Biscuits Leclerc vient d’investir près de deux millions de dollars dans un nouveau procédé industriel afin de supprimer le plastique multicouches dans ses emballages de biscuits. Les nouvelles boîtes de carton de Leclerc contiennent 50 % de matières recyclées et sont elle-même recyclables.
Les industriels n’ont pas tous la main aussi heureuse. Le café Nabob, qui se targue de donner dans le développement durable, a aussi une nouvelle boite dont les parois sont faites à 100% de matières recyclées et qui est recyclable « si les installations adéquates existent », ce qui n’est pas évident car le fond est en métal, les côtés en carton et le couvercle en plastique. L’art de compliquer le recyclage.
Mais il y a pire. Après avoir désossé un poulet la semaine dernière, je me suis retrouvé avec un contenant en plastique dont le dessous est codé 5 et le dessus, codé 6, le premier recyclable à Québec, l’autre pas.
Il n’y a pas seulement les ours blancs qui ont besoin d’aide.
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L’épidémie
Quelques jours avant Noël, la presse s’est émue du nombre important de députés ayant mis fin hâtivement à leur mandat depuis 2004. C’est le Journal de Québec qui a attaché le grelot (J.-Jacques Samson, « Les déserteurs », 16 décembre, p. 19), suivi du Devoir (Antoine Robitaille, « Chers, chers, les députés démissionnaires », 19 décembre, p. 6). L’affaire a fait long feu, compte tenu de la trêve des Fêtes, mais aussi de l’absence de participation des parlementaires, partis en vacances et sûrement peu enclins à alimenter un débat qui les concerne tous, tous partis confondus.
Vingt-deux parlementaires ont démissionné de 2004 à 2009, soit près de 4 par année. De la Confédération à la fin des années 1970, le Parlement a perdu en moyenne 3 députés par année. Cette moyenne est passée à 3,2 depuis 1980 et à 3,4 depuis 2000. La hausse n’est pas vraiment énorme, d’autant plus que le nombre de sièges est passé de 65 à 125 pendant cette période.
Départs volontaires et involontaires
Un examen plus approfondi des statistiques ouvre cependant d’autres perspectives. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, plusieurs députés ont plié bagages lorsque leur élection a été annulée. Par ailleurs, entre 1890 et 1960, il mourrait en moyenne un député par année. Avec le temps, ces deux formes de départs involontaires se sont raréfiées : les élections annulées se comptent presque sur les doigts de la main depuis un siècle, seulement six députés sont morts en fonction depuis 30 ans et le Parlement n’a vécu aucune de ces deux situations malheureuses depuis 2000. Parallèlement, le nombre de départs volontaires (démission ou nomination à un poste incompatible) a augmenté, au fil des ans, passant de 1,7 par année, en moyenne, de 1867 à la fin des années 1970, à 2,9 depuis 1980 et 3,4 depuis 2000. En conséquence, alors que les départs étaient volontaires dans 57 % des cas de 1867 à la fin des années 1970, cette proportion est passée à 93 % depuis 1980 et à 100 % depuis 2000.
En bref, les élections sont mieux tenues, les députés se portent mieux, des règles administratives plus justes restreignent les nominations partisanes (à la magistrature par exemple) et il ne reste plus qu’une façon de quitter le Parlement avant la fin du mandat : démissionner, ce qui s’est produit 34 fois depuis 2000 (ce qui n’exclut pas la possibilité de voir les démissionnaires nommés quelque part dans les semaines ou les mois suivants).
Une analyse plus pointue révèle un autre phénomène qui contribue à justifier les réactions des médias: 14 des 22 derniers démissionnaires ont quitté moins de 24 mois après l’élection générale et 7 ont posé ce geste dans les 12 mois suivant le scrutin (sans compter le dernier démissionnaire qui a quitté après un an et 6 jours). Le phénomène n’est pas sans précédent. On a vu, par exemple, 6 départs volontaires dans les 12 mois suivant l’élection de 1881 mais ces départs hâtifs se sont raréfiés par la suite et on n’en comptait que 7 dans toute la seconde moitié du siècle dernier.
