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Une chanson de guerre québécoise… composée par un Breton!

La commémoration de la Première Guerre mondiale permettra peut-être de mettre en valeur l’armée canadienne et ses glorieux combattants mais elle ravivera aussi le souvenir de la crise de la conscription, des émeutes qu’elle a provoquées à Québec et de tensions raciales que le Canada a connues par la suite, obligeant les « bonententistes » à se mobiliser pour raccommoder le tissu social.

Déjà, plusieurs ouvrages sont annoncés dont la réédition d’un livre-pionnier, Québec sous la Loi des mesures de guerre de Jean Provencher (Lux Éditeur). Il y aura aussi, cet automne, La Grande guerre de Paul Caron (par Béatrice Richard, aux PUL) et Le Québec dans la Grande Guerre (de Courtois et Veyssière au Septentrion).

Y aura-t-il quelqu’un pour s’intéresser aux chansons de guerre de cette époque? Probablement pas, et c’est dommage.

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Le petit conscrit

L’ouvrage de Provencher (Montréal, Boréal Express, 1971, p. 28-29) reproduit les paroles d’une de ces chansons, Le petit conscrit, qui a connu beaucoup de popularité et dont l’origine est restée longtemps nébuleuse.

À l’époque (1971), Provencher l’avait trouvée, chantée par un homme du Bas-du-fleuve, parmi les enregistrements sur ruban magnétique des Archives de folklore de l’Université Laval. Deux variantes étaient connues : l’une de Valleyfield, l’autre de la région de Varennes, ce qui permettait de croire que Le petit conscrit avait été chanté dans plusieurs régions du Québec. En fait, elle avait franchi nos frontières puisqu’on la retrouve chez les Franco-américains (http://cdi.uvm.edu/collections/getItem.xql?pid=vfc1998-0007_ms2008-3095-025_026_027_028&view=transcript) et chez les Franco-ontariens (http://bv.cdeacf.ca/bvdoc.php?no=114658&col=RA&format=htm).

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En 1987, Le petit conscrit est interprété par Eudore Belzile (l’informateur des Archives de folklore?) dans le film La Guerre oubliée (http://elephant.canoe.ca/films/guerre-oubliee_40047/); le générique mentionne alors que l’auteur est inconnu. Dix ans, plus tard, Pierre Fournier l’insère dans son recueil de chansons engagées, De lutte en turlutte (Septentrion, 1998), sous une version abrégée, toujours anonyme, avec quelques lignes différentes et un couplet nouveau.

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Jusque-là, plusieurs indices portent à croire qu’il s’agit d’une chanson folklorique dont l’origine se perd dans la nuit des temps et que tout un chacun modifie à son gré. Pourtant, elle a une origine précise.

Les bibliothèques nationales du Québec (DIS-78/00872) et du Canada (No Amicus 31386757) possèdent un enregistrement sur disque Berliner de cette chanson interprétée par Hector Pellerin, probablement en novembre 1918.

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Le petit conscrit est une « Parodie sur l’air « Sous les ponts de Paris » », la célèbre mélodie que Scotto et Rodor ont composée en 1914. Le nom du parolier, « Loie », est orthographié différemment sur la version papier conservée à la BANQ (789.1599 P4891 1918 MUS) : le document imprimé aux éditions Alfred Nohcor (Rochon) à la même époque donne plutôt « Loïc », et l’éditeur a fourni la même information pour breveter cette œuvre, le 29 juin 1918, tel qu’il apparaît dans les publications officielles (Canadian Patent Office Record et Canada Gazette, 1918, p. 36).

Qui est donc ce « Loïc »?

La clef de l’énigme se trouve dans la chronique de théâtre du Pays le 16 novembre 1918. On y annonce qu’une nouvelle revue musicale, Envoye! Envoye!, prend l’affiche à Montréal, que son auteur, Paul Gury, est inconnu du public comme « revuiste » mais que « tout le monde connaît son talent de chansonnier puisqu’il est l’auteur de la chanson Le petit conscrit et de bien d’autres qui sont devenues si populaires dans toute la province ».

