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Les Patriotes aux oubliettes : comment le gouvernement fédéral occulte une page fondamentale de notre histoire

Situé au sommet de la côte de la Montagne, dans le Vieux-Québec, le parc Montmorency a été successivement un cimetière, un lieu de pouvoir religieux et civil, un site militaire stratégique et un parc urbain.

En 2010, il a été fermé quelques mois, le temps que Parcs-Canada effectue des travaux visant à « redonner aux utilisateurs de ce parc un espace d’une grande beauté » et à permettre « une meilleure compréhension des motifs qui font de ce lieu un site d’importance historique nationale ». Le parc a été ensuite rouvert sans tambour ni trompette de telle sorte que peu de gens ont pris connaissance des moyens mis en œuvre pour en améliorer la « compréhension ».

Afin de rappeler pourquoi le parc Montmorency a été désigné « lieu d’importance historique nationale » par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada en 1949, les traces des deux édifices ayant abrité l’Assemblée législative du Canada-Uni entre 1841 et 1866 ont été marquées au sol avec une sorte de pavé et un panneau d’interprétation explique dans quel contexte les parlementaires ont été amenés à siéger à Québec à deux reprises au milieu du XIXe siècle.

Parc Montmorency-tracé au sol - Web

Les parlementaires du Canada-Uni avaient d’abord siégé à Kingston, une petite ville qui ne leur convenait pas, puis à Montréal, où des émeutiers tories ont incendié leur édifice en 1849. Incapables de s’entendre sur l’emplacement de la capitale, ils décident de siéger alternativement à Toronto et à Québec. Le tour de Québec étant arrivé, l’édifice laissé inachevé en 1837 est complété à la hâte et le Parlement l’occupe d’août 1852 à février 1854. Manque de chance, un autre incendie l’oblige à se réfugier à la Salle de musique où il siège jusqu’en mai 1855.

Parlement 1854 

Fatigués des voyages, et toujours incapables de s’entendre, les députés demandent à la reine de régler la question et, en 1857, Victoria choisit Bytown. En attendant la construction d’un édifice parlementaire dans ce bled qui deviendra Ottawa, et pour jeter un baume sur la future « Vieille Capitale », on revient siéger temporairement à Québec dans un édifice quelconque qui devait devenir un bureau de poste une fois les parlementaires partis pour la nouvelle capitale. C’est à cet endroit qu’ont lieu la Conférence de Québec en 1864 et le débat de 1865 où sont adoptées les résolutions qui ont servi de base à la Loi constitutionnelle de 1867.

Parlement 1859-83

C’est donc pour souligner ces deux brefs passages à Québec (moins de dix ans au total, et en bonne partie comme « prix de consolation ») que Parcs-Canada a marqué le contour des fondations des deux bâtiments utilisés par les parlementaires du Canada-Uni, en oubliant le plus important des trois édifices parlementaires qui ont existé sur ce site, celui où les premiers parlementaires du Bas-Canada se sont réunis en décembre 1792. On connaît pourtant très bien l’emplacement de ce bâtiment, la chapelle du Palais épiscopal, où les députés du Bas-Canada ont siégé pendant plus de 40 ans et mené, sous la direction des Bédard et Papineau, leurs inlassables combats pour donner au Parlement les pouvoirs dont la constitution de 1791 l’avait privé. Dans la nouvelle « compréhension » suggérée aux utilisateurs, les origines des institutions québécoises et les luttes parlementaires des Patriotes sont passées aux oubliettes.

Chapelle Web

Les actes de commémoration ne manquent pas dans ce parc. On y trouve notamment une croix et une plaque rappelant l’emplacement du premier cimetière de Québec, un monument à Louis Hébert, une plaque évoquant le lieu de réunion de l’Assemblée législative de la province du Canada, une autre plaque pour marquer l’endroit où le pacte confédératif a été signé, un monument à la mémoire de George-Étienne Cartier, un des Pères de la Confédération, mais rien pour rappeler une période épique de notre histoire politique que la page Internet du « Lieu historique national du Parc-Montmorency » (http://www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/qc/fortifications/natcul/parc-montmorency.aspx) expédie en six mots : « période trouble qui suit l’Acte constitutionnel ».

