Tous les articles par Gaston Deschênes

À la manière de Rémi Tremblay (qui aurait sûrement fait mieux !)

Il fut un temps où les journalistes se plaisaient à décrire l’actualité en parodiant des chansons populaires, à la mode ou folkloriques. Rémi Tremblay (1) (1847-1926) en a commis de fameuses dans Le Canard et La Presse (hé, oui !), comme Le ministère des veaux, Nos grands hommes, ou encore Le chant des libéraux, dont la thématique s’apparente à une œuvre récente de Loco Locass. Ses pièces étaient souvent légères, et sans prétention littéraire, mais il en produisit de plus tragiques, comme Aux Chevaliers du nœud coulant (allusion aux bourreaux de Louis Riel…) qui lui fit perdre son poste de traducteur aux Communes.
La mode s’est perdue. C’est dommage. Il ne manque pourtant pas de sujets pertinents. En m’envoyant un couplet inspiré de la plus brûlante actualité, un ami poète m’a donné l’idée de renouer avec le genre que pratiquait si habilement Tremblay.
En lisant le titre, on devinera la chanson parodiée, bien connue des Québécois (2) qui l’ont apportée de France où elle s’appelait Sur la route de Louviers. Aristide Bruant l’a enregistrée il y a exactement 100 ans (http://www.lehall.com/galerie/travail/t3_3.html) .
Et, d’avance, excusez-la !

La déroute de Berthier (3)

1.
Prenez l’temps de vous asseoir (bis)
Pour écouter cette histoire. (bis)
C’est arrivé (bis)
Lundi passé, (bis)
La dernièr’ fois qu’on a voté
Dans Berthier-Maskinongé.

2.
Dans ce « beau et grand comté », (bis)
Jack Layton était peiné (bis)
Il n’avait pas (bis)
De candidat. (bis)
Qu’importe : il a tout réglé ça
Dans un bar à Ottawa.

3.
Mais la recrue, sans espoir, (bis)
Est restée à son comptoir, (bis)
Sauf un répit : (bis)
Elle est partie (bis)
Tenter de gagner le jackpot
Au lieu d’faire du porte-à-porte.

4.
Les électeurs de Berthier (bis)
Ont vu Jack à la télé. (bis)
Ils l’ont trouvé (bis)
Tell’ment chummy (bis)
Qu’ils ont voté sans trop penser.
Un banc de maskinongés !

5.
Quand notre télé d’État (bis)
Leur apprit les résultats, (bis)
Ils ont compris (bis)
Un peu contrits (bis)
Que les poteaux de téléphones
À Berthier sont anglophones.

6.
Les jours passent, le chef refuse (bis)
De répudier sa recluse : (bis)
« Faut pas y voir (bis)
La fill’ d’un soir. (bis)
Elle aura le dossier Labeaume
Dans mon cabinet fantôme ».
—————-
1. Jean Levasseur a publié une remarquable anthologie de ce journaliste-écrivain, Aux chevaliers du nœud coulant, Québec, PUL, 2007, 534 p.
2. On peut trouver la version québécoise à plusieurs endroits sur la Toile avec (http://gauterdo.com/ref/ss/sur.la.route.berthier.html) ou sans (http://www.youtube.com/watch?v=Vh-2TD6_qnM) paroles.
3. Au sens figuré, situation catastrophique (Larousse).

Yes, he « canne » !

