Tous les articles par Gaston Deschênes

Un autre fond de panier

Certains diront sûrement qu’on est rendu plutôt au fond du baril… Enfin. Allons-y quand même car le matériel s’accumule trop rapidement.
Édition payante
Selon des reportages publiés dans les journaux du 20 août, un éditeur montréalais bien connu a donné 1,3 M$ en espèces, un bar, deux voitures, huit (!?) manteaux de fourrures et bien d’autres choses (pour un total de 2M$) à une danseuse du cabaret Chez Parée.
Les auteurs vont nous voir venir : comment les convaincre que l’édition est une industrie peu rentable?
« Fake, Fake! »
L’ex-gardien de but Jonathan Roy essaie de faire arrêter les procédures engagées contre lui. Entre l’incident qui l’a mené en cour et l’acte d’accusation, la Direction des poursuites criminelles et pénales aurait modifié sa position sur les incidents de ce genre; jusqu’à ce moment, il n’y avait poursuites que s’il y avait des blessures.
D’après l’avocat de l’accusé, « quand il a sauté sur la patinoire, Jonathan Roy était en droit de s’attendre à ne pas être poursuivi s’il n’infligeait pas de blessures à un adversaire en vertu de la directive datant de 1977 » (JQ, 19 août 2009).
Pourquoi, diable, a-t-il frappé sur son adversaire à tour de bras, après lui avoir arraché son casque, s’il ne voulait pas le blesser? S’agissait-il d’un combat arrangé?
Les bonnes œuvres du PDG de l’Hydro
Chaque jour apporte de nouveaux éléments aggravants dans ce dossier qui n’a probablement pas encore montré toutes ses coutures.
On est parti d’un cas qui devait être unique, selon un porte-parole de l’Hydro. Il y en a eu ensuite un second, mais il ne devait pas y avoir d’autres contribution « à aucun autre établissement secondaire » (Presse, 19 août). Mais le lendemain, on déterrait d’autres cas, dont le Séminaire de Sherbrooke et un high school, sans compter trois fondations qui aident des institutions qui ne sont visiblement pas des universités. Mieux encore, un autre porte-parole reconnaissait candidement qu’elle ne savait pas que son PDG était au conseil d’administration d’un autre bénéficiaire (Conference board). Il serait difficile de contredire le citoyen qui a eu l’impression de se faire bourrer.
Ce dossier pourra servir de cas pour les examens des étudiants en administration publique et en éthique pendant plusieurs années. Et plusieurs intervenants devraient retourner en recyclage et se soumettre à cette évaluation. La ministre des Ressources naturelles ne voit pas de conflit d’intérêts dans la subvention accordée au Collège Notre-Dame. « Pas d’avantage personnel », dit-elle. Comme si c’était un mannequin qui occupait la présidence du conseil d’administration de cette institution. Le directeur des ressources humaines du Collège Brébeuf estime pour sa part que des tranches de 40 000$ par an, « ce n’est pas une grosse somme », comme si le montant de la subvention avait la moindre importance (Presse, 19 août). Peut-être a-t-il été mal cité, ce qui n’est pas le cas de l’éditorialiste de la Presse (18 août) qui joue une défense semblable quand il écrit que « la subvention au collège Notre-Dame représente un dix millième des redevances versées annuellement par l’Hydro-Québec au gouvernement »…
Pourquoi tant d’histoires pour des peanuts?

Pour voir du bleu, allez au Vermont!

Le Vermont célèbre cette année le 400e anniversaire de l’arrivée de Champlain au lac qui porte son nom et, manifestement, personne ne songe à en attribuer le mérite à Dugua de Monts…
Le programme (http://celebratechamplain.org/) comprend des activités de toutes sortes organisées dans une quarantaine de localités : spectacles, expositions, conférences, excursions, compétitions, etc. Plusieurs activités soulignent le « French Heritage » et les racines françaises d’une bonne partie de la population. St. Albans avait son « Franco-American Heritage Festival » en juin et Vergennes, ses « French Heritage Days » en juillet.
Burlington pavoise autant qu’ici l’an dernier, à cette différence que le bleu domine outrageusement. On se croirait à Québec avant son amnésie transitoire de 2008.
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Les fleurdelisés bâtards

