Archives pour la catégorie Histoire

Le patriote Étienne-Paschal Taché

Notes pour un exposé au souper des patriotes, à Montmagny, le 22 mai 2016

Étienne-Paschal Taché est surtout connu pour sa carrière politique après 1840. En 1864, il est appelé à diriger la coalition qui permettra de réaliser le projet d’union des colonies britanniques. Il préside donc la conférence de Québec qui a fixé les grandes lignes de la constitution de 1867. Malheureusement, il subit une attaque de paralysie en février 1865 et meurt le 30 juillet suivant, deux ans avant la Confédération qui est en quelque sorte son « enfant » posthume.

Ce qu’on sait moins de Taché, c’est qu’il a été, auparavant, dans les années 1830, un grand militant patriote, voire le plus influent de la Côte-du-Sud.

Le militant patriote (1832-1837)

Né à Saint-Thomas (Montmagny), en 1795, Taché est entré dans la milice au début de la guerre de 1812 avec un bagage académique bien mince. Il a participé aux batailles de Châteauguay et de Plattsburgh. Initié à la médecine pendant la guerre, il se perfectionne à l’Université de Philadelphie. En 1819, il est admis à la pratique de la médecine. L’année suivante, il se marie et s’établit à Saint-Thomas.

Nous avons peu de documentation sur Taché dans les années 1830, mais on sait qu’il a participé activement à trois importantes assemblées politiques.

En mai 1832, trois Canadiens sont tués par des soldats lors d’une élection partielle dans la région de Montréal. Cette tragédie provoque de vives réactions, jusque sur la Côte-du-Sud où se tient une imposante assemblée de protestation, à L’Islet, le 7 octobre. L’assemblée est présidée par le notaire Boisseau, mais c’est Taché qui harangue la foule et propose des résolutions qui vont bien au-delà de l’incident de Montréal et appuient les revendications exprimés par les députés patriotes depuis plusieurs années.

En 1834, les députés patriotes adoptent les 92 Résolutions qui résument les revendications exprimées depuis des décennies : plus de pouvoirs pour l’Assemblée législative, meilleur contrôle des dépenses publiques, élection des conseillers législatifs, réforme de l’administration publique, etc. Une fois ces résolutions adoptées par le Parlement, les patriotes organisent de grandes assemblées pour les appuyer et ceux de la Côte-du-Sud ne sont pas en reste. L’Assemblée de L’Islet, chef-lieu du comté, est présidée par Taché qui figure aussi parmi les orateurs de ce rassemblement.

En 1837, le gouvernement britannique rejette les résolutions patriotes, ce qui provoque une série d’assemblées plus considérables encore, dont une à Saint-Thomas en présence de Papineau et de plusieurs de ses lieutenants. Taché est encore parmi les orateurs. Un reportage précise que la partie politique de cette réunion « est due incontestablement au zèle de M. le Docteur Taché, dont l’influence est à juste titre si grande dans toute la côte du Sud[1] ».

Saint-Thomas en 1837-1838

On connaît les suites de ce mouvement de contestation, la prise d’armes dans la région de Montréal, les batailles de Saint-Denis, Saint-Charles et Saint-Eustache ainsi que la répression qui suivra à l’automne de 1837, les arrestations, les emprisonnements, etc.

Dans la région de Québec, le climat politique est tendu, mais il n’y a ni combats ni répression comparable à celle de la région de Montréal. Seules quelques personnes sont arrêtées à Québec[2] dont, Augustin-Norbert Morin, premier député emprisonné. Le député de Bellechasse est arrêté le 15 novembre, sous accusation de « menées séditieuses », i.e. soupçonné d’inciter la population à la révolte. Après deux jours de détention, il obtient sa libération sous cautionnement.

James MacPherson Le Moine écrit que les gens de la région de Québec « étaient excités, surtout à Saint-Roch [de Québec], dans la ville même, et à Saint-Thomas de Montmagny » que l’historien Robert Christie[3] qualifie de foyer de la violence (« focus and hot bed of violence »).

