Un petit ménage dans la boîte des coupures de presse.
Souverain mépris
Quel progrès! Nous aurons une marine royale. Personne ne l’avait prévue, celle-là, même si le ministre de la Défense prétend corriger une erreur « historique » et répondre à des revendications, dont personne n’a entendu parler. Un de ses prédécesseurs ajoute que le retour du mot « royal » dans l’appellation des forces armées n’aurait « rien à faire avec la royauté »… Et un autre ministre « de la Couronne » (allons-y donc avec les vraies appellations!) d’affirmer : « On est fiers d’être une monarchie constitutionnelle. C’est ce que nous sommes, c’est ce qui nous définit comme Canadiens. C’est dans notre identité…», tout en ajoutant « que l’indépendance du Canada est plus forte que jamais »!
Peut-on convenir qu’ils disent n’importe quoi? Serions-nous de retour à la case départ, forcés de reprendre le combat de 1899, quand Bourassa (Henri, le vrai, comme disait Jacques Normand) prônait l’indépendance… du Canada face à l’Angleterre?
On s’attend maintenant à ce que les producteurs du papier hygiénique Royale, le plus épais sur le marché, devienne le fournisseur officiel de l’armée du même nom et bénéficie de l’appellation « By Royal Appointment ».
En garde, Ottawa?
Toujours sur le front outaouais, le Bureau du Québec vient de changer de chef. Le nouveau titulaire était jusqu’à récemment chef de cabinet du ministre canadien des Affaires étrangères. Il a été précédemment rédacteur de discours pour le premier ministre conservateur Brian Mulroney à la fin des années 1980 et au début des années 1990. C’est donc un vétéran des coulisses du Parti conservateur et du gouvernement fédéral. On devine qu’il y a connu l’actuel chef du gouvernement du Québec quand ce dernier jouait sous d’autres couleurs.
Le chef du Bureau du Québec représente « les yeux et les oreilles de la province » à Ottawa. Comme dans toute autre « ambassade », on y pratique certaines formes d’ « espionnage » mais il serait étonnant qu’on y fasse du zèle sous cette nouvelle administration.
Tailor Made Fable, Dance Laury Dance et autres Picard Bands
Tandis que Sylvain Cossette et Roch Voisine exhument les classiques américains, Grégory Charles annonce la parution d’un disque de ses compositions en français et Kim Richardson, anglophone née en Ontario, lance une compilation de classiques francophones. Faut croire qu’il y a encore un marché dans cette langue.
Pendant ce temps, Pascale Picard Band fait des petits dans la région de Québec où des groupes de musiciens francophones tentent fortune aux USA en interprétant des chansons en anglais, naturellement, ce qui est bien légitime, mais en se présentant de plus sous des étiquettes anglaises. Pathétique.
Jack Saloon
Pour rester dans le même registre…
La ville de Québec s’est enrichie d’un nouveau restaurant la semaine dernière. Dans un secteur où on trouve le Louis-Hébert, le Dagobert, le Saint-Hubert, les Vieux Canons, le Rivoli, la Maison du spaghetti, le Grand Café, Maurice et Charlotte, les promoteurs ont préféré se coller aux McDo, Voodoo et autres Starbucks en désignant leur établissement sous le nom de « Jack Saloon ». Par quel orifice l’Office de la langue française peut-il absorber ça? On se le demande.
« S’enrichir » n’est cependant pas le terme approprié. Le Jack Saloon a fait parler de lui lors de son ouverture en mettant à la disposition de sa distinguée clientèle la nouvelle star de la gastronomie étatsunienne, le Krispy Kreme Burger, ce « sandwich » dont le pain est remplacé par un beigne qui contient une boulette de viande « gigantesque », du bacon fumé maison, de la laitue, des tomates et, moyennant un léger supplément, un œuf.
Le Krispy Kreme Burger contient 1550 calories, soit trois fois plus qu’un Big Mac. Disons donc plutôt que la capitale s’est « engraissée » d’un restaurant.
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Les Acadiens et leur hymne national
Les Acadiens célèbrent aujourd’hui leur fête nationale. Ils ont la chance, eux, de pouvoir entonner un hymne officiel. Pas de pays, pas de territoire aux frontières précises? Peu importe. Ils n’ont que faire de l’objection formulée ici lorsque Raoul Duguay a proposé un hymne québécois récemment : « Québec n’est pas un pays », donc il ne pourrait avoir d’hymne national… C’est pourtant une nation reconnue par Ottawa.
