Dans le Devoir du 29 juillet, Christian Rioux a publié une analyse acide du comportement de nos médias lors du passage des Metallica, U2 et autres Sir Paul au Québec (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/328349/comme-les-americains).
Quelques extraits :
« À Paris, à Rome ou à Berlin, ces grandes productions passent plusieurs fois par année. Mais elles font rarement la une des médias généralistes. On en parle évidemment dans les pages culturelles et les médias spécialisés.
Ici, dès qu’une grande vedette anglo-saxonne débarque, le grand chœur des colonisés se répand en courbettes. C’est comme si Metallica nous faisait une faveur inestimable. Comme si les nouveaux dieux nommés Bono ou Lady Gaga nous avaient désignés comme le nouveau peuple élu. Que Sir Paul prononce quelques mots en français sur scène et c’est le délire. Voilà qu’une armée de chroniqueurs et d’animateurs le remercient d’avoir daigné parler la langue de l’autochtone […].
Partout où il va, Paul McCartney prononce quelques mots en allemand, en chinois ou en slovène, et cela n’étonne personne. Sauf ici, où nous avons poussé le mépris de nous-mêmes jusqu’à ne plus juger de notre réussite culturelle qu’à l’aune du regard des autres ».
Les observations de Rioux auraient pu s’appliquer aussi au « Kate and William Tour » qui a suscité le même genre de réactions. Quelques jours plus tard et il aurait pu ajouter le cas Rod Stewart. Sept pages dans le Journal de Québec ce matin, onze dans Le Soleil ! « Full front pages » incluses, comme ils disent. On sait tout : ce qu’il portait, ce qu’il a mangé et bu, la marque et la couleur de la voiture, et ce que son groupe a visité, soit les chutes et un magasin Super C. ! Et dire que le spectacle semble avoir été moyen, selon la critique du Soleil . Daniel Gélinas aurait commenté brièvement : « C’est un bon artiste »… Et nous n’avons pas de réaction du maire. ..
Stewart n’a pas parlé de Lévis mais aurait dit en français « fantastique », une fois, mais c’était peut-être plutôt … « fantastic ». Peut-être connaît-il les Denis Drolet (http://www.youtube.com/watch?v=nliLWKaH0lQ). N’est-ce pas réconfortant?
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Métallica et le drapeau du Québec
Selon des informations confirmées par des spectateurs, le drapeau brandi par le bassiste du groupe Metallica en fin de spectacle (http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/festival-dete/201107/18/01-4418987-metallica-photos-de-famille.php) était « l’oeuvre » d’un admirateur. Une partie des commentaires émis dans la note d’hier n’est donc pas appropriée, et la note elle-même perd sa cohérence, d’où sa suppression.
« Bonsoir, ils sont… partis! »
Était-ce un défilé de mode, une tournée de promotion, un test de « couronnabilité » effectué sur des sujets lointains? Difficile de conclure que la « mission » ou « l’opération » est réussie, comme l’ont écrit Gilbert Lavoie et André Pratte, et comme l’a proclamé Benoît Pelletier, quand on n’en connaît pas le but?
S’il faut en croire la presse britannique, William et Kate auraient fait preuve de courage en s’embarquant dans la frégate « sailing up the St Lawrence river to Quebec City, traditionally the centre of the separatist movement ». Passons sur l’ignorance du Guardian en politique (Québec, foyer séparatiste!!!) et en géographie (« sailing UP to Québec »!); il demeure que les futurs biographes royaux auront besoin de tout leur esprit critique lorsqu’ils utiliseront les vieux journaux anglais.
