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L’Histoire est têtue

(quelques passages de mes remerciements lors de la remise du prix Étienne-Chartier à Berthier-sur-Mer le 20 mai 2012)
[…] Quand j’ai appris, avec une certaine appréhension, que mon nom était sur la table, j’étais en train de lire une biographie de premier ministre qui a fait un peu de bruit cet hiver et je me suis dit que, si Georges-Hébert Germain pouvait décrire Robert Bourassa comme un « farouche nationaliste », il n’y avait pas de gêne à me qualifier de « patriote »…
J’ai fait carrière dans une institution qui exige de ses employés un devoir de réserve encore plus strict que dans les ministères mais, contrairement à la plupart des fonctionnaires qui travaillent généralement dans l’anonymat, j’ai eu la chance de faire des recherches et de publier de nombreux textes sur notre Parlement, une institution dont les Québécois doivent être fiers, en raison de son ancienneté et de son histoire, même s’il lui arrive de faire des coches mal taillées, comme cette infâme motion contre Yves Michaud qui a mis ma réserve à rude épreuve en 2000.
À l’occasion, je crois avoir influencé le message officiel, donné mon propre « spin », comme on dit dans le jargon politique, à certaines activités parlementaires. Je pense, par exemple, à la présence des patriotes dans la commémoration du bicentenaire du Parlement en 1992. J’avais compris qu’une sorte de consigne plus ou moins explicite voulait qu’on ne parle pas trop de chicanes et de conflits, mais comment parler de l’histoire du parlement sans évoquer les luttes menées par les patriotes, à partir de Pierre Bédard, qu’on a mis en prison sans aucune justification en 1810, jusqu’à ceux qui se sont accommodés de l’union des Canadas, pour finalement obtenir un véritable parlement 40 ans plus tard ? À l’époque des rébellions, la Chambre comptait 90 députés. De ce nombre, deux sont morts, dix se sont exilés, seize ont été emprisonnés. En outre, un conseiller législatif et deux ex-députés ont visité les cachots. Pour une exposition au Musée de la Civilisation, je me suis fait le plaisir de préparer un montage audio-visuel avec les portraits de tous ces parlementaires mis en prison, sans aucune justification valable dans presque tous les cas, simplement parce qu’ils réclamaient de véritables pouvoirs pour les élus. Car, contrairement à ce que prétendait Trudeau, entre autres, les Canadiens français ont dû lutter, de toutes les manières, pour avoir un vrai parlement. Et, contrairement à un autre mythe entretenu plus ou moins malicieusement, ce ne sont pas seulement les Anglais et les Loyalistes réfugiés ici qui ont réclamé un parlement dans les années 1780. Il faudrait trop de temps pour bien expliquer comment des archivistes d’Ottawa, chargés de préparer un recueil de documents relatifs à la constitution, ont « oublié » d’inclure la pétition des Canadiens favorables au Parlement, ne laissant aux innombrables usagers de ces outils documentaires que la pétition des notables qui n’étaient pas en faveur de la mise en place d’une assemblée. Ce n’est pas moi qui ai fait la découverte de cette « omission » mais je me suis assuré qu’elle soit connue.
[…]
Avons-nous tort de nous alarmer, comme nous l’avons fait, par exemple, dans le dossier du Festival d’été ? Est-ce que nous dramatisons l’avenir du français au Québec comme le prétend souvent l’éditorialiste en chef de Power, entre autres ?