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Paul Gury s’appelle en fait Loïc Le Gouriadec. Né à Vannes (Bretagne), en 1888, il s’établit à Montréal en 1909 où il s’adonne à divers métiers. Inscrit au tout récent Conservatoire d’art dramatique, il entreprend une carrière d’acteur mais le déclenchement de la guerre le ramène en France. Réformé, il revient à Montréal et se fait connaître comme parolier avec Le petit conscrit, La charge des Canadiens et Il est revenu mon soldat, cette dernière éditée à Lowell sous son vrai nom, Loïc Le Gouriadec. Son Petit conscrit aurait été joué dans une revue musicale et dans les salles de cinéma, pendant les « changements de bobines » (http://www.shrn.org/fr/chroniques-historiques/chroniques-shrn/article/le-cinema-a-saint-jerome).

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En 1918, Gury devient directeur du Théâtre National. De 1922 à 1937, il séjourne en Europe. À son retour au Québec, il connaît une carrière prolifique comme metteur en scène, auteur de radio-romans (dont Rue Principale, Leprocès du fils de l’homme, La fiancée du commando et Vie de femmes) et réalisateur des premiers films tournés au Québec dont Le curé du village et Un homme et son péché (1949). Gury est décédé à Montréal en 1974. Il était l’époux d’Yvette Brind’Amour.

A défaut de pouvoir entendre l’interprétation de Pellerin (son disque n’est pas numérisé), voici les paroles originales éditées, probablement en 1918, par Alfred Rochon. On peut écouter la version de Pierre Fournier et de son groupe Break syndical sur Youtube (http://www.youtube.com/watch?v=VvtnoxV7clw). 

LE PETIT CONSCRIT

(Air : Sous les ponts de Paris)

1
À la famille entière,
Le fils fait ses adieux,
Mais pourquoi tant d’misère,
D’angoisse dans les yeux;
Sa vieill’ maman
Longtemps, longtemps,
Le regard’ les yeux pleins de larmes.
Où va-t-il donc,
Le pauvre garçon,
Que son départ caus’ tant d’alarmes?

Refrain 1

C’est un petit conscrit
Qu’on prend à son pays
Parce qu’il faut sur un’ terre lointaine
Encor’ du sang à la guerre inhumaine!
C’est un bien triste sort
D’aller risquer la mort
Si loin des siens, si loin de son pays!
Plaignez le p’tit conscrit!


2
Pensif et solitaire,
Habillé de kaki,
Couché sur de la terre,
La main sur son fusil,
Le jeun’ soldat
Redit tout bas
Un nom de femme, avec tendresse.
Mais, dans ses yeux,
Quel doute affreux
Met tout-à-coup quelle détresse?

Refrain 2

C’est un petit conscrit
Sans nouvell’s du pays.
Il la revoit sa douce Canadienne
Qu’il a quittée voilà deux mois à peine.
Quand on est loin, si loin,
Le doute vous étreint.
N’oubliez pas, fillette, écrivez-lui,
Pensez au p’tit conscrit!

3
Dans la tranchée profonde,
On s’prépare l’assaut.
Ça fait pâlir tout l’monde,
Anglais ou coloniaux.
Le jeun’ soldat
Du Canada
Rest’ ferm’ et sourit d’vant l’orage
Il n’a qu’vingt ans
À pein’, pourtant!
D’où lui vient donc tout ce courage?

Refrain 3

C’est un petit conscrit
Qui, bravement, s’est dit :
« S’il faut mourir, j’veux un’ mort héroïque,
Afin d’montrer à tous ces « Britanniques »
Qu’les Canadiens Français,
S’ils sont d’mauvais sujets,
Ne tremblent pas devant les ennemis
Ils sont de fiers conscrits!


4
Il fut trop téméraire,
Une ball’ l’a touché.
Sur la terre étrangère,
La mort va le faucher.
Adieu, amis,
Adieu, pays,
Adieu beau fleuv’, neiges sereines!
Il dit: « maman »
Et tendrement
Murmur’ le nom d’sa Canadienne.

Refrain 4

Et le petit conscrit
Meurt loin de son pays
Sans bien savoir pourquoi là-bas il tombe,
Aucun ami ne fleurira sa tombe.
Pour remplacer les fleurs,
Gardez dans votre cœur
Le souvenir de tous les p’tits conscrits
Qui meur’nt loin du pays

PS:  il en existe une version légèrement différente sur le site Chez Muse, sans musique (http://gauterdo.com/ref/pp/petit.conscrit.html).

