La hargne avec laquelle certains journalistes attaquent la crédibilité, les positions et les stratégies du député de Mercier en dit long sur la conception qu’ils se font de la fonction de député et de la démocratie.
Dans notre système parlementaire, le député a théoriquement beaucoup de pouvoir et de liberté. La Loi sur l’Assemblée nationale stipule que le député « jouit d’une entière indépendance dans l’exercice de ses fonctions » et que nul ne peut « essayer d’influencer le vote, l’opinion, le jugement ou l’action du député par fraude, menace ou par des pressions indues ». Une fois élu, le député représente toute la population et pas seulement ses électeurs ; ces derniers n’ont pas de contrôle sur ses actions et ne peuvent le révoquer.
Telle est la théorie. En pratique, le député doit le plus souvent son élection au parti auquel il appartient et surtout à son chef. S’il peut s’exprimer dans les caucus, les corridors ou les coulisses, une fois en Chambre, il n’est qu’une voix dans la chorale. Les positions des libéraux, des péquistes et des adéquistes dans le débat sur le « bill de Nordiques » l’illustrent parfaitement.
Il n’y a pas eu de députés indépendants élus à Québec depuis presque deux générations. Les députés indépendants de notre époque le sont devenus par défection… ou éjection. Le cas du député de Mercier (comme autrefois celui de Mario Dumont) est différent : il s’est retrouvé seul de sa gang après les élections.
Un chroniqueur du Journal de Québec s’est payé de savants calculs pour établir que le député de Mercier représentait seulement 0,8% de l’Assemblée nationale et n’a obtenu que 8597 voix contre 153 847 pour le maire de Québec.
Les députés appartenant à des groupes parlementaires ont « décidé » de se soumettre à la discipline partisane, même s’ils sont nombreux à grincer des dents. Le député de Mercier et les deux autres indépendants se retrouvent donc les porte-parole d’un bon 25% de la population de Québec qui, selon le bienveillant sondage du Soleil, n’est pas d’accord avec l’intervention du Parlement, déplore le manque de transparence et doute de la pertinence de l’investissement public. Ils représentent aussi cette portion assez large (voire majoritaire ?) de la population des autres régions du Québec qui a, sur le financement 100% public de l’amphithéâtre, un point de vue qu’il est inutile de rappeler ici.
Les partis disciplinés laissent orphelins de nombreux citoyens que les indépendants ont le devoir de représenter au Parlement. Ces derniers savent très bien qu’ils ont toutes les chances de perdre tôt ou tard. Ils savent surtout qu’ils vont se faire tasser en commission. S’ils ont autant de « pouvoir » actuellement, c’est qu’on a besoin de leur collaboration pour déroger au Règlement afin d’adopter une législation d’exception qui ne respecte ni les délais ni la procédure normale des projets de loi d’intérêt privé, un nom particulièrement cynique pour désigner une mesure qui avantage principalement l’entreprise de monsieur Péladeau.
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Le « Nordiques Bill » (titre provisoire)
Le projet de loi dont il a été question cette semaine aura au moins un effet positif : celui de faire progresser nos connaissances sur les projets de loi d’intérêt privé, mieux connus sous le nom de « projets de loi privés » ou encore « bills privés ». Même les députés en ont appris, alors, que dire des pauvres lecteurs de journaux ? Après plusieurs jours de débats et de reportages, il leur en manque encore des bouts.
Les projets de loi d’intérêt privé ont nécessairement un aspect exceptionnel, autrement, on n’en aurait pas besoin : les lois d’application générale suffiraient. Les « bills privés » visent à régler des cas particuliers et, presque toujours, permettent une dérogation ou une exception aux lois d’application générale.
Un projet de loi concernant des intérêts particuliers ou locaux est présenté par un député mais, comme le précise le Règlement de l’Assemblée, « ce dernier ne se porte pas garant de son contenu et n’en approuve pas nécessairement les dispositions ». Intéressant.
Habituellement, ces projets de lois ne font pas de bruit car ils n’ont d’impact que sur les personnes visées par leurs dispositions évidemment ciblées. Pour s’assurer qu’il n’y a pas de tiers potentiellement lésés, la personne qui demande l’adoption du projet de loi fait publier, dans la Gazette officielle du Québec, un avis décrivant l’objet du projet de loi et « invitant toute personne qui a des motifs d’intervenir » à se manifester auprès de l’Assemblée nationale. Cet avis doit aussi paraître une fois par semaine pendant quatre semaines dans un journal circulant dans le district judiciaire de la personne intéressée.
Dans le cas du « Nordiques Bill », il n’y a évidemment pas eu d’avis et le fait sera soulevé lors de la présentation du projet. Il faudra donc un consentement pour déroger au Règlement de l’Assemblée, d’où le premier vote unanime requis.