L’un des livres qui m’a le plus impressionné dans ma carrière d’éditeur est la monumentale étude que mon ami Yves Roby a consacrée aux Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre, ces exilés québécois qui, au tournant des années 1900, possédaient leurs paroisses, leurs écoles, leurs journaux, leurs mutuelles d’assurance, leurs organisations religieuses, sociales et culturelles. J’ai terminé la lecture en me demandant comment les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre ont-ils pu croire que leurs communautés pouvaient durer ? Ils n’avaient pas prévu l’arrivée des médias de masse — cinéma, radio, télévision —, les progrès de l’éducation — qui déplaceraient leurs enfants dans les institutions d’enseignement postsecondaires —, les deux guerres mondiales — qui feraient de leurs vétérans de vrais Américains —, et d’autres facteurs encore qui feraient sauter les frontières de leurs « P’tits Canadas ». En deux générations, ils ont, à toutes fins utiles, perdu leur langue. S’il existe encore des Franco-Américains, c’est parce qu’ils se définissent par leurs origines françaises, et non nécessairement par la langue qu’ils parlent ? Nos grands-parents recevaient la visite de leurs « cousins des États » : en voyez-vous encore souvent ?
J’ai fermé le livre de Roby en me demandant qui seraient les prochains disparus. Les plus menacés sont les francophones minoritaires du Canada, protégés, pense-t-on, par une Loi sur les langues officielles dont l’intégrité n’est pas garantie avec le gouvernement actuel. Au Québec, nous nous croyons à l’abri parce que nous avons NOTRE gouvernement, mais encore faudrait-il que ce dernier prenne au sérieux ses responsabilités en matière linguistique. L’augmentation du nombre de plaintes formulées auprès l’OQLF est sûrement dû, en partie, au dynamisme accru des militants mais ils n’ont pas inventé le problème de l’affichage.
S’il faut peut-être nous accommoder des bannières américaines et canadiennes-anglaises, des Future Shop, Best Buy, Target et autre Winners, de boutiques comme « Cool as a Moose » (apparue en plein Vieux-Québec) et même des « Little Burgundy » (Petite Bourgogne), il n’y a rien de plus affligeant que de voir des Québécois issus des plus vieilles familles du Québec ouvrir des restaurants comme le Jack Saloon et le Wazy Lounge Thaï to go […]
À Saint-Jean-Port-Joli, un village où les gens d’affaires se distinguent souvent avec des noms d’établissements originaux, où nos parents ont lutté autrefois contre les « handicraft », les « vacancy » et les « tourists rooms », avons-nous vraiment besoin que l’OLF laisse un établissement afficher « Artist Cafe » ? Depuis deux ans, Lévis a son restaurant « Fish Bowl » qu’on aurait pu croire ouvert par une chaîne internationale mais c’est plutôt l’œuvre de deux Franco-ontariennes dont les ancêtres sont Lévisiens ; pour ceux qui se souviennent d’avoir participé aux campagnes du « sou de la survivance française » dans leur jeunesse, c’est doublement difficile à digérer, même si c’est du poisson.
Je comprends que le prix Étienne-Chartier m’est attribué d’abord pour mes recherches et mes publications sur la Côte-du-Sud et je profite de l’occasion pour remercier ceux et celles qui m’ont lu et encouragé à écrire sur cette vieille région rurale qui constitue notre petite patrie.
J’ai déploré, il y a bien près de 25 ans, que la Côte-du-Sud ne soit pas, intégralement, de Beaumont à Saint-André, une région touristique officielle et qu’elle ait été noyée dans une association touristique regroupant des sous-régions disparates. À tout prendre, le premier nom de cette région touristique, « Pays de l’Érable », n’était pas si bête alors que « Chaudière-Appalaches », qui évoque la Beauce et une chaîne de montagnes, évacue toute référence à la partie côtière de la région, au fleuve, à ses îles, et, disons-le modestement, à la partie qui est la plus riche du point de vue patrimonial et la plus connue sur le plan touristique.
