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Québec, capitale de la francophonie en Amérique? Yes, sir Losique!

Dans Le Soleil du 28 mars dernier, le président du FFM s’est étonné des prétentions de Québec au titre de « capitale de la francophonie en Amérique ». Selon Serge Losique, sans Montréal, « il n’y aurait pas de francophonie en Amérique »! (http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201503/27/01-4856187-quebec-capitale-de-la-francophonie-en-amerique.php)

Les lecteurs du Soleil sont restés cois. Se sont-ils amusés de ce cinéma? Ou rentrés dans le rang? Il faut pourtant rappeler certaines choses.

Hochelaga était un désert (même les Iroquois l’avaient abandonnée) quand Champlain fonde Québec (la « capitale d’un empire », comme en rêvait Frontenac). Il faudra près de deux siècles pour que la population de Québec soit surpassée par celle de Montréal, vers 1840, mais cette dernière est alors majoritairement anglophone. Le gouvernement tente d’y installer le gouvernement du Canada-Uni, mais des émeutiers tories brûlent le Parlement (qui y est demeure seulement le temps d’une législature), excédés d’y voir un gouvernement dirigé par un premier ministre francophone indemniser les victimes bas-canadiennes des répressions de 1837-1838, avec l’appui d’un gouverneur qui parle français.

En 1867, le gouvernement de la province de Québec retrouve évidemment son ancienne capitale qui, à la fin du XIXe siècle, devient le point de ralliement des Canadiens français du continent (une expression qui inclut alors les Franco-américains). En 1880, Québec accueille la grande convention qui entend la première interprétation du « chant national des Canadiens français », Ô Canada.

Capitale-Fete nationale 1880

En 1912, le premier Congrès de la langue française y rassemble des délégués des communautés francophones du Canada et des États-Unis; l’Académie française est représentée.

Capitale-Congrès 1

Vingt-cinq ans plus tard, le deuxième congrès accueille en plus une délégation louisianaise et une délégation haïtienne, ainsi que des invités belges. Au troisième, en 1952, il y a aussi des Mauriciens.

Congrès 3

Le « Comité permanent des congrès de langue française » créé en 1912 deviendra le « Conseil de la vie française en Amérique » en 1956.

Après la Révolution tranquille, le Québec n’a plus les mêmes relations avec la francophonie canadienne mais ses horizons s’ouvrent sur le monde.

Capitale- Superfrancofête

Il y aura donc la Superfrancofête en 1974, les sommets francophones en 1987 et en 2008 ainsi que premier Forum mondial de la langue française en 2012. Tous à Québec, évidemment.

Capitale-Sommet 2008

Si « Capitale de la francophonie en Amérique » n’est pas nécessairement la meilleure expression pour décrire le statut de Québec, ce n’est quand même pas une surprise et l’idée d’un réseau de villes francophones est un projet prometteur. Pour lui donner de la cohérence, peut-être faudrait-il cibler prioritairement les villes des États-Unis qui portent la marque du passage des Canadiens français et partagent des racines avec les Québécois. Enfin revenue du rapaillage de « brandings » et en voie de guérison de son allergie au titre de « Vieille Capitale », Québec s’est donnée un slogan (« l’Accent d’Amérique ») qui dépasse les limites d’une ville « ordinaire » et elle devrait remettre au premier plan son trait de caractère le plus solide, celui qui est inscrit incontestablement dans son histoire et que David Mendel célèbre dans un livre si justement nommé : Québec, berceau de l’Amérique française.

Capitale-Québec berceau

PS : Montréal « deuxième ville francophone du monde »? Même en considérant l’agglomération et en présumant que tout le monde y parle français, elle est peut-être la quatrième, après Kinshasa et Abidjan, et n’a pas beaucoup de chances de reprendre son rang compte tenu (on peut le dire ici sans perdre des votes) « de la démographie et de l’immigration ».