Cette absence d’avis a cependant d’autres conséquences. Les personnes intéressées à intervenir auront-elles le temps de se manifester ? Comme le projet de loi (que personne n’a encore vu…) aurait pour but d’empêcher toute contestation judiciaire de l’entente Québec-Québécor, tous les contestataires potentiels sont théoriquement concernés ! On nage dans la virtualité. Qui pourra intervenir ? Comment la présidence va-t-elle gérer les demandes d’intervention ? On verra.
Comme le projet sera présenté après le 15 mai, il ne pourra être adopté pendant la période de travaux en cours, soit avant les vacances estivales, à moins d’obtenir un autre « consentement unanime » pour déroger à cette règle sagement inspirée par le président Richard Guay, lors de la réforme parlementaire de 1984, pour empêcher la présentation à la sauvette, l’étude sous pression et l’adoption à la vapeur de projets de loi minute qui ne perdent rien à reposer au frigo jusqu’à l’automne.
Avant le NPD, la vague créditiste
Ai-je bien entendu? Le NPD serait le premier parti politique fédéral où les Québécois sont majoritaires ? A-t-on déjà oublié l’épisode du Crédit social du Canada?
Fondé pendant la Grande Crise (tout comme le CCF, devenu le NPD en 1961), le Crédit social du Canada remporte 17 sièges en 1935, tous dans l’Ouest. Il connaît ensuite une fortune variable et se retrouve à zéro en 1958.
Surprise en 1962 : sous la direction de l’Albertain Robert N. Thompson (qui avait défait le Québécois Réal Caouette dans une course au leadership l’année précédente), le Crédit social revient à la Chambre des communes avec 30 députés : trois de l’Ouest, dont Thompson, et 26 du Québec! L’année suivante (quatrième élection en six ans), le Crédit social conserve 24 sièges, dont 20 au Québec, mais les tensions minent le caucus. Les Québécois considèrent que leur chef est Caouette, qui a été nommé chef adjoint comme prix de consolation. D’après la rumeur, il aurait eu la majorité des voix au congrès de 1961, mais les résultats, jamais dévoilés, auraient été trafiqués… Le premier ministre créditiste albertain Ernest Manning, avait par ailleurs déclaré que sa province n’accepterait jamais qu’un catholique francophone dirige le parti…
En septembre 1963, Thompson refuse de laisser la direction à Caouette, un vendeur d’automobiles de Rouyn qui était devenu un adepte des théories créditistes 20 ans plus tôt et s’était imposé, dans les « assemblées de cuisine », sur les tribunes et à la télévision, grâce à son charisme et son nationalisme. Caouette décide de former un caucus distinct sous le nom de « Ralliement des créditistes ». Treize députés le suivent, les autres deviendront indépendants (5) ou conservateurs (2).
En 1965, Thompson ne fait élire que cinq députés du Crédit Social du Canada, tous dans l’Ouest, et passe ensuite au Parti progressiste-conservateur. De son côté, au Québec, le Ralliement des créditistes dirigé par Caouette remporte 9 sièges en 1965 et 14 en 1968. Cette année-là, le Crédit social retombe à zéro au Canada anglais.
En 1971, Caouette et ses créditistes québécois renouent avec le Crédit social du Canada. Le tribun populaire est élu « chef national » mais il ne fera plus élire de députés ailleurs qu’au Québec où la représentation parlementaire créditiste décline jusqu’à disparaître en 1980.
La majorité québécoise qu’on observe au sein du NPD n’est donc pas un précédent. Il y a cinquante ans, à l’époque où fleurissait le concept des deux nations, le Québec a fait le coup au Crédit social du Canada… qui n’a pas survécu. Quant aux Québécois, ils ont appris, s’ils ne le savaient pas, qu’ils ne fonctionnent bien dans les partis fédéraux « nationaux » qu’en reconnaissant, comme on disait autrefois, « leur rang et leur classe ».
Yes, he « canne » !
L’incident est passé inaperçu, justement parce qu’il n’a duré qu’un instant : Jack Layton a gravi prestement les marches qui menaient à la tribune en fin de soirée lundi. Sans aucune hésitation. Tout en brandissant sa canne. La soirée électorale n’était décidément pas à court de miracles. Ni les faiseurs d’images qui ont visiblement étiré la vie utile de cet accessoire sympathique.
Sur le lutrin, un slogan « bilingue », « Canadian leadership/Travaillons ensemble », typique des traductions qu’on pratique à l’occasion à Ottawa quand il faut parler simultanément des deux côtés… de l’Outaouais.