Il suffit de porter un minimum d’attention aux drapeaux arborés par les institutions publiques québécoises pour constater que plusieurs d’entre elles ne respectent pas les dispositions de la Loi sur le drapeau et ne remplissent pas leurs obligations en matière de pavoisement. On ne parle évidemment pas ici des commerces, des hôtels et des autres établissements privés qui sont encore plus nombreux à pavoiser avec des fleurdelisés bâtards et des fleurs de lis qui ressemblent à peine au modèle défini par le Bureau de normalisation.
L’article 1 de la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec (L.R.Q., chapitre D-12.1) définit le format du fleurdelisé : « La largeur et la longueur du drapeau sont de proportion de deux sur trois » (2:3). On arbore donc normalement des drapeaux qui ont, par exemple, 60 cm sur 90 cm, 120 cm sur 180 cm, etc. La hauteur d’un fleurdelisé est égale aux deux tiers de sa longueur.
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Par ailleurs, le Règlement sur le drapeau du Québec (c. D-12.1, r. 2.1) décrète que le fleurdelisé « doit être déployé de façon officielle par une institution publique ou un établissement relevant de l’Administration gouvernementale afin d’identifier son appartenance à cette dernière ». Il doit donc être déployé sur ou devant les édifices des ministères et des organismes gouvernementaux, des commissions scolaires, des cégeps et des universités, des organismes du secteur de la santé et des services sociaux, les édifices où siègent les tribunaux relevant de la compétence du Québec et les conseils municipaux, les bibliothèques municipales « et en tout lieu où une municipalité déploie sa bannière ». Ce règlement précise que « tout drapeau déployé doit être conforme aux normes du Bureau de normalisation du Québec » qui définit précisément les modalités de fabrication du fleurdelisé et, naturellement, son format légal.
Une simple promenade dans les rues de Québec ou de Montréal permet de constater que plusieurs institutions publiques et parapubliques arborent des drapeaux qui sont de proportion un sur deux (1:2), au lieu de deux sur trois (2:3), alors qu’il est pourtant facile d’acquérir des drapeaux normaux par l’intermédiaire du Centre des services partagés du gouvernement du Québec ou encore aux Publications du Québec.
Est-ce une question de coût ? Faut-il conclure que des organismes publics et parapublics acquièrent leurs fleurdelisés à meilleur coût directement du manufacturier, sans se soucier des normes de fabrication ? Interrogé sur ce sujet, un fabricant a répondu qu’il avait des fleurdelisés de format 1:2 dans son catalogue « pour répondre à des demandes venant de certains organismes publics ».
S’agit-il de simple ignorance ? Possible, mais on notera que l’université Laval arborait un fleurdelisé hors normes jusqu’à tout récemment et que la Grande Bibliothèque en a encore un, comme en témoigne cette photographie prise en juin 2009.
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Dans le cas des institutions qui pavoisent simultanément aux couleurs du Québec et du Canada, le motif de « l’infraction » serait d’ordre protocolaire. En effet, le fleurdelisé et l’unifolié sont foncièrement incompatibles. Un fleurdelisé normal qui a la même longueur qu’un unifolié, disons 60 cm, est plus grand que ce dernier à cause de sa largeur (40 cm contre 30 cm) ; et, si le drapeau québécois a la même largeur que l’autre, disons, 40 cm, il sera plus petit parce que plus court (60 cm contre 80 cm). On peut arriver à leur donner la même surface mais ils n’auront jamais la même forme. Afin d’avoir des drapeaux de même grandeur, plusieurs institutions publiques « accommodantes » croient alors résoudre la quadrature du cercle en se procurant des fleurdelisés fabriqués selon la norme canadienne (1:2), au mépris de la Loi sur le drapeau (comme les incite d’ailleurs le catalogue du plus important fabricant de drapeau de la région de Québec avec son illustration fautive du fleurdelisé). Rares sont celles qui font l’inverse, ce qui serait pourtant plus logique et plus respectueux envers l’État auquel elles appartiennent.
Sur une page consacrée au fleurdelisé, le site Internet du gouvernement du Québec rappelle les normes de fabrication du drapeau et invite les citoyens et les administrations à « demeurer vigilants à cet égard et [à] n’utiliser que des drapeaux de format légal ». Le citoyen peut effectivement signaler les anomalies à la personne responsable du dossier au ministère de la Justice et il arrive que la situation soit corrigée. À la longue, on pourrait théoriquement amener un par un les administrateurs publics à respecter les lois et les règlements qui les gouvernent en matière de pavoisement, mais ce serait plus simple et plus efficace si la ministre chargée de l’application de la Loi sur le drapeau prenait ses responsabilités et, à défaut de contraindre les fabricants à respecter la loi et les normes du Bureau de normalisation, demandait la collaboration de ses collègues ministres pour adresser un rappel aux institutions qui relèvent de leur autorité.

