Le lieutenant-colonel (honoraire) J. Charles Forbes figure parmi les plus remarquables auteurs que j’ai édités, mais, quand il est arrivé, impressionnant, dans l’embrasure de la porte du Septentrion, avec son projet d’autobiographie sous le bras, j’ignorais tout de cet homme dont les écoliers néerlandais apprennent pourtant le nom dans leurs manuels d’histoire.
Né à Matane en 1921, entré au Collège militaire à 18 ans, enrôlé à 20, Charles Forbes traverse en Angleterre en 1942 et débarque en Normandie en juillet 1944. Il participe à la percée de Falaise et à la poussée des alliés qui le mène aux frontières du Reich, sur la Meuse, où il est blessé en décembre 1944. Sa participation à la libération de la Hollande et, en particulier, un acte de bravoure sur le pont de l’île de Walcheren, lui valent la Croix de Chevalier militaire de l’Ordre de Wilhem (RMWO), la plus haute décoration militaire des Pays-bas, l’équivalent néerlandais de notre Croix de Victoria. «Il a permis d’éviter que les Allemands fassent sauter des digues et inonder de vastes terrains. Des milliers de personnes auraient pu mourir noyées», a raconté la consule honoraire de la Hollande à ses funérailles vendredi le 28 mai.
Après la guerre, Charles Forbes joint le Régiment des Fusiliers du Saint-Laurent puis le 1er Bataillon du Royal 22e Régiment. En novembre 1950, il se porte volontaire pour servir en Corée où il s’illustre encore, obtenant une médaille de bravoure pour son rôle dans la bataille de la colline 355. Il prend sa retraite en 1965 avec le rang de major.
En 2005 (60e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale), Charles Forbes a pris place dans le salon des Croix de Victoria, aux côtés des Brillant, Keable et Triquet. En 2007, il est fait Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur, la plus haute décoration de la République française, pour sa conduite héroïque et glorieuse au combat.
C’était un homme aux multiples talents, l’un de nos militaires les plus décorés certes, mais aussi un peintre et un musicien; il aurait certainement pu faire du théâtre et sa voix chaleureuse lui aurait permis de faire carrière dans le monde des communications.
J’ai eu le plaisir de travailler avec lui à l’édition de son autobiographie, Fantassin pour mon pays, la gloire… et des prunes, un ouvrage malheureusement inachevé. Un jour, il m’arrive au Septentrion avec son manuscrit interrompu au chapitre où il redevient civil (et qui devait s’intituler « Le choc de la rue »). « J’arrête », me dit-il en me tendant sa liasse de feuilles. Surpris, je lui demande pourquoi. Il m’apprend que sa fille s’est suicidée et qu’il ne peut plus écrire un mot.
C’était probablement la seule chose qui pouvait arrêter « Charly » Forbes.
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Pour écouter Charles Forbes: http://www.vac-acc.gc.ca/souvenir/sub.cfm?source=collections/heros/details&media_id=3291
Tous les articles par Gaston Deschênes
Il y a 250 ans, l’exécution du meunier Nadeau (29 mai 1760)
Il y a 250 ans, le meunier Joseph Nadeau était exécuté par ordre du gouverneur James Murray dans des circonstances qui demeurent, encore aujourd’hui, mal connues et entourées de mystères et de légendes.
Le capitaine John Knox fait état de cette exécution sommaire dans son journal, le 30 mai 1760 :
« [traduction] Un individu originaire de la paroisse de Saint-Michel a été pendu hier, devant ses concitoyens, pour avoir mis toute son énergie à inciter ses compatriotes à la révolte et pour avoir amené des membres de la compagnie de milice dont il était le capitaine à joindre l’armée française ».
Le lendemain, le major Jean-Daniel Dumas, commandant du fort Jacques-Cartier (Donnacona) écrivait au gouverneur Vaudreuil que « le capne de St-Charles [a été] pendu ». Dans la même lettre, et dans celles des 2 et 3 juin, il évoque les actes de pillage commis aux environs de Québec ainsi que la violence verbale et « la sévérité » de Murray qui intimide les habitants.
La victime de cette exécution avait probablement participé à la campagne de Lévis contre Québec, voire à la bataille de Sainte-Foy. La note de Knox laisse entendre qu’il aurait contribué au recrutement de l’armée française alors que la population de la région de Québec, en principe, avait prêté serment aux nouveaux maîtres du pays.
Le 22 mai 1760, Murray avait adressé un nouveau manifeste aux habitants du « pays conquis ». Une nouvelle fois, il s’était plaint de « la folie de leurs démarches » et les avait menacés du « chatiment le plus rigoureux ».
« Le Roy mon maitre, resolu de posseder le Canada, ne desire pas regner sur une province depeuplée. Il Veut conserver les Habitans, la Religion qu’ils Cherissent et les Prêtres qui l’Exercent, Il veut maintenir les Communautés, et les Particuliers, dans tous leurs Biens, dans leurs Loix et Coutumes, pourvû que Contens de Sentiments si Genereux ils se Soumettent de Bonne Grace et promptement à ses Ordres. […]
Mais il faut mériter nos bienfaits ; Les Habitans ne pourront rentrer dans la Ville ni partager avec Nous les Douceurs qui viennent de Notre Continent. Jusques à ce que tout soit Soumis.