L’allocation de transition
Associer la prolifération des démissions après 1980 avec l’apparition de l’allocation de transition accordée indistinctement aux vaincus et aux démissionnaires depuis 1983 serait sûrement un raccourci dangereux. Il demeure que le total des démissions depuis 1980 est à peu près trois fois ce qu’il était dans les 30 années précédentes.
A l’époque où la Loi sur les conditions de travail et le régime de pension des députés (1982) a été adoptée, c’est la générosité du régime de retraite qui faisait problème. Un député pouvait toucher une retraite à vie après quelques années de service, quel que soit son âge. Par ailleurs, l’indemnité était inférieure au salaire d‘un agent de recherche. Il fut donc convenu d’augmenter l’indemnité et de rétreindre l’accès à la pension (en suggérant que le coût de l’opération serait nul…), tout en créant une « allocation de transition » pour aider ceux qui n’était pas admissible à la pension à se « revirer de bord ».
Depuis janvier 1983, un député qui démissionne comme membre de l’Assemblée, est défait lors d’une élection ou termine un mandat à ce titre sans être candidat à l’élection qui suit a droit à une allocation de transition égale à deux fois son traitement mensuel pour chaque année complète pendant laquelle il a été membre de l’Assemblée. L’allocation ne peut être inférieure à quatre fois le traitement mensuel ni supérieure à douze fois le traitement mensuel.
A-t-on pensé que ce parachute aurait des effets pervers ? Il faudrait relire les débats pour s’en assurer mais c’était une époque où les démissions étaient assez rares et les nominations partisanes, en voie de disparition. La moyenne annuelle des départs volontaires de 1867 à 1980 (1,7) cache d’ailleurs un creux significatif dans les années 1950-1979 (1,2 départ volontaire par an). Pouvait-on prévoir que cette moyenne rebondirait pour tripler au cours des 30 années suivantes (3,4 départs depuis 2000)?
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Trente ans après sa création, une réflexion s’impose sur l’allocation de transition, son universalité et ses autres modalités d’application. Plusieurs s’interrogent avec raison sur la pertinence de verser une allocation de transition à un député qui retourne à son emploi antérieur, obtient un mandat électif à un autre niveau (municipal ou fédéral) ou est admissible à la retraite.
Cette réflexion devrait s’accompagner d’un retour à la transparence sur l’ensemble des conditions de travail des parlementaires. Les Comptes publics fournissaient autrefois des données nominales sur les indemnités, les allocations et même les prestations de retraite. On n’y trouve presque plus rien depuis qu’il existe une Loi d’accès à l’information…
(Note: Les données ont été compilées à partir de la chronologie du site de l’Assemblée nationale (http://www.assnat.qc.ca/fra/patrimoine/chronologie/index.html). La rédaction de cette chronologie s’étant étendue sur plusieurs années, il est possible qu’on y trouve une certaine inconstance dans la formulation des entrées. Les démissions causées par l’abolition du double mandat (1874), l’accession au cabinet (réélection obligatoire avant 1927) et l’élection dans deux circonscriptions (permise avant 1952) n’ont pas été prises en compte.)
Liquidation de fin d’année
Encore une fois, il faut vider le panier qui déborde…
Une décennie extraordinaire : elle se serait écoulée en 9 ans seulement !
C’est reparti ! Après avoir essayé de liquider hâtivement le XXe siècle, voilà que Le Soleil a décidé que « la première décennie du nouveau millénaire » était terminée.
Si le siècle et le millénaire ont débuté le 1er janvier 2001, envers et contre tous les murmures marchands, la première décennie ne se terminera bel et bien qu’à la fin de 2010. Recalculons : la première année de la décennie, du siècle et du millénaire s’est écoulée de janvier à décembre 2001, la deuxième, de janvier à décembre 2002, etc. Inutile de continuer. C’est comme le compte de 10 à la boxe : l’arbitre ne commence pas à compter à zéro.