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S’il y a quelque chose de « trouble » (i.e., en français, pas limpide, pas net, voire suspect) dans le parc Montmorency, c’est bien le message de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (repris par Parcs-Canada 60 ans plus tard) qui occulte une page fondamentale de l’histoire du Québec.

Castine, pays de mes ancêtres amérindiens

 

Petit voyage cet automne à Castine, Maine, petite ville située à l’ouest de Bar Harbor, sur la baie de Penobscot (côté est), et nommée en l’honneur du baron Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin.

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Histoire de Castine

Champlain a baptisé l’endroit Pentagouët, d’après le nom de la tribu amérindienne qui habitait la région. En 1613, Claude de Saint-Étienne de la Tour y établit un petit poste de traite de fourrures qui se trouve à la frontière entre l’Acadie et les colonies anglaises. Cette situation lui vaut quelques attaques anglaises pendant son premier demi-siècle. La place est prise par les Anglais en 1628 et reprise en 1635 par Charles de Menou d’Aulnay qui y construit le fort Pentagouët.

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Pour assurer son autorité sur cette frontière et maintenir les bonnes relations avec les autochtones, la France y délègue le baron de Saint-Castin, qui prend très à cœur sa mission et « scelle l’alliance »… en vivant (successivement, semble-t-il) avec les deux filles du chef Madockawando qui lui donneront une dizaine d’enfants.

Le poste défendu par le baron sera pris et occupé brièvement par les Hollandais puis pillé au moins deux fois par les Anglais. Saint-Castin succède à Madockawando, mort en 1698, mais il doit aller en France pour une question de succession et c’est son fils qui le remplace. La domination française tire alors à sa fin. L’Acadie passe à l’Angleterre en 1713 puis la Nouvelle-France entière devient anglaise en 1763. Les premiers colons anglais s’établissent sur la pointe de terre longtemps défendue par Saint-Castin dans les années 1760 et la petite ville de Castine est officiellement créée en 1796.

Quand est-ce qu’on fête ?

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En arrivant à Castine, une affiche m’apprend donc que la ville de Castine a été établie en 1613 mais rien ne laisse entrevoir des festivités. La propriétaire de la librairie-café nous met au parfum avec un sourire en coin. Quelqu’un a eu l’idée de souligner le 400e anniversaire de Castine mais la proposition a été reçue froidement et le projet est mort dans l’œuf. Par dérision, les initiateurs de ce 400e raté ont fait fabriquer un « tee-shirt » qui illustre bien la difficulté de faire consensus sur la date de fondation de Castine. « Chacun sa vérité », comme aurait dit Pirandello. Dans la même situation, au Canada, on aurait fêté trois fois.

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Mis à part le nom de la ville (ce qui n’est pas rien), il reste peu de chose de Saint-Castin à Castine. Son fort n’existe plus. Le site de sa « résidence », un peu à l’écart de la ville, a été fouillé par des archéologues mais tout a été ré-enterré et l’endroit est inaccessible (privé). La bibliothèque municipale possède une reproduction d’un portrait hautement fantaisiste du baron et n’a même pas le livre que Marjolaine Saint-Pierre a publié sur lui au Septentrion à la fin des années 1990!

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La descendance de Saint-Castin

Une fille du baron, Anastasie, épousa Alexandre Le Borgne de Belle-Isle. Ils vécurent à Port-Royal (auj. en Nouvelle-Écosse) puis à la rivière Saint-Jean (auj. le Nouveau-Bruswick) où leurs deux filles épousèrent les frères Pierre et François Robichaud dans les années 1730. Ces deux familles échappèrent à la déportation mais furent forcées de se réfugier dans la vallée du Saint-Laurent peu avant la destruction de leur établissement  par Monckton en 1758.

