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Joseph Labbé (c.1754-1835), brave soldat qui revient de guerre…

(Quand les « Bostonnais » en rébellion contre l’Angleterre ont essayé de prendre Québec en 1775, les Canadiens, particulièrement ceux de la Beauce, de Lévis et de la Côte-du-Sud, leur ont majoritairement manifesté de la sympathie. Certains se sont même enrôlés dans l’armée révolutionnaire et quelques-uns, après l’échec du siège de Québec au printemps 1776, ont poursuivi la guerre d’indépendance à leurs côtés dans les colonies de Nouvelle-Angleterre.)

Le cas de Joseph Labbé illustre l’ambivalence de certains Sudcôtois envers la cause des rebelles américains et les conséquences de l’éloignement sur la vie de couple.

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Labbé est né vers 1754 du mariage de Jean-François Labbé (1731-1790) et de Marie-Josephe Gaulin, veuve de Charles Caron. Les deux parents étant de Saint-Jean-Port-Joli, Joseph est probablement né dans cette paroisse, alors desservie par le curé de L’Islet, plus précisément à la Demi-lieue (petite seigneurie située à l’est de Saint-Jean-Port-Joli), où se trouvait la terre familiale.

Joseph a donc environ 22 ans, au printemps 1776, quand le seigneur de l’île aux Grues, à la demande du gouverneur Carleton, rassemble une troupe loyale à Sainte-Anne pour aller déloger les Bostonnais qui campent à Pointe-Lévy depuis l’automne précédent. Ce bataillon improvisé se met en marche le 23 mars et augmente en nombre sur sa route vers Saint-Thomas. Joseph se joint à la troupe avec une douzaine d’habitants de Saint-Jean. Il s’est probablement rendu à Saint-Thomas, mais l’opération s’est arrêtée là : l’avant-garde envoyée à Saint-Pierre est défaite le 25 mars par une force supérieure formée de soldats américains venus de Pointe-Lévy et de sympathisants rebelles des paroisses situés à l’ouest de Saint-Thomas. Chacun rentre chez soi et le siège de Québec continue jusqu’au début de mai.

Le 3 novembre, Joseph Labbé épouse une jeune fille qui n’a pas encore 17 ans (née le 26 décembre 1759), Marie-Ursule Ducros dite Laterreur[1], fille d’Antoine Laterreur fils qui aurait brièvement porté les armes pour les rebelles américains, selon le Rapport Baby. En cadeau de noces, Joseph reçoit en donation la terre familiale de la Demi-lieue[2]. Un premier enfant, Marie-Ursule, est baptisé à Saint-Jean le 1er octobre 1777 en présence du père et de la mère.

Le père a vraisemblablement quitté la paroisse dans les jours suivants car, 15 jours plus tard, il fait partie de l’armée du général Burgoyne qui subit la défaite aux mains des insurgés à Saratoga, N.Y., le 17 octobre 1777. Joseph Labbé se retrouve prisonnier.

Saratoga-défaite brit. 1777

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Sans nouvelles de son mari et en deuil de sa fille morte en mai 1778, Marie-Ursule se console dans les bras d’un navigateur, Thomas Fonjamy dit Vadeboncoeur (Québec, 1853-Saint-Jean-Port-Joly, 1828), ce qui déplait au beau-père qui veut protéger le bien familial et éviter que sa terre se retrouve entre le mains de Fonjamy. Le 10 août 1780, il se rend chez le notaire Cazes pour s’opposer

à l’insinuation d’une donation cy-devant par lui faite en faveur de Joseph Labbé, son fils, détenu prisonnier dans l’affaire de monsieur Bourgogne [sic], général dans le temps des armées de Sa Majesté, encore détenu par les sujets infidèles à leur Roi, vu le mauvais commerce de la femme du dit Labbé[3].

Mais Joseph Labbé n’est pas prisonnier!