L’auteur du «Noël des petits oiseaux» était un drôle de moineau

(Mis à jour le 9 décembre 2019)

J’ai longtemps cherché des interprétations de ce chant de Noël dont on retrouve les paroles dans les cahiers de la Bonne chanson, mais qui a eu très peu d’interprètes sur disque. C’est finalement chez Sillons, rue Cartier (une bonne adresse disparue…) que j’ai, non pas trouvé, mais commandé un disque français repéré sur Internet, plus précisément un coffret de cinq disques, intitulé Vive Noël!, qui comprend le Noël des petits oiseaux, paroles de Camille Soubise et musique de Charles Pourny, chanté par Jacques de Mersan. Ces disques m’ont fait découvrir de nombreuses chansons de Noël inconnues ici.

OIseaux

Rarement interprété sur disque, le Noël des petits oiseaux était aussi peu fréquent sur Internet, au moment de la première version de ce texte, et les rares prestations étaient peu impressionnantes. On le trouvait accompagné de diaporamas plutôt kitsch (https://www.youtube.com/watch?v=XGO1Sx5VZ0U), interprété par une chorale mal filmée (https://www.youtube.com/watch?v=_sz5O0e7a2U) ou par un ténor correct qui devrait cependant suivre son texte (https://www.youtube.com/watch?v=58h4mhbs6yA). Il y avait aussi  la sympathique interprétation de Passe-Partout (https://www.youtube.com/watch?v=gMQ_gA8_32Q).

Aujourd’hui, on a plus de choix avec l’interprétation de Mersan (https://www.youtube.com/watch?v=1JNTAOUOVgQ) et celle de Fabienne Thibeault (https://www.youtube.com/watch?v=jE4v0cyHZwg), entre autres.

Aucun des interprètes ne donne au complet le texte de Camille Soubise qui, pour tout dire, n’est pas vraiment Soubise, comme Francis Sartorius l’a révélé en 2000 dans un article (« La métamorphose d’un aventurier des lettres » publié dans la revue Histoires littéraires) dont on trouve l’essentiel sur le site du cimetière du Père-Lachaise (http://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=2470).

Soubise-portrait

Né à Perwez (Belgique) en 1833, Camille Soubise s’appelait en fait Alphonse Vanden Camp, nom sous lequel il a été légitimé en 1840 par le mariage d’Adolphine Raynaud avec Jean-Baptiste Vanden Camp. Il a 19 ans quand il lance un premier journal, une feuille hostile aux élites (clergé et noblesse) et proche des idées socialistes de Fourier. En 1856, il devient rédacteur en chef du Libre Penseur et collabore à différents journaux sous divers pseudonymes.

Plusieurs motifs pourraient expliquer son départ pour Paris. Il semble avoir été condamné par défaut à cinq ans de prison en 1864, puis à six mois pour port public de faux nom;  il divorce ensuite en 1867 ou 1868. À Paris,  il se serait aussi compromis dans des affaires douteuses. Pour gagner sa vie, celui qui s’identifie maintenant sous le nom de « du Camp » propose des textes aux éditeurs de chansons populaires. C’est sous le nom de Camille Soubise (pour éviter d’être confondu avec l’auteur Maxime du Camp) qu’il se fait connaître avec un de ses grands succès, la fameuse Chanson des blés d’or (https://www.youtube.com/watch?v=eJYWaZNc7Lo). 

À Paris, c’est bientôt l’insurrection de la Commune contre le régime de Napoléon III et notre homme devient membre du Comité central de la Garde nationale puis membre du Conseil de la XVIIe légion fédérée et secrétaire de la Commission municipale du XVIIe arrondissement. Encore là, les ennuis le courent. Arrêté pour fraude, il parvient à se disculper; soupçonné d’être un mouchard, il est sauvé par la chute de la Commune; recherché par l’armée versaillaise et condamné par contumace à la déportation, il resurgit, comparaît en 1873 et réussit à se faire acquitter.