Le 10 de l’arbitre fait partie de la dizaine, tout comme 1920 fait partie des années dix, 1930, des années 1920, et ainsi de suite. Pas facile à comprendre pour ceux qui se fient aux apparences. Les médias devraient aller au-delà des mirages.
Feu la façade
La ministre a fait son baroud d’honneur, le promoteur s’en tire, évidemment, la ville aussi (elle a accordé un permis sans prendre soin de la faire endosser par le ministère). Saint Vincent-de-Paul est le seul perdant mais il a connu de bien pires misères.
En février dernier, j’écrivais ce qui suit au sujet de la façade (et je me cite, une fois n’est pas coutume) : « On peut gager tout de suite que ce sera plus cher que prévu, plus difficile (on parle déjà de pierres qui s’effritent), plus long aussi, et qu’il faudra demander de l’aide publique ? Sans compter que ce sera au moins assez long pour que tout le monde oublie ça ? ».
On n’a même pas pris le temps de se faire oublier : la façade ne sera plus qu’un souvenir, et son mini-portail, un rappel insignifiant, dont on pourrait bien se passer. Mais, puisque l’hôtel n’a pas encore officiellement de nom, pourquoi ne pas lui donner celui de Saint-Vincent? Ce serait la moindre des choses. Et, ô bonheur !, ça ce dit pareil en anglais !
Une série sur Raymond Malenfant
Le Soleil du 2 décembre nous apprenait que Séries+ présentera une minisérie de fiction sur la vie de l’homme d’affaires Raymond Malenfant à l’hiver 2011. L’œuvre comptera quatre épisodes d’une heure et rappellera sa bataille épique avec les syndiqués du Manoir Richelieu.
Et dire qu’on attend toujours la série que plusieurs équipes ont essayé de faire financer depuis 25 ans sur Papineau.
Des bienfaiteurs de l’humanité
Aux États-Unis, le Sénat et la Chambre des représentants travaillent sur d’importants projets de loi concernant la santé. La réforme Obama, bien sûr, mais aussi deux petits projets de loi qui pourraient procurer un bienfait pour l’humanité.
La Chambre des représentants a adopté par acclamation un projet de loi ordonnant aux chaînes de télévision américaines de baisser le volume des publicités. Un projet similaire portant le nom de CALM (Commercial Advertisement Loudness Mitigation Act of 2009) a été déposé au Sénat.
Le projet de loi charge la Commission fédérale des communications (FCC) d’appliquer les nouvelles règles. En juin, la même FCC expliquait que la notion de volume élevé était subjective et que « le contrôle manuel du volume avec la télécommande reste le moyen le plus simple pour réduire les volumes sonores excessifs »…
On n’y aurait pas pensé….
Vivons heureux, vivons cachés ?
La nouvelle est passée en douce, seul le Journal de Québec en a parlé le 4 décembre. Les 13 administrateurs de la Société du 400e anniversaire de Québec ont plié bagage et Québec les a remplacés par trois hauts fonctionnaires.
Il ne resterait que quelques « modalités administratives » à compléter. Un rapport et un bilan financier, peut-être ? Le c.a. n’a pas réussi à les produire 14 mois après la fin des activités (octobre 2008). Il ne sera pas là pour la distribution des surplus ni pour expliquer comment il a détourné le sens de cet anniversaire.
Au chapitre de la discrétion, il faut citer aussi le Festival d’été de Québec qui a réussi à conclure et annoncer un traité de paix avec les FrancoFolies de Montréal sans en révéler le moindre élément de contenu. Il y a pourtant quelques dollars publics en jeu, là aussi.
Le sens des mots
On se rappellera que, l’hiver dernier, un député avait qualifié de « colonisés » les opposants à la reconstitution de la bataille du 13 septembre. Un lecteur du Devoir s’était chargé de lui rappeler le sens de ce mot : « le colonisé, c’est l’Irlandais ou l’Écossais qui se réjouissait de la domination britannique, l’Algérien qui se réjouissait de la domination française, le Sud-Américain qui se réjouissait de la domination espagnole et l’adéquiste qui se réjouit à l’idée d’être invité à fêter la conquête ». Bref, s’il y avait des « colonisés » dans ce débat, ils étaient dans l’autre camp, le sien.
