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Diderot à l’encan

Mon « Alma mater », à l époque « classique », met en vente son exemplaire de L’Encyclopédie de Diderot, un ouvrage en 35 volumes publié au milieu du XVIIIe siècle. On comprend que la presse a été mise sur la piste par une indiscrétion et que l’affaire n’était pas destinée à sortir sur la place publique. Trouvera-t-on des « anciens » pour monter aux barricades, comme l’anticipe la directrice générale du collège ? La question en vaut-elle la peine ? Ou faut-il simplement hausser les épaules ?
Le Collège de Sainte-Anne est une entreprise privée qui peut faire ce qu’elle veut de son patrimoine et qui peut se donner les politiques de conservation de son choix. Elle a récemment liquidé des tableaux (dont on n’a pu savoir ni la liste ni la valeur), un lot de livres anciens (qui étaient, disait-on, des doublons ou des exemplaires défraîchis), des meubles antiques (paraît-il), et quoi d’autre ? Ces ventes « font le bonheur des collectionneurs privés », d’après la direction. C’est ce qu’on disait aussi quand les « pickers » vidaient les campagnes. Mais, de quoi se plaint-on, si tout le monde est heureux ?
Il demeure que certains anciens, les « vrais », ceux qui ont connu le Collège dans sa forme traditionnelle, ne manqueront pas de sourciller. Liquider le patrimoine du collège pour investir « dans le savoir moderne » rappellera de beaux souvenirs à ceux qui souhaitaient autrefois apprendre l’espagnol plutôt que les langues mortes qui leur étaient imposées…. Les temps changent. L’Encyclopédie que possède le Collège n’est pas « un objet unique », bien sûr, et tout son « contenu est disponible sur Internet », plaide-t-on : imaginez les économies qu’on pourra faire, un coup partis dans cette veine, comme installer tous les étudiants du collège dans un entrepôt vide avec un iPhone personnel pour toute ressource pédagogique. On pourra même un jour s’y confesser.
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers n’est pas un ouvrage quelconque et devrait signifier quelque chose pour une institution de savoir qui vise à former des élites pour notre société. C’est la première encyclopédie française. Elle a fait la synthèse des connaissances de son époque et constitue un symbole du siècle des Lumières.
Ce n’est bien sûr qu’une « vieille encyclopédie » dont le contenu est dépassé. Convenons aussi que le collège n’est ni un musée, ni un centre d’archives. Mais, s’il n’est pas outillé lui-même « pour conserver des volumes anciens », il faut rappeler aux dirigeants du Collège qu’ils hébergent, dans leurs propres locaux, un centre d’archives régional « patenté » qui peut aisément prendre charge de 35 volumes supplémentaires, de même qu’un musée (le musée François-Pilote) qui s’enrichirait de posséder les remarquables artéfacts que sont les planches thématiques de L’Encyclopédie. L’ouvrage demeurerait dans la région qui tient ce collège à bout de bras depuis des années, et il se trouvera peut-être un professeur de français, de sciences ou d’histoire qui voudra le faire voir « en personne » à ses étudiants. Ça les changerait de Facebook.

Fermé pour cause de réflexion

Fort intéressant texte de Fabien Deglise dans le Devoir du 12 février (« On se débranche et on déjeune », http://www.ledevoir.com/societe/science-et-technologie/316586/on-se-debranche-et-on-dejeune).
À noter entrer autres ce qu’il rapporte au sujet de John Lilly, qui n’est pas particulièrement has been vu qu’il a dirigé Mozilla, la compagnie qui a mis au monde le fureteur Firefox. Autrement dit, ce n’est pas un twit , du moins au sens où on l’entendait jusqu’à récemment.
Ce qui a fait la fortune de Lilly est en train d’empoisonner sa vie. Il a donc annoncé sur son blogue au début de l’année qu’il va « mettre un terme à une partie de son existence en ligne, rompre avec son Google Reader, son Facebook et son Twitter » dans le but de reprendre le contrôle de sa vie et «le temps de penser».
«Je veux prendre du temps pour être plus créatif, pour penser plus grand et avoir des idées plus originales», expose-t-il, en ajoutant être très excité à l’idée de commencer l’année en ralentissant la cadence pour essayer de «penser plus à long terme».
À noter qu’il n’a pas dit qu’il fermait son blogue.

Les propos de Michaud : des inventions ?

