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Un monument à Kamouraska pour rappeler « l’année des Anglais » (1759)

(Allocution prononcée lors du dévoilement  du monument le 7 septembre 2019)

Le Musée de Kamouraska pose aujourd’hui un geste de mémoire. Ce monument rappelle le débarquement d’un détachement militaire anglais le 9 septembre 1759 et le début d’une opération de dévastation qui durera huit jours.

Monument Kamouraska-photo B. Généreux 3

Pendant plus de deux siècles, les gens de Kamouraska, et de la Côte-du-Sud en général, sont demeurés dans le brouillard concernant cet événement. Certains doutaient du passage des Anglais dans nos paroisses; d’autres se fiaient au roman de Philippe Aubert de Gaspé; d’autres encore, à la tradition orale. Dans sa monographie sur Kamouraska, Alexandre Paradis laissait entendre qu’il y avait eu une escarmouche près de la route de Saint-Germain, que les soldats anglais avaient exercé des représailles jusque dans l’enceinte du moulin banal, mais que les Canadiens avaient ensuite pris leur revanche. Il qualifiait la chose de « petite invasion ».

Dans ses Anciens Canadiens, Philippe Aubert de Gaspé situait le débarquement à Rivière-Ouelle. Les troupes anglaises, écrivait-il, sont accueillies par « quelques habitants de la paroisse, embusqués sur la lisière du bois » ; elles perdent quelques hommes et le commandant décide alors de se venger en mettant le feu à toutes les habitations.

Ce n’est pas vraiment ce qui s’est passé. Ce n’est pas parce que les troupes ont été attaquées qu’elles ont tout ravagé. L’incendie de la Côte-du-Sud était prémédité. Plusieurs mois auparavant, Wolfe avait lui-même annoncé au major général Amherst ce qu’on pourrait appeler son « plan B »: (je cite)

« Si, pour cause d’un accident dans le fleuve, de la résistance de l’ennemi, de maladies ou de pertes militaires, nous jugions peu probable que Québec tombe entre nos mains […], je propose que nos canons mettent le feu à la ville, qu’ils détruisent les récoltes, les maisons et le bétail […], et je propose d’expédier en Europe le plus grand nombre possible de Canadiens en ne laissant derrière moi que famine et désolation ».

C’est justement ce qui se produit à la fin de l’été 1759.

Wolfe est alors désespéré. Depuis la fin de juin, l’armée britannique assiège Québec où sont regroupés les hommes en état de combattre. De Pointe-Lévy, Monckton bombarde Québec. Campé sur la rive est de la rivière Montmorency, Wolfe ne sait comment attaquer la ville. Le 31 juillet, il tente vainement de traverser au pied de la chute. Indécis, malade, contesté par ses adjoints, il voit le temps passer et appréhende le moment où il faudra lever le siège et quitter avant l’hiver.

En juin, Wolfe avait invité les Canadiens à demeurer à l’écart du conflit, mais cet avertissement n’a pas eu l’effet souhaité. Son poste et celui de Monckton sont constamment attaqués, à revers, par des vieillards et des enfants. À la mi-juillet, il avait donné jusqu’au 10 août aux habitants pour rentrer tranquillement chez eux.

Sans attendre cette date-butoir, dès le début d’août, Wolfe fait incendier Baie-Saint-Paul et La Malbaie par Goreham qui fait un crochet à la Grande-Anse (Sainte-Anne et Saint-Roch). Quelques paroisses de Lotbinière et toute la côte de Beaupré, de la rivière Montmorency jusqu’au cap Tourmente, sont aussi incendiées. Au début de septembre, il ne reste que la Côte-du-Sud à brûler.

***

Grâce à la découverte du rapport du major George Scott et des mémoires de deux soldats, Pearson et Perry, on sait maintenant, assez exactement, ce qui s’est passé sur la Côte-du-Sud où il ne restait que les femmes, les enfants, les vieillards et quelques hommes en état de combattre, tous les miliciens ayant été regroupés à Québec.