Le député, dont on taira le nom (et qui s’est tu, d’ailleurs, après cette sortie), n’est pas le seul à éprouver de la difficulté avec le vocabulaire de la période coloniale. « Nous n’avons pas la prétention de dire qu’on va agir comme des colonisateurs, comme j’ai cru entendre », a déclaré récemment le dg du Festival d’été de Québec en expliquant sa position dans le dossier de New Richmond.
« Agir en colonisateur » serait devenu un idéal auquel on peut prétendre?
La relâche parlementaire
C’était cette semaine la fête de l’Immaculée conception (8 décembre), une journée chômée, autrefois, par les parlementaires. Cette tradition s’est rompue en 1966 mais, 33 ans plus tard, en vertu du calendrier établi dans la dernière vague de réformes, c’est toute la semaine que le parlement est resté silencieux.
Si elle n’a pas l’ampleur de celle de 1984, la réforme parlementaire de 2009 n’amène pas moins plusieurs changements importants, au-delà des innovations technologiques (pétitions sur support électronique, lancées et signées à partir du site Internet de l’Assemblée, audition publique par la technologie de la visioconférence, consultations en ligne, commentaires par Internet sur tout projet de loi ou mandat réalisé par une commission, etc.) qui occupent le premier rang des faits saillants. On note en particulier que, désormais,
• l’élection du président de l’Assemblée se fera au scrutin secret ;
• les circonstances pouvant mettre en cause la confiance de l’Assemblée nationale envers le gouvernement sont clairement définies (une idée qui mijote depuis 1984…) ;
• le gouvernement est obligé de répondre aux pétitions déposées ;
• les commissions parlementaires peuvent siéger à l’extérieur plus facilement ;
• le nombre de commissions pouvant siéger simultanément passe de trois à quatre, lorsque l’Assemblée tient séance, et de quatre à cinq, lorsque l’Assemblée ne siège pas ;
• les personnes nommées par l’Assemblée nationale sur proposition du premier ministre pourront être entendues avant leur nomination par la Commission de l’Assemblée nationale.
De plus, en vertu du nouveau calendrier parlementaire, les travaux parlementaires seront étalés sur une plus longue période, soit dix-huit semaines à compter du deuxième mardi de février, puis douze semaines à compter du troisième mardi de septembre. Les travaux commencent donc désormais un mois plus tôt à l’hiver et à l’automne ; ils se terminent cependant un peu plus tôt en juin et en décembre. La session s’étendra donc chaque année sur 30 semaines au lieu de 24, un changement notable qui permettra à l’Assemblée d’être présente dans les grands débats de société sur une plus longue portion de l’année.
La particularité de ce calendrier est que la Chambre ne siégera pas pendant toute la session. Au début de chacune des périodes de travaux, on fixera des « semaines de travail en circonscription » au cours desquelles ni l’Assemblée ni les commissions ne pourront se réunir, ce qui permettra aux députés de passer plus de temps dans leur circonscription (http://www.assnat.qc.ca/fra/Assemblee/calendrierdetail.pdf).
Compte tenu de ces semaines de « relâche parlementaire », on ne siégera vraiment que pendant 26 semaines, soit 2 de plus qu’avant. Et, comme la durée des travaux intensifs en fin de session (la Chambre siège alors 4 jours par semaine) est réduite à deux semaines au printemps et à l’automne, le nombre de séances passera en réalité de 79 (compte tenu de la semaine après Pâques, où l’Assemblée suspendait déjà ses travaux) à 82, ce qui relativise aussi l’idée que « cette formule accroîtra le contrôle parlementaire en permettant un plus grand nombre de périodes de questions »…
Si on comprend aisément l’idée et la pertinence des « semaines de travail en circonscription » PENDANT la session, ce qui permettra aux députés d’aller prendre le pouls du comté et de souffler un peu, il est plus difficile de saisir la nature exacte de la « semaine de travail en circonscription » qu’on a placée APRÈS l’ajournement du 4 décembre, soit dans la semaine du 7 décembre. Quelle est la différence entre cette semaine et les suivantes, jusqu’à la reprise des travaux le 9 février ? Ce ne sont évidemment pas toutes des semaines de vacances, mais où le député travaillera-t-il alors, s’il n’est pas à Québec ou dans sa circonscription ?