Ces deux familles sont à l’origine des Robichaud de la Côte-du-Sud. Joseph, fils de François Robichaud, engendra Joseph, qui engendra Madeleine, épouse de Thomas Fortin, qui engendra Madeleine, épouse de Jean-Baptiste Saint-Pierre, qui engendra Joséphine, épouse d’Aubert Dubé qui engendra Marie, épouse d’Albert Deschênes, mon grand-père paternel.

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À mon prochain voyage à Castine, je vais voir s’il n’y pas des terres à revendiquer pour les « Métis » de la Côte-du-Sud au pays de mon ancêtre Madockawando.

Remerciements à la remise du prix André-Laurendeau 2012

Je veux d’abord remercier le directeur de la revue pour les bons mots qu’il a eus à mon endroit. Je remercie le jury d’avoir porté son attention sur un texte d’histoire régionale, une première pour le prix André-Laurendeau, et je le prends au nom d’une région qui passe bien souvent « sous le radar » (pour utiliser une expression populaire) depuis qu’elle a été écartelée administrativement entre le Bas-Saint-Laurent et Chaudière-Appalaches. Je sens d’ailleurs le besoin de la situer; elle se trouve entre Lévis et Rivière-du Loup, et comprend les MRC de Bellechasse, Montmagny, L’Islet et Kamouraska. Les Montréalais ont tellement entendu les chroniqueurs sportifs assimiler la ville des Nordiques à « l’autre bout de la 20 » qu’il faut vous préciser que l’autoroute se poursuit à l’est de Lévis. C’est le pays de nos grands hommes de lettres d’autrefois – les Casgrain, Taché, Aubert de Gaspé, Marmette et Faucher de Saint-Maurice – et d’hommes politiques illustres comme Augustin-Norbert Morin, Étienne-Paschal Taché, Thomas Chapais, le bleu ayant probablement plus souvent dominé que le rouge.
Je voudrais remercier plus particulièrement Pierre-Paul Sénéchal, un militant infatigable de la région de Québec, membre de la Ligue d’Action nationale et collaborateur fréquent à la revue, de m’avoir un peu forcé la main pour écrire cet article « prématuré ». C’est en quelque sorte le résumé d’un livre qui est encore en plan dans ma tête et en morceaux dans mon classeur. J’ai rédigé l’article pratiquement de mémoire, dans l’irrespect d’une bonne partie des méthodes éprouvées qui m’ont été enseignées, en allant chercher, au besoin, les citations précises dans les textes que j’ai lus et annotés depuis 25 ans dans le but d’écrire un jour sur l’invasion américaine de 1775 et le siège qui s’est terminé au printemps 1776.
Le temps qui passe ne défavorise pas nécessairement le chercheur. Les historiens du XIXe n’avaient pas accès au rapport d’enquête de Baby qui éclaire le comportement des Canadiens de la région de Québec pendant l’invasion. Ceux du XXe n’avaient pas encore mis la main sur certains documents du Congrès et de George Washington qu’on peut même lire de chez soi. Les rapports de deux missions d’espionnage menées pour le compte de Washington par le fameux rebelle Clément Gosselin en 1778 et 1780 donnent de nouveaux éclairages sur l’attitude des Canadiens pendant la guerre d’Indépendance.
Dans la première des 92 résolutions, en 1834, les Patriotes écrivaient ce qui suit :
« […] c’est l’opinion de ce comité, que les loyaux sujets de Sa Majesté, le peuple de cette province du Bas-Canada, ont montré le plus grand attachement pour l’empire britannique dont ils forment partie; qu’ils l’ont défendu avec courage dans la guerre, à deux diverses fois, qu’à l’époque qui a précédé l’indépendance des ci-devant colonies anglaises de ce continent, ils ont résisté à l’appel qu’elles leur faisaient de se joindre à leur confédération. »
Certes, les Patriotes avaient intérêt à exprimer formellement leur loyauté et il s’est bien trouvé des Canadiens qui ont défendu l’empire « avec courage dans la guerre » et qui ont « résisté à l’appel » du Congrès mais, sur la Côte-du-Sud, les loyaux étaient peu nombreux.
À l’été 1775, les Sudcôtois ne répondent pas à l’appel des recruteurs de Carleton; plusieurs repoussent explicitement les appels à la soumission de leur clergé. À l’automne, ils accueillent la troupe d’Arnold avec sympathie et sont nombreux à venir rencontrer les insurgés à Pointe-Lévy. À la suite de cette « assemblée séditieuse », ils montent la garde dans toutes les paroisses proches de Québec « pour s’opposer aux forces du Roy »qui s’aviseraient d’y débarquer. La Côte-du-Sud contribue activement au siège de Québec en bloquant l’accès à la ville et en assurant l’approvisionnement des Américains. Après l’échec de Montgomery sous les murs de Québec, de zélés rebelles comme Gosselin, de La Pocatière, et Ayotte, de Kamouraska, sillonnent librement la Côte, diffusent les messages du Congrès, nomment des officiers de milice, embauchent des recrues. Au printemps, quand des « royalistes » de la Côte-du-Sud montent une expédition pour aller chasser Arnold et ses hommes de Pointe-Lévy, une force combinée d’Américains et de Canadiens les mettent en déroute à Saint-Pierre-du-Sud.
Les pro-rebelles contrôlaient la Côte-du-Sud mais cela ne pouvait pallier le manque de ressources des Américains qui doivent retraiter à l’arrivée des renforts britanniques sur le Saint-Laurent en mai 1776, entrainant avec eux quelques dizaines de partisans sud-côtois.
En juillet, les commissaires-enquêteurs mandatés par Carleton constatent que les Sudcôtois penchaient très majoritairement pour les rebelles dans au moins la moitié des paroisses de la région. Ils démettent tous les capitaines de milice, jugeant qu’ils s’étaient tous compromis, à des degrés divers, en faveur des insurgés; dans certaines paroisses, c’est tout l’état-major qui est remplacé par des hommes plus loyaux. On procédera ensuite au désarmement et des forces mercenaires viendront soutenir l’armée britannique. Comme le dira le curé de Saint-François : « Il ne fallait pas moins que la visite des Allemands pour rendre tout le monde docile ».
Défense courageuse de l’empire? Résistance à l’appel du Congrès? Après l’affaire de Saint-Pierre, le maître général adjoint des Postes confie à son journal : « Même si les Canadiens sont en général des traîtres, on en trouve quelques-uns d’honnêtes ». C’est évidemment le point de vue d’un loyaliste : les « traîtres » seraient probablement devenus des héros si l’invasion avait tourné autrement.
Gaston Deschênes, 10 juin 2013