Vanden Camp regagne alors Bruxelles où il s’adonne encore au journalisme et se retrouve encore devant les tribunaux. Il est condamné en 1874 à trois mois de prison pour usage de faux noms, malgré ses tentatives de se présenter… sous une autre identité !

En 1879, il retourne à Paris où il gagnera sa vie en composant le texte de nombreuses chansons, dont le Noël des petits oiseaux, probablement en 1880, et l’une des plus célèbres romances sur le thème de la perte de l’Alsace-Lorraine, C’est un oiseau qui vient de France (https://www.youtube.com/watch?v=T_JQR2I9L50),  un thème qui ne correspondait pas vraiment à ses convictions anarchistes… En 1887, il lance une éphémère revue littéraire et artistique, La Muse française. En 1892, il publie un recueil de poésies, Les Lunes bleues, toujours signé Camille Soubise, le nom sous lequel il était désormais connu et qui paraîtra sur le faire-part de son décès en 1901. Il laissait dans le deuil Marie Buisson, avec qui il avait régularisé sa relation en 1897, légitimant du même coup deux filles nées respectivement en 1871 et 1873.

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Noël des petits oiseaux

(paroles tirées de La Bonne Chanson, troisième cahier, page 119)

Les verts sapins de la vallée,
Ce soir sont habillés de blanc,
Car de Noël c’est la veillée,
Et minuit s’avance à pas lents.
Plus d’un petit oiseau frissonne,
Car il a neigé sur les toits;
Mais chut! voici l’heure qui sonne!,
Entendez-vous ces douces voix?

(Ref.) Il est minuit et Jésus vient de naître,
Pour protéger les nids et les berceaux.
Le ciel est bleu, le printemps va renaître…
Noël! Noël! pour les petits oiseaux! (bis)

Merles pinsons, bergeronnettes,
Se réveillant tous à la fois,
Comme au bon temps des pâquerettes,
Soudain font retentir les bois!
Voyant que la neige étincelle,
Et que l’étoile brille aux cieux,
Ces chers mignons battant de l’aile,
Redisent dans leurs chants joyeux :

(Ref.)

Les roitelets, les rouges-gorges,
Quittant les toits et les buissons,
Gazouillant comme au temps des orges
Et l’air était plein de chansons!
Puis, croyant au réveil du monde,
Et préparant déjà leurs nids,
Ils cherchaient de la laine blonde
Pour abriter tous leurs petits!

(Ref.)

Mais tout à coup, la nuit s’achève,
Voici l’aurore au front vermeil!
Et ne sachant si c’est un rêve,
Chacun se dit « Quel doux soleil! »
Car Noël sur les plaines blanches
A fait luire un beau rayon d’or!
Puis sous les toits et sur les branches
On entend gazouiller encor :

(Ref. final)
L’ombre s’enfuit, le jour vient de paraître,
Pour éclairer les nids et les berceaux!
Le ciel est bleu le printemps va renaître…
Noël! Noël! pour les petits oiseaux! (bis)

Les vestiges de l’hôpital Jeffery Hale

Les Immeubles Jeffrey Hale qui appartiennent à la société Immeuble populaire de Québec inc. (1977) sur le boulevard René-Lévesque sont les deux plus anciens pavillons qui restent de l’hôpital Jeffery Hale.

Le Répertoire du patrimoine culturel décrit ainsi les bâtiments  qui portent les numéros civiques 250 et 300:

« Le pavillon principal [250] est érigé en 1900 et 1901. Il s’agit d’un édifice en brique rouge, de plan en « T » à deux étages et demi, coiffé d’un toit à croupes. Sa façade antérieure comprend un avant-corps central coiffé d’un toit en pavillon, doté d’une imposante lucarne et flanqué de tours légèrement en saillie à toit pyramidal. Construit de 1904 à 1906, le McKenzie Memorial Building [300] est un édifice en brique rouge, de plan en « L » à trois étages, coiffé d’un toit plat et d’un dôme central. L’avant-corps central de la façade antérieure est couronné d’un fronton flanqué de tours coiffées d’un petit dôme et est doté d’un porche semi-circulaire ». (http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92959&type=bien#.VG-uP2d0yM8)

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Ancien hôpital Jeffery-Hale, 250, boul. René-Lévesque est. Photo Christian Lemire 2007, © Ministère de la Culture et des Communications.