L’incident est passé inaperçu, justement parce qu’il n’a duré qu’un instant : Jack Layton a gravi prestement les marches qui menaient à la tribune en fin de soirée lundi. Sans aucune hésitation. Tout en brandissant sa canne. La soirée électorale n’était décidément pas à court de miracles. Ni les faiseurs d’images qui ont visiblement étiré la vie utile de cet accessoire sympathique.
Sur le lutrin, un slogan « bilingue », « Canadian leadership/Travaillons ensemble », typique des traductions qu’on pratique à l’occasion à Ottawa quand il faut parler simultanément des deux côtés… de l’Outaouais.
Dans son discours, la portion congrue pour le Québec qui venait, pratiquement seul (le bilan des gains et pertes hors Québec étant pratiquement neutre) de le hisser au rang de chef de l’Opposition officielle. Pas un mot sur les « conditions gagnantes » mais une kyrielle de promesses (comme si la campagne se poursuivait…) dans plusieurs champs de compétences québécoises. Le message, comme la canne, n’avait pas été reformaté.
Le lendemain, questionné sur l’unilinguisme de sa représentante dans Berthier-Maskinongé, le chef du NPD a promis main sur le cœur que son Anglaise allait améliorer « sa française ».

Échos de la campagne profonde

Le péché originel
On se moquait autrefois de la fixation de Duplessis sur les communistes; il en voyait dans les synficats et les coopératives, ou sous le pont de Trois-Rivières, voire dans les oeufs importés de Pologne. À Québec, le communiste des années cinquante est devenu le « radical », nouvel épouvantail, et, à Ottawa, la « coalition » est dénoncée comme un nouveau péché.
À l’époque où les dirigeants politiques avaient de la culture historique (et avant que notre système politique ne soit perverti par les partis politiques modernes), on savait que les coalitions n’avaient rien d’exotique. C’est une coalition qui donne naissance au Parti conservateur (eh! oui) en 1854 mais le meilleur exemple survient en 1864. Je cite l’Encyclopédie Canadienne (http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0003424):
« C’est en raison de l’instabilité et de l’impasse politiques qui prévalent dans la province du Canada au début des années 1860 qu’est créée la Grande Coalition de 1864-1867. Les dangers extérieurs que pose la Guerre de sécession aux États-Unis se conjuguent à l’impasse politique pour imposer des changements radicaux. L’union des deux Canadas étant un échec, les chefs politiques sont prêts à mettre de côté leurs vieilles querelles politiques pour créer un ordre politique nouveau. George Brown, chef du Reform Movement, propose qu’un comité parlementaire regroupant des membres provenant de tous les horizons politiques se réunisse pour essayer de dénouer l’impasse. Ce comité en vient très vite à la conclusion que la meilleure solution est une confédération de l’Amérique du nord britannique ou l’union fédérale des deux Canadas. Brown réagit rapidement au rapport en se joignant à une coalition avec les conservateurs en vue de créer une nouvelle union (annoncé au Parlement le 22 juin 1864). Ainsi est formée la Grande Coalition sous le leadership de Brown, de George-Étienne Cartier et surtout de John A. Macdonald. Cette coalition bénéficiant d’un appui généralisé réussit remarquablement à atteindre ses objectifs primordiaux : la fin de l’impasse politique et la création d’une nouvelle entité politique. Ce gouvernement de coalition de la Province du Canada est resté à peu près intact jusqu’à la Confédération ».
Non seulement le Parti conservateur mais le Canada est né d’une coalition réunissant les libéraux (Clear Grits) et les conservateurs du Haut-Canada avec les conservateurs du Bas-Canada (Bleus comme anglophones), et laissant les Rouges du Bas-Canada, héritiers des patriotes, dans leur coin.
Et personne n’aurait même songé à mettre en doute sa légitimité.
Le « gros cave » de Chambly-Borduas
L’humoriste Mercier donne un très mauvais spectacle dans Chambly-Borduas. Il se porte candidat mais ne veut pas être élu ; il dénonce la situation politique mais promet de ne rien changer. Comme incohérence, on peut difficilement trouver mieux. S’il avait utilisé la moitié de sa notoriété pour inciter les jeunes à voter (comme l’a fait le groupe Arcade Fire, par exemple), il aurait pu apporter une contribution utile.
Cette pitrerie promotionnelle lui mérite plusieurs articles dans les journaux dont une demi-page de Nathalie Pétrowski qui croit y voir un engagement dans l’action… Allons donc! Il crée un amusement. S’il en veut à Coderre, pourquoi se présenter dans Chambly-Borduas? Dans ce dernier comté, il y aura plusieurs candidats. Les citoyens ont un choix. Ce sont tous des pourris? Même ceux qui n’ont jamais été au pouvoir?
Si ce n’est pas entretenir du cynisme, je me demande bien ce que c’est. Ces mascarades déprécient le processus politique.
Et l’autre, là, dans Portneuf?
Les électeurs/trices de Portneuf reconduiront-ils/elles leur conducteur d’autobus à Ottawa?
Cet homme se désintéresse totalement de la fonction de député mais se porte à nouveau candidat et, de toute évidence, il aura encore une pluralité des voix. C’est à désespérer de son sens éthique et de celui de ses admirateurs/trices. Mes excuses aux gens de Portneuf.
Promesse 101
Couper les campagnes électorales de 20% serait la plus élémentaire des économies.

