La conseillère municipale du district de la Chute-Montmorency et responsable de la culture et du patrimoine a réagi à une chronique de Jean-Simon Gagné (http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/chroniqueurs/201301/15/01-4611675-ceci-nest-pas-un-texte-sur-le-patrimoine.php) en dressant une liste de sept « sauvetages du patrimoine signés Équipe Labeaume » (Le Soleil, 26 janvier 2013). Cette nomenclature se termine par la phrase classique (« Je pourrais poursuivre cette énumération longtemps ») qui ne cache jamais le fait que le meilleur est derrière.
La liste des « sauvetages » doit être entendue avec les bémols appropriés et une distribution correcte des mérites. Les Nouvelle Casernes apparaissent en tête, mais on se rappellera que leur sauvetage relèvera d’abord du gouvernement du Québec… s’il trouve les crédits que les libéraux avaient oubliés quand ils ont fait leur annonce électorale surprise en juillet dernier. Le mérite du sauvetage de la maison Loyola revient d’abord à la fondation Jules-Dallaire qui a permis d’acquérir le bâtiment historique ainsi qu’aux grandes corporations et au ministère de la Culture qui ont fourni le financement. Le monastère des Augustines était-il en danger? Si son avenir est assuré, c’est essentiellement grâce à la Fiducie du patrimoine culturel mise sur pied par cette communauté. Le temple Wesley, qui deviendra la maison de la littérature? Bon point : la ville a restauré et réaménagé son propre bâtiment. Quant à l’église « éreintée » de Saint-Denys-du-Plateau, dont le caractère patrimonial en fera sourire plusieurs, qu’en restera-t-il de vraiment d’authentique une fois le recyclage terminé?
La liste comprend aussi deux « sauvetages » dans l’arrondissement de la conseillère, soit le Couvent de Beauport (une « perle du patrimoine » achetée par la ville) et le quartier Everell (désormais sous le contrôle de la Commission d’urbanisme), mais peut-on convenir que ces deux dossiers, si importants soient-ils pour les Beauportois, ne sont pas de grands enjeux pour le patrimoine de la capitale?
Les vrais enjeux sont ailleurs, particulièrement là où il y a des conflits avec des promoteurs, ce qui n’a pas été le cas dans la plupart des « sauvetages » évoqués ci-dessus. L’avenir du patrimoine de Québec ne se jouera pas dans les anciennes banlieues mais au cœur de la ville, dans le Vieux-Québec, le secteur de la Grande Allée, le Vieux-Sillery.
Parmi les dossiers déterminants figure celui de l’agrandissement de l’Hôtel-Dieu dont les plans finiront bien un jour par apparaître : jusqu’où la ville acceptera-t-elle de voir aggravé ce qui constituait déjà une erreur dans les années cinquante? Autre dossier d’envergure (et bien plus corsé que la protection des résidences de villégiature du quartier Everell) : le développement de terrains patrimoniaux dans l’arrondissement historique de Sillery. Le maire de Québec « se désengage complètement de la planification du développement des domaines patrimoniaux de Sillery [et] renvoie la balle aux représentants du ministère de la Culture », pouvait-on lire dans Le Soleil le 14 septembre dernier. La ville (en conséquence?) n’était pas représentée, le 22 janvier dernier, à l’annonce de la consultation, une initiative pour laquelle on semble « peu emballé » à Québec, selon Le Devoir.
Ce désintérêt cadre mal avec l’acte de foi qui nous est proposé par madame la conseillère. Sa lettre nous laisse aussi sur notre appétit quand elle évoque « la vingtaine de démolitions qui ont été évitées sur Grande Allée grâce à l’intervention de la Commission d’urbanisme ». Une vingtaine de démolitions demandées par « des promoteurs gourmands »? Sur Grande Allée seulement? Récemment? On voudrait bien en savoir davantage, mais on sait déjà qu’il faut continuer de s’inquiéter : les dangers qui menacent le patrimoine de Québec sont peut-être encore pires qu’on le pense.
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Me priver de mes droits d’auteur au nom du droit à l’information?
La mort du jeune gourou de l’informatique, Aaron Swartz, qui devait passer devant la justice pour avoir détourné des milliers de documents académiques du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), est certes une tragédie sur le plan humain, mais avant de le « monter sur les autels », comme disait ma mère, ou de l’inscrire au martyrologue, il faudrait prendre une grande respiration.