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McKenzie Memorial Building de l’ancien hôpital Jeffery-Hale, 300, boul. René-Lévesque est. Photo Christian Lemire 2007, © Ministère de la Culture et des Communications

Le Répertoire du patrimoine culturel fournit aussi des indications sur les architectes et le style des bâtiments :

« Les deux bâtiments ont été érigés d’après les plans des architectes montréalais Alfred Arthur Cox (1860-1944) et Louis-Auguste Amos (1869-1948). Ils témoignent de l’influence de courants architecturaux en vogue au début du XXe siècle. En effet, le pavillon principal et le McKenzie Memorial Building, dont l’organisation est conçue dans l’esprit Beaux-arts, présentent un volume fonctionnel et une ornementation puisant dans différents styles. Élevé en 1900 et 1901, le pavillon principal illustre l’influence néo-Queen Anne, entre autres par l’usage décoratif de la brique, le jeu des couleurs, les lucarnes à la hollandaise et les tours à toit pyramidal. Le McKenzie Memorial Building, construit de 1904 à 1906, ajoute une note néo-baroque, notamment par son imposant dôme ainsi que par son avant-corps central couronné d’un fronton et flanqué de tours coiffées d’un petit dôme. Les deux pavillons, grâce à leur implantation et à leurs similitudes de volume, de composition et de matériaux, forment un ensemble monumental remarquable. Avec l’ancienne résidence des infirmières, ils sont aujourd’hui intégrés à un complexe résidentiel qui dénote un effort d’intégration des immeubles récents. Ils constituent encore un élément fort du paysage urbain ». (http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92959&type=bien#.VHJ7VWd0yM)

Les origines du « Jeff »

(Les informations qui suivent sont essentiellement tirées de l’ouvrage d’Alain Gelly, Centre hospitalier Jeffery Hale’s Hospital Centre, 1865-1990, Québec, 1990, 188 p., ill.)

L’hôpital québécois désigné communément sous le nom de « Jeff » est fondé en 1865 et reçoit son premier patient en 1867. Il était alors situé sur la rue Saint-Olivier, à l’angle de Des Glacis et avait été nommé en l’honneur d’un important marchand de Québec, Jeffery Hale (sur Hale, voir le Dictionnaire biographique du Canada en ligne http://www.biographi.ca/en/bio.php?id_nbr=4474)


Un nouvel emplacement

En 1895, désireux de donner plus d’envergure à l’établissement, le Bureau des gouverneurs achète un vaste terrain situé dans le quadrilatère formé par les rues Saint-Cyrille (auj. René-Lévesque), Notre-Dame du Précieux-Sang (Turnbull), Lockwell et Claire-Fontaine. La propriété comprend des bâtiments de ferme ainsi que l’une des tours Martello construite entre 1805 et 1810.

« Le choix de ce terrain est dû en grande partie à la décision des autorités du Jeffery Hale’s Hospital de construire un hôpital de type pavillonnaire, c’est-à-dire un hôpital où les bâtiments sont isolés les uns des autres afin « de limiter le transport des germes, bactéries et [améliorer] les conditions antiseptiques » […]. (Gelly, p. 42)

« Les contraintes monétaires feront que ces bâtiments seront construits à plusieurs années d’intervalle et sans véritable plan directeur. Cette situation explique, en grande partie, pourquoi les bâtiments sont disposés de manière asymétrique et sans aucune uniformité architecturale. Malgré tout, les administrateurs réussiront à allouer une fonction spécifique à chaque bâtiment et à les isoler les uns des autres. Cette persévérance dotera Québec de son seul hôpital de type pavillonnaire ». (Gelly, p. 68)

Le bâtiment principal

Le bâtiment principal, le premier construit, est celui qui se trouve toujours sur le coin Turnbull-René-Lévesque (numéro civique 250). Il doit regrouper « tous les cas généraux et les bureaux de l’administration ». La construction débute en 1900 et l’inauguration a lieu le 12 juin 1901. De part et d’autre de la porte principale, des cartouches indiquent le début la construction : « Anno domine » et « MDCCCC » (1900).