En fait, il l’a été quelques jours après la bataille de Saratoga, le 17 octobre 1777, mais, sollicité par les rebelles qui lui donnent le choix entre l’emprisonnement et le service militaire, Labbé a viré capot et s’est enrôlé pour toute la guerre dans le régiment du colonel Livingston le 22 octobre 1777. Les dossiers des soldats (service records) qui ont servi durant la guerre d’indépendance[4] permettent de suivre son parcours, son transfert dans le régiment de Moses Hazen vers 1780, son incorporation dans la compagnie du capitaine Clément Gosselin en 1781 et sa libération (discharge) par Washington le 30 juin 1783. Il a touché alors la prime (gratuity) de 80$ promise en mai 1778 aux soldats qui auront servi jusqu’à la fin de la guerre.

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Entre-temps, à Saint-Jean-Port-Joli, le père Labbé est devenu bedeau, mais ne paraît pas avoir mis fin au « mauvais commerce » des amants Laterreur-Vadeboncoeur, quand, sans avoir donné de nouvelles depuis des années, semble-t-il, Joseph Labbé se pointe à la Demi-lieue à l’automne 1783. L’affaire se corse : le curé de Saint-Jean (dont la Demi-lieue relève depuis 1775) demande conseil à son évêque au sujet d’un jeune homme arrivé à l’automne « de chez ‘les Bostonnais’ où il avait été fait prisonnier […] et dont la femme a fauté en son absence »; il raconte que l’amant a battu le conjoint légitime en sortant de grand’messe, mais que ce dernier « est prêt à reprendre sa conjointe à condition que le jeune effronté, qui navigue tout l’été, quitte la paroisse[5] ». L’évêque ne veut pas s’en mêler : c’est aux juges civils, écrit-il le 19 décembre, qu’il appartient de chasser Fonjamy de la paroisse[6].

Tout semble se régler sans intervention des tribunaux. De février 1785 à juillet 1795, Labbé et son épouse retrouvée font baptiser neuf enfants à Saint-Jean-Port-Joli! De son côté, Vadeboncoeur se marie au même endroit le 12 février 1787 avec Marie-Brigitte Couture qui lui en donnera sept. C’est finalement Labbé qui, vers 1796, quitte Saint-Jean pour Kamouraska où son épouse accouche encore au moins quatre fois. Plusieurs enfants du couple Labbé-Laterreur se marient dans cette paroisse entre 1807 et 1821.

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En mai 1828, le Congrès des États-Unis adopte une loi pour aider les anciens combattants de la guerre d’Indépendance. Cette loi accorde un plein salaire à vie aux soldats qui avaient bénéficié de la prime accordée par le Congrès en 1778.

La première demande de Labbé, probablement à la fin de 1828, n’est pas dans son dossier. Elle a été acceptée puisqu’il se rend aux États-Unis, en avril 1829, pour toucher l’argent qui lui est dû (soit $80 par an). Le 2 avril, il s’identifie devant un juge de paix comme « Joseph Labe, of Rouse’s Point[7], in the county of Clinton », ancien soldat du régiment du Congrès commandé par le colonel Hazen. Joseph Labbé fils et un certain Charles Whyte témoignent en sa faveur devant le juge Averill[8].

La suite est compliquée et exigerait de longs développements. Disons pour résumer qu’une confusion s’est installée entre son dossier et celui de Joseph Labo[9] – certains croyant que c’était la même personne –, ce qui a amené le juge Averill à convoquer les deux hommes, le 19 février 1830, pour clarifier la situation. Dans la déclaration faite à cette occasion, Labbé est un peu mêlé dans ses souvenirs. Il déclare s’être engagé en 1776 dans la compagnie de Gosselin; il n’est pas certain du moment où il a reçu sa « décharge », qu’il a d’ailleurs perdue. Il précise toutefois – dans la mesure où on peut se fier à la mémoire de l’ancien combattant d’environ 75 ans – qu’il a participé aux batailles de Long Island, White Plains, Delaware et à quelques escarmouches[10]. Pas un mot, évidemment, de Saratoga…

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Joseph Labbé est mort, à Saint-Pascal, le 24 février 1835, à environ 80 ans. Sa veuve s’est ensuite rendue aux États-Unis pour obtenir les arrérages de sa pension[11]. À cette époque, la veuve d’un ancien combattant ne pouvait toucher que la partie d’une pension qui n’était pas encore versée au moment du décès de son mari, mais, en vertu d’une loi adoptée en 1836[12], certaines veuves d’anciens combattants de la guerre d’Indépendance obtiennent le droit à une pension, si elles se sont mariées avant la dernière période de service du défunt, ce qui était le cas de la veuve de Labbé, mariée 60 ans plus tôt!