On pourrait ici multiplier les témoignages. Je n’en retiendrai que deux. On disait, dans le premier guide publié pour les automobilistes québécois, que la route qui mène de Lévis à Rivière-du-Loup traverse « les endroits de villégiature et les stations balnéaires les plus recherchées de la province. […] ». En 1855, dans un livre publié à titre de commissaire du Canada à l’expo universelle de Paris, Joseph-Charles Taché décrivait notre région comme une « magnifique suite d’établissements qui bordent la rive du bas Saint-Laurent, et qui est connue et célèbre dans le pays sous le nom la Côte du Sud ». Je pourrais citer aussi Aubert de Gaspé ou Chauveau, qui décrivait les riches paroisses de la Côte-du-Sud comme « une succession si harmonieuse de tous les genres de paysages imaginables, panorama le plus varié qui soit au monde, et qui ne cesse qu’un peu au-dessus de Québec, où commence à se faire sentir la monotonie du district de Montréal ».
Que le nom « Côte-du-Sud » soit maintenant « inconnu », comme on le prétend sur la foi d’un sondage récent, n’étonne guère : c’est le résultat du message qu’on diffuse depuis plus de trente ans en brandissant un nom, Chaudière-Appalaches, qui l’a pratiquement occulté. C’est donc avec un certain sourire que je verrai la Côte-du-Sud remise à l’honneur avec la nouvelle carte électorale. La nouvelle circonscription ne correspond pas exactement à la région historique (pas encore), mais la vieille Côte-du-Sud recevra une bouffée d’oxygène extraordinaire.
Comme je l’ai souvent dit, l’Histoire est têtue. […]

Je me souviens : une nouvelle pièce au dossier

Une nouvelle pièce s’est ajoutée au dossier du Je me souviens en mai dernier lorsqu’un groupe de descendants d’Eugène-Étienne Taché, architecte de l’Hôtel du Parlement et auteur de la devise, a remis au président de l’Assemblée nationale une lettre collective exposant par écrit, pour la première fois à ma connaissance, la thèse selon laquelle la devise Je me souviens est « un abrégé de l’intégral Je me souviens que né sous le lys je croîs sous la rose, ce texte ayant évidemment dû être abrégé pour être inscrit sur la façade du Parlement ». Les signataires soutenaient aussi que Taché aurait « souvent expliqué » son intention à sa famille; cette « mise au point fut à maintes reprises faite par madame Taché, décédée en 1931, à ses trois filles » et ces dernières « ont transmis cette information à leurs propres enfants ».
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Le premier problème avec cette tradition familiale est qu’aucune autre source ne la corrobore.
Aucune des personnes qui ont écrit sur le sujet à l’époque de Taché n’a évoqué l’existence de cet « intégral ». Pourquoi Taché n’en aurait-il pas informé Thomas Chapais, alors président du Conseil législatif et ministre sans portefeuille, ou Ernest Gagnon, secrétaire des Travaux publics, deux hommes qu’il connaissait très bien et qui s’ingéniaient, en 1895 et 1896, à expliquer le sens de la devise? Il leur aurait évité bien des soucis, ainsi qu’à tous les autres qui en ont cherché la source pendant des décennies. Il y a quelque chose qui heurte l’intelligence dans cette idée que seuls les proches de Taché connaissaient ce prétendu « intégral » et en ont préservé le secret pendant presque un siècle. En effet, de la création du Je me souviens, vers 1883, jusqu’à son apparition sur les plaques d’immatriculation, en 1978, on ne trouve aucune source, texte, dictionnaire ou recueil de citations expliquant l’origine et la signification de la devise par cet « intégral » ni d’ailleurs aucune trace écrite de cet « intégral », entre 1908 et 1978, date où une petite-fille de Taché intervient dans The Montreal Star pour dire que Je me souviens est « just part of it ».
Le second problème est que cette croyance est explicitement contredite par des auteurs très crédibles contemporains de Taché.