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Le bâtiment principal de l’hôpital Jeffery Hale et la tour Martello no 3. BANQ-Québec, P546,D3,P31, photo Fred C. Würtele, août 1904. Pour une description, voir Quebec Chronicle, 13 juin 1901, p. 4.

Le « pavillon des contagieux »

L’année suivante, on commence la construction du « pavillon d’isolation afin de permettre la mise en quarantaine des personnes atteintes de la fièvre scarlatine et de la diphtérie ». Le « pavillon des contagieux » aurait été terminé en 1903. Il était érigé au coin de Turnbull et Lockwell. C’est le site de l’actuel Centre d’hébergement Le Faubourg, 925, avenue Turnbull.

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Le « quartier des infections », ou « pavillon des contagieux », de l’hôpital Jeffery Hale à l’angle de l’avenue Turnbull et de la rue Lockwell. BANQ, P546,D3,P32, photo Fred C. Würtele, août 1904.

Le pavillon Mackenzie

Ces pavillons sont à peine occupés que Mme Elizabeth MacKenzie-Turnbull lègue 75 000$ pour la construction d’un nouveau pavillon en posant comme condition que ce bâtiment porte le nom de ses parents, comme l’indique une inscription au fronton central : « Erected and endowed in memory of her beloved parents by Mrs J.F. Turnbull » (Érigé et doté en mémoire de ses parents bienaimés par madame J. F. Turnbull).

JHale-1910c-03Q_P546D3P58Le MacKenzie Memorial Building, à droite, et le bâtiment principal. BANQ, P546,D3,P58, photo Fred C. Würtele, vers 1910). Pour une description, voir Quebec Chronicle, 25 septembre 1906, p. 4.

La construction débute en 1904 et l’inauguration a lieu le 24 septembre 1906. Le bâtiment comprend une maternité une salle pour les incurables et des logements pour les infirmières. Il s’agit de l’édifice qui porte aujourd’hui le numéro civique 300, boul. René-Lévesque.

La tour Martello a été démolie à cette époque comme le démontre une photo prise en 1904.

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Démolition de la tour Martello no 3 en 1904. BANQ-Québec, Fonds Fred C. Würtele, P546,D5,P29.

Le pavillon Douglas et la centrale d’énergie

Au printemps 1915, la construction d’un nouveau bâtiment débute à la suite d’une vaste campagne de souscription publique pour doter les anglophones d’un hôpital pour les tuberculeux et surtout grâce à un don exceptionnel du Dr James Douglas. La guerre retarde cependant les travaux, Le « James Douglas Tuberculosis Wards », nommé en l’honneur du généreux donateur, n’ouvre ses portes au public que le 11 février 1918. Conçu par l’architecte Thomas Reid Peacock (voir à son sujet le texte de J.-F. Caron dans Québecensia, novembre 2013), il est situé dans la partie est du quadrilatère, environ à mi-chemin entre Saint-Cyrille (René-Lévesque) et Lockwell, là où se trouve aujourd’hui un complexe immobilier géré par l’OMHQ (920, Claire-Fontaine, construit en 1986).

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Les bâtiments du Jeffery Hale en 1923. BANQ, 3851855_030.

Construite simultanément, une centrale (« central heating plant » ou « Power House ») pouvant répondre aux besoins de l’hôpital commence à fonctionner durant l’hiver 1917-1918. Elle se trouvait dans la partie sud du quadrilatère, là où se dresse aujourd’hui un autre immeuble à logements géré par l’OMHQ (385, Lockwell, construit en 1982).