Le dossier de Labbé ne pas permet de voir si sa veuve a demandé de bénéficier de cette loi dès son adoption, mais elle l’a fait 10 ans plus tard.

Le 11 août 1846, probablement à Champlain, N.Y., Ursule Labbé enregistre une déclaration devant le juge de paix Everest en vue de bénéficier de la loi de 1836. Âgée de (presque) 87 ans, elle ne peut se présenter en cour à cause de ses handicaps physiques (« from bodily infirmities[13] »). Quatre jours plus tôt, son petit-fils Magloire (« McGloi ») Labbé, de Saint-Pascal, avait aussi fait une déclaration, exposant qu’il hébergeait son grand-père durant les dernières années de sa vie et qu’il était présent à sa mort le 24 février 1835 et avait assisté à son inhumation le 26, à Saint-Pascal[14].

Un agent à Champlain, Silas Hubbell, probablement un avocat, s’occupe d’acheminer la demande Washington. « The old lady is destitute & very infirm » (la vieille femme est sans ressources et très handicapée), écrit-il le 14 août. Quelques détails retardent le règlement du dossier, qui lui semble pourtant clair. Il donne d’autres renseignements le 28 septembre, pendant que « the old woman is at a private boarding house waiting[15] ».

Le dossier semble réglé le 16 octobre 1846[16], mais Ursule Laterreur n’aura pas le plaisir d’en bénéficier : elle n’a que le temps de revenir à Saint-Pascal où elle décède le 28 novembre suivant.


[1] Elle était la demi-sœur de Marguerite qui sera une des concubines de Malcom Fraser.

[2] Paul-Henri Hudon, « Les premiers habitants du fief de L’Islet-à-la-Peau » L’Ancêtre, 31, 3 (printemps 2005), p. 197-210; sur Labbé, p. 205-206.

[3] Cité par P.-H. Hudon, op. cit., p. 206.

[4] U.S. National Archives, Revolutionary War Service Records, https://www.fold3.com/title/470/revolutionary-war-service-records.

[5] Gérard Ouellet résume l’incident dans Ma Paroisse, Québec, Éditions des Piliers, 1946, p. 72.

[6] RAPQ, 1929-30, lettre du 19 décembre 1783.

[7] Dans d’autres documents, il se dira Champlain ou Plattsburg.

[8] U.S. National Archives, Revolutionary War Pensions, https://www.fold3.com/image/25058025.

[9] Le dossier de ce Labo semble un cas de fraude.

[10] U.S. National Archives, Revolutionary War Pensions, https://www.fold3.com/image/25058035.

[11] Elle aurait eu l’aide du major général Skinner, ibid., https://www.fold3.com/image/25058005.

[12] « Pensions Enacted by Congress for American Revolutionary War Veterans », https://sites.rootsweb.com/~fayfamily/pensions.html.

[13] U.S. National Archives, Revolutionary War Pensions, https://www.fold3.com/image/25057951.

Michel Arbour, combattant pour l’indépendance américaine (1755-1835)

(Quand les « Bostonnais » en rébellion contre l’Angleterre ont essayé de prendre Québec en 1775, les Canadiens, particulièrement ceux de la Beauce, de Lévis et de la Côte-du-Sud, leur ont majoritairement manifesté de la sympathie. Certains se sont même enrôlés dans l’armée révolutionnaire et quelques-uns, après l’échec du siège de Québec au printemps 1776, ont poursuivi la guerre d’indépendance à leurs côtés dans les colonies de Nouvelle-Angleterre.)