Dans Le fort et le château Saint-Louis (Montréal, Beauchemin, 1908), après avoir rappelé que Taché a donné au Québec son Je me souviens, Ernest Gagnon écrit qu’on pourrait peut-être lire bientôt « sur un de ses monuments cette autre devise si poétique et si vraie : Née dans les lis, je grandis dans les roses ». Dans un article publié la même année, Gagnon précisait son information : « On a parlé, il y a quelque temps, d’une œuvre d’art représentant une femme, une adolescente gracieuse et belle, symbole de la Nation Canadienne. Cette allégorie de circonstance, qui est encore inédite, devrait être accompagnée de la devise: Née dans les lis, je grandis dans les roses / Born in the lilies, I grow in the roses. »
Le projet de monument ne s’est pas concrétisé, mais Taché a « recyclé » son idée sur la médaille commémorative qu’il a conçue pour le troisième centenaire de la ville de Québec en 1908. On peut en effet y lire : « Née sous les lis, Dieu aidant, l’œuvre de Champlain a grandi sous les roses ».
La citation la plus convaincante est toutefois celle de David Ross McCord (fondateur du Musée McCord), qui écrivait ceci dans un cahier de notes, vers 1900, sous le titre « French sentiment in Canada » :
[Traduction] « … personne ne peut nier la beauté et la simplicité du Je me souviens d’Eugène Taché. Siméon Lesage et lui ont fait plus que quiconque au Canada pour une architecture de qualité dans la province. D’ailleurs, Taché n’est-il pas aussi l’auteur de l’autre devise, Née dans les lis, je croîs dans les roses, à laquelle nous lèverons tous nos verres. Il n’y a rien là pour favoriser la désunion ».
Ce commentaire établit, sans l’ombre d’un doute, que Je me souviens et Née dans les lis, je croîs (ou grandis) dans les roses étaient deux devises distinctes et ne constituaient pas un « poème » comme plusieurs le prétendent. Mieux encore, les deux devises ont un sens différent et McCord préfère nettement la seconde.
Taché s’est peu exprimé par écrit, mais c’était un homme de goût, instruit et cultivé. Ses deux devises sont bien frappées et il est difficile d’imaginer qu’il soit l’auteur d’une phrase aussi maladroite que « Je me souviens que né sous le lys je croîs sous la rose ». On y trouve notamment une évidente faute de concordance des temps (le verbe croître doit être au passé, je crûs ou j’ai crû) et l’ensemble porte à croire qu’il s’agit d’un collage des deux devises réalisé après la mort de leur auteur (1912).
Par qui et pour quoi? Mystère, mais la note de McCord et l’inconfort qu’elle exprime face à la devise révèlent que cette dernière dérangeait ceux qui la considéraient trop exclusivement francophile; on aurait donc utilisé l’autre devise comme complément, contrepartie ou réplique, ce qui a eu pour effet de donner au Je me souviens un sens très particulier : en effet, la proposition principale du prétendu « intégral » serait « Je me souviens que … je croîs [sic] sous la rose ». Dans ce bricolage, la référence aux origines françaises du Québec (« né sous le lys ») devient une proposition secondaire et la devise ainsi « remaniée » évoque les bienfaits de la Conquête, un détournement de sens qui n’est pas innocent.

Sur la prétendue « excommunication » des patriotes

On retrouve à plusieurs endroits sur Internet l’idée que Chénier, certains patriotes et même les patriotes en général ont été excommuniés par Mgr Lartigue. Sur le site le mieux documenté sur les patriotes, et généralement bien informé, on trouve ce passage d’une notice biographique de Chénier, témoin parmi tant d’autres de la légende largement répandue :
« Le clergé refusa aux familles que leurs morts soient enterrés en terre bénie, en raison de l’excommunication lancée par Mgr Lartigue à l’encontre des rebelles. Cette excommunication a été levée par le synode des évêques québécois en 1987 à l’occasion du cent cinquantenaire de la rébellion et les restes de J.-O. Chénier ont été transférés dans le cimetière catholique de Saint-Eustache. Une statue à Montréal, au carré Viger, et une autre à Saint-Eustache honorent la mémoire d’un homme qui fait figure de héros incontesté » (http://cgi2.cvm.qc.ca/glaporte/1837.pl?out=article&pno=biographie97).