La résidence des infirmières

Après l’ouverture du « James Douglas Tuberculosis Wards », le développement de l’institution fait une pause. En 1927, une chapelle est inaugurée pour les infirmières résidantes et dédiée à Saint-Barnabé, leur saint patron. Mais, elles ont surtout besoin d’espace pour leur école ouverte en 1901 (la première à Québec).

Encore une fois, c’est un mécène, Frank W. Ross, qui offre 50 000$ pour doter l’hôpital d’une école et d’un lieu de résidence pour les infirmières. Les travaux débutent en 1931 et le bâtiment est inauguré officiellement lors de la cérémonie de collation des diplômes des infirmières le 6 octobre 1932 . Il est toujours debout, au centre du vaste quadrilatère, actuellement propriété de la Coopérative d’habitation Claire-Fontaine (945, Turnbull).

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Le Jeffery Hale vers 1950. Archives de la ville de Québec, no 9815. Copie tirée d’un imprimé.

Ce sera la dernière construction pour l’hôpital Jeffery Hale dans ce quadrilatère. Au lieu d’essayer de rénover les plus anciens bâtiments, les gouverneurs décideront de repartir en neuf, sur un nouvel emplacement (1250, chemin Sainte-Foy) où le « Jeff » qu’on connaît aujourd’hui est ouvert en 1956.

Acquisition de l’hôpital par le gouvernement et destin des bâtiments

Le 2 février 1956, le gouvernement prend possession des anciens bâtiments (Voir la carte de 1957). Après des travaux de rénovation, le bâtiment principal et le pavillon MacKenzie sont occupés par la Sûreté du Québec, jusqu’au milieu des années 1970 puis achetés en 1980 par la Société d’habitation du Québec afin d’être transformés en logements sociaux.

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Le quadrilatère du Jeffery Hale au moment de l’acquisition par le gouvernement. BANQ, carte de 1957, 03Q_P600S6D1P0032.

Le pavillon Douglas sera utilisé par la Cour du Bien-être social puis par divers organismes. Ravagé par un incendie au début des années 1980, il est démoli pour permettre la construction d’un édifice à logement, tel que mentionné ci-dessus, au 920, Claire-Fontaine (sur ce sujet voir la revue Continuité, hiver 1983, été 1984 et été 1985).

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Vue aérienne récente du quadrilatère (Google Maps).

Samuel de Champlain, entrepreneur et visionnaire

(Allocution prononcée par le maire de Québec lors de la cérémonie du 3 juillet au monument Champlain. )

Nous commémorons aujourd’hui le 406e anniversaire de Québec. Le 3 juillet 1608, Champlain débarquait ici et se mettait sur-le-champ à la construction d’une habitation au pied du cap Diamant. Reconnu comme fondateur de Québec, Samuel de Champlain avait cependant de plus grandes ambitions que la création d’un simple comptoir de commerce des fourrures.

Dix ans après la fondation de Québec, la colonie ne se développe pas à son goût. Ses explorations et les liens qu’il a tissés avec les nations amérindiennes lui ont donné une bonne idée des possibilités de développement du pays.

En 1618, Champlain rédige des mémoires qui visent à convaincre le roi Louis XIII et la Chambre de commerce de Paris du bien-fondé et de la rentabilité d’un établissement commercial permanent en Nouvelle-France.

Dans son mémoire au roi, Champlain écrit que le Saint-Laurent ou ses affluents pourraient mener « au Royaume de la Chine et Indes orientales, d’où l’on tirerait de grandes richesses » ; la douane que l’on percevrait à Québec sur toutes les marchandises en provenance ou à destination de l’Asie « surpasserait en prix dix fois au moins toutes celles qui se lèvent en France » ; on s’assurerait un pays de « près de dix-huit cens lieues de long, arrosé des plus beaux fleuves du monde » et l’on établirait la foi chrétienne chez un nombre infini d’Amérindiens.