« Il ne s’agissait pas de piratage proprement dit, écrit Francine Pelletier (http://www.ledevoir.com/societe/medias/368426/mort-subite-d-un-jeune-revolutionnaire), seulement de détournement de compte, lui permettant ainsi de «voler» la quasi-totalité des documents du serveur ». Bien oui, tout est dans l’utilisation des guillemets… Mettons que je détourne votre compte de banque ? ou votre entrée électrique ?
Personnellement, je n’avais pas confié à monsieur Swartz le mandat de me donner « l’accès à l’information avec un grand A », surtout que ce « Robin des bois des temps modernes » ne reconnait pas cette horrible chose qu’est ma propriété intellectuelle. De son point de vue, le droit d’auteur serait très mal adapté au principe de l’Internet.
Mais n’est-ce pas plutôt l’inverse ?
Réduire les primes de départ ? Une fois parti…
Le ministre responsable des Institutions démocratiques a annoncé qu’il proposera d’abolir les primes de départ pour les députés qui démissionnent en cours de mandat. C’est une belle intention. La CAQ est d’accord sur le principe mais se questionne sur les détails. Faudrait d’abord voir ce qu’il propose, note avec raison le candidat Couillard.
Dire qu’un député démissionnaire ne mérite absolument pas d’allocation de transition est un peu simpliste. Il peut y avoir de bonnes raisons pour quitter avant la fin. La maladie en est une mais encore faut-il déterminer quelle maladie justifie la démission. Des députés se sont montrés « durs pour leur corps », d’autres, moins. Des raisons « familiales » peuvent être invoquées. On verra ce que le législateur mettra sur la table.
Par ailleurs, qualifier la démission d’un député de « bris de contrat avec l’électeur » (comme le fait Gérard Deltell) n’est pas nécessairement la bonne façon d’aborder la question. Dans notre droit, le député est théoriquement parfaitement libre de ses « mouvements » et de ses opinions. Une fois élu, il devient représentant de l’ensemble de la population et s’exprime en fonction de sa conception de l’intérêt commun.
Ce qui me frappe dans la nouvelle qui est sortie ces derniers jours et dans les réactions qu’elle a suscitées, c’est le silence des intervenants parlementaires sur le problème le plus scandaleux des allocations de transition, soit le cumul possible d’une allocation de transition et d’une pension de parlementaire.
Faut-il encore le rappeler ? La « prime de départ » des parlementaires du Québec est une « allocation de transition ». Elle est apparue au début des années 1980 lors d’une réforme importante de la Loi sur les conditions de travail des députés. Pour faire digérer une augmentation substantielle de leurs indemnités, au moment où ils coupaient les salaires des fonctionnaires, les députés ont restreint leur généreux « régime de pension » (ce qui devait laisser la « rémunération globale » inchangée, disait-on…) : les députés admissibles au régime ne pourraient plus toucher leurs prestations avant d’avoir 55 ans ; en échange, pour permettre aux moins de 55 ans « de se virer de bord », le temps de se dénicher un « emploi-difficile-à-trouver-quand-on-a-fait-de-la-politique-et-que-les-portes-se-ferment », les députés sortants, volontaires ou non, bénéficiaient d’une « allocation de transition » représentant au maximum une année de salaire.
En principe, l’allocation compensait l’absence de pension (chez les moins de 55 ans) ; en pratique, la loi a permis le cumul et ça dure depuis 30 ans, probablement parce qu’on en profite dans toutes les nuances de l’arc-en-ciel politique. Une ex-ministre des Finances pourtant zélatrice de la bonne gestion des fonds publics est ainsi partie, quatre mois après son élection, avec une sacoche rentière comprenant le RRQ, la pension fédérale, une retraite de parlementaire et une allocation de transition. « Transition » vers quoi, puisqu’elle déclarait quitter le marché du travail ?