Le Moine identifie les membres du « club of enthusiastic patriotes » de Saint-Thomas dans un texte peu connu[4] :

Edouard and Stanislas Vallée, Ls. Casault, J. B. Fournier, Gilbert Lavergne, Prudent Têtu, Ls. Blais and others — under the guidance of Letourneau and Taché, their oracles.

Pour cet auteur, qui connaissait bien la région et le personnage, le docteur Taché était l’âme dirigeante du groupe, un patriote qui aurait pu agir différemment dans un autre contexte :

Dr. Taché, from his earnest, fervid nature, would doubtless have been dragged into the thick of the bloody mêlée, had he been a denizen of St. Eustache, or St. Charles; the extreme views of the Fils de la liberté, in the Montreal district, would have carried the day with him; Had lion-hearted Chenier, at the Church of St. Eustache, called out for a volunteer to back him, Dr. Taché, if there, would have been his man and yelled out « ready« . But distance from the arena of strife, as well as some of his surroundings at St. Thomas, helped to restrain him. The timely secession of the Quebec wing of politicians from the party bent on armed insurrection [...] saved in the end much effusion of blood in the Quebec district.

Si Taché demeure pacifique, il n’est pas inactif; il s’occupe d’assurer la protection de patriotes réfugiés dans sa région.

Citons le cas de Stanislas Vallée, notaire patriote du nord de Montréal, réfugié à Saint-Thomas, où Taché lui trouva « une cachette sûre »[5].

Mais rappelons surtout celui d’Augustin-Norbert Morin qui est menacé d’arrestation en novembre 1838 et se réfugie dans sa région natale où il restera caché pendant près d’un an[6].

Auguste Béchard, son premier biographe, raconte qu’il s’est d’abord caché dans une cabane à sucre au sud de Saint-François :

Peu de personnes étaient dans le secret de la retraite de M. Morin. C’étaient des amis intimes qui lui fournissaient les vivres nécessaires et les nouvelles qu’ils avaient de la ville. Leur discrétion le sauva de l’emprisonnement, et leur charité l’empêcha de mourir. […]

Le personnage principal, dans cet acte de dévouement, fut le Dr. É.-P. Taché […]. C’est lui qui fit venir M. Morin […] et qui le maintint dans les bois, en lui donnant un homme pour compagnon et serviteur. […]

Pendant l’hiver, on eut vent que la police de Québec avait reçu l’ordre de chercher M. Morin de ce côté, et l’on fit changer d’endroit au fugitif tout en le gardant dans les bois environnant Saint-Thomas […].

[…] M. Morin dut changer de cache plusieurs fois. […] il se tint caché quelque temps dans la sucrerie de son frère à lui, Louis Morin, puis, plus tard, chez son cousin, le notaire Morin, de la paroisse de Saint-François de la rivière du Sud.

L’identité précise de ceux qui ont protégé Morin fut contestée par un Martineau de Saint-François mais il est sûr que Taché joua un rôle déterminant.

Surveillance et perquisition

S’il n’y a pas d’arrestations sur la Côte-du-Sud, les autorités policières n’en ont pas moins les patriotes à l’œil et s’informent de diverses façons, par des espions ou autrement.

Au début de 1839, on soupçonne le docteur Taché, Charles Fournier, Jean-Baptiste Fournier et un certain Gervais, de cacher des armes et munitions « destinées à certains objectifs traîtres et séditieux ». On cherche peut-être aussi à trouver Morin.

Une perquisition est ordonnée par Colborne à Saint-Thomas. L’opération est réalisée par le commissaire Russell, accompagné par six policiers et deux membres de l’Artillerie volontaire, probablement des agents de renseignement, car leur rôle consiste à identifier les maisons visées par le mandat de perquisition (« point out the different houses »). Un détachement militaire les accompagne et se tient en retrait, « au cas où ».

La perquisition se serait déroulée sans difficulté. Russell rapporte que « les gens étaient très calmes, sauf un ou deux qui parlaient fort mais qui furent mis sous garde[7] ». Il ne semble pas y avoir eu d’arrestations[8], mais les policiers rapportent à Québec « une caronade de 12 livres trouvée sur la propriété de J.-B. Fournier, deux barils de poudre à canon pris chez Gervais, où ont aussi été trouvés deux barils de poudre à canon vides [et] six boites de poudre à canon. Un mousquet de soldat et un pistolet trouvés chez Étienne […] Fournier ».