Aussi bien expliquer le dogme de l’Immaculée conception?
Un œil au beurre noir pour la démocratie
Dans le but fort louable, en théorie, « de permettre aux régions en décroissance de préserver leur nombre actuel de circonscriptions », et de maintenir ainsi leur poids politique, le gouvernement du Québec propose un projet de loi qui fixe un nombre minimal de circonscriptions par région (ce qui préserve les 125 actuelles) tout en permettant au Directeur général des élections d’augmenter le nombre de circonscriptions dans les régions en croissance démographique en fonction de « nouveaux critères » inscrits dans la loi.
La carte qui résulterait de cette opération serait évidemment très différente de celle que le Directeur général des élections avait élaborée en 2008 et qui entrainait la disparition de trois circonscriptions – Gaspé, Beauce-Nord et Kamouraska-Témiscouata (circonscription du ministre Béchard) – et la création de trois nouvelles dans les couronnes nord et sud de Montréal (là où la population a augmenté), pour un total inchangé de 125, le maximum prescrit par la Loi électorale actuelle.
Le dépôt de ce projet de loi a suscité de vives réactions chez les partis d’opposition qui ont accusé le ministre de «jeter à la poubelle» le travail du DGEQ, de jouer les matamores, de travailler en catimini, d’enrober cette pilule amère dans le dossier du financement électoral, de sauver son siège, etc.
La seule chose qu’on n’a pas entendu, encore, c’est une objection de principe au nom de la démocratie. Il est aussi étonnant de ne pas entendre le lobby qui défend l’idée de représentation proportionnelle au nom de grands principes démocratiques, au moment où le gouvernement ajoute une nouvelle exception (le Nunavik), découpé en définitive sur une base ethnique.
Car ce n’est pas seulement le travail du Directeur général des élections qu’on jette à la poubelle mais bien aussi le principe qui guide la confection de la carte électorale depuis les années 1970. Il faut se rappeler à quel point le découpage des circonscriptions était inéquitable antérieurement. En 1962, la région métropolitaine comptait plus de 37 pour cent de la population, mais n’avait que 16,8 pour cent des sièges à l’Assemblée. La circonscription de Laval avait près de 135 000 électeurs, contre 5600 aux Îles-de-la-Madeleine. Malgré quelques aménagements dans les années 1960, la carte électorale demeurait fortement inégalitaire. En 1970, l’Assemblée abolit le privilège qui permettait aux députés des douze «comtés protégés» par la Constitution de 1867 de bloquer tout changement de leurs limites. Ensuite, une commission indépendante a préparé une carte électorale sur la base du principe que les circonscriptions devaient avoir, en moyenne, 34 000 électeurs, tout en acceptant des écarts de 25 pour cent en plus ou en moins.
C’est pour corriger les inégalités et enlever aux politiciens la possibilité de manipuler la carte à des fins partisanes que le découpage se fait depuis plus de 30 ans en fonction de principes clairs par un organisme indépendant dont les membres sont nommés sur proposition du premier ministre approuvée par les deux tiers des membres de l’Assemblée nationale.
Depuis déjà plusieurs années, le processus grince parce que la Commission de la représentation électorale applique la Loi électorale en fonction de l’évolution démographique du Québec tandis que certains députés voudraient qu’elle ignore la réalité. Au fil des ans, en plus des exceptions officielles (Ïles-de-la-Madeleine et Ungava), on a toléré des « exceptions » ponctuelles, c’est-à-dire des écarts qui dépassent largement la norme de 25%. Mais le point de rupture semble atteint : ou bien on applique la loi et des circonscriptions rurales disparaissent, ou bien on change la loi au mépris des principes démocratiques.