Le chant national acadien a été choisi en 1884 lors de la deuxième convention nationale des Acadiens dans les instants qui ont suivi le dévoilement de leur drapeau, un tricolore orné d’une étoile dorée. Quelqu’un entonne alors le chant religieux bien connu Ave Maris Stella (Salut, astre des mers) et l’assemblée décide sur le champ qu’il s’agira désormais de l’hymne national.
La première strophe se lit comme suit :
Ave maris stella (Salut, Astre des mers)
Dei mater alma (Auguste mère de Dieu)
Atque semper virgo (qui toujours demeuras vierge)
Felix coeli porta (heureuse porte du ciel) (bis)
Amen (Amen)
À partir des années 1960, plusieurs contestent l’Ave Maris Stella, un hymne religieux, mais une majorité d’Acadiens souhaite le conserver. En 1994, à la suite d’un concours pour créer une version française, le texte de Jacinthe Laforest, journaliste à La Voix acadienne est choisi et l’hymne est chanté en français (avec une première strophe latine) à la clôture du premier Congrès mondial acadien.
Ave maris stella
Dei mater alma
Atque semper virgo
Felix coeli porta (bis)
Acadie, ma patrie
À ton nom je me lie
Ma vie, ma foi sont à toi
Tu me protégeras (bis)
Acadie, ma patrie
Ma terre et mon défi
De près, de loin tu me tiens
Mon cœur est acadien (bis)
Acadie, ma patrie
Ton histoire, je la vis
La fierté, je te la dois
En l’avenir je crois (bis)
L’enregistrement ci-joint comprend deux strophes en latin (http://www.youtube.com/watch?v=Xy73pY1LiLY).
« Fantastique »
Dans le Devoir du 29 juillet, Christian Rioux a publié une analyse acide du comportement de nos médias lors du passage des Metallica, U2 et autres Sir Paul au Québec (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/328349/comme-les-americains).
Quelques extraits :
« À Paris, à Rome ou à Berlin, ces grandes productions passent plusieurs fois par année. Mais elles font rarement la une des médias généralistes. On en parle évidemment dans les pages culturelles et les médias spécialisés.
Ici, dès qu’une grande vedette anglo-saxonne débarque, le grand chœur des colonisés se répand en courbettes. C’est comme si Metallica nous faisait une faveur inestimable. Comme si les nouveaux dieux nommés Bono ou Lady Gaga nous avaient désignés comme le nouveau peuple élu. Que Sir Paul prononce quelques mots en français sur scène et c’est le délire. Voilà qu’une armée de chroniqueurs et d’animateurs le remercient d’avoir daigné parler la langue de l’autochtone […].
Partout où il va, Paul McCartney prononce quelques mots en allemand, en chinois ou en slovène, et cela n’étonne personne. Sauf ici, où nous avons poussé le mépris de nous-mêmes jusqu’à ne plus juger de notre réussite culturelle qu’à l’aune du regard des autres ».
Les observations de Rioux auraient pu s’appliquer aussi au « Kate and William Tour » qui a suscité le même genre de réactions. Quelques jours plus tard et il aurait pu ajouter le cas Rod Stewart. Sept pages dans le Journal de Québec ce matin, onze dans Le Soleil ! « Full front pages » incluses, comme ils disent. On sait tout : ce qu’il portait, ce qu’il a mangé et bu, la marque et la couleur de la voiture, et ce que son groupe a visité, soit les chutes et un magasin Super C. ! Et dire que le spectacle semble avoir été moyen, selon la critique du Soleil . Daniel Gélinas aurait commenté brièvement : « C’est un bon artiste »… Et nous n’avons pas de réaction du maire. ..
Stewart n’a pas parlé de Lévis mais aurait dit en français « fantastique », une fois, mais c’était peut-être plutôt … « fantastic ». Peut-être connaît-il les Denis Drolet (http://www.youtube.com/watch?v=nliLWKaH0lQ). N’est-ce pas réconfortant?
Métallica et le drapeau du Québec
Selon des informations confirmées par des spectateurs, le drapeau brandi par le bassiste du groupe Metallica en fin de spectacle (http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/festival-dete/201107/18/01-4418987-metallica-photos-de-famille.php) était « l’oeuvre » d’un admirateur. Une partie des commentaires émis dans la note d’hier n’est donc pas appropriée, et la note elle-même perd sa cohérence, d’où sa suppression.
« Bonsoir, ils sont… partis! »
Était-ce un défilé de mode, une tournée de promotion, un test de « couronnabilité » effectué sur des sujets lointains? Difficile de conclure que la « mission » ou « l’opération » est réussie, comme l’ont écrit Gilbert Lavoie et André Pratte, et comme l’a proclamé Benoît Pelletier, quand on n’en connaît pas le but?