D’après le rapport de l’opération, « le docteur Taché n’était pas là. On n’a rien trouvé chez lui[9] ». Le journal Le Canadien prétend cependant que la police a saisi « un petit canon que possédait le Dr Taché ». Ce dernier rectifie quelques jours plus tard. Il écrit dans une lettre ouverte : «  […] bien que la police ait abattu à coups de hache une partie de la charpente de ma cave, elle n’a pu trouver un seul objet qui eût tant soit peu l’apparence d’une arme de guerre[10] ».

La police en avait assez trouvé pour justifier son existence. Le chef de police de Québec recommande sans succès la création d’un poste de police à Saint-François[11] », ce qui démontre bien qu’on se méfiait des patriotes de cette région.

La Côte-du-Sud méritait-elle cette « attention » ? Elle paraît bien soumise, mais il est difficile de connaître le sentiment profond de la population. Le directeur du collège écrivait à son évêque en novembre 1838 : « Un grand nombre dans nos paroisses sont fidèles et paci[fi]ques sujets, parce qu’ils n’ont point d’armes, ni de chef pour les conduire[12] ».

Taché après 1840

Taché est un des nombreux patriotes, comme Morin, Cartier et plusieurs autres, qui, après les rebellions et l’Union, choisissent de suivre Louis-Hyppolite La Fontaine et de composer avec la situation défavorable que la nouvelle constitution crée pour les Canadiens français.

En1841, il est élu député de L’Islet. En 1846, il abandonne son siège pour devenir adjudant général adjoint de la milice.

Taché revient en politique en 1848[13], à titre de commissaire (ministre) des Travaux publics puis receveur général dans le gouvernement La Fontaine-Baldwin[14], et il sera encore receveur général dans les gouvernements qui suivront jusqu’en 1856.

En 1856, Taché devient premier ministre et commissaire des Terres de la couronne, mais, dans cette période de grande instabilité, ce gouvernement ne dure qu’un an; Taché démissionne en 1857, tout en demeurant conseiller législatif. Il reprendra du service en 1864, comme on l’a vu plus tôt afin de diriger la « grande coalition ».

***

Dans la biographie de Taché au Dictionnaire biographique du Canada, Andrée Désilets écrit :

« Ayant pris part à tous les événements politiques sous l’Union, depuis les premières élections de 1841 jusqu’à l’adoption des Résolutions de Québec en juin 1865, il doit être qualifié de grand homme d’État, d’autant plus qu’il ne s’est pas laissé submerger par la politique. Peut-être y est-il venu par goût d’abord. Mais, sa correspondance intime en fait foi, c’est par devoir patriotique qu’il s’y est maintenu et qu’il a accepté d’y revenir. »

Il y a plusieurs façons d’être patriote. Taché s’est sûrement préoccupé des intérêts de ses compatriotes canadiens-français, comme député de L’Islet, puis dans les gouvernements dont il a fait partie, entre 1848 et 1864, mais il s’était d’abord distingué dans le mouvement patriote des années 1830 comme un des plus ardents militants de la Côte-du-Sud.


[1]. Le Libéral, 1er juillet 1837.

[2]. Antoine Roy, « Les patriotes de la région de Québec », LesCahiers des Dix, 24 (1959) : 241-254.

[3]. Nous n’avons pas trouvé la source de cette citation de Robert Christie reproduite par James M. Le Moine dans « Québec en 1837-1838 », MSRC, I, 1898, p. 119.

[4]. James MacPherson Le Moine, The Explorations of Jonathan Oldbuck, F.G.S.Q., in Eastern Latitudes: Canadian history-legends-scenery-sport, Québec, L. J. Demers & frère, 1889, p. 118-123.

[5]. Amnistié en juin 1838, Vallée poursuivit sa carrière à Montmagny ; son fils Achille devint prêtre et professeur au collège de Sainte-Anne (« L’abbé Achille Vallée », dans Histoire du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Le premier demi-siècle, 1827-1877, Québec, Charrier et Dugal, 1948, p. 514-515).