Le gouvernement a choisi la seconde option. Peut-être croit-il gagner des points en région (surtout si l’opposition prennait le parti de défendre une loi qui orne le bilan du gouvernement Lévesque, ce qui n’est pas sûr…) mais il s’engage dans une mauvaise voie. A quoi sert en effet de geler la représentation de l’est du Québec si on ajoute ensuite une dizaine de députés dans la région de Montréal? Le poids de l’est ne sera pas plus imposant. Actuellement, 8 députés représentent le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine. Que leur nombre passe à 7 ou à 9 changerait-il vraiment quelque chose dans l’évolution socio-économique de cette partie du Québec? J’ai beaucoup de respect pour le travail réalisé par les députés mais ce sont des agents de développement bien modestes. Si l’État ne veut ou ne peut rien faire pour inverser sensiblement le courant de l’évolution démographique, ce ne sont pas les députés qui y parviendront.
Des régions rurales ont souvent été surreprésentées au Parlement dans le passé. Au milieu du XIXe siècle, des parlementaires de la Côte-du-Sud détenaient la moitié des portefeuilles dans le cabinet Taché-MacDonald (Étienne-Pascal Taché, Jean-Charles Chapais et Hector-Louis Langevin). Un siècle plus tard, les députés de Bellechasse, Montmagny et L’Islet étaient tous trois dans le cabinet Johnson. Cela n’a pas empêché la région de perdre du poids démographiquement.
Si le gouvernement veut empêcher qu’on se retrouve tous en périphérie de Montréal dans quelque temps, il doit y penser tous les jours et, à défaut d’influencer efficacement l’évolution socio-économique des régions périphériques, saisir toutes les occasions qui se présentent pour favoriser une meilleure répartition de la population sur le territoire, à commencer par les gestes qu’il pose dans sa propre administration publique et l’importance qu’il accorde à sa propre capitale. La solution n’est pas de travestir la carte électorale en programme de développement régional!
On a invoqué les difficultés que posent de grandes circonscriptions rurales aux députés qui les représentent, la charge de travail, les distances à parcourir, etc. Ces difficultés sont réelles mais il existe des moyens pour les atténuer. Les allocations mises à la disposition des parlementaires sont déjà modulées selon les circonscriptions et on pourrait probablement trouver autre chose, avant de mettre la démocratie en veilleuse. Ce serait d’ailleurs une belle occasion de revoir certaines de nos « traditions parlementaires » : le député doit-il assister à toutes les funérailles et les expositions de fermières du comté?
Personne encore n’a parlé du coût de cette initiative, au moment où le déficit budgétaire imposera des sacrifices sans précédents. Un député coûte entre 350 000 et 950 000$ par année, selon qu’on calcule les coûts directs (indemnités, allocations, remboursements, etc. payés directement aux députés) ou qu’on divise simplement les dépenses de l’Assemblée nationale par 125. Il faudra bien ajouter des bureaux, des pupitres, voir aggrandir la salle des séances. Réglons pour un demi-million, probablement 10 fois, car il faudra plusieurs nouvelles circonscriptions pour faire en sorte que la moyenne d’électeurs par circonscription dans la région de Montréal ne s’éloigne pas trop de celle de la Gaspésie (sinon le gouvernement pourrait se retrouver devant les tribunaux). La somme n’est pas considérable, presque insignifiante à l’échelle du budget du Québec, mais, si c’est le cas, pourquoi pas 5 000 000$ aussi pour les aidants naturels, l’aide aux devoirs, les centres d’archives régionaux, la protection de la jeunesse, etc.?
Que retiendront les citoyens de cette initiative? Que l’objectif de la mesure est d’alléger le travail de deux ou trois députés, tout en accumulant du capital politique dans autant de régions périphériques et que ceux qui ont adopté cette mesure en sont aussi les bénéficiaires? Ils font pourtant partie d’une institution dont le « fonds de commerce » est la démocratie?