Environ 45 des 66 députés du Parti québécois qui ont voté la motion de blâme contre Yves Michaud en 2000 ont reconnu, sous une forme où l’autre, au cours des derniers mois, qu’il s’agissait d’une erreur. Ce geste les honore. Certains l’ont fait discrètement, en quelques mots, d’autres, de façon plus explicite, comme Jean-François Simard dont Le Soleil a publié une longue lettre le 15 janvier dernier. L’ex-député de Montmorency y écrivait notamment : « Je reconnais avoir été de bonne foi, mais dans la plus totale ignorance de ce que représentait cette résolution comme atteinte aux droits fondamentaux de la personne et aux principes élémentaires de justice naturelle ».
Le Soleil du 22 décembre a aussi rendu compte d’une longue lettre adressée par l’ex-député de Matane, Matthias Rioux, à divers médias mais publiée nulle part, sauf sur Vigile.net (http://www.vigile.net/Le-complot-du-14-decembre-2000).
« Aujourd’hui, je joins ma voix à celle de mes anciens collègues pour dénoncer le complot dont fut victime Yves Michaud le 14 décembre 2000 et lui présenter mes excuses les plus sincères. J’en profite pour dire la honte que j’éprouve d’avoir été roulé dans la farine par des manipulateurs. […] Il est réconfortant de constater que d’anciens parlementaires acceptent, dix ans après la mauvaise action, de relever la tête et de reconnaître leur erreur ».
Dans une une autre lettre, adressée au Devoir le 19 décembre dernier (et malheureusement restée inédite), François Beaulne, ancien député de Marguerite-d’Youville, nous en apprend un peu plus :
« Comme plusieurs de mes collègues j’avais appuyé la motion, non seulement parce que je sentais que tel était la volonté du chef, mais également parce que cette motion, qui prêtait à Monsieur Michaud des propos antisémites, était présentée conjointement par deux députés, l’un péquiste, André Boulerice, et l’autre, libéral, Lawrence Bergman […].
Immédiatement après le vote, lorsque plusieurs d’entre nous voulurent aller aux sources et en savoir plus, les choses se compliquèrent et ce n’est que beaucoup plus tard que nous sûmes que Monsieur Michaud n’avait jamais prononcé les mots qu’on lui attribuait ».
La plus lourde de sens des lettres du genre est toutefois celle d’André Boulerice lui-même (http://www.vigile.net/Des-excuses-du-depute-Andre), co-auteur de la motion de blâme. Dans une lettre envoyée à son ex-collègue Paul Bégin le 26 janvier, l’ancien député de Sainte-Marie-Saint-Jacques assume sa responsabilité dans la présentation de la motion mais il évoque, sans utiliser le terme, des circonstances atténuantes :
« À l’époque, on nous a rapporté des propos inacceptables traitant de matières très sensibles et qui, par le passé, avaient profondément entaché notre formation politique. Il appert, des différents documents portés à ma connaissance, que les propos de M. Michaud avaient été inventés ou interprétés vraisemblablement dans le but de tromper ou de provoquer une vive réaction émotive ».
L’affaire Michaud découlerait de propos « inventés » ? On attend la suite. Il doit bien y avoir un inventeur.

Feu la parité

26 ministres?
Maintenant que la parité est du passé, on pourrait mettre pied à terre et cesser de spinner*. Il y a 27 ministres au Conseil des ministres et deux députés participent à ses réunions sans être membres, soit le whip et le président du caucus. Le site Internet du Conseil exécutif contient une liste et un tableau (http://www.premier-ministre.gouv.qc.ca/equipe/conseil-des-ministres.asp) qui donnent précisément les noms, titres et photos de ces 27 ministres, incluant celui qui en est le « premier ».
Jean Charest a probablement réussi le plus beau spin de la décennie en créant l’illusion qu’il n’était plus membre de son propre conseil (où donc pourrait-il être?) pour laisser croire qu’il y avait parité. Le Conseil des ministres d’avril 2007 comprenait 19 personnes, soit 9 femmes et 10 hommes; celui de décembre 2008 en comptait 27 (toujours selon le site officiel), soit 13 femmes et 14 hommes.
Le seul moment où il y a eu vraiment parité s’est produit à la suite d’une série d’événements dont le premier ministre a davantage été la victime que l’inspirateur. C’est en quelque sorte par attrition (départs de Whissel et de Tomassi, puis démission de Béchard) que le Conseil des ministres s’est trouvé en septembre 2010 composé d’un nombre égal d’hommes (incluant le premier ministre) et de femmes, soit 12. Or, curieusement, personne n’a signalé, ni dans les médias ni au gouvernement, que, selon la « logique » du spin de 2007, le Conseil était alors majoritairement féminin (12 contre 11, en excluant le premier ministre)!
Pour être conséquent avec la « mathématique » nouvelle imaginée en 2007, ce ne serait pas la fin de la parité qu’on a connue hier mais la fin d’une brève et exceptionnelle majorité féminine au Conseil des ministres. Car il faut se brancher: ou bien le premier ministre est membre du Conseil des ministres (et il n’y a pas eu de parité depuis 2007, sauf depuis la démission de Claude Béchard), ou bien il n’y est pas (et les femmes étaient majoritaires de septembre dernier à avant-hier).
La seule autre hypothèse serait, suivant sa déclaration du 20 janvier dernier, qu’il est « ailleurs ».
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* « En présentant les faits ou les informations sous un angle favorable, quitte à les déformer, les spin doctors (attachés politiques, attachés de presse, conseillers en communication) qui entourent les politiciens tentent d’orienter l’opinion des médias et des citoyens.

Jour du drapeau? Comme la température, sous zéro

En 2010, le Jour du drapeau s’était passé dans l’indifférence quasi complète : aucune publicité gouvernementale, aucune activité officielle. Le ministère de la Justice avait émis un très bref communiqué à 11 h 20 (un gain de 2 heures sur l’année précédente!).
Cette année, nous avons atteint le fond du baril. Aucune publicité gouvernementale, aucune activité officielle, même pas de communiqué. Silence, lndifférence: peut-on dire « mépris » ? Ne reste plus qu’à abroger l’article 3 de la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec (L.R.Q., c. D-12.1) qui stipule que « le 21 janvier est le jour du drapeau du Québec ». Le ministre de la Justice est chargé de son application. L’ignore-t-il? Ce serait le comble de l’ironie (« Nul n’est censé….»). Si non, a-t-il une idée de ce qu’un drapeau signifie pour une nation?
Dans le communiqué émis par le ministère l’an dernier, on pouvait lire que le drapeau du Québec arboré devant les édifices gouvernementaux « répond à un besoin de traçabilité des services ». Cette vision technocratique du drapeau (on se serait cru dans le dossier des OGM!) n’a évidemment rien pour inspirer une commémoration minimale, ne serait-ce qu’une petite fois par année.