Canadiens, rétirés vous de L’Armée, mettés Bas les Armes, restés dans vos habitations et ne donnés aucuns Secours à Nos Ennemis, à ces Conditions Votre tranquillité ne sera point interrompue, vous ferés vos labours en Seureté, Le Soldat sera Contenû, on ne fera point Le Dégat des Campagnes ; Vous serés encore a tems pour Eviter la famine et la Peste, fléaux du Ciel, plus dévorans encore que celui de la Guerre, et qui a présent menacent le Canada d’une ruine totale et irréparable. »
On peut penser que Murray a choisi Nadeau pour faire un exemple et amener les habitants du gouvernement de Québec à demeurer tranquilles chez eux pendant que ses troupes se dirigeront vers Montréal.
Né à Beaumont en 1698, Joseph Nadeau était veuf pour la deuxième fois depuis le 20 mars 1760. De son premier mariage avec Angélique Turgeon (Beaumont, 1723), il avait eu sept enfants nés entre 1723 et 1740 et tous décédés longtemps après la Conquête. Dans les actes de mariage de deux garçons, au début de la guerre (1756 et 1757), Nadeau est identifié comme « capitaine de milice » de Saint-Charles. D’un deuxième mariage avec Marie-Anne Harnois (Québec, 1751), il avait eu deux garçons nés à Saint-Charles, Jean-Baptiste, né en 1752 (et décédé en 1753) et Charles, né en 1755.
C’est de ce dernier dont il aurait été question dans un texte de la Gazette de Québec (29 septembre 1768) sur une visite du gouverneur Carleton à Saint-Charles-de-Bellechasse, le 21 septembre 1768. À cette occasion, Carleton se serait fait présenter le fils orphelin du capitaine Nadeau et l’aurait fait mettre en pension au Séminaire de Québec. « C’est un général [Murray], aurait-il déclaré, qui lui a fait perdre un père, c’est un général qui lui en fera retrouver un autre ». Le nom de Charles Nadeau figure effectivement parmi les pensionnaires du Séminaire de Québec en octobre 1768.
Si la compassion de Carleton à l’endroit du fils est véridique, celle qui est évoquée par un personnage des Anciens Canadien, le « capitaine des Écors », tient de la légende. Murray aurait comblé la famille Nadeau de bienfaits, adopté les deux jeunes orphelins dont il avait fait mourir le père, et les aurait amenés avec lui en Angleterre. D’autres ont raconté qu’il s’agissait plutôt d’orphelines et qu’elles auraient été jetées à la mer!
L’acte de décès de Nadeau est introuvable dans les registres de la région. Les circonstances exactes de cette pendaison (et notamment le lieu de l’exécution) demeurent mystérieuses. Il mériterait néanmoins une plaque quelque part.
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(Pour des références précises sur Nadeau, voir L’Année des Anglais, Sillery, Septentrion, 2009.)
La mission véritable du Festival d’été
Dans la lettre ouverte qu’elle a fait paraître dans plusieurs quotidiens la semaine dernière (http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201005/12/01-4279812-la-mission-du-festival-dete-de-quebec.php), la présidente du conseil d’administration du Festival d’été est venue bien involontairement « rétablir les faits » en faveur des signataires de la lettre du 5 mai, en soulignant la mission première du FEQ : « le Festival doit animer, l’année durant, la ville de Québec, pour tous les gens d’ici et d’ailleurs, avec une fête des arts de la scène et de la rue valorisant la chanson francophone et les projets de création, tout en étant ouverte au reste de la production culturelle dans le monde et à la découverte ».
On ne saurait mieux dire, et rassurer les 25 signataires quant à la justesse de leur démarche. Toute personne qui sait lire comprend que l’essentiel de cette « fête des arts de la scène et de la rue » est d’abord de valoriser « la chanson francophone », tout en restant ouverte, bien sûr, à d’autres formes d’expression. Et on comprend aussi que cette mission justifiait les subventions de l’État… jusqu’à maintenant.