Que penseront-ils des nôtres, sinon qu’ils étaient complètement subjugués (i.e. « sous le joug ») dès que Kate souriait ou que William roulait ses manches, que le couple prenait la peine de visiter un hôpital ou une maison de jeunes, comme si ce n’était pas que le minimum du convenu pour les « royals » et leurs représentants dans les anciens « dominions ». Dans l’ouest, on a noté des regards amoureux : pas trop étonnants pour de jeunes mariés. Dans l’est, Williams a fait amerrir son hélico en compagnie d’un moniteur: grosse affaire pour quelqu’un dont c’est le métier, comme un taxi qui « parquerait son char dans le trafic » au centre-ville. Notre presse s’est ébahie particulièrement quand le prince a parlé français à Québec, comme s’il s’agissait d’un exploit olympique, alors qu’il a bien péniblement lu quelques lignes de banalités (comme souligner la bravoure du 22e, et la joie de vivre des Québécois…), 110 mots qu’il avait eu toute la nuit pour examiner. Personne n’a souligné qu’on était loin du français que parlait sa grand-mère à son âge, comme en témoigne le film de son voyage à Québec en 1951.
La bravoure du petit couple aurait consisté à tenir une conférence de presse (une seule) pour expliquer le but sa mission au Canada. Quelqu’un aurait pu demander au prince héritier comment on appelle un pays dont le chef est le souverain régnant d’un autre État, sinon une colonie. Mais on rêve : les princes ne s’abaissent pas à communiquer avec leurs sujets, sauf pour leur faire des « tatas », serrer des mains à l’occasion (lorsqu’il y a autant d’agents derrière eux que derrière la ligne des admirateurs triés sur le volet), parler « de la maternité et de la tarte aux pommes », comme ils disent, dans des atmosphères strictement contrôlées. Encore aurait-il fallu qu’un journaliste ait le front de poser la question. Or, nos journalistes les plus sérieux ont succombé, comme l’écrivait Mario Cardinal dans Le Devoir : « la télévision de Radio-Canada a complètement perdu la mesure ». À RDI, Marc Laurendeau a entrepris de nous démontrer qu’une monarchie constitutionnelle est plus démocratique qu’une république! Alain Dubuc (La Presse) et Donald Charrette (Journal de Québec) nous ont invités à nous résigner au statu quo, vu qu’il serait trop difficile de supprimer la monarchie… Et on ne parle pas ici de jeunes journalistes dépourvus de repères historiques et politiques.
Du côté des politiciens, le ravissement a été tout aussi général, mis à part Amir Khadir, les péquistes et les bloquistes (qui ont d’autres préoccupations). Plusieurs, dont le ministre responsable de la région de Québec, ont résumé leur vision en disant que c’était « bon pour Québec », ce qui n’est pas fondamentalement différent du point de vue de Khadir qui comparait le couple princier à de « bêtes de cirque » en tournée. Il a retiré cette dernière expression, mais n’en pensait pas moins : si c’est une question de promotion touristique, louons-les à tour de rôle. Et n’oublions pas les régions : Princeville, Windsor, Katevale, Saint-Régis…
Ce qui s’est avéré particulièrement paradoxal la semaine dernière fut de lire des chroniques (comme celle de Dubuc, de La Presse) qui ont à la fois réprouvé les manifestants antimonarchistes ET souligné que les Québécois sont à quelque 60% contre la monarchie. Au fond, les vrais courageux dans cette affaire sont les membres du RRQ qui ont choisi de dire ouvertement ce que pense la majorité des Québécois, envers et contre tous ceux qui les ont vilipendés dans les semaines qui ont précédé la visite. Ils ont été beaucoup plus honnêtes que les députés néodémocrates de la région de Québec qui ont fait des pieds et des mains, voire de la gueule, pour figurer devant les « kodaks » alors que le programme de leur parti prône l’abolition de la monarchie! Certains observateurs ont minimisé l’importance de la banderole déployant un « Vive le Québec libre » au moment où le prince lisait son boniment. Reconnaître que la RRQ avait réalisé un coup astucieux aurait témoigné d’un « fair play » qu’on dit britannique : faut croire qu’ils ne sont pas complètement colonisés.
