Archives pour la catégorie Actualité

Chambres des Communes, 2, Ligue nationale, 0

La fonction de commissaire de la Ligue nationale et celle de président des Communes ont-elles des points communs? Dans les deux cas, les titulaires ont la laisse courte. Le président de la Ligue doit ménager les hommes d’affaires qui possèdent les clubs et les vedettes, celui des Communes marche sur des œufs lorsque se pointe une possibilité de conflit avec le parti qui l’a mis sur son siège et qu’il doit juger le comportement des stars qui composent le cabinet. Daniel Johnson disait que le speaker devait protéger sa droite.
Les décisions rendues par le président des Communes cette semaine constituent donc un fait rare. À deux reprises, ce qui est probablement sans précédent, il a jugé le gouvernement Harper coupable d’outrage au Parlement. M. Milliken a décidé que le gouvernement n’avait pas respecté les règles en refusant de dévoiler les documents sur les coûts réels de baisses d’impôt sur les sociétés et sur les coûts des différents projets de loi sur la justice. Il a ensuite conclu que la ministre Bev Oda avait menti aux parlementaires au sujet de la subvention refusée au groupe Kairos.
Le commissaire de la Ligue nationale n’est pas rendu là. Par la voix de son vice-président, il a exonéré le défenseur vedette Chara de tout blâme dans « l’incident » qui a failli paralyser Pacioretty.
Il faut relire le commentaire de monsieur Murphy pour réaliser à quel point la direction de la Ligue vit dans un autre monde, « est ailleurs », pour utiliser une expression à la mode à Québec.
Citation : « Ce coup est le résultat d’un jeu qui s’est déroulé très rapidement, avec les deux joueurs qui patinaient dans la même direction, et avec Chara qui tentait de rediriger son adversaire contre la bande ». (Les gens qui ne connaissent pas trop le hockey saisiront mal comment on peut aller dans la même direction (vers la rondelle, en principe) et se frapper, sans enfreindre le règlement, s’ils ignorent qu’il est « toléré » dans cette ligue de « compléter sa mise en échec », c’est-à-dire frapper un joueur qui n’a plus la rondelle.)
Citation : « Je n’ai pu trouver une preuve qui laissait croire […] que Chara a visé la tête de son adversaire… » (C’est probablement la main de Dieu qui a tenu la tête du joueur dans la direction du poteau comme on peut le voir sur la photo d’Éric Bolté publiée dans le Journal de Québec du 13 mars).
Chara.JPG
Citation : « …, qu’il a sauté pour donner une mise en échec qui pourrait être jugée dangereuse. » (Le v.-p. ignore que Chara mesure 6 pieds 9 pouces.)
Citation : « C’est un jeu qui a mené à une blessure, à cause d’un joueur qui a frappé la baie vitrée, et qui a ensuite frappé la glace ». (Dans la comptabilité de la NHL, la commotion de Pacioretty sera placée dans la colonne Accidents car sa tête a frappé la glace; elle sera donc exclue des statistiques sur les coups dangereux.)
Citation : « En revoyant ce jeu, j’ai aussi pris en considération le fait que Chara n’a jamais été impliqué dans un incident qui a mené à une suspension en 13 ans de carrière. » (C’est la meilleure : la prochaine fois que Chara sera impliqué dans une affaire similaire, on pourra dire encore qu’il n’a jamais été suspendu et, avec de tels raisonnements, il ne le sera jamais. Peut-être faut-il comprendre plutôt que son geste serait pire s’il avait déjà été suspendu. Dans cette ligue, on ne juge pas les actes mais les hommes.)
Dans le chapitre « Nous prennent-ils pour des valises! », il faut citer Chara lui-même qui soutient ne pas avoir réalisé que le joueur frappé était Pacioretty. Quatre secondes avant le choc, Chara attend la mise au jeu à la ligne bleue; Pacioretty est en face de lui, à environ 10 mètres. À la mise au jeu, la rondelle passe entre l’ailier et le défenseur et roule vers la bande. Les jeux joueurs patinent en sa direction et Pacioretty lui touche à peine avant d’être frappé. Chara est un joueur-vedette de 13 ans d’expérience, capitaine du club, et il n’aurait pas noté l’identité des joueurs qui lui faisaient face à la mise au jeu, particulièrement son vis-à-vis, celui qu’il avait justement à surveiller?
Le commissaire de la Ligue nationale de hockey affirme pour sa part que la blessure subie par Pacioretty est horrible, mais que « cela fait partie du jeu ». C’est là qu’il se distingue du président des Communes qui a décidé cette semaine que le mensonge n’en faisait pas partie. Quoi qu’en pense le premier ministre.

