Tous les articles par Gaston Deschênes

Les poissons ne sont pas tous dans le Bowl

Dans un texte publié par Le Soleil le 29 juillet (« Affichage commercial: l’anglais s’impose à Québec »), Annie Morin a montré comment l’affichage commercial contourne la Charte de la langue française. « Le marchand de vêtements Urban Outfitters s’installera bientôt rue Saint-Joseph, écrit-elle, dans le quartier Saint-Roch, non loin de Mountain Equipment Co-op. Pendant ce temps, Old Navy, American Apparel, The Children’s Place et Feetfirst prospèrent dans les centres commerciaux de Sainte-Foy ».
La loi 101 a beau réglementer l’usage du français dans l’affichage public et la publicité commerciale, l’Office québécois de la langue française (OQLF) est impuissant lorsque les noms d’entreprises sont enregistrés comme marques de commerce. Les multinationales, surtout américaines, se surpassent « pour créer une marque qui résiste aux particularités régionales et qui est donc plus facile à implanter ».
Une publicité du même journal nous apprenait en juin qu’on pouvait trouver, « enfin chez nous! », plus précisément à Lévis, un restaurant FISH BOWL. Comment avons-nous pu nous en passer si longtemps?
Encore un multinationale genre McDo, Eastside Mario’s, et autres Tao’s? Non, deux petites Cantin franco-ontariennes ont choisi ce nom pour leur premier restaurant établi à Barrie (http://www.restaurantsfishbowl.com/fr/main-nav/historique/). Elles en ont ensuite ouvert deux autres succursales en Ontario (Sudbury et Timmins) puis une quatrième à Lévis cette année.
Pourquoi Lévis? C’est le berceau des premiers Cantin au Canada.
N’est-ce pas émouvant?
Comme le veut le dicton bien connu, « on n’est jamais si bien (as)servi que par soi-même ».

Primes de luxe

La Ligue des contribuables s’est une autre fois manifestée, à juste titre, à la suite de la démission du ministre de la Sécurité publique qui quitte, à mi-mandat, avec une « allocation de transition » de quelque 150 000$, en attendant un premier chèque de pension qui ne tardera pas, tout comme l’annonce de nouvelles fonctions bien rémunérées. Bref, triple parachute.
L’allocation de transition, rappelons-le, a été créée par la loi qui a rendu la pension moins accessible, en 1982, en reportant l’âge minimum à 55 ans. Comme son nom l’indique, cette allocation devait aider à se « r’virer d’bord » les députés sortants qui ne seraient pas admissibles à la pension ou trop jeunes pour la toucher. À l’époque, quelques députés s’étaient trouvés dans des situations difficiles, incapables de se replacer sur le marché du travail ; dans un élan d’humanité, et de grande générosité, le législateur a rendu la mesure universelle, applicable même quand le besoin n’a rien d’évident, notamment quand la transition consiste à… prendre sa retraite !
D’après une dépêche émise par la Presse canadienne le 9 août, le premier ministre s’est contenté « d’affirmer que ce sont les règles de l’Assemblée nationale qui s’appliqueraient, tout simplement »; le démissionnaire, aurait-il déclaré, « s’est dévoué de manière exceptionnelle au service de ses concitoyens ». Ceci justifiant visiblement cela.
On aurait juré entendre un prof de chimie ou de physique, un Lavoisier causant de la loi de la conservation de la matière ou Newton expliquant la loi de l’attraction universelle. La fatalité, quoi ! Autrement dit, « Que voulez-vous? »
On est pourtant loin des lois de la nature mais bien plutôt dans le domaine des règles d’origine humaine qu’on peut changer lorsqu’elles s’avèrent déraisonnables et qu’on a les deux mains sur le volant.

Les prétendus « gaspillages » de la Vérificatrice générale

Les journaux de Québécor sont partis en guerre contre le gaspillage dans l’administration publique. Reportages, listes d’engagements financiers, statistiques, on ne ménage rien pour débusquer les dépenses qui semblent injustifiées.
Rien à redire en principe : c’est le rôle de la presse d’avoir le gouvernement à l’œil mais il ne faudrait quand même pas charrier.
La « capture » de la semaine est la Vérificatrice générale du Canada. Le Journal de Québec du 9 août consacre deux grandes pages à des « formations douteuses » dont elle aurait fait bénéficier son personnel, en mettant l’emphase sur la somme de 345$ dépensée pour que l’UN de ses employés participe à UN atelier de renaissance (rebirth). On est loin des montants donnés au Parlement en « allocations de transition » et il faudrait plus d’information sur LE cas pour en évaluer la pertinence.
Le texte mentionne que le Bureau du vérificateur a déboursé 445 816 $ en 2009 pour des formations suivies par son personnel, qui compte 650 employés. Que représente ce demi-million par rapport au budget total? Le lecteur doit faire le calcul lui-même et mettre les choses en perspective.
Le Journal s’interroge sur le rapport entre le mandat du vérificateur et les cours que TROIS employés ont suivis sur le marxisme, la civilisation romaine et les théories classiques en anthropologie. On s’étonne effectivement, au premier abord, et on reste étonné si on ne sait pas que ces cours s’inscrivent dans un cadre plus vaste. Si l’employeur aide un employé prometteur à obtenir un diplôme de premier cycle universitaire qui pourrait lui valoir ultérieurement une promotion, on imagine que l’employé n’y arrivera pas en suivant trente fois le même cours de comptabilité.
Dépense injustifiée? Perfectionner un employé productif pourrait bien coûter moins cher, en fin de compte, que de recruter et former une nouvelle ressource. Mais, pour le savoir, il faut plus que des chiffres bruts publiés en vrac.

Roméo et Juliette (bis)

« Pour le moment, le monde trouve ça « ben cute », du moins officiellement, mais ça peut difficilement durer ».
C’est ainsi que se terminait ma note du 7 mai 2009 sur nos Roméo et Juliette parlementaires. Je pourrais dire « je l’avais dit » mais c’était tellement bien écrit dans le ciel.
Plus difficile d’imaginer comment s’est terminée « l’affaire ». Mais, à tout hasard, avançons une hypothèse sur les derniers mots:
« Ne me quitte pas
Il faut l’oublier
On ne pourra pas
Ainsi continuer
Je t’ai averti
C’est trop demander
Que de traverser
Dans votre parti
Les deux vire-capots
Qui m’ont précédé
Ne m’incitent pas trop
À récidiver
Ne me quitte pas
Etc. etc.
On a vu souvent
Dans le Parlement
Des unions qui durent
Des législatures
Il est paraît-il
Des couples interdits
Mais c’est plus facile
Dans un même parti
Et quand vient le soir
Pour pouvoir durer
Faut pas se faire voir
Sur la Grande Allée
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Ne me quitte pas
Je t’inventerai
Des questions plantées
Que tu comprendras
Si les miens critiquent
Trop tes politiques
Je t’avertirai
Sur ton blackberry
Autrement, bien sûr,
En cas de censure
Je m’éclipserai
Pour ne pas voter
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Fouillez-moi pourquoi
On a pu penser
Que cette affaire-là
Pouvait continuer?
Il est bien connu
Quand on est complice
Que l’amour est plus
Fort que la police
Ceux qui pensaient ça
N’avaient certes pas
Rencontré les types
Du bureau du whip
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Ne me quitte pas
S’il faut maintenant
Finir mon mandat
Sur un arrière-banc
Je démissionnerai
Pour aller veiller
À tes intérêts
Dans ton cabinet
Tenir l’agenda
Faire les jobs de bras
Chauffeur de ton char
Ou garde-du-corps
Ne me quitte pas
Etc. etc. ».