Le « petit couple princier » et l’identité québécoise
« Toute comparaison cloche », dit-on. Celle que Pierre Champagne a faite dans une lettre ouverte au Soleil (« Élément de notre identité » 26 juin) entre la visite de Grace de Monaco avec celle du « petit couple princier » sonne comme une cloche fêlée.
Grace de Monaco est venue à Québec comme invitée du Carnaval de Québec, et non en visite officielle auprès des gouvernements. Et il ne faut pas se leurrer : elle ne serait jamais venue sans le lien d’amitié qui l’unissait à l’épouse (américaine) du maire Lamontagne, son ancienne compagne de classe à Philadelphie. On n’a pas revu de têtes couronnées avec Bonhomme par la suite, sauf la reine du Carnaval.
Il y a aussi, et surtout, une différence notable entre la monarchie d’opérette monégasque et la monarchie britannique, aujourd’hui réduite à un symbole, bien sûr, mais quand même « inoubliable » dans les rôles qu’elle a joués de Champlain à nos jours, en passant par la Conquête, la répression des troubles de 1837 et la proclamation par Elizabeth II d’une constitution adoptée en l’absence du Québec. William de Cambridge est né deux mois plus tard, en juin 1982, mais il sait que cette constitution bancale confère toujours juridiquement à sa grand-mère le rôle de chef d’État (du Canada et du Québec) et qu’il pourrait lui succéder plus vite qu’on pense. On est loin de Grace Kelly !
Sylvain Lelièvre chantait « Y en a qui s’en souviennent, d’autres qui s’en souviennent pas », et, pour ces derniers, il existe des manuels d’histoire. Mais il disait, plus loin, « y en a qui s’en souviennent, d’autres qui préfèrent mieux pas », et, pour ceux-là, il n’y a rien à faire.
(Lettre expédiée au Soleil le 26 juin)
Dans l’ombre de l’amphithéâtre
Pendant que le « bill » 204 et la crise qui s’ensuivit monopolisaient l’attention, quelques autres dossiers sont restés dans l’ombre.
Le « Québec Summer Festival »
Le Festival d’été a rendu public sa programmation 2011, sans trop d’ostentation, et on y trouve plus de contenu francophone que l’an dernier. « Les Québécois font un retour en force sur les plaines d’Abraham », écrit le journaliste du Journal de Québec. « Les artistes québécois seront à l’honneur 4 soirs sur 11 », ajoute Le Soleil. N’est-ce pas exactement ce que souhaitait un certain groupe l’an dernier ? On a pourtant traité les signataires de « ringuards ». Le Parlement s’est même ému de cette « dangereuse » contestation en adoptant à la vapeur une motion félicitant le Festival d’été pour sa programmation, programmation qui n’était même pas complète !
Le virage effectué cette année démontre que les signataires de cette lettre avaient raison de sonner la cloche. Faut-il pour autant remercier Daniel Gélinas à genoux ? Attendons de voir si la « correction » se poursuivra et comment le Festival d’été remplira sa mission qui consiste à organiser « une fête des arts de la scène et de la rue valorisant la chanson francophone et les projets de création, tout en étant ouverte au reste de la production culturelle dans le monde et à la découverte ».
Le « bill » des Bronfman
Pendant qu’on discutait du 204 au Salon rouge, le 205 occupait une autre commission mais peu de journalistes s’y sont intéressés. Ce projet « concerne certains actes de donation de Samuel Bronfman » et vise à faciliter une répartition des fiducies familiales contenant des milliards.
Transférer de l’argent dans une fiducie procure des avantages aux riches. La fiducie permet de faire du fractionnement de revenus au sein d’une famille. Un homme d’affaires peut ainsi partager ses revenus avec sa femme et ses enfants pour éviter d’être le seul contribuable imposé sur ces revenus. Les fiducies permettent d’éviter de payer de l’impôt sur les gains en capital. « Dans les années 1940, les gens fortunés créaient des fiducies familiales qui étaient, en quelque sorte, éternelles. Elles ne payaient jamais d’impôt sur le gain en capital. Aujourd’hui, c’est impossible!», a expliqué la fiscaliste Brigitte Alepin.