[6]. Auguste Béchard, L’honorable A.-N. Morin, 2e édition, Québec, Courrier de Saint-Hyacinthe, 1885, p. 81-89.

[7]. BANQ-1837-1838, no 2950, Lettre de Young à Coffin, 9 janvier 1839.

[8]. Une lettre de Coffin à Young, repérée dans le fonds de la famille Young (BAC, MG 24 B 4, 19 janvier 1839), accuse réception des « dépositions de Charles Fournier et autres » qui pourraient être des gens de Saint-Thomas.

[9]. Ibid. La caronade est un petit canon produit par Carron.

[10]. Le Canadien, 18 janvier 1839.

[11]. BANQ-1837-1838, no3362, Lettre de Young à Murdoch, 7 novembre 1839.

[12]. ACSCSA, Lettre de François Pilote à Mgr Signay, 23 novembre 1838.

[13]. Il ne sera cependant pas député mais plutôt conseiller législatif, comme cela se faisait assez souvent.

[14]. En1849, lorsque des émeutiers attaquent la maison de La Fontaine, Taché fait partie du petit groupe qui le défend. « La tradition veut même que ce soit lui qui ait tué William Mason, un des assaillants de la maison de La Fontaine, au cours de l’émeute qui suivit l’adoption de la loi indemnisant ceux qui avaient subi des pertes durant la rébellion. Il est vrai qu’il écrit à sa femme : « J’ai fortifié et approvisionné la maison de La Fontaine de manière à soutenir un siège ; si les loyaux se présentent, ils mangeront quelque chose d’indigeste », mais l’enquête qui suit l’incident n’arrive pas à prouver sa responsabilité » (Andrée Désilets).

Gérard Ouellet, historien de Saint-Jean-Port-Joli (1906-1981)

Gérard Ouellet est né à Saint-Jean-Port-Joli, le 26 novembre 1906, du mariage d’Elzéar Ouellet et d’Hermine Fortin. Il a été baptisé le même jour sous le nom de « Joseph Gérard Hormidas » et parrainé par ses grands-parents, Alfred « Ouellette » et Louise Fournier. Selon l’acte de baptême, le père est « journalier », mais il avait été identifié comme « cuisinier » au recensement de 1901 et sera décrit comme « restaurateur » en 1911.

Gérard Ouellet étudie d’abord au couvent des sœurs de Saint-Joseph de Saint-Vallier, à Saint-Jean-Port-Joli (1912-1918), puis à l’école Sacré-Cœur (qui deviendra l’école Lagueux une fois reconstruite après l’incendie de 1921), une institution de Saint-Roch de Québec dirigée par les Frères des Écoles chrétiennes (novembre 1918-juin 1919). Il entreprend ses études classiques au Petit Séminaire de Québec (1919-1922), mais c’est au Collège de Lévis qu’il obtient son baccalauréat ès arts en juin 1928.

« À l’époque, écrira-t-il dans son Histoire de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (1973), l’Université n’est guère accessible à toutes les classes » et c’est probablement pourquoi le nouveau bachelier ne poursuit pas ses études au niveau universitaire. Le 31 août 1928, il devient plutôt journaliste à L’Événement, sur la rue de la Fabrique, un journal québécois de tendance libérale où il est initié à la chronique politique par Edmond Chassé. Ouellet passe ensuite à L’Action catholique, rue Sainte-Anne, le 5 novembre 1934.