Une motion bizarre

Une proposition fort curieuse a été présentée à l’Assemblée nationale le 16 septembre dernier. Au moment de la présentation des motions sans préavis (celles qui ne sont pas inscrites à l’ordre du jour et qui requièrent l’unanimité pour être traitées sur-le-champ), le whip du gouvernement a sollicité le consentement des députés pour présenter la motion suivante, conjointement avec le whip du PQ et celui de la CAQ :

«Attendu l’exercice de la Commission de révision permanente des programmes gouvernementaux mise en place;

Attendu que l’Assemblée nationale du Québec est souveraine;

Attendu que le Bureau de l’Assemblée nationale exerce une fonction de contrôle et de réglementation ainsi que toute autre fonction que l’Assemblée lui confie;

Attendu que les parlementaires veulent s’assurer de la saine gestion des crédits qui sont accordés à l’Assemblée;

Les membres de l’Assemblée nationale demandent au Bureau de l’Assemblée de se réunir avec diligence afin de procéder à un exercice complet d’évaluation du budget des dépenses de l’Assemblée;

Qu’au terme de cet exercice le président de l’Assemblée dépose un rapport faisant état des commentaires, observations ou recommandations.»

Québec solidaire ayant refusé son consentement, la motion n’a pas été débattue.

Un Bureau encombré

Pour bien saisir de quoi il s’agit, quelques rappels s’imposent :

  • en novembre 2013, un comité de travail présidé par l’ex-juge de la Cour suprême Claire L’Heureux-Dubé propose d’amincir le régime de retraite des élus en échange de meilleures conditions salariales (une augmentation de 88 186 $ à 136 000 $), ce que la CAQ et QS rejettent; en juillet dernier, le premier ministre invite le Bureau de l’Assemblée nationale à se saisir du rapport; le Bureau aurait déjà donné suite au rapport du comité « s’il n’en tenait qu’aux élus libéraux et péquistes, ont soutenu tour à tour le PLQ et le PQ » au Devoir le 20 août;
  • en août, la CAQ annonce qu’un projet de loi sera présenté pour augmenter la contribution des députés à leur régime de retraite qui se situe à 21% actuellement; le PLQ et le PQ expriment leur désaccord (Le Devoir, 21 août 2014);
  • le 25 août, le Soleil publie une analyse démontrant que les 70 députés libéraux occupent une fonction parlementaire qui leur vaut une « prime », la moins élevée étant celle des président de séances et des membre du Bureau (13 493$); le lendemain, la CAQ « dénonce le système de rémunération »; son porte-parole soutient que les libéraux « se cachent derrière le BAN » pour ne pas agir;
  • le 10 septembre, le Journal de Québec « révèle » que les dépenses de l’Assemblée nationale ne seront pas scrutées par la Commission de révision permanente des programmes (Commission Robillard), par respect pour la souveraineté du Parlement  dont l’administration est réglée par le Bureau, comme l’expliquera le président du Conseil du Trésor (Journal de Québec du 11 sept.), une vision que ne partage pas le leader parlementaire de la CAQ;
  • le 13 septembre, Le Soleil révèle que des appels d’offres ont été publiés pour des travaux de 50 millions de dollars à l’Assemblée nationale (dont un agrandissement par l’intérieur de l’Hôtel du Parlement); la nouvelle reçoit « un accueil discret » chez les députés qui ne semblent pas au courant de cette décision prise par le Bureau de l’Assemblée nationale; le chef de la CAQ demande à être convaincu (Soleil, 16 et 17 septembre 2014).

    La mutation du Bureau

    Le Bureau de l’Assemblée est une instance singulière qui ne fait pas souvent la manchette et fréquente peu la place publique.

    Autrefois, l’administration de l’Assemblée nationale était sous la responsabilité du « Comité de régie interne » composé du président de l’Assemblée nationale et de trois ministres désignés par le premier ministre. Cette situation incongrue, où le Parlement se trouvait sous la coupe du gouvernement, est corrigée en 1982 avec la création du Bureau composé du président de l’Assemblée et de députés désignés par les groupes parlementaires. Une indemnité additionnelle est attachée à la fonction de membre du Bureau, sauf si ce membre occupe une autre fonction. C’est évidemment le cas du président et c’était aussi celui des whips qui, à l’origine, se retrouvaient quasi automatiquement membres du Bureau, les questions concernant la condition de député (salaire et avantages sociaux, locaux, etc.) tombant sous leur juridiction.