Étienne Chartier, « aumônier des Patriotes »

(Allocution livrée lors du dévoilement du monument funériare d’Étienne Chartier à Saint-Gilles le 20 mai 2013)
Comment résumer en cinq minutes la vie d’un personnage aussi complexe que l’abbé Chartier ? Il contesta le régime et fut par conséquent fort contesté lui-même; son ministère pastoral l’a conduit de la Louisiane au cap Breton, en passant par Détroit et le Midwest ; son militantisme politique lui a fait suivre Papineau jusqu’à Paris, et lui a valu d’être surnommé « aumônier des Patriotes ».
Né dans un milieu qu’on dirait aujourd’hui politisé, Étienne Chartier fait de solides études classiques et s’initie au droit auprès des meilleurs avocats de l’époque. Admis au barreau en 1823, il ne pratique pas, dirige brièvement une école à L’Assomption et revient finalement à son premier choix de vocation : la prêtrise.
Il est encore séminariste à Québec quand Charles-François Painchaud l’invite à diriger le nouveau collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Chartier propose un système d’éducation axé sur la liberté et la raison. Le mémoire qu’il soumet au fondateur du collège témoigne de l’importance de l’éducation politique qui, pour les Patriotes, était la voie de la libération. En 1829, il est nommé officiellement directeur du collège et, dans son discours d’inauguration, il surprend son auditoire avec ces commentaires sur les autorités britanniques :
« [...] quel respect devait-on attendre d’eux pour les droits d’une province que leur intérêt particulier et leur orgueil national leur suggéraient de regarder et de traiter en province conquise ? […]
Forts d’une supériorité que leur donnait une plus profonde connaissance des institutions anglaises substituées aux institutions françaises dans le pays, forts surtout d’une éducation supérieure à celle de la masse des Canadiens, qu’est-ce que ceux-ci pouvaient attendre d’eux ? Le mépris, qu’ils ne nous ont pas épargné depuis la conquête.
Qu’est-ce donc qui sauvera le Canada du mépris, de la dégradation, de l’esclavage politique ? L’éducation politique […] ».
(fin de la citation)
Cette envolée soulève une tempête. Contrairement à ce que certains auteurs ont pu écrire, le jeune directeur conserve l’appui de Painchaud et de son évêque, mais décide lui-même de quitter ses fonctions peu après.
Commence alors une série de courtes affectations : vicaire à Vaudreuil, curé à Sainte-Martine, à Saint-Pierre-les-Becquets, à Saint-Patrice, à Saint-Benoît. Comme plusieurs collègues, Chartier est surchargé de travail dans des paroisses où les occasions de conflits sont nombreuses.
À Saint-Benoît, il se retrouve dans un des principaux foyers d’agitation politique. Déjà partisan de Papineau et des Patriotes depuis plusieurs années, Chartier est emporté par le mouvement ; il s’engage dans les débats au point de critiquer un mandement de son évêque : il y a, écrit-il, « des cas où le souverain peut perdre son pouvoir, à savoir quand il opprime la religion de son peuple ou quand il viole les lois fondamentales de son État ». À la veille de la bataille de Saint-Eustache, le 13 décembre 1837, il se rend dans cette paroisse pour y haranguer les patriotes mais il a tôt fait de comprendre que la cause est perdue et s’enfuit aux États-Unis.