C’est pendant la dizaine d’années passée à L’Action que Gérard Ouellet commence à s’intéresser à l’histoire de Saint-Jean Port-Joli. Ouellet a connu Arthur Fournier, un coparoissien du « bout des Bourgault » qui a réuni des notes d’histoire paroissiale dans un de ses ouvrages « clavigraphiés », le Mémorial de Saint-Jean Port-Joli; il sait que le frère Sigismond (né Achille Chouinard, 1870-1967), un autre coparoissien, a récupéré la « bibliothèque clavigraphique » de Fournier et s’est assuré qu’elle soit conservée par sa communauté (les Frères des Écoles chrétiennes), à Québec, tout en réservant le Mémorial aux archives de la fabrique de Saint-Jean-Port-Joli. Ce document constituera une source d’information précieuse pour Ouellet qui se fait la main comme historien local en publiant plusieurs textes sur Saint-Jean-Port-Joli dans le supplément dominical que L’Action livre avec son édition du samedi : « Dans les rayons d’un phare à Saint-Jean-Port-Joli » (10 octobre 1937), « À l’ombre de mon clocher » (13 mars 1938), « Du manoir de Gaspé à la tombe de Calixa Lavallée fils » (21 février 1943), « Comment Henriette eut une grand-messe pour le repos de son âme… » (5 décembre 1943, sur le quêteux Servule Dumas), « Registrateurs et notaires » (16-23 avril 1944). On devine qu’il a consacré bien des loisirs à ses recherches historiques puisqu’il termine, à l’automne 1945, une monographie de son village natal qui est éditée aux éditions des Piliers en février 1946 sous le titre Ma paroisse, Saint-Jean-Port-Joly.

Ma paroisse

La publication de Ma paroisse coïncide avec une réorientation de carrière. Le 19 septembre 1945, Gérard Ouellet est nommé « chef de la publicité au ministère de la Colonisation ». Au tournant des années 1950, on le trouve aux quatre coins du Québec, de l’Abitibi à la Gaspésie et de la Beauce à la Baie James, prenant lui-même des photographies pour illustrer les publications du ministère et vanter le progrès de la colonisation.

Ouellet, Gérard 1950 03Q_E6S7SS1P75944-détail

Quelques publications du ministère portent explicitement sa signature, dont Aux marches du Royaume de Matagami (Rochebaucourt) (1947), Hier à Palmarolle : une histoire merveilleuse (1947), Un royaume vous attend, l’Abitibi (1950), Sainte-Monique de Rollet, ou, La Rivière solitaire (1958).

Ouellet, Gérard 1950 03Q_E6S7SS1P76672

De 1958 à 1964, Gérard Ouellet travaille successivement aux Ressources hydrauliques, aux Travaux publics et au Travail, à titre de chef de l’information. En juillet 1965, il passe à la Régie des rentes où il a été vraisemblablement attiré par un de ses amis, Me Wheeler Dupont, qui est membre du conseil d’administration de cette institution.

Ouellet prend officiellement sa retraite le 26 novembre 1971, soit à 65 ans, mais il est déjà dans une sorte de préretraite depuis l’année précédente et réside à Saint-Jean-Port-Joli, dans la propriété de ses grands-parents, à deux pas de la maison natale.

Retiré dans sa paroisse, l’ancien fonctionnaire continue à s’intéresser à l’histoire. En 1970, il est le principal rédacteur de l’ouvrage intitulé Au fil d’un premier siècle – Sainte-Félicité de Matane, 1870-1970. En 1973, il publie Histoire de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 1672-1972. Il a aussi laissé divers écrits ici et là, dont un« Hommage à ma paroisse », dans le programme du « pageant » de 1949, un feuillet sur le chanoine Joseph Fleury (1969) et un « Hommage à Jean-Julien Bourgault » (Québec-Histoire, automne 1972).

Homme engagé sur plusieurs plans, Gérard Ouellet a été président de la Tribune de la presse, président du premier syndicat à L’Action catholique, membre de la Société des écrivains, un des membres-fondateurs du club Richelieu et président-fondateur du Club de l’âge à Saint-Jean-Port-Joli. Patriote militant, il a œuvré au sein de la Société Saint-Jean-Baptiste, à Québec et dans le diocèse de Sainte-Anne, ainsi que dans l’Ordre de Jacques-Cartier.

Ouellet, Gérard

Gérard Ouellet a été inhumé dans le cimetière de Saint-Jean-Port-Joli le 17 novembre 1981 ; il avait épousé Cécilia Trottier, le 22 juin 1936, et, en secondes noces, Simone Gagnon, le 8 octobre 1960.

 

Pinocchio au Sénat

Dans un texte diffusé par la Presse canadienne le 19 mars (http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-canadienne/201603/18/01-4962248-futur-senateur-andre-pratte-espere-eviter-le-piege-du-mensonge-en-politique.php), on raconte qu’André Pratte, maintenant sénateur, a décortiqué le thème du mensonge en politique « dans un essai intitulé Le syndrome de Pinocchio – un ouvrage qui a fait beaucoup de vagues en 1997 et qui a même valu à son auteur une motion de blâme à l’Assemblée nationale ».