Une « tablette » et un bon « boss »

Jacques Demers a suscité une immense sympathie quand il a dévoilé qu’il était analphabète. Certains l’ont trouvé moins drôle quand il a accepté un siège de sénateur. Paraît qu’il allait se servir de son poste pour défendre de bonnes causes, dont on ne s’est pas trop inquiété des détails… Le même refrain qu’un autre sénateur issu du showbizz — celui qui donnait le LA dans un désormais regretté duo — a entonné pour finalement arriver au bout de son âge en se demandant, comme on l’a deviné dans ses commentaires, ce qu’il était allé faire dans cette galère (heureusement rémunérée).
En fait, la nomination-surprise d’un analphabète devenu vedette du petit écran, et certes inattaquable — rectitude politique oblige –, a servi à occulter la nomination en douce de huit proches partisans du premier ministre.
Le nouveau sénateur a commencé sa carrière… par une longue absence, retenu au micro par son poste de commentateur sportif. L’histoire ne dit pas quand il est entré sur la liste de paye mais il s’est ensuite retrouvé sur la liste des blessés, ce qui a réduit son temps de glace, et l’a tenu loin du sommaire. On lui connaît une intervention très human interest, et préparée avec l’aide d’une collègue, sur la journée de la femme et une déclaration sur l’affaire Chara. Ce serait tout pour sa première saison, euh!, … session.
Depuis la fin de la session, en bon « employé », il multiplie les présences pour appuyer son « patron » dans les éliminatoires, euh !, les élections. Car c’est ainsi qu’il perçoit son rôle, selon ce qu’on a pu entendre dans une entrevue reproduite au Sportnographe le 15 avril dernier : « Le grand patron a décidé […] nous sommes des employés et ces employés sont mis en ligne et on suit le chemin et c’est tout ». Paraît que ce n’est pas « politique », son travail consistant à présenter des candidats qui sont de « bonnes personnes ». Naturellement.
Voilà, en toute naïve simplicité, comment fonctionne le parlement moderne. On dit généralement, et plus pudiquement, que ce sont des « membres du parti » qui suivent les consignes de leur « chef » mais pourquoi ne pas dire les vraies choses, si tant est qu’on en comprenne le sens et la portée ?

Harper et son drapeau bâtard

Le drapeau que Stephen Harper utilise comme fond de scène est un fleurdelisé bâtard.
Drapeau-Harper.JPG
Sur un fleurdelisé normal (voir ci-dessous), l’espace entre le bras vertical de la croix et la fleur de lis est égal à la largeur de la fleur. Cet espace est beaucoup plus grand sur un bâtard qui est fabriqué selon la norme du drapeau du Canada (1:2), donc plus long.
img-proportions-drapea.jpg
Les fleurdelisés bâtards sont légion; on en trouve même devant des édifices du gouvernement du Québec (https://blogue.septentrion.qc.ca/wp-content/uploads/archives/gastondeschenes/2009/07/les_fleurdelises_batards_1.php). On ne s’étonnera donc pas de voir le gouvernement fédéral en utiliser; ce n’est pas la première loi québécoise qu’il ne respecte pas..