Michel Arbour est né le 28 février 1755 et baptisé le même jour à Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, mais sa famille résidait probablement à Saint-Vallier où, en 1762, Michel Arbour père (Berthier, 1733 – Saint-Vallier, 1812) avait une terre de 2½ arpents de front, dont 8 en culture. Il y est recensé avec son épouse Marie-Louise Boutin et six enfants, trois filles et trois garçons dont Michel était l’aîné[1].

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Le rapport Baby ne mentionne pas les Arbour, père et fils, dans ses commentaires sur le comportement des habitants de Saint-Vallier ou de Saint-François pendant le siège de Québec par les rebelles américains. Les deux l’auraient pourtant mérité. Dans une lettre du 17 août 1793, le curé Laurent Bédard écrivait à l’évêque Hubert que

le nommé Michel Arbour, dont les père et mère ont toujours été Bostonnais et par là même éloignés des sacrements, du village de Saint-Vallier dont je suis chargé, partit avec les Bostonnais […][2].

Hazen-Drummer

Comme Arbour le raconte lui-même pour obtenir une pension près de 20 ans plus tard,

he served in the Revolutionary War as follows Viz: First in the Company commanded by Captain Robinson and Regiment Commanded by Col. James Livingston […], then in the Company commanded by Captain Selden and in the Congress Regiment commanded by Col afterwards Brigadier General Hazen, […] during the war and actually served more than seven years: Being a native of Lower Canada he first enlisted in the fall of 1775 at Point Levi opposite Quebec as a private soldier; that he remained in Canada with the American troops till the next summer and retreated with them to Albany where he in December 1776 enlisted for during the war, and served as a Corporal and that he remained in the above Corps in the Army till June 30, 1783[3].

[traduction : Il a servi dans la guerre révolutionnaire comme suit: d'abord dans la compagnie commandée par le capitaine Robinson et le régiment commandé par le colonel James Livingston [...], puis dans la compagnie commandée par le capitaine Selden et dans le Congress Regiment commandé par le colonel par la suite Le brigadier-général Hazen, [...] pendant la guerre et a en fait servi plus de sept ans: originaire du Bas-Canada, il s’est enrôlé pour la première fois à l’automne 1775 à Pointe-Lévy en face de Québec comme soldat; qu’il est resté au Canada avec les troupes américaines jusqu’à l’été suivant et s’est retiré avec elles à Albany où il s’est enrôlé en décembre 1776 pour toute la guerre et a servi comme caporal et qu’il est resté dans le corps ci-dessus dans l’armée jusqu’au 30 juin, 1783 ].

Arbour précise

that he was in both the Battles of the taking of Burgoyne [1777], at the Battle of Whiteplains [octobre 1776], Horseneck [octobre 1780], Brandywine [septembre 1777], and at Yorktown [1781]; was wounded in the left leg by a buck shot, at the taking of Burgoyne, which was extracted by Doctor Schuyler at Stillwater.

[Traduction : Qu'il a participé aux batailles de la prise de Burgoyne [Saratoga, 1777], à la bataille de Whiteplains [octobre 1776], à Horseneck [octobre 1780], à Brandywine [septembre 1777] et à Yorktown [1781]; lors de la prise de Burgoyne, a été blessé à la jambe gauche par un tir de balle, qui a été extraite par le docteur Schuyler à Stillwater ».]

À la fin de la guerre, le 30 juin 1783, il est démobilisé et libérée de son engagement [honorably discharged] à Tappan, où se trouvait le quartier-général de George Washington qui a signé de sa main le document certifiant « that the Bearer hereof Corporal Michael Arbour of the United States of America in General Hazen’s Regiment, having faithfully served the United States Seven years and two months and being inlisted for the War only, is hereby Discharged from the American Army[4] ». [Traduction : Que le porteur le caporal Michael Arbour des États-Unis d'Amérique dans le régiment du général Hazen, ayant fidèlement servi les États-Unis pendant sept ans et deux mois et ayant été enrôlé uniquement pour la guerre, est par les présentes libéré de l'armée américaine.]

Au bas du document, le brigadier général Hazen a ajouté que « Michael Arbour has been honored with the Badge of Merit for Seven Years faithful service[5] » [« Michael Arbour a reçu l'insigne de mérite pour ses sept ans de fidèle service »].