L’interdiction de ce cumul devrait faire partie du « plan » dont le ministre responsable des Institutions démocratiques se fait à juste titre le héraut « afin de rétablir la confiance des citoyens envers la politique ». Et, parti sur cet élan, pourquoi s’arrêter ? Tant qu’à revoir la Loi sur les conditions de travail des parlementaires, pourquoi ne pas faire un ménage dans l’accumulation semi-séculaire de primes et d’indemnités de fonctions ? Le gouvernement actuel n’a heureusement pas abusé avec seulement 12 adjoints parlementaires (peut-être par manque de main-d’œuvre !) mais ne faudrait-il pas en limiter le nombre de ces postes souvent perçus comme sinécures pour éviter qu’il ne remonte à 18-20 ? De plus, a-t-on besoin de 15 personnes payées 13 000 $ pour présider les séances de commission quand les présidents et vice-présidents ne peuvent officier ? Les présidents de séance se sont partagé une trentaine de ces séances « orphelines », en moyenne, ces dernières années : ça ne fait pas beaucoup de séances par président, ni d’heures de travail, au rythme de trois heures en moyenne par séances.
Pour rétablir la confiance, ne faudrait-il pas, de façon plus générale, pratiquer la transparence sur tout ce qui touche les conditions de travail des parlementaires (indemnités, allocations, pensions, etc.), comme c’était le cas autrefois, bien avant la loi dite « d’accès à l’information », ainsi que les décisions du Bureau de l’Assemblée nationale en cette matière? Dans Le Devoir du 3 décembre dernier, l’un des rédacteurs de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Me Jules Brière, exprimait d’intéressantes observations sur ce qu’il est advenu de son « œuvre » (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/365450/trente-ans-et-deja-vieille) : « La loi, disait-il, semble avoir perdu son sens originel en s’affichant davantage comme un outil de contrôle et d’obstruction […]. Actuellement, elle laisse un peu trop de latitude au gouvernement, ce qui va à l’encontre de ce qui avait été prévu en 1982. Plusieurs aspects doivent être remodelés, et ce, afin de remettre l’intérêt public et la transparence au centre de cette loi ».
Une transparence, ajoutait Le Devoir, « que la commission Charbonneau a certainement confortée dans les derniers mois et qu’invoquent également de plus en plus les tenants d’une nouvelle gouvernance et défenseurs de l’intérêt public qui, comme M. Brière, estiment qu’elle est un des préalables pour redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions démocratiques ».
La circonscription électorale Côte-du-Sud
Les toponymes Kamouraska, L’Islet et Montmagny sont disparus de la carte électorale du Québec. On ne peut s’en réjouir car ils appartenaient au patrimoine régional. Kamouraska et L’Islet étaient apparus dans la carte électorale de 1829 et la circonscription de Montmagny avait été formée de parties de L’Islet et de Bellechasse en 1853. Plusieurs ont protesté, surtout du côté de Kamouraska, alors que les gens de Montmagny-L’Islet semblent s’être résignés, probablement parce que le nom de la nouvelle circonscription, Côte-du-Sud, leur est plus familier. Le Kamouraska s’identifie davantage au Bas-Saint-Laurent, auquel il appartient administrativement. En fait, il vit bien par lui-même et possède une forte « personnalité » qui survivra aisément au découpage électoral.
La bonne nouvelle est que la Commission de la représentation électorale a refusé de suivre les habitudes outaouaises et d’additionner les noms des circonscriptions fusionnées. Au lieu d’un « Montmagny-L’Islet-Kamouraska », les commissaires ont eu le génie de restaurer une appellation qui est encore plus ancienne puisqu’elle remonte au régime français, sans avoir jamais été un toponyme officiel. Ses frontières sont donc assez floues.
Philippe Aubert de Gaspé a consacré un chapitre de ses Anciens Canadiens à « l’incendie de la Côte-du-Sud » qui a touché, en septembre 1759, la région qui va de Kamouraska à Berthier, ce qui correspond exactement à la nouvelle circonscription. Dans la description du Canada qu’il publie à l’occasion de l’exposition universelle de Paris en 1855, Joseph-Charles Taché décrit la Côte-du-Sud comme une « magnifique suite d’établissements » qui est « connue et célèbre dans tout le pays ». « Sa » Côte-du-Sud s’étend jusqu’à Rimouski. Quelques années plus tard, dans son Dictionnaire généalogique des familles canadiennes, Mgr Tanguay témoigne d’un changement de perception : il parle de L’Islet et des paroisses voisines comme d’une région « qu’on appelait la Côte-du-Sud », signe que ce toponyme n’est plus à la mode. Effectivement, à la même époque, Stanislas Drapeau dresse une carte du « Bas-Saint-Laurent ». Drapeau écrit aussi « Bas-du-Fleuve » pour désigner cette région qui s’étend de la rivière Chaudière à la Gaspésie. Les guides touristiques feront de même jusqu’aux années 1970.