    Quelque part entre 1982 et aujourd’hui, la composition du Bureau s’est transformée sans faire de bruit. Actuellement, le whip du gouvernement, son adjoint et les whips des deux groupes d’opposition reconnus (PQ et CAQ) sont membres substituts. Les neufs députés qui composent officiellement le Bureau (avec le président) sont de « simples députés », selon l’expression consacrée, sauf deux qui sont vice-président de commission et président de séance (http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/fonctions-parlementaires-ministerielles/membres-bureau-assemblee.html).

    Cette formule permet de répartir les tâches sur un plus grand nombre d’épaules mais aussi d’utiliser efficacement les indemnités additionnelles qui sont attachées aux fonctions parlementaires et qui sont « perdues » quand les whips siègent au Bureau. On se trouve cependant devant un jeu bizarre où les plus « gros frappeurs » sont sur le banc des « substituts » et il n’est pas interdit de penser que les décisions du Bureau sont fixées en coulisses par ces « substituts » avant d’être ratifiées en réunion formelle par « l’alignement de départ ».

    Et la motion?

    Qu’est-ce qui a justifié la présentation de la motion du 16 septembre dernier par les whips des trois principaux groupes parlementaires, tous membres « substituts » du Bureau? S’ils étaient tous trois d’accord (ce qui est rare, comme on l’a vu) pour que le Bureau procède « à un exercice complet d’évaluation du budget des dépenses de l’Assemblée » et fasse rapport, ils n’avaient qu’à passer le message à leurs caucus respectifs, non ? Pourquoi donner un ordre aussi formel qu’inédit, et presque gênant pour les membres du Bureau qui ont l’air insensibles à l’impasse financière de l’État ?

    Et si le Bureau voulait annoncer qu’il avait l’intention de préparait ce genre d’évaluation, n’est-ce pas le président qui en aurait normalement fait l’annonce ?

    À moins que les membres du Bureau ne soient devenus hors de contrôle ? On serait alors en plein roman.

    Ou qu’il ne s’agisse finalement que d’une opération de relations publiques, pour montrer que l’Assemblée nationale va faire sa « juste part » dans l’exercice de compressions budgétaires ?

    « On verra ».

On ne reconnaît plus la chanson

Trop fort casse pas. George-Étienne Cartier avait déjà un monument imposant au parc Montmorency : il aura aussi une plaque expliquant pourquoi il a mérité le titre de « Père de la Confédération », histoire de démontrer, par a plus b, que les Canadiens français ont contribué à la mise en place de ce régime en 1867. (Il n’y a toujours rien dans ce parc fédéral pour rappeler que le premier parlement québécois y a siégé en 1792 mais le premier ministre Harper a peut-être ouvert une porte en déclarant que Québec était le « berceau de la démocratie canadienne ». Tant pis pour les Maritimes qui ont toutes eu leur parlement avant le nôtre (sauf Terre-Neuve) ! Mais qui se surprendra de voir le gouvernement Harper manipuler l’histoire selon le goût du jour ?)

Cartier

Lors du dévoilement de cette plaque, une chorale est venue interpréter « Ô Canada, mon pays, mes amours ! », une œuvre du même George-Étienne Cartier. Quelle heureuse coïncidence ! Le problème est que cette chanson n’a pas été composée pour la Confédération dont on commence à célébrer le 150e anniversaire, mais pour un « autre Canada », celui des survivants de la Conquête, des Patriotes des années 1830 et du « Canadien errant »  (http://gauterdo.com/ref/oo/o.canada.mon.pays.html).

Cartier est encore étudiant en droit mais déjà militant patriote quand il entonne sa chanson, le 24 juin 1834, au banquet qui voit la naissance de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. La Minerve du 29 juin 1835 publie la plus ancienne et la plus longue version connue de cette œuvre qui a été très populaire à l’époque et qu’on chantait encore beaucoup, en version écourtée, « au temps de la Bonne chanson » (ci-dessous), soit au milieu du siècle dernier.