Champlain reconnaît l’importance du commerce des fourrures, mais il prône une économie plus diversifiée, qui s’appuierait sur l’exploitation des matières premières : surtout le poisson et le bois, qui seraient exportés, tandis que l’agriculture permettrait à la colonie d’atteindre l’autonomie alimentaire.

Pour accélérer le peuplement, Champlain propose d’attirer des familles avec des conditions d’établissement qui favoriseraient leur enracinement au pays.

Le territoire est vaste. Champlain a des projets pour toute la vallée du Saint-Laurent. Il y a des campagnes à peupler, mais aussi des villes à établir à Tadoussac, aux Trois-Rivières et à Montréal. Pour Québec ─ qui n’est encore qu’un comptoir commercial où vivent quelques dizaines d’habitants ─ il entrevoit la création d’une ville dans la vallée de la rivière Saint-Charles qui s’appellerait « Ludovica ».

Champlain prévoit la construction de forts avec garnison, sur le cap Diamant, à la Pointe-Lévy et à Tadoussac. Il esquisse aussi les grandes lignes de l’organisation administrative et judiciaire du territoire.

Champlain se donne 15 ans pour réaliser cet ambitieux programme et rendre la colonie autonome. Le roi l’appuie mais les choses ne se réalisent pas comme prévu. Il faudra près de 10 ans avant de voir naître une entreprise de colonisation prometteuse, la Compagnie des Cent-Associés. Malheureusement, le premier contingent envoyé par cette compagnie est intercepté par les frères Kirke, des corsaires anglais qui envoient Champlain à Londres et occupent Québec de 1629 à 1632.

Champlain revient en 1633 mais la compagnie ne réussira jamais à envoyer des contingents aussi importants que le premier. En 1634, il fait construire une habitation qui marque les débuts de Trois-Rivières mais sa carrière s’achève et il meurt en 1635.

 

Géographe, cartographe et explorateur, Samuel de Champlain était aussi un homme de vision et d’entreprise. Il s’est acquitté de son mandat initial qui consistait à établir un comptoir commercial mais il avait des vues plus vastes. Ses mémoires de 1618 constituent la première grande politique de colonisation en Amérique française. S’il s’est trompé au sujet de la route vers la Chine et les Indes, il a vu juste quant aux ressources de la colonie mais il a dû laisser à ses successeurs, de Charles Huault de Montmagny jusqu’à nos jours, le soin de les développer.

L’historien

Commentaire reçu de mon ami Michel Leclerc, juriste de formation mais aussi musicien et philosophe à ses heures.

« L’historien m’indispose. Plus, il m’épuise, parce que son incessante activité me tient informé de mon ignorance et de ma paresse.

J’avais des historiens la même image que celle des bibliothécaires : celle de quelqu’un qui a appris l’histoire et qui, ne sachant qu’en faire, l’enseigne aux autres. Il s’agissait pour moi d’une matière complète et limitée, et le seul mérite à mes yeux des historiens était de l’avoir mémorisée et de la recracher vers les étudiants.

Maintenant,  je sais. L’historien va dans tous les recoins, officiels ou privés, historiques ou cachés, grandioses ou intimes. Il se nourrit de photos, de lettres, de dates, de registres, de bâtiments, de documents, de lieux, de souvenirs. De journaux, d’entrevues, de rencontres, de relations.

L’historien est curieux, il s’intéresse, il cherche, il découvre. De nouvelles choses. Il rencontre des gens pour leur parler, et apprendre d’eux.

Il écrit et il parle. Il nous informe de ce qu’il a trouvé. Il ajoute de la connaissance. Comme l’inventeur, au sens du Code civil (celui qui a trouvé).

Après son passage, il y a plus d’histoire. Grâce à lui, on sait de plus en plus ce qui est arrivé, et on comprend mieux ce qui arrive maintenant. »