On recommence à parler de Côte-du-Sud dans les années 1950 sous l’impulsion de la Société historique de Kamouraska qui devient en 1953 la Société historique… de la Côte-du-Sud! Le toponyme acquiert une certaine notoriété au cours de la décennie suivante. En 1962, les représentants du monde municipal se regroupent au sein du Conseil d’aménagement et d’expansion de la Côte-du-Sud (dont le siège social est situé à La Pocatière). La même année, on trouve, dans l’Annuaire statistique du Québec, une « Carte routière et touristique de la région de la Côte-du-Sud » qui va de Beaumont à Rivière-du-Loup. En 1966, un regroupement de coopératives donne naissance à la Coopérative agricole de la Côte-Sud (aujourd’hui devenue Dynaco) qui recrute ses membres de Montmagny à Saint-Alexandre.
Mais 1966 est aussi la création des régions administratives. Cette fois, les historiens ne sont plus dans le coup : les régions administratives sont découpées en fonction des « pôles d’attraction » et de « zones d’influence ». Le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie s’empare du Kamouraska tandis que le reste de la Côte-du-Sud « historique » est inclus dans la région de Québec. Ce « reste » est pourtant puissant car les députés de Bellechasse, Montmagny et L’Islet sont dans le cabinet Johnson (1966-1968), mais ces trois ministres plaideront en vain pour la création d’une sous-région « Côte-du-Sud » avec Montmagny comme capitale. Il faudra attendre vingt ans avant de voir naître une région distincte sur la rive sud. Elle s’appellera d’abord « Québec-Sud » en 1987 puis, un an plus tard, « Chaudière-Appalaches ». Les régions touristiques adopteront ensuite bêtement le même découpage. La partie ouest de la Côte-du-Sud devra vivre sous le chapeau touristique « Chaudière-Appalaches » alors qu’elle renferme, selon les mots mêmes des savants consultants (Pluram) de l’époque, « les plus riches composantes patrimoniales et muséologiques de la région », ce qui aurait dû lui valoir plus qu’un strapontin dans une région « touristique » hétéroclite, comme le constatait une autre savante firme d’expert (Éverest) en 1989 : « La région se subdivise en trois zones distinctes auxquelles sont rattachés des produits diversifiés. Il n’existe donc pas d’homogénéité dans l’offre touristique. Le caractère propre à chacune des régions ne crée pas de sentiment d’appartenance […] ».
Un sentiment d’appartenance à une région qui a de profondes racines dans l’histoire : une fois accepté le deuil de leurs anciennes appellations, c’est ce qu’on souhaite aux électeurs de la Côte-du-Sud.
À quoi sert un drapeau au Parlement ?
Le vote sur la présence du drapeau canadien à l’Assemblée nationale n’a pas eu lieu le 28 novembre, tel qu’annoncé par le président la semaine précédente. D’après Jean-Marc Salvet (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201211/28/01-4598770-drapeau-canadien-a-lassemblee-nationale-encore-un-bras-de-fer.php): il y a un os : le gouvernement Marois veut que les partis exposent leurs positions sur le sujet mais l’Opposition officielle veut voter sans aucun débat.
Comme le disait mon ancien prof de chimie en distribuant les notes misérables à certains étudiants : « Ce serait drôle si ce n’était pas si triste ! ». Les libéraux déchiraient leurs chemises il y a quelques jours à peine parce que l’absence de l’unifolié au Salon rouge serait « un déni de notre pays » (Le Soleil, 17 novembre) et un mépris de la démocratie, mais ce « terrible » affront ne semble pas mériter d’explications devant le Parlement. Le fin fond de l’affaire est qu’un débat démontrerait la vacuité de leur position qui est strictement politique et tactique alors que celle du gouvernement Marois repose sur une approche juridique et rationnelle de la question.
Patrice de la Brosse, qui a été responsable du pavoisement pour le gouvernement du Québec, a exposé très clairement cette approche dans Le Soleil du 26 septembre 2012 (http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201209/24/01-4577075-quelle-guerre-de-drapeaux-.php), bien avant que la « crise » actuelle n’éclate. « Dans les administrations gouvernementales, écrivait-il, le pavoisement est un geste hautement significatif et ne doit laisser aucune place à la subjectivité. […] il existe cependant des lois, des normes et des façons de faire reconnues internationalement ». Quel drapeau déployer? Réponse de l’expert : « Celui qui représente l’État, l’autorité ou l’administration qui s’exprime (par exemple, on ne verra pas de drapeau du Québec à l’entrée d’un parc fédéral, uniquement l’unifolié) ». Il est donc absolument clair que le drapeau du Québec doit prendre place seul dans les salles où siègent l’Assemblée nationale et ses commissions. Y installer un autre drapeau ne peut qu’engendrer la confusion et l’ambiguïté : on signalerait qu’il s’y trouve une autre autorité.