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À la fin de la guerre, Michel Arbour est resté quelques années aux États-Unis. Son nom apparaît (Michael Harbour) dans une liste de soldats canadiens réfugiés dans la région du lac Champlain en août 1787. Il a une personne avec lui : s’agirait-il d’une femme?

Probablement pas, car, dans sa lettre de 1793, le curé de Saint-François précise que Michel Arbour est revenu dans sa paroisse « il y a cinq ou six ans[6] » et qu’il veut épouser la veuve Jolin. Le problème est que le prétendant est un ancien soldat rebelle qui « déclare à tout venant qu’il ne reconnaît pas le roi d’Angleterre ». L’abbé Bédard en informe son évêque qui répond fermement le 13 août :

Le nommé Michel Arbour persistant dans ses anciens sentiments, ne voulant pas reconnaitre le roi d’Angleterre pour son légitime souverain ni lui être soumis, ne doit être admis à aucun des sacrements de l’église qui conformément à la loi de Dieu, nous prescrit soumission[7]

Comme en 1775 : pas de sacrements pour les rebelles? Bédard était déjà là à l’époque et il avait entendu les directives épiscopales mais, 20 ans plus tard, il semble avoir mis de l’eau dans son vin. Il écrit le 17 que Michel Arbour « s’est présenté de temps à autre à confesse, enfin a demandé à faire publier ses bans. J’ai commencé à le faire, agissant avec tout le ménagement possible[8]… »

Arbour se dit maintenant « fidèle royaliste », écrit ensuite Mgr Hubert (17 août) qui laisse le curé libre de décider; puis, le 19, devant l’insistance de l’ancien rebelle, l’évêque délègue le vicaire général Henri-François Gravé de La Rive pour aller régler l’affaire sur place[9].

Le 26 août 1793, Michel Arbour peut finalement épouser Ursule Proulx, fille de François Proulx, laboureur à Saint-François, et de Marie-Charlotte Grondin. Le couple s’installe à Saint-Gervais et, malgré la jeune quarantaine de l’épouse, fait baptiser deux filles, Marie-Barbe (1795) qui épousera Antoine Cloutier et mourra sans descendance, et Marie-Ursule, morte avant 1807.

Arbour perd sa femme en février 1800 et convole le 3 février 1807 avec Marie-Anne Labrecque, 34 ans, qui lui donne quatre enfants entre 1807 et 1813, le père étant chaque fois identifié comme « cultivateur » à Saint-Gervais. Trois des quatre enfants se marieront, tous en 1831, et auront une importante descendance dans la région.

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Le 26 juin 1822, Arbour se présente à Norridgewock (comté de Somerset, Maine), devant la « Court of Common Pleas », pour se prévaloir des dispositions des lois adoptées par le Congrès en mars 1818 et en 1820 et obtenir une pension à titre d’ancien combattant.

Dûment assermenté devant le juge David Pesham, Arbour fait état de ses services (tel que décrits ci-dessus) et dépose la « décharge » signée par Washington et conservée avec le plus grand soin depuis qu’il a été démobilisé, soigneusement pliée en seize depuis 40 ans et annexée à sa réclamation comme seule preuve à l’appui de son propos.

Tel que prescrit par la loi de 1820, et en reprenant son libellé, il jure qu’il était

a resident Citizen of the United States on the said eighteenth Day of March 1818 and that [he] have not since that time by gift, sale or in any manner whatever disposed of [his] property or any part thereof with intent thereby so as to diminish it as to bring [him]self within the provisions of the Act of Congress aforesaid[10]; and that [he] have not, nor has any person in trust for [him] any property or securities, contracts or debts due to [him], nor have [he] any income whatever.

[traduction : « un citoyen résident des États-Unis le dix-huitième jour de mars 1818 et que je n'ai pas depuis lors, par don, vente ou de quelque manière que ce soit, disposé de [ses] biens ou de toute partie de ceux-ci avec intention de manière à les diminuer pour se conformer aux dispositions de l’Acte du Congrès susmentionné; et qu’[il] n’a, ni aucune personne en fiducie pour [lui], de biens ou de titres, de contrats ou de dettes qui lui sont dus, ni [qu'il] n’a aucun revenu.]