« Il compte… et fait la passe »

Mme Verner et le PC s’arrangeront avec leurs justifications et les conséquences de leur refus de participer au projet d’amphithéâtre ; leur position n’est pas sympathique, mais leur lecture est exacte sur un point : il n’y a pas de dollars privés dans le projet de construction, mise à part l’obole symbolique de J’ai ma place (qui va plafonner maintenant que l’amphithéâtre est « acquis »).
PKP fait une fleur à Québec en payant sa pub d’avance (33M$ pour le nom) et la ville en profite pour réduire son emprunt; elle prend le beurre tout de suite, ce qui la privera pendant 25 ans de l’argent dudit beurre, soit un revenu annuel moyen de 1,32M$ qui aurait été utile pour l’entretien de la bête.
Une astuce bien planifiée pour donner l’illusion d’une participation « significative » du privé : la quasi-totalité des observateurs locaux et tous ceux qui ont une raison de stigmatiser le gouvernement fédéral ont marché dans le courant. Impressionnés par la passe que le maire a fait à PKP (en lui laissant la tâche d’aller chercher un club), ils n’ont pas voulu voir que ce dernier a réalisé un jeu d’un autre niveau : compter … et faire la passe ensuite.
On a tout su, cette semaine, de certains détails périphériques (dont les mouvements de l’hélico présidentiel dans les derniers moments de la négociation…), mais on a manqué d’analystes indépendants pour décortiquer le match comme l’a fait Pierre-Yves McSween sur Cyberpresse dimanche (http://www.cyberpresse.ca/opinions/201103/04/01-4376227-amphitheatre-pourquoi-pkp-est-un-excellent-homme-daffaires.php).
Cette analyse vient de Montréal (nul n’est parfait…) mais il faut bien s’en satisfaire à défaut de produits locaux. Incidemment, le bon côté de l’entrée en scène de Québecor (en plus de nous épargner un « Rogers Center », par exemple), c’est que, concurrence médiatique aidant, des médias de Québec pourraient connaître un regain de sens critique à l’égard de ce qui se passe dans la Vieille capitale. Le chroniqueur du Soleil voit la possibilité « d une overdose si Quebecor ambitionne sur le pain béni de la convergence ». Souhaitons que la confrérie n’attende pas le delirium tremens avant de penser au sevrage.

Diderot à l’encan

Mon « Alma mater », à l époque « classique », met en vente son exemplaire de L’Encyclopédie de Diderot, un ouvrage en 35 volumes publié au milieu du XVIIIe siècle. On comprend que la presse a été mise sur la piste par une indiscrétion et que l’affaire n’était pas destinée à sortir sur la place publique. Trouvera-t-on des « anciens » pour monter aux barricades, comme l’anticipe la directrice générale du collège ? La question en vaut-elle la peine ? Ou faut-il simplement hausser les épaules ?
Le Collège de Sainte-Anne est une entreprise privée qui peut faire ce qu’elle veut de son patrimoine et qui peut se donner les politiques de conservation de son choix. Elle a récemment liquidé des tableaux (dont on n’a pu savoir ni la liste ni la valeur), un lot de livres anciens (qui étaient, disait-on, des doublons ou des exemplaires défraîchis), des meubles antiques (paraît-il), et quoi d’autre ? Ces ventes « font le bonheur des collectionneurs privés », d’après la direction. C’est ce qu’on disait aussi quand les « pickers » vidaient les campagnes. Mais, de quoi se plaint-on, si tout le monde est heureux ?
Il demeure que certains anciens, les « vrais », ceux qui ont connu le Collège dans sa forme traditionnelle, ne manqueront pas de sourciller. Liquider le patrimoine du collège pour investir « dans le savoir moderne » rappellera de beaux souvenirs à ceux qui souhaitaient autrefois apprendre l’espagnol plutôt que les langues mortes qui leur étaient imposées…. Les temps changent. L’Encyclopédie que possède le Collège n’est pas « un objet unique », bien sûr, et tout son « contenu est disponible sur Internet », plaide-t-on : imaginez les économies qu’on pourra faire, un coup partis dans cette veine, comme installer tous les étudiants du collège dans un entrepôt vide avec un iPhone personnel pour toute ressource pédagogique. On pourra même un jour s’y confesser.
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers n’est pas un ouvrage quelconque et devrait signifier quelque chose pour une institution de savoir qui vise à former des élites pour notre société. C’est la première encyclopédie française. Elle a fait la synthèse des connaissances de son époque et constitue un symbole du siècle des Lumières.
Ce n’est bien sûr qu’une « vieille encyclopédie » dont le contenu est dépassé. Convenons aussi que le collège n’est ni un musée, ni un centre d’archives. Mais, s’il n’est pas outillé lui-même « pour conserver des volumes anciens », il faut rappeler aux dirigeants du Collège qu’ils hébergent, dans leurs propres locaux, un centre d’archives régional « patenté » qui peut aisément prendre charge de 35 volumes supplémentaires, de même qu’un musée (le musée François-Pilote) qui s’enrichirait de posséder les remarquables artéfacts que sont les planches thématiques de L’Encyclopédie. L’ouvrage demeurerait dans la région qui tient ce collège à bout de bras depuis des années, et il se trouvera peut-être un professeur de français, de sciences ou d’histoire qui voudra le faire voir « en personne » à ses étudiants. Ça les changerait de Facebook.