Suspendu de sa cure de Saint-Benoît, banni par lord Durham, Chartier devient curé de St. Augustine, à Philadelphie, puis de Salina, dans l’État de New York. Il garde le contact avec les leaders patriotes réfugiés à la frontière et participe à la préparation du soulèvement de novembre 1838.
En 1839, Chartier séjourne incognito au Bas-Canada dans l’espoir de raviver la cause, mais l’échec du soulèvement de 1838 et ses conséquences l’incitent à revoir ses positions. Il prend bientôt ses distances avec le groupe de Robert Nelson et tente un rapprochement avec Papineau. Il revient déçu d’une rencontre avec ce dernier à Paris et, profitant de l’arrivée d’un nouvel évêque à Montréal, il décide de rompre avec le mouvement révolutionnaire, de revenir au Bas-Canada et de demander à Mgr Bourget de lui pardonner sa conduite inconvenante pour un prêtre.
Mgr Bourget connaissait Chartier depuis le petit séminaire. Il lui demande de se faire oublier un certain temps. En 1842, l’évêque de Vincennes (en Indiana) lui confie la cure de Madison puis la direction de son grand séminaire. Un différend avec cet évêque amène ensuite l’abbé Chartier en Louisiane où il dessert la paroisse des Avoyelles. Cette fois, il conserve de bonnes relations avec son évêque, mais il s’ennuie et souhaite revenir dans son pays. L’évêque de Québec refuse de le recevoir ; celui de Montréal commence par lui confier la paroisse de Sainte-Anne, à Détroit, et, à la fin de 1845, lui accorde la paroisse Saint-Grégoire, au sud de Montréal.
À son retour d’exil, l’abbé Chartier se désengage des affaires publiques et se consacre à son ministère. Il passe cinq ans à Saint-Grégoire, non sans quelques difficultés, mais sans encourir de reproches de Mgr Bourget qui le transfère néanmoins à Sainte-Philomène en 1850. La même année, Mgr Bourget accepte de l’envoyer auprès des Acadiens du cap Breton, là où Chartier avait bien failli se retrouver après son fameux discours de 1829.
Curé de la paroisse d’Arichat et vicaire général du diocèse, Chartier se retrouve sous l’autorité d’un évêque francophobe qui meurt en 1851 et auquel succède un autre Écossais de la même trempe. L’abbé Chartier prend cette fois la chose avec un certain détachement et sa correspondance est même teintée d’humour. En 1852, il demande sa réintégration dans le diocèse de Québec et obtient la cure de Saint-Gilles-de-Beaurivage.
Enfin heureux, libéré des dettes qui l’ont accablé une bonne partie de sa vie, presque serein, mais brisé par 25 ans de pérégrinations, l’abbé Chartier ne profite pas beaucoup de sa nouvelle obédience. Il meurt le 6 juillet 1853, des suites d’une maladie du foie.
D’après Aegidius Fauteux, « sa mort passa presque inaperçue et quelques-uns seulement des journaux du temps crurent devoir la signaler en quelques lignes brèves ».
« L’humble curé de Saint-Gilles avait certainement mérité mieux que cette indifférence, écrit encore Fauteux. Sans doute, il eut de considérables lacunes […], mais il posséda d’autre part plusieurs des qualités qui font le plus honneur à l’homme. Citoyen, il ne fut peut-être pas d’une profonde sagesse, mais il aima immensément son pays […] ».
N’est-ce pas finalement la qualité essentielle d’un patriote ?