Tel que prescrit par la loi, il décrit ensuite sa situation socio-économique et familiale :

I have no house or land and no property whatever except a poor coarse suit of cloths; having lost my wife I have no family except my two little boys Michael aged thirteen and Symon aged eight years. I am by occupation a laborer but from old age can do but little.

[Traduction : Je n'ai ni maison, ni terrain, ni propriété, sauf un pauvre costume de tissu grossier; ayant perdu ma femme, je n'ai pas de famille, sauf mes deux petits garçons, Michael, âgé de treize ans, et Symon, âgé de huit ans. Je suis ouvrier de profession mais, avec la vieillesse je ne peux pas faire grand-chose.]

Un clerc de la Cour certifie ensuite que les biens déclarés valent 2$.

Michel Arbour a-t-il donné l’heure juste à la Cour?

Résidait-il aux États-Unis en 1818? Le 17 juin 1818, il était présent au mariage de sa fille à Montmagny et identifié comme cultivateur résidant à Saint-Gervais. Au mariage de trois enfants, en février et novembre 1831, sa femme et lui ne sont pas mentionnés comme présents et leur lieu de résidence n’est pas précisé. Par contre, il était bien résident de Saint-Gervais à sa mort le 19 février 1835.

Il déclare n’avoir rien d’autre qu’un pauvre habit de tissu grossier, ce qui est assez improbable aussi et mériterait une investigation dans le terrier de Saint-Gervais.

Il avait perdu sa première femme mais la deuxième était toujours vivante! Elle meurt à Saint-Gervais le 27 janvier 1841.

Même la famille qu’il mentionne est incomplète. Il a effectivement deux garçons, Michel et Simon, âgés respectivement de 14 et 9 ans, mais aussi une fille, Marie-Anne, née le 9 octobre 1811. Peut-être avait-il amené les deux garçons avec lui à Norridgewock (Maine) et laissé la fillette à sa mère?

Il est aussi curieux qu’il ne mentionne pas de lieu de résidence aux États-Unis dans sa déclaration de 1822 : il a bien fallu qu’on lui expédie la pension de huit dollars par mois qui lui a été accordée à compter du 26 juin 1822.

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Michel Arbour est décédé le 19 février 1835, à 80 ans moins quelques jours, « cultivateur » de son état, toujours marié à Marie-Anne Labrecque. Il a été inhumé à Saint-Gervais le 21. Ses deux fils, aussi cultivateurs à Saint-Gervais, ont eu plusieurs enfants qui ont fait souche à Saint-Raphaël.


[1] Les renseignements généalogiques proviennent du Programme de recherche en démographie historique.

[2] Louis-Philippe Bonneau, Chronique de St-François de la rivière du Sud [sic], s.l.s.e., 1979, p. 119).

[3] Les documents les plus intéressants concernant Arbour sont dans la série Revolutionnay War Pensions, en ligne https://www.fold3.com/image/10941303?terms=467,arbour. La déclaration intitulée « Original claim » (26 juin 1822) est à la page 6, https://www.fold3.com/image/1/10941414.

[4] La décharge est à la page 2, https://www.fold3.com/image/10941329.

[5] De novembre 1775 à juin 1783, il y aurait 7 ans et 6 ou 7 mois. La décharge signée par Washington ne tient vraisemblablement compte que du service auprès de Hazen qui a formé son régiment au début de 1776.

[6] Bonneau, op. cit.

[7] Ibid.

[8] Cité par Bonneau, op. cit. À vérifier aux archives diocésaines.

[9] Lettres de l’évêque résumées dans RAPQ, 1930-31, p. 289. Originaux à vérifier.

[10] An Act to provide for certain persons engaged in the land and naval service of the United States in the Revolutionary War, adoptée le 18 mars 1818 et amendé en 1820. https://www.loc.gov/law/help/statutes-at-large/15th-congress/session-1/c15s1ch19.pdf