La faute à l’ordinateur

Mauvaise surprise pour 120 000 abonnés d’Hydro-Québec. Ils subiront une hausse substantielle de leurs mensualités à la suite d’erreurs attribuables au nouveau système informatique de la société d’État. La surprise sera d’autant plus grande que les abonnés touchés sont justement ceux qui avaient opté pour le mode de versements égaux (MVE) pour éviter les variations saisonnières et les mauvaises surprises ! Le versement fixé par Hydro était trop bas ; il faudra combler la différence. Les commerçants assument parfois les erreurs sur le « p’tit change » mais, dans ce cas, Hydro-Québec facturera les kW consommés, au nom de l’équité à l’égard de la clientèle, dit-on, tout en assurant les abonnés qu’elle sera accommodante pour les modalités de paiement.
L’affaire serait très gênante pour n’importe quelle entreprise mais elle l’est encore plus pour Hydro-Québec. Une étude récente du Devoir (20 juin 2009) révélait que les employés d’Hydro-Québec étaient parmi les plus choyés de l’administration publique. Un analyste en informatique (pour ne prendre qu’un exemple au hasard…) y gagne 20 % de plus que ses homologues de la fonction publique ou des commissions scolaires. Le retard salarial moyen des employés des secteurs public et parapublic (administration québécoise) par rapport aux entreprises publiques, comme Hydro-Québec, Loto-Québec ou la Société des alcools du Québec (on notera qu’il s’agit de trois monopoles) est de 15,3 % et il passe à 27,7 % lorsqu’on tient compte des avantages sociaux.
Les écarts ont leur histoire, selon les spécialistes, mais il ne faut pas nous en conter. Les employés de l’Hydro, tout comme ceux des municipalités, n’ont pas connu la « piscine » de 1982 et ils bénéficient depuis des retombées de ce traitement de faveur. On explique aussi ces écarts par la concurrence. « Vous n’imaginez pas comment cela peut être difficile dans des domaines comme l’informatique », se désolait un porte-parole de Loto-Québec. Pas facile de garder les meilleurs, manifestement.
Mais ce n’est pas tout. Au début de cette année, on apprenait aussi que l’entreprise avait décidé de verser des primes à tous ses employés malgré la crise économique ambiante. Environ 120 000 $ pour le PDG (autour de 20 %) et au moins 4,3 % du salaire de base à ses 19 000 employés. C’était déjà bien connu qu’Hydro-Québec était le paradis des primes. La compétence se paie.
En sera-t-il de même l’an prochain ? Aura-t-on trouvé le responsable des erreurs de facturation ? Probablement l’ordinateur, le seul qui n’a pas de prime dans cette boîte. Il doit être en mode « mesures de pression ».

« Bodies of nobodies »

Une lettre publiée dans Le Soleil (« Bodies or not Bodies », 8 juillet 2009) m’amène à revenir sur l’exposition Bodies. L’auteur de la missive apporte deux points qui me semblent particulièrement à côté de la coche.
Ce n’est pas l’existence de corps non réclamés en Chine ou ici à Québec, la solitude, la pauvreté ou la misère humaine en général qui sont en cause dans ce débat (comme le sugère la lectrice) mais le fait que les organisateurs de Bodies n’ont pas obtenu le consentement des personnes dont le corps est exposé. Questionnée sur ce sujet, la porte-parole du Festival d’été a soutenu que les corps venaient de l’Université de Dalian et qu’il s’agissait de personnes mortes de causes naturelles (Soleil, 2 juin 2009). C’est justement ce que le promoteur Premier Exhibitions prétendait quand il a présenté cette même exposition à New York, jusqu’à ce que le procureur général de l’État l’amène à admettre publiquement qu’il n’en savait rien et que les corps auraient plutôt transité par le Bureau chinois de la police, ce qui n’est pas une voie habituelle pour quelqu’un qui veut « donner son corps à la science »… Surtout qu’en on est à l’état de fœtus.
La Commission de l’éthique de la science et de la technologie (un organisme gouvernemental québécois) a joint sa voix à celle d’Amnistie internationale pour demander au promoteur de rendre publique l’origine des corps exposés à Québec ou, à défaut, d’émettre un avertissement aux visiteurs semblable à celui que le procureur général de l’État de New York a exigé et obtenu. La Commission estime que le flou qui entoure l’origine des cadavres et l’absence de preuves claires et écrites du consentement des personnes dont le corps est exposé, pose problème sur le plan éthique. Or, Premier Exhibitions admet qu’elle ne peut vérifier si les restes humains sont ou non ceux de personnes ayant été incarcérées en Chine.
Le second point soulevé dans cette lettre est plus navrant : « … si l’on se fie aux milliers de visiteurs qui ont déjà foulé les salles de cette exposition, Bodies semble avoir gagné sa légitimité ». Autrement dit, la « cote d’écoute » fait foi de tout. Il y aura évidemment toujours des clients pour les freak shows et ce n’est pas le genre de public qui carbure aux questions éthiques.
Cet argumentation rejoint celle de la direction du Festival qui mesurait la légitimité de l’exposition à l’absence de contestation en juin (JQ, 4 juin 2009) mais qui s’en lave les mains un mois plus tard, quand des critiques fondamentales surgissent, en prétendant que l’affaire n’est pas de son ressort (Devoir, 3 juillet 2009). On s’attend pourtant de la direction d’un organisme quasi public comme le Festival d’été qu’elle élève sa capacité de jugement à un autre niveau et s’interroge davantage sur le sens des activités qu’elle patronne.