S’il faut en croire la presse britannique, William et Kate auraient fait preuve de courage en s’embarquant dans la frégate « sailing up the St Lawrence river to Quebec City, traditionally the centre of the separatist movement ». Passons sur l’ignorance du Guardian en politique (Québec, foyer séparatiste!!!) et en géographie (« sailing UP to Québec »!); il demeure que les futurs biographes royaux auront besoin de tout leur esprit critique lorsqu’ils utiliseront les vieux journaux anglais.
Que penseront-ils des nôtres, sinon qu’ils étaient complètement subjugués (i.e. « sous le joug ») dès que Kate souriait ou que William roulait ses manches, que le couple prenait la peine de visiter un hôpital ou une maison de jeunes, comme si ce n’était pas que le minimum du convenu pour les « royals » et leurs représentants dans les anciens « dominions ». Dans l’ouest, on a noté des regards amoureux : pas trop étonnants pour de jeunes mariés. Dans l’est, Williams a fait amerrir son hélico en compagnie d’un moniteur: grosse affaire pour quelqu’un dont c’est le métier, comme un taxi qui « parquerait son char dans le trafic » au centre-ville. Notre presse s’est ébahie particulièrement quand le prince a parlé français à Québec, comme s’il s’agissait d’un exploit olympique, alors qu’il a bien péniblement lu quelques lignes de banalités (comme souligner la bravoure du 22e, et la joie de vivre des Québécois…), 110 mots qu’il avait eu toute la nuit pour examiner. Personne n’a souligné qu’on était loin du français que parlait sa grand-mère à son âge, comme en témoigne le film de son voyage à Québec en 1951.
La bravoure du petit couple aurait consisté à tenir une conférence de presse (une seule) pour expliquer le but sa mission au Canada. Quelqu’un aurait pu demander au prince héritier comment on appelle un pays dont le chef est le souverain régnant d’un autre État, sinon une colonie. Mais on rêve : les princes ne s’abaissent pas à communiquer avec leurs sujets, sauf pour leur faire des « tatas », serrer des mains à l’occasion (lorsqu’il y a autant d’agents derrière eux que derrière la ligne des admirateurs triés sur le volet), parler « de la maternité et de la tarte aux pommes », comme ils disent, dans des atmosphères strictement contrôlées. Encore aurait-il fallu qu’un journaliste ait le front de poser la question. Or, nos journalistes les plus sérieux ont succombé, comme l’écrivait Mario Cardinal dans Le Devoir : « la télévision de Radio-Canada a complètement perdu la mesure ». À RDI, Marc Laurendeau a entrepris de nous démontrer qu’une monarchie constitutionnelle est plus démocratique qu’une république! Alain Dubuc (La Presse) et Donald Charrette (Journal de Québec) nous ont invités à nous résigner au statu quo, vu qu’il serait trop difficile de supprimer la monarchie… Et on ne parle pas ici de jeunes journalistes dépourvus de repères historiques et politiques.
Du côté des politiciens, le ravissement a été tout aussi général, mis à part Amir Khadir, les péquistes et les bloquistes (qui ont d’autres préoccupations). Plusieurs, dont le ministre responsable de la région de Québec, ont résumé leur vision en disant que c’était « bon pour Québec », ce qui n’est pas fondamentalement différent du point de vue de Khadir qui comparait le couple princier à de « bêtes de cirque » en tournée. Il a retiré cette dernière expression, mais n’en pensait pas moins : si c’est une question de promotion touristique, louons-les à tour de rôle. Et n’oublions pas les régions : Princeville, Windsor, Katevale, Saint-Régis…
Ce qui s’est avéré particulièrement paradoxal la semaine dernière fut de lire des chroniques (comme celle de Dubuc, de La Presse) qui ont à la fois réprouvé les manifestants antimonarchistes ET souligné que les Québécois sont à quelque 60% contre la monarchie. Au fond, les vrais courageux dans cette affaire sont les membres du RRQ qui ont choisi de dire ouvertement ce que pense la majorité des Québécois, envers et contre tous ceux qui les ont vilipendés dans les semaines qui ont précédé la visite. Ils ont été beaucoup plus honnêtes que les députés néodémocrates de la région de Québec qui ont fait des pieds et des mains, voire de la gueule, pour figurer devant les « kodaks » alors que le programme de leur parti prône l’abolition de la monarchie! Certains observateurs ont minimisé l’importance de la banderole déployant un « Vive le Québec libre » au moment où le prince lisait son boniment. Reconnaître que la RRQ avait réalisé un coup astucieux aurait témoigné d’un « fair play » qu’on dit britannique : faut croire qu’ils ne sont pas complètement colonisés.