Fermé pour cause de réflexion

Fort intéressant texte de Fabien Deglise dans le Devoir du 12 février (« On se débranche et on déjeune », http://www.ledevoir.com/societe/science-et-technologie/316586/on-se-debranche-et-on-dejeune).
À noter entrer autres ce qu’il rapporte au sujet de John Lilly, qui n’est pas particulièrement has been vu qu’il a dirigé Mozilla, la compagnie qui a mis au monde le fureteur Firefox. Autrement dit, ce n’est pas un twit , du moins au sens où on l’entendait jusqu’à récemment.
Ce qui a fait la fortune de Lilly est en train d’empoisonner sa vie. Il a donc annoncé sur son blogue au début de l’année qu’il va « mettre un terme à une partie de son existence en ligne, rompre avec son Google Reader, son Facebook et son Twitter » dans le but de reprendre le contrôle de sa vie et «le temps de penser».
«Je veux prendre du temps pour être plus créatif, pour penser plus grand et avoir des idées plus originales», expose-t-il, en ajoutant être très excité à l’idée de commencer l’année en ralentissant la cadence pour essayer de «penser plus à long terme».
À noter qu’il n’a pas dit qu’il fermait son blogue.

Les propos de Michaud : des inventions ?

Environ 45 des 66 députés du Parti québécois qui ont voté la motion de blâme contre Yves Michaud en 2000 ont reconnu, sous une forme où l’autre, au cours des derniers mois, qu’il s’agissait d’une erreur. Ce geste les honore. Certains l’ont fait discrètement, en quelques mots, d’autres, de façon plus explicite, comme Jean-François Simard dont Le Soleil a publié une longue lettre le 15 janvier dernier. L’ex-député de Montmorency y écrivait notamment : « Je reconnais avoir été de bonne foi, mais dans la plus totale ignorance de ce que représentait cette résolution comme atteinte aux droits fondamentaux de la personne et aux principes élémentaires de justice naturelle ».
Le Soleil du 22 décembre a aussi rendu compte d’une longue lettre adressée par l’ex-député de Matane, Matthias Rioux, à divers médias mais publiée nulle part, sauf sur Vigile.net (http://www.vigile.net/Le-complot-du-14-decembre-2000).
« Aujourd’hui, je joins ma voix à celle de mes anciens collègues pour dénoncer le complot dont fut victime Yves Michaud le 14 décembre 2000 et lui présenter mes excuses les plus sincères. J’en profite pour dire la honte que j’éprouve d’avoir été roulé dans la farine par des manipulateurs. […] Il est réconfortant de constater que d’anciens parlementaires acceptent, dix ans après la mauvaise action, de relever la tête et de reconnaître leur erreur ».
Dans une une autre lettre, adressée au Devoir le 19 décembre dernier (et malheureusement restée inédite), François Beaulne, ancien député de Marguerite-d’Youville, nous en apprend un peu plus :
« Comme plusieurs de mes collègues j’avais appuyé la motion, non seulement parce que je sentais que tel était la volonté du chef, mais également parce que cette motion, qui prêtait à Monsieur Michaud des propos antisémites, était présentée conjointement par deux députés, l’un péquiste, André Boulerice, et l’autre, libéral, Lawrence Bergman […].
Immédiatement après le vote, lorsque plusieurs d’entre nous voulurent aller aux sources et en savoir plus, les choses se compliquèrent et ce n’est que beaucoup plus tard que nous sûmes que Monsieur Michaud n’avait jamais prononcé les mots qu’on lui attribuait ».
La plus lourde de sens des lettres du genre est toutefois celle d’André Boulerice lui-même (http://www.vigile.net/Des-excuses-du-depute-Andre), co-auteur de la motion de blâme. Dans une lettre envoyée à son ex-collègue Paul Bégin le 26 janvier, l’ancien député de Sainte-Marie-Saint-Jacques assume sa responsabilité dans la présentation de la motion mais il évoque, sans utiliser le terme, des circonstances atténuantes :
« À l’époque, on nous a rapporté des propos inacceptables traitant de matières très sensibles et qui, par le passé, avaient profondément entaché notre formation politique. Il appert, des différents documents portés à ma connaissance, que les propos de M. Michaud avaient été inventés ou interprétés vraisemblablement dans le but de tromper ou de provoquer une vive réaction émotive ».
L’affaire Michaud découlerait de propos « inventés » ? On attend la suite. Il doit bien y avoir un inventeur.