Or, comme l’ont précisé les évêques du Québec en 1987 dans un texte intitulé « Cent cinquantième anniversaire de la révolte de 1837 », et publié notamment dans L’Action nationale, (vol. 77, no 2, oct. 1987, p. 148-150, texte qu’on peut retrouver dans les archives de la revue, http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_wrapper&Itemid=186), les patriotes « n’ont été ni excommuniés ni frappés de quelque censure ecclésiastique que ce soit », mais certains d’entre eux ont été néanmoins sanctionnés:
« À des curés qui demandèrent à leur évêque s’ils pouvaient enterrer dans le cimetière bénit les corps de ceux qui étaient morts les armes à la main, la réponse fut négative. On ne déterra cependant pas ceux qui s’y trouvaient déjà, quoique à un endroit leurs lots furent considérés comme profanes, et non plus bénits ».
Aux descendants de ces patriotes qui demandaient « depuis déjà de nombreuses années que l’on permette l’inhumation des restes des victimes avec leurs proches parents décédés depuis longtemps », les autorités de l’Église de 1987 ont voulu « que cette prière puisse être entendue et exaucée ».
C’est ainsi que les restes de Chénier ont pu être inhumés selon le rite de l’église catholique le 26 juillet 1987. La « levée des sanctions religieuses à l’endroit des patriotes morts au combat », comme l’écrit avec justesse une autre page du site précité (http://cgi2.cvm.qc.ca/glaporte/1837.pl?out=article&pno=monument04) était le fruit des démarches conjuguées des Patriotes du Pays et de la Corporation des fêtes du 150e anniversaire des Patriotes de Saint-Eustache. .

« L’Année des Anglais » chez les talibans

(Un soldat du contingent canadien en Afghanistan a reçu L’Année des Anglais en cadeau…)
Bonsoir, M. Deschênes,
Je vous écrit un petit mot rapide du fin fond du fond de l’Afghanistan où votre livre a su trouver son chemin pour me parvenir, avec l’aide de Simon Gilbert, bien sûr! ;-) Merci beaucoup pour la dédicace, ce genre de détail me tient beaucoup à coeur étant un passionné de livres.
C’est le cas de le dire, votre livre n’a pas fait long feu, je l’ai dévoré en seulement quatre jours, avant d’aller au lit histoire de me changer les idées de mes traditionnels talibans qui font les cents coups contre les Forces de la Coalition. D’une façon très personnelle, vous contribuez donc au support des troupes! Le livre est magnifique, bien fait avec de belles photos… rien pour freiner mon avis de me trouver une jolie petite maison du Régime français!!
Je ne sais pas si Simon vous a parlé un peu de moi?! Nous nous sommes connus dans l’armée, à l’époque où je lui disais de cesser de vivre dans le passé avec ses Français et ses Anglais… J’ai fait mon arbre généalogique après qu’il m’ait montré le sien et me voilà aussi accro que lui! Je suis le descendant d’un soldat des Compagnies franches de la Marine, arrivé à Québec en 1750 à bord du navire marchand l’Infante Victoire. Il joignit la Compagnie de Saint-Ours, se maria à Québec en 1758 avec le grade de caporal et, ensuite, il obtint une concession dans le fief Dutord en 1778. Il me reste encore beaucoup de recherches à faire pour tenter de retrouver un maximum d’information sur lui. Selon la généalogie des Saint-Ours, son capitaine devait être Pierre-Roch de Saint-Ours; hélas, il est le seul dans la famille avec très peu de détails sur ses états de service. Il est seulement mentionné qu’il a participé à la majorité des batailles de son époque…
Enfin, votre livre est un très bel ouvrage.
Merci encore.