L’Histoire est-elle une matière dangereuse?

Le débat sur l’enseignement de l’histoire a repris. En fait, il n’a jamais vraiment cessé, depuis des décennies. On le constatera en lisant l’ouvrage que Septentrion a publié sur ce sujet l’an dernier (http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/livre.asp?id=3499).
Qu’il y ait plus d’histoire à l’école, on ne s‘y oppose pas trop; c’est quand il est question d’histoire nationale que le « diable est aux vaches ». La nation québécoise a beau avoir été reconnue par Ottawa; l’histoire des nations opprimées, « premières », irlandaises, acadiennes et autres, a beau susciter l’émotion légitime instantanée (sans compter les autres communautés culturelles dont les drames sont « reconnus » par la loi dans certains pays et mis à l’abri de la critique par la rectitude politique dans le nôtre), l’histoire des « personnes dont les ancêtres habitaient la Nouvelle-France » (pour utiliser une description technique) pose toujours problème quand il s’agit de la promouvoir dans les écoles. Toute tentative de consacrer plus de temps à raconter aux écoliers ce qui est arrivé à cette population et à ses descendants depuis 1759 soulève les hauts cris et la peur, comme s’il s’agissait de manoeuvres subversives.
Ce ne sont pas les autres nations ou communautés culturelles qui « partent en peur » mais bien ceux-là même qui pourraient voir LEUR histoire mieux enseignée à l’école. Pourquoi l’histoire de leur propre nation les inquiète-elle? On s’en doute un peu: c’est de la « politique » ou des « vieilles chicaces ».
On verra ce qui arrivera de la campagne menée par la Coalition pour l’histoire (www.coalitionhistoire.org). Pour l’heure, rappelons-nous qu’il fut un temps où l’histoire nationale était présente dans d’autres cours, dont le français (par les exercices de lecture) , et même dans les cours … de récréation avec le salut au drapeau!
On l’enseignait même dans les cours de « calligraphie canadienne ».
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Les phrases données en exemple dans le cinquième cahier d’exercice publié par la compagnie Langlais, vers 1900, portaient presque toutes sur l’histoire du Québec et du Canada (21 page sur 24).
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Quand on a écrit 15 fois « Haldimand gouverna le pays en despote de 1778 à 1785 », on s’en rappelle!
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