A cet égard, le gouvernement du Québec ne peut plus se mettre la tête dans le sable et se dispenser de revoir sa contribution. Comment peut-on concilier l’allure que prend le Festival cette année avec les conclusions de l’entente intervenue entre le Festival d’été et les FrancoFolies l’automne dernier, au terme d’une négociation demandée par le gouvernement lui-même et les maires de Québec et Montréal? Dans le communiqué émis par les deux festivals le 30 novembre (http://www.infofestival.com/index.php?lang=fr&page=uncommunique&id=126), sous le titre « L’avenir de la chanson francophone avant tout ! » (???), on pouvait lire ce qui suit:
« C’est parce qu’ils ont à coeur l’avenir de la chanson francophone que les organisateurs des FrancoFolies de Montréal et du Festival d’été de Québec en sont venus à une entente. Les deux manifestations musicales pourront ainsi poursuivre leur développement sans se nuire et surtout continuer à faire la promotion de la chanson francophone internationale au Québec. »
Et encore:
« C’est donc avec une énergie et un plaisir renouvelés et dans un esprit de collaboration mutuelle que les programmateurs chevronnés des FrancoFolies de Montréal et du Festival d’été de Québec s’affairent à la mise sur pied de leur programmation avec comme objectif de recevoir à leur événement respectif les meilleurs représentants de la chanson francophone actuelle. »
« Nous sortons tous gagnants de cette entente et la mission francophone du Festival d’été de Québec est protégée », estimait pour sa part Daniel Gélinas, le directeur général du Festival d’été de Québec.
« Mission francophone » : ce n’est donc pas seulement un « volet ». Protégée? On ne pouvait mieux confirmer qu’elle était menacée. Comment expliquer alors que la dimension francophone du festival soit encore plus mince cette année?
À quand des félicitations aux FrancoFolies ?
Il est possible que l’Assemblée nationale ait déjà félicité les dirigeants d’un festival mais on chercherait en vain un autre cas où elle aurait félicité un festival pour sa programmation, comme elle l’a fait jeudi pour le Festival d’été de Québec (FEQ), sans attendre que cette dernière soit complète, et a fortiori réalisée. Il est encore plus étonnant de voir que l’Assemblée félicite le Festival pour une programmation dont le contenu est largement anglophone alors qu’elle n’a pas jugé bon d’en faire autant pour les FrancoFolies de Montréal, dont la programmation est complète (ça débute dans un mois) et naturellement francophone. Est-ce l’influence du gouvernement fédéral qui se préparerait à augmenter la subvention au FEQ après avoir coupé celle des FrancoFolies?
À quoi tient cette disparité de traitement ? L’Assemblée nationale n’aurait tout de même pas un préjugé favorable envers les festivals qui font la promotion de la culture anglo-américaine. Se pourrait-il plutôt qu’une simple lettre ouverte ait ému la classe politique au point de mettre en branle l’ultime instrument que constitue une motion unanime de l’Assemblée nationale ? Ne serait-ce pas le monde à l’envers ? L’Assemblée NATIONALE désavouant un groupe de citoyens qui s’interrogent sur l’application de la politique culturelle officielle de leur gouvernement ?
La question que pose cette lettre n’a pourtant rien de séditieux, ni même d’original. Elle reprend essentiellement ce que disait ouvertement le directeur général du Festival d’été de Québec l’été dernier pendant la controverse avec les FrancoFolies de Montréal : « Je pense à la SODEC. Vont-ils accepter qu’on devienne un gros festival très large avec des grandes vedettes internationales et presque plus de chansons francophones ? » (Québec Hebdo, 12 août 2009). On sait que la crise s’est réglée aussi vite qu’elle avait éclaté, mais fort discrètement, sans qu’on ne sache jamais les termes de l’armistice. Posons la question : si Québec a retraité aussi facilement devant Montréal, serait-ce que le changement de calendrier des FrancoFolies ne dérangeait finalement pas et donnait au Festival d’été de Québec, en fin de compte, le plus beau prétexte pour « ne plus réussir » à trouver des artistes francophones ?
La question lancée par le directeur général du Festival d’été de Québec était pertinente en août denier; elle l’est davantage aujourd’hui, après l’annonce d’une programmation 2010 où le volet francophone s’est encore rétréci. Avec sa motion de félicitations unanime, formulée sans réserve et adoptée sans débat, l’Assemblée nationale ne vient-elle pas donner une absolution inconditionnelle aux dirigeants du Festival d’été de Québec et leur confirmer qu’ils sont dans la bonne direction avec leur « beau programme » ?
De bien belles valeurs
Le député conservateur de Beauce Maxime Bernier va parcourir le Québec afin de vendre « des valeurs conservatrices ».
Dans un discours récent, il a durement critiqué les « irresponsables » qui « vivent au-dessus de leurs moyens et qui nous endettent ». Au sujet des problèmes vécus au Québec, il dit qu’il faut « les reconnaître et les analyser avec la tête froide si on veut leur trouver des solutions ». Il a posé un diagnostic « qui se fonde sur des faits et des données concrètes. La plupart de ceux qui ont réagi négativement l’ont fait sur la base d’une émotion ».
Il a bien raison. On a besoin de guides qui ont les deux pieds sur terre et qui ne nous mèneront dans des aventures risquées. Combien de Québécois se sont fait emberlificoter par des rêveurs et des gens irréalistes qui leur ont conseillé des « valeurs » douteuses comme les PCAA ? Il est temps de revenir à des approches plus conservatrices si on veut assurer notre avenir et celui de nos enfants.
Mais, le doute m’assaille, comme dirait Achille Talon: il parlait bien de placements ? Non ? J’avais compris qu’il allait devenir courtier en valeurs mobilières.
Dommage, il serait sûrement bon dans ça.