Martin Dauphinais

Le 9 septembre: 250e anniversaire de l’incendie de la Côte-du-Sud

Le 9 septembre 1759, des troupes dirigées par George Scott et Joseph Goreham débarquent simultanément à Kamouraska et à la rivière du Sud (Montmagny) dans le but de ravager les fermes de la Côte-du-Sud qui, depuis juin, avaient été laissées à la charge des femmes, des enfants et des vieillards, les hommes en état de porter les armes ayant été rassemblés à Québec pour défendre la capitale.
L’armée britannique assiégeait alors Québec depuis plus de deux mois. De Pointe-Lévy, Monckton bombardait inlassablement la ville. Campé sur la rive est de la rivière Montmorency, Wolfe avait cherché tout l’été le moyen de faire bouger Montcalm, résolument retranché à Beauport. Le 31 juillet, il avait vainement tenté de traverser la rivière. Indécis, malade, contesté par ses adjoints, il voyait le temps passer et appréhendait le moment où il faudrait lever le siège.
En juin, sachant que les postes qu’il installerait autour de Québec seraient vulnérables, Wolfe avait fait afficher un placard invitant les civils à demeurer à l’écart du conflit, mais cet avertissement n’avait pas eu l’effet souhaité. Comme il l’écrivait lui-même, « des vieillards de soixante-dix ans et des garçons de quinze ans postés à la lisière de la forêt font feu sur nos détachements, et tuent ou blessent nos hommes ». À la mi-juillet, il avait sommé les habitants de rentrer tranquillement chez eux avant le 10 août, sinon, « s’ils persistent à prendre les armes », il fera ravager leurs propriétés. C’est d’ailleurs ce qu’il avait prévu, dès le mois de mars, en cas d’échec de son expédition : détruire les fermes, les récoltes et le bétail, « expédier en Europe le plus grand nombre possible de Canadiens en ne laissant derrière [lui] que famine et désolation », comme en Acadie.
Sans attendre cette date-butoir, dès le début d’août, Wolfe fait incendier Baie-Saint-Paul et La Malbaie par Goreham qui mène aussi un raid du côté de la Grande-Anse (Sainte-Anne et Saint-Roch). Quelques paroisses de Lotbinière et toute la côte de Beaupré, de la rivière Montmorency jusqu’au cap Tourmente, subissent le même sort. Au début de septembre, dans la région sous contrôle britannique, il ne reste que la Côte-du-Sud à brûler.
Scott est donc chargé de ravager des paroisses qui se trouvent à plus de 100 kilomètres du théâtre des opérations et ne menacent pas directement l’armée britannique : Kamouraska, Rivière-Ouelle, Sainte-Anne, Saint-Roch, Saint-Jean, L’Islet et une partie de Cap-Saint-Ignace où il se rembarque pour retourner à Québec le 17 septembre. Sur ce territoire, qui comptait environ 600 foyers, Scott déclare avoir brûlé « 998 bons bâtiments, deux sloops, deux goélettes, dix chaloupes, plusieurs bateaux et petites embarcations ». De son côté, du 9 au 15 septembre, Goreham s’occupe de la région de la rivière du Sud, probablement jusqu’à Berthier, sans négliger l’île aux Grues.
Pendant cette semaine tragique, les Sud-côtois ont résisté dans la mesure de leurs moyens, multipliant les embuscades sur le chemin des incendiaires. L’Histoire retiendra le nom de Charlotte Ouellet qui a pris les armes avec d’autres femmes à Sainte-Anne. Dans la région de L’Islet, les hommes de Scott ont fait six prisonnières qui sont probablement aussi des résistantes. À Montmagny, le 13 septembre prochain, on dévoilera un monument à la mémoire du seigneur Jean-Baptiste Couillard qui a été tué par les Anglais le 14 septembre avec trois autres combattants.
(pour plus de détails, voir L’Année des Anglais ; la Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête, Septentrion, 2009, http://www.septentrion.qc.ca/)