Ce blâme, qu’on a faussement invoqué comme précédent lors de l’affaire Michaud, est une légende.

Comme je l’ai expliqué dans L’Affaire Michaud (http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/affaire-michaud-l), la motion du 19 mars 1997, se lisait comme suit : « QUE les membres de cette Assemblée déplorent les propos, le thème et les procédés de l´émission « Un jour à la fois », diffusée au réseau TVA le 17 mars 1997, lesquels discréditaient l´ensemble des hommes et des femmes élus et candidats à tous les niveaux de gouvernement, scolaire et municipal, provincial et fédéral ».

Pinocchio

C’est l’émission de TVA qui était visée et non Le syndrome de Pinocchio ou son auteur. L’éditeur d’André Pratte a quand même fait ajouter un bandeau portant la mention « Le livre qui a fait réagir l’Assemblée nationale », ce qui a contribué à construire une légende que l’éditorialiste de Gesca a entretenue et que le nouveau sénateur se garde bien de démentir.

Un Jour de l’an remarquable

Notre janvier exceptionnel n’est pas sans précédent, comme on pourra le constater en lisant cet extrait de L’Opinion publique du 17 janvier 1878:

« SOUVENIRS DU JOUR DE L’AN 1878

Nous publions, cette semaine, une combinaison de dessins représentant les scènes qui feront du premier janvier 1878 le Jour de l’an le plus remarquable dans les annales du Canada. Pour cette raison, notre dessin mérite d’être soigneusement conservé. En premier lieu, nous y voyons Jean-Baptiste Canadien, un Indien de Caughnawaga, et ses deux compagnons franchissant, dans un frêle canot, les dangereux rapides de Lachine.

Janvier 1878-11

Partis du village Caughnawaga, à onze heures de l’avant-midi, le jour de l’en, ils arrivaient au bassin Jacques-Cartier vers midi et demi. Les noms des deux compagnons du célèbre guide sauvage sont Jean Stécé, autre Indien, et Charles D’Amour, Canadien-français de la paroisse de Sainte-Philomène. En arrivant au bassin Jacques-Cartier, les téméraires aventuriers furent chaudement accueillis par des centaines de curieux qui s’étaient rendus au port pour être témoins de ce fait unique jusqu’ici dans l’histoire de notre navigation. Une collecte fut faite sur les lieux pour les braves canotiers, ainsi qu’au St. Lawrence Hall, où ils furent ensuite conduits. C’est alors que Jean-Baptiste Canadien éprouva la plus orgueilleuse sensation que sa nature d’Indien pût ressentir, en apprenant, par dépêche télégraphique, à sa sauvagesse et à toutes les sauvagesses de Caughnawaga, son heureuse arrivée en ville.

Janvier 1878-12

Un autre dessin représente le voyage de plaisir à Boucherville par le bateau-à-vapeur Longueuil. Environ 600 personnes prirent part à cette excursion, plus pour la nouveauté de la chose que pour le plaisir, car le vent soufflait très fort et le froid était intense.

Janvier 1878-13

Un troisième dessin représente une course entre plusieurs chaloupes, sous la direction de Joe Vincent, depuis le quai Bonsecours jusqu’au quai de Saint-Lambert.

Janvier 1878-14

Au quatrième plan, on voit un laboureur de Saint-Bruno traçant un sillon en l’honneur du jour.

Janvier 1878-15

Le cinquième dessin représente des moutons broutant l’herbe et trouvant encore leur nourriture sur le versant oriental de la montagne.

Les deux autres dessins n’ont pas besoin d’explication ».

Janvier 1878-17Janvier 1878-16

 

Grignon et le cardinal : une autre belle histoire?

En entrevue au Journal de Montréal, la nouvelle Donalda raconte que l’auteur de la série des Pays d’en haut, « savait que Claude-Henri Grignon avait subi l’influence de l’Église au moment d’écrire son roman, au début des années 1930. Ce dernier aurait reçu plusieurs lettres du cardinal Léger, alors prêtre, lui demandant de dépeindre Donalda en épouse soumise, histoire qu’elle «montre l’exemple» aux femmes » (http://www.journaldemontreal.com/2016/01/07/la-transformation-de-donalda).