O Canada-Bonne chanson

Le premier couplet est demeuré, à peu près identique à sa version originale :

Comme nous dit un vieil adage,
Rien n’est si beau que son pays,
Et de le chanter, c’est l’usage,
Le mien je chante à mes amis; (bis.)
L’étranger voit avec un œil d’envie
Du Saint-Laurent le majestueux cours,
A son aspect le Canadien s’écrie:
O Canada, mon pays, mes amours. (bis.)

Les deuxième et troisième couplets semblent vite disparus ; le deuxième vantait la géographie du pays et le troisième, les attraits des quatre saisons. Les quatrième et cinquième couplets ont perduré dans de nombreuses versions, mais pas toujours ensemble, ni dans l’ordre initial. Ils évoquent les qualités respectives du Canadien et de la Canadienne :

Le Canadien, comme ses pères,
Se plaît à rire, à s’égayer.
Doux, aisé, vif en ses manières,
Poli, galant, hospitalier,
A son pays il ne fut jamais traître,
A l’esclavage il résista toujours,
Et sa maxime est la paix, le bien-être
Du Canada, son pays, ses amours.

Chaque pays vante ses belles,
Je crois bien que l’on ne ment pas,
Mais nos Canadiennes comme elles
Ont des grâces et des appas;
Chez nous la belle est aimable, sincère,
D’une Française elle a tous les atours,
L’air moins coquet, pourtant assez pour plaire,
O Canada, mon pays, mes amours !

Le sixième enfin se lisait ainsi, à l’origine :

O! mon pays de la nature
Vraiment tu fus l’enfant chéri,
Mais d’Albion la main parjure
En ton sein, le trouble a nourri;
Puissent enfin tous tes enfants se joindre,
Et valeureux voler à ton secours!
Car le beau jour déjà commence à poindre…
O Canada, mon pays, mes amours.

Ce dernier couplet éminemment politique est généralement « oublié », ce qui fut le cas samedi dernier; quand il subsiste, dans les transcriptions ou les interprétations, la troisième ligne se lit maintenant « Mais l’étranger, souvent parjure », sans qu’on puisse dire de quel « étranger » on parle exactement : des immigrants, des espions, des communistes?

Chose certaine, quand Cartier a écrit « le beau jour déjà commence à poindre… »  (avec ses points de suspension), au plus fort des revendications patriotes, il ne parlait évidemment pas de la Confédération.

Lettre ouverte à monsieur Lucien Bouchard

En écoutant le reportage que Télé-Québec vous a consacré le 25 août, on pouvait aisément se mettre à penser qu’il s’agissait d’un témoignage utile pour l’enseignement de l’histoire du Québec.  Dans la dernière décennie du XXe siècle, vous y avez joué  un rôle de premier plan et vos propos ne pouvaient manquer d’émouvoir l’auditoire, tout en l’éclairant sur une période-clé de son histoire. Le charme a malheureusement été rompu quand vous avez évoqué l’affaire Michaud. Vous avez alors répété à Yves Boisvert à peu près exactement ce qu’un extrait d’archives venait de nous montrer, c’est-à-dire que vous n’étiez pas intéressé à discuter si les Québécois ont souffert autant, plus ou moins que les Juifs, comme s’il s’agissait là de la grande préoccupation d’Yves Michaud que vous avez fait condamner injustement par l’Assemblée nationale, le 14 décembre 2000. On aurait pu croire que cette entrevue-bilan serait l’occasion de faire amende honorable. Au contraire.

Il faut rappeler le texte de cette motion : « Que l’Assemblée nationale dénonce sans nuance, de façon claire et unanime, les propos inacceptables à l’égard des communautés ethniques et, en particulier, à l’égard de la communauté juive tenus par Yves Michaud à l’occasion des audiences des États généraux sur le français à Montréal le 13 décembre 2000 ».

Il a été clairement démontré depuis que le témoignage d’Yves Michaud aux États généraux ne comportait absolument rien de semblable ni rien de négatif à l’égard des Juifs. Je ne serais pas gêné de citer mon livre intitulé L’Affaire Michaud : chronique d’une exécution parlementaire (Septentrion, 2010) ─ puisque c’est le seul sur le sujet, et que personne n’en a contredit une ligne publiquement ─, mais il faut surtout mentionner qu’après la publication de cette étude une cinquantaine de vos députés ont reconnu avoir fait une erreur en appuyant aveuglément cette motion.

