Patronage et patroneux, Libre Expression, 1979).

Vézina

Le plus prolifique des mandarins a probablement été Claude Morin, auteur de plusieurs ouvrages dont Lendemains piégés, Mes premiers ministres et Les Choses comme elles étaient (Boréal). De son côté, le premier sous-ministre des Affaires culturelles, Guy Frégault ne cachait pas trop son état d’esprit quand il a publié sa Chronique des années perdues (Leméac, 1976)…

Septentrion a publié les mémoires de Gaston Cholette (Au service du Québec, 1994) qui avait été directeur général des relations de travail et président de la Commission de protection de la langue française (https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/au-service-du-quebec).

Plus récemment, c’était au tour de Roch Bolduc, Le Mandarin de l’ombre (https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/mandarin-de-l-ombre-le), de rappeler le parcours d’un haut fonctionnaire relativement discret entré dans le « service public » sous Duplessis, appelé à la plus haute fonction de l’administration publique (secrétaire général du gouvernement) sous Bourassa et finalement recruté pour le Sénat par Mulroney.

Le dernier en liste est Jean P. Vézina, auteur de La fonction publique malmenée, chez Septentrion en 2018 (https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/la-fonction-publique-malmenee), un ouvrage qui est malheureusement passé sous le radar des médias de la capitale nationale.

Économiste de formation, Jean P. Vézina a d’abord été fonctionnaire aux Finances, professeur à HEC Montréal puis sous-ministre au Développement économique et au Commerce extérieur, avant d’entreprendre une remarquable carrière de « PDG de sociétés d’État ayant besoin de vigoureux redressements », selon le mot du journaliste André Dubuc (http://mi.lapresse.ca/screens/d7205973-cd4a-4cdf-ba7b-20026be5eb32__7C___0.html)

Jean P. Vézina a dirigé la Société d’assurance automobile du Québec, la Société des établissements de plein air du Québec et la Société du Centre des congrès de Québec, mais il s’est surtout distingué comme PDG de la Société immobilière du Québec (SIQ) où il a fait un impressionnant ménage entre 1995 et 2002, sans éradiquer complément « la bête », comme l’ont démontré des enquêtes journalistiques récentes. Son livre, dit-il, doit d’ailleurs être considéré comme une demande d’enquête « permettant d’extirper la corruption qui s’est infiltrée de nouveau dans la Société immobilière du Québec ».

Les mémoires de ce grand serviteur de l’État constituent un hommage à la fonction publique. Selon lui, avec des institutions comme Hydro-Québec, la Caisse de dépôt ou la Société de l’assurance automobile du Québec, on a fait la preuve que l’État peut faire aussi bien que le privé quand il « gère dans l’intérêt du bien commun ». Malheureusement, la fonction publique qui a fait la Révolution tranquille a été malmenée (ou mal menée?).

« Ces dernières années, au fédéral comme au provincial et aussi au municipal, entre autres à Montréal, Laval et dans bien d’autres municipalités, il est clair que les gouvernements […] n’ont pas privilégié le savoir-faire de leur fonction publique. […] Le secteur public n’attire plus autant et l’État a de moins en moins les ressources techniques et professionnelles suffisantes et compétentes. On n’a pas idée comment cette perte a déjà coûté et coûtera aux citoyens. […]

L’ensemble des Québécois a un urgent besoin, au fédéral, au provincial et au municipal, de fonctions publiques professionnelles, compétentes, productives, probes et innovatrices […].Nous avons, comme nation, le devoir de conserver un État actif et progressif et une administration sans reproche en luttant âprement contre la corruption ».