Paul-Émile Léger aurait contribué à la « censure » de l’œuvre de Grignon dans les années 1930, une intervention qui aurait échappé à l’étude très fouillée faite par Sirois et Francoli dans l’édition critique parue aux PUM en 1986? Intriguant. Est-ce qu’on entre ici en pleine légende?

Grignon 2

Dans Un homme et son péché, publié en 1933, Grignon définit le caractère d’une Donalda qui sera « soumise, chrétienne, obéissante » (1938). Il expliquera plus tard (dans un texte inédit publié par Sirois et Francoli) qu’elle ne constituait pas une exception. « Combien de mères de famille, combien d’épouses depuis des siècles se sont mariées sans aimer. Elles ne se plaignaient pas. Elles ne se révoltaient pas. Réfugiées dans le silence et la prière, elles trouvaient la force de résister à toutes les tentations […] Aujourd’hui, dans notre temps troublé, dans ce siècle de tumulte et de désordre, la femme, pour un oui ou pour un non, se révolte, se sépare et croit trouver le salut dans le divorce (cette invention de Satan) ». Celui qui, dit-on, « s’intéressait aux débuts du féminisme [?] » (L’Actualité, février 2016, page 55) se riait « des bas-bleus indécrottables, des femmes de lettres [qui] ont moqué et moqueront toujours Donalda pour la raison bien simple qu’elles n’entendent rien à cette grande mystique qui fut un personnage réel ».

Grignon 1

La Donalda du roman ne sera pas fondamentalement différente dans la série radio qui débute en 1938 et dans la série télé qui suit en 1956. Grignon n’avait pas besoin des clercs pour le guider dans sa confection d’un rôle de femme « modèle » et à quel titre l’abbé Léger aurait-il pu influencer un auteur qui écrit seul dans un grenier de Saint-Adèle dans les années trente?

Au moment où Grignon écrit, Paul-Émile Léger est jeune prêtre à Paris. Ordonné en 1929, il a ensuite étudié à l’Institut catholique et enseigné au Séminaire Saint-Sulpice jusqu’en 1933. Il quitte alors Paris pour le Japon où il fonde un séminaire et ne revient au Canada qu’en 1939.

Grignon 3

Paul-Émile Léger serait intervenu, une fois devenu cardinal (après 1953), pour guider Grignon dans la redéfinition d’un « caractère » déjà bien établi depuis vingt ans? S’il y a quelque chose, Donalda fait moins misérable à la télé que dans le roman où elle disparaissait rapidement.

PS (le 7 février 2016): échange sur cette question sur la page FB d’Éric Bédard avec un neveu de Grignon:

Gaston Deschênes Savez-vous à quel endroit l’auteur de la série aurait vu des lettres du Cardinal Léger adressées à CH Grigon? Je suis très intrigué par cette correspondance qui a échappé aux biographes de Léger et aux auteurs de l’édition critique de Un homme… en ’86.
Pierre Grignon Deux lettres du cardinal Léger existent bel et bien et qui faisaient partie des papiers de Claude-Henri Grignon dans les documents personnels qui m’ont été légués. L’une portait sur le modèle de femme chrétienne que Donalda devait continuer à inspirer, l’autre sur la fin du conflit entre le Chapelet et UN HOMME ET SON PÉCHÉ à la même heure à la radio. Je les publierai en temps et lieux.
Gaston Deschênes  Ce que j’ai lu à ce sujet, avant la diffusion de la série actuelle, dans plusieurs articles, laissait croire que le cardinal était intervenu dans les années ’30; que « des » lettres avaient influencé Grignon dans la construction du personnage de Donalda; et que, jointes à la pub qui parle de « version non censuré », ces lettres expliqueraient la « censure » des versions antérieures. Je pense que la publication des lettres dont vous parlez permettrait de mieux se faire une idée. Ce que j’ai lu de CHG me porte à penser qu’il était peu influençable et libre d’esprit.”