Mieux encore, celui qui en était le co-auteur, André Boulerice, a lui-même présenté ses excuses à Yves Michaud, par l’intermédiaire de votre ancien collègue Paul Bégin, en lui précisant ceci dans un courriel du 26 janvier 2011 : « Il appert, des différents documents portés à ma connaissance, que les propos de M. Michaud avaient été inventés ou interprétés vraisemblablement dans le but de tromper ou de provoquer une vive réaction émotive. L’opposition libérale d’alors ou certains de ses affidés a (ont) vraisemblablement agi par intérêt bassement partisan. On disait de Talleyrand que «  l’ambition se nourrit des matières les plus viles comme des plus nobles », il en est de même des fédéralistes dans leur quasi-haine des indépendantistes  » ».

Le co-auteur de la motion a ainsi reconnu qu’on a construit une « preuve » pour exécuter Yves Michaud. Si l’Assemblée avait respecté la plus élémentaire justice, en citant les « propos inacceptables » qu’elle voulait dénoncer, on aurait vite réalisé que l’acte d’accusation était sans fondement. Mais il fallait agir en vitesse, avant que la presse ne réagisse; vous étiez dans une période difficile, excédé, irrité, et de plus en plus frustré de vous être « embarqué » en politique, comme l’émission de Télé-Québec nous l’a bien fait comprendre. On connaît la suite.

Monsieur Boulerice a été trompé et vous l’avez été. C’est humiliant mais pas déshonorant. Personne ne vous demande d’organiser des retrouvailles avec Yves Michaud, ni même de refaire l’exégèse des « propos », ou de retracer ceux qui vous ont trompé. Reconnaître que l’Assemblée nationale n’a pas procédé de façon équitable, qu’elle s’est prononcée sans s’être informée sérieusement au préalable, serait cependant la moindre des choses. On effacerait ainsi une motion honteuse, l’une des rares de notre plus fondamentale institution, celle qui a fait en sorte qu’un individu soit « exécuté sur la place publique sans, d’une part, avoir eu la chance de se défendre et, d’autre part, sans même que les raisons de sa condamnation aient préalablement été clairement exposées devant ses juges, les parlementaires », comme l’écrivait l’honorable Jean-Louis Baudouin, dans une étonnante conclusion du jugement de la Cour d’appel, le 8 juin 2006.

À défaut d’enthousiasme, il y aurait de l’honneur.

Le (dé)Boisé du Parc-Falaise

Les tronçonneuses de la rue Barrin et de Quatre-Bourgeois ont détourné l’attention des autres « développements densificateurs » qui massacrent les arbres de Québec.

Entre la côte du Verger et la rue de Bruyères s’étendait encore l’an dernier un boisé dont « Terre Google » va nous rappeler le souvenir, jusqu’à sa prochaine mise à jour.

Parc-Falaise avant

Dans le coin droit du boisé, qui était borné par l’avenue du Parc-Falaise, on pouvait à peine voir le début d’une allée et imaginer qu’il y avait une maison quelque part au cœur de cette immense propriété. Impossible de voir quoi que ce soit de l’avenue qui était bordée du côté sud par un mur végétal.

Le boisé du Parc-Falaise est aujourd’hui pratiquement disparu. Une rue a été ouverte à peu près au centre pour y construire plusieurs propriétés.

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Entre cette nouvelle rue et la côte du Verger, les arbres (sauf un!) ont été remplacés par ceci :Falaise1

Et de l’autre côté, il en reste deux en façade et quelques-uns plus loin… mais il reste aussi des maisons à construire. Les arbres sont coupés progressivement. C’est quand même une délicate attention.

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Ce qui s’est passé dans le (dé)boisé du Parc-Falaise, à deux pas de la résidence du maire de Québec, préfigure ce qui va arriver plus à l’est, dans les propriétés patrimoniales de Sillery.

Pensez-y…

PS : La nouvelle rue porte le nom de Léon Dion, fameux politicologue de stricte obédience fédérale, qui s’avoua un jour « fédéraliste fatigué ». Il s’agit d’un cul-de-sac (la rue..) qui se termine par un rond-point. Rendu au bout, il n’y a pas d’autres solutions que de tourner en rond, indéfiniment, ou de revenir au point de départ. Ça ne s’invente pas.

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