Le projet de loi 205 vise des fiducies créées en 1942 par le montréalais Samuel Bronfman, alors patron de Seagram, au bénéfice de ses descendants mais seulement deux générations peuvent en profiter. Selon un expert consulté par la chaîne Argent, de nouvelles fiducies (moins avantageuses) doivent être créées pour qu’une troisième génération jouisse du capital protégé par une fiducie.
Le député péquiste François Rebello a demandé quel était l’impact fiscal du projet de loi au Québec et au Canada. On lui a répondu qu’il n’y avait pas d’impact au Québec. Peut être pas. Mais ailleurs?
On sait que le ministère fédéral du Revenu a autorisé dans les années 1990 le transfert aux États-Unis d’une fiducie familiale des Bronfman, une opération qui avait été vivement critiquée par le vérificateur général du Canada car elle avait fait perdre quelque 700 millions de dollars au gouvernement canadien. D’après La Presse, « ce sont les cours américaines qui devront interpréter les fiducies, mais selon les lois québécoises. C’est pourquoi on veut dissiper tout doute [tiens, tiens, comme dans le « bill 204…] pour les cours américaines sur le pouvoir d’Edgar Bronfman Sr de disposer de ses actifs entre ses descendants ». Autrement dit, l’Assemblée nationale pourrait faciliter d’autres économies. Et si le but ultime était d’étendre les privilèges des vieilles fiducies à la jeune génération?
Devant les questions posées par le député Rebello, l’avocat de la famille Bronfman a demandé que l’étude du projet soit repoussée à l’automne. Reviendra-t-elle?
Et la carte…
Comme il n’y a pas eu de consensus entre le gouvernement et l’opposition sur une nouvelle façon de redessiner la carte électorale, c’est la proposition du Directeur général des élections qui devrait s’appliquer aux prochaines élections générales. Selon ce projet, la circonscription de Kamouraska-Témiscouata disparaîtra, ainsi qu’une autre dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie et une troisième dans la Beauce. Trois circonscriptions naîtront dans la région de Montréal.
Dans l’illusoire perspective de trouver de nouveaux critères pour découper la carte en évitant de supprimer des circonscriptions rurales tout en respectant la démocratie, le gouvernement avait suspendu les pouvoirs du DGE. Y a-t-il vraiment un observateur sérieux qui a cru en cette manœuvre qui visait surtout à pelleter le problème en avant au moment où une élection partielle s’annonçait dans une des circonscriptions condamnées? Le premier ministre avait invité les partis à lui faire des suggestions! C’était bien le signe qu’il n’y croyait pas lui-même.
Son gouvernement a bien présenté le projet de loi 19 qui prévoit leur maintien des trois circonscriptions rurales mais c’est une solution « temporaire ». Le Parti québécois propose une solution « durable » mais elle a le « malheureux » défaut de créer deux classes de citoyens. Est-on surpris? Pour parodier la pub bien connue, « si des critères (magiques) existaient, on les aurait! »
C’est bien dommage pour les régions mais on ne peut faire fi ni de la démocratie ni de la démographie. La Loi électorale n’est pas un programme de développement régional et, sauf le respect que l’on leur doit, les députés ont un impact très mince sur la richesse de leurs circonscriptions. L’est du Québec a été, presque de tout temps, surreprésenté au Parlement. Dans le cabinet Johnson, il y avait trois ministres côte à côte sur la… Côte-du-Sud (Bellechasse, Montmagny, L’Islet). Est-ce que cela a marqué son essor?
L’avenir de régions tient à autre chose, dont une réelle volonté du gouvernement. Et peut-être aussi aux difficultés de la région métropolitaine où la qualité de vie pourrait bien perdre de l’attrait dans les prochaines années. Le bonheur sera peut-être de plus en plus dans le pré.