« Le retour du drapeau canadien au Salon rouge, poursuit monsieur de la Brosse, a été imposé en 2003 par le cabinet du nouveau premier ministre, sans justification aucune. Ce geste n’avait qu’une logique de nature politique. En effet, si cela avait été objectivement justifié, on aurait placé le drapeau du Canada dans deux autres places d’honneur dans l’édifice où loge l’Assemblée nationale: sur le toit de l’Hôtel du Parlement, et surtout dans la Salle de l’Assemblée nationale (le « Salon bleu », où siègent les députés). On peut supposer qu’une telle décision aurait soulevé quelques questions… »
Peut-on retirer un drapeau? « Oui, répond de la Brosse, mais… il s’agit d’une opération aussi lourde de signification que le fait d’installer un drapeau. Cependant, on peut se le permettre lorsque ce retrait veut rectifier un pavoisement afin de le rendre conforme aux us et coutumes reconnus au Québec comme ailleurs. […] La décision appartient à l’autorité responsable du lieu, vraisemblablement le Bureau de l’Assemblée nationale et il s’agira d’un geste administratif qui n’a rien à voir avec tel ou tel parti ou telle ou telle tendance fédéraliste, autonomiste ou souverainiste ».
Patrice de la Brosse voit juste quand il évoque le Bureau de l’Assemblée nationale. En décembre 1984, un député demandait au président si le drapeau canadien serait hissé à l’un des mâts réservés au drapeau des pays étrangers dont une délégation est en visite à l’Assemblée nationale. Le président décida (comme le fera un de ses successeurs en mai 1990) que le Bureau de l’Assemblée nationale était l’autorité compétente en la matière (JD, 6 décembre 1984, p. 1437). Le Bureau avait d’ailleurs émis une directive sur les drapeaux en août 1984, directive qui sera remplacée en décembre 2005 (décision 1289) par le Règlement sur le pavoisement des édifices de l’Assemblée nationale.
Ce règlement du Bureau traite du pavoisement (dont la mise en berne) et lors des visites officielles. Il n’est pas spécifiquement question de la présence des drapeaux dans les salles de délibérations mais, lorsqu’un député du Parti Égalité demanda, en 1991, que le drapeau du Canada prenne place à l’Assemblée nationale du Québec, l’Assemblée majoritairement libérale décida que ce serait fait « aux occasions que détermine, selon le cas, le Bureau de l’Assemblée nationale » (JD, 1er mai 1991). Cette position était cohérente avec l’article 114 de la Loi sur l’Assemblée nationale (« L’aménagement et l’utilisation des locaux ainsi que l’utilisation de l’équipement de l’Assemblée et de ses services doivent être approuvés par le Bureau »).
Pourquoi alors le Bureau est-il tenu sur la touche en 2012 ? C’est pourtant à cette instance que les questions de pavoisement ont été référées depuis plus de 25 ans, sauf les « décisions » prises par le gouvernement Bourassa en 1985, le gouvernement Parizeau en 1994 et le gouvernement Charest en 2003 ?
Présidé par le président de l’Assemblée, le Bureau comprend cinq députés ministériels et quatre de l’opposition (art. 87 et 88). Le gouvernement Marois y a donc une « majorité »… tant que le président Chagnon ne vote pas et, supposant qu’il vote avec « son » parti (envers et contre les principes exposés par M. de la Brosse ci-dessus), il y aurait une égalité des voix qu’il pourrait départager avec son vote prépondérant (art. 97). En d’autres mots, en suggérant à l’Assemblée de se prononcer sur la présence du drapeau canadien à la Salle du Conseil législatif, le président de l’Assemblée nationale peut esquiver la situation délicate dans laquelle il se trouverait si cette question était soumise au Bureau, ce qui l’obligerait à se prononcer officiellement, en tant que défenseur des privilèges du Parlement québécois, sur la question de fond : à quoi sert un drapeau ?