Dans son discours, la portion congrue pour le Québec qui venait, pratiquement seul (le bilan des gains et pertes hors Québec étant pratiquement neutre) de le hisser au rang de chef de l’Opposition officielle. Pas un mot sur les « conditions gagnantes » mais une kyrielle de promesses (comme si la campagne se poursuivait…) dans plusieurs champs de compétences québécoises. Le message, comme la canne, n’avait pas été reformaté.
Le lendemain, questionné sur l’unilinguisme de sa représentante dans Berthier-Maskinongé, le chef du NPD a promis main sur le cœur que son Anglaise allait améliorer « sa française ».
Échos de la campagne profonde
Le péché originel
On se moquait autrefois de la fixation de Duplessis sur les communistes; il en voyait dans les synficats et les coopératives, ou sous le pont de Trois-Rivières, voire dans les oeufs importés de Pologne. À Québec, le communiste des années cinquante est devenu le « radical », nouvel épouvantail, et, à Ottawa, la « coalition » est dénoncée comme un nouveau péché.
À l’époque où les dirigeants politiques avaient de la culture historique (et avant que notre système politique ne soit perverti par les partis politiques modernes), on savait que les coalitions n’avaient rien d’exotique. C’est une coalition qui donne naissance au Parti conservateur (eh! oui) en 1854 mais le meilleur exemple survient en 1864. Je cite l’Encyclopédie Canadienne (http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0003424):
« C’est en raison de l’instabilité et de l’impasse politiques qui prévalent dans la province du Canada au début des années 1860 qu’est créée la Grande Coalition de 1864-1867. Les dangers extérieurs que pose la Guerre de sécession aux États-Unis se conjuguent à l’impasse politique pour imposer des changements radicaux. L’union des deux Canadas étant un échec, les chefs politiques sont prêts à mettre de côté leurs vieilles querelles politiques pour créer un ordre politique nouveau. George Brown, chef du Reform Movement, propose qu’un comité parlementaire regroupant des membres provenant de tous les horizons politiques se réunisse pour essayer de dénouer l’impasse. Ce comité en vient très vite à la conclusion que la meilleure solution est une confédération de l’Amérique du nord britannique ou l’union fédérale des deux Canadas. Brown réagit rapidement au rapport en se joignant à une coalition avec les conservateurs en vue de créer une nouvelle union (annoncé au Parlement le 22 juin 1864). Ainsi est formée la Grande Coalition sous le leadership de Brown, de George-Étienne Cartier et surtout de John A. Macdonald. Cette coalition bénéficiant d’un appui généralisé réussit remarquablement à atteindre ses objectifs primordiaux : la fin de l’impasse politique et la création d’une nouvelle entité politique. Ce gouvernement de coalition de la Province du Canada est resté à peu près intact jusqu’à la Confédération ».
Non seulement le Parti conservateur mais le Canada est né d’une coalition réunissant les libéraux (Clear Grits) et les conservateurs du Haut-Canada avec les conservateurs du Bas-Canada (Bleus comme anglophones), et laissant les Rouges du Bas-Canada, héritiers des patriotes, dans leur coin.
Et personne n’aurait même songé à mettre en doute sa légitimité.
Le « gros cave » de Chambly-Borduas
L’humoriste Mercier donne un très mauvais spectacle dans Chambly-Borduas. Il se porte candidat mais ne veut pas être élu ; il dénonce la situation politique mais promet de ne rien changer. Comme incohérence, on peut difficilement trouver mieux. S’il avait utilisé la moitié de sa notoriété pour inciter les jeunes à voter (comme l’a fait le groupe Arcade Fire, par exemple), il aurait pu apporter une contribution utile.
Cette pitrerie promotionnelle lui mérite plusieurs articles dans les journaux dont une demi-page de Nathalie Pétrowski qui croit y voir un engagement dans l’action… Allons donc! Il crée un amusement. S’il en veut à Coderre, pourquoi se présenter dans Chambly-Borduas? Dans ce dernier comté, il y aura plusieurs candidats. Les citoyens ont un choix. Ce sont tous des pourris? Même ceux qui n’ont jamais été au pouvoir?
Si ce n’est pas entretenir du cynisme, je me demande bien ce que c’est. Ces mascarades déprécient le processus politique.
Et l’autre, là, dans Portneuf?
Les électeurs/trices de Portneuf reconduiront-ils/elles leur conducteur d’autobus à Ottawa?
Cet homme se désintéresse totalement de la fonction de député mais se porte à nouveau candidat et, de toute évidence, il aura encore une pluralité des voix. C’est à désespérer de son sens éthique et de celui de ses admirateurs/trices. Mes excuses aux gens de Portneuf.
Promesse 101
Couper les campagnes électorales de 20% serait la plus élémentaire des économies.