Embarqué à Pointe-Lévy le 1er septembre, le détachement descend à l’île Madame. Scott y laisse la moitié des hommes, sous les ordres de Goreham, avec instruction de débarquer le 9 septembre à la rivière du Sud (Saint-Thomas). Scott arrive devant Kamouraska le 7 septembre.

Le débarquement proprement dit commence le dimanche 9 septembre, à deux heures et demie du matin. Douze heures plus tard, le détachement se regroupe à environ trois milles à l’est de l’ancienne église de Kamouraska et sort victorieux d’une escarmouche au cours de laquelle un soldat est tué et un autre blessé. Chez les habitants, l’affrontement aurait fait un mort et deux blessés. Avec cinq prisonniers, le détachement se dirige ensuite vers l’église de Kamouraska et brûle 56 maisons sur son chemin.

Le soldat Perry faisait probablement partie du premier groupe débarqué dans la nuit du 8 septembre et chargé de la mission de renseignement. Dans ses mémoires, cinquante ans plus tard, il se souvient avoir ramené à bord « un grand nombre de cochons, d’oies et de volailles » et d’avoir trouvé, dans une maison, « de grandes réserves de provisions de toutes sortes dont beaucoup de saumon mariné », ce qui leur fournit de quoi se faire un bon dîner.

Le 10 septembre, les hommes de Scott incendient 109 maisons à Kamouraska.

Le 11, le détachement détruit 121 maisons en se rendant à l’église de Rivière-Ouelle. Kamouraska aurait donc perdu environ 225 maisons en trois jours. C’est beaucoup puisque le recensement de 1762 donne environ 135 familles dans cette paroisse. Scott n’aurait rien épargné. Peut-être utilise-t-il le terme « houses » pour désigner autre chose que des habitations. Dans son bilan final, il parle de « good buildings ». Ses statistiques peuvent aussi être imprécises.

Le soldat Perry donne des détails sur le modus operandi des troiupes : (je cite)

[traduction] Le gros du détachement remontait le fleuve en incendiant et en détruisant tout sur son passage : notre compagnie les suivait à quelque distance, en rassemblant le bétail, les moutons et les chevaux, et en mettant le feu aux bâtiments isolés, etc. Nous marchions ainsi au rythme d’environ douze milles par jour. Tous les six milles, nous trouvions une église en pierre et nous nous arrêtions habituellement dans l’une pour prendre notre dîner et dans la suivante pour le souper, et ainsi de suite. Nous vivions bien, mais notre travail était ardu vu qu’il nous fallait grimper des collines et enjamber des clôtures à longueur de journée. Nous nous mettions en marche dès la barre du jour dans le but de faire des prisonniers, ce dont nous étions rarement privés. Nous subissions souvent des tirs ennemis et plusieurs des nôtres furent tués ou blessés lors de ces excursions. Quand il nous fallait traverser un pont, [les Français] le détruisaient, se cachaient sur l’autre rive et tiraient sur nous à l’improviste. »

Perry exagère un peu les pertes anglaises et le nombre de leurs prisonniers, car Scott mentionne seulement deux morts dans son camp et quinze prisonniers; Perry a cependant raison de dire qu’il y a eu plusieurs embuscades.

En route vers Rivière-Ouelle, les Anglais tombent justement dans une embuscade mais ils s’en tirent avec un seul blessé. Ils s’installent encore une fois à l’église.

Le 12 septembre reviennent sur leur pas et brûlent 55 maisons, entre le cap au Diable et la rivière Ouelle.

Le 13, nouvelle embuscade et 216 maisons brûlées en remontant la rive est de la rivière Ouelle.

Le 14, 241 maisons brûlées entre Rivière-Ouelle et Saint-Roch. Trois Canadiens sont tués dans une autre escarmouche.

Le 15, Scott fait dévaster l’arrière-pays de Saint-Roch et en ramène des bestiaux. En fin d’après-midi, pendant que ses hommes se reposent, il reçoit l’ordre de revenir à Québec. Il est cependant convenu de marcher encore quelques lieues vers un endroit où l’embarquement sera plus facile.

Le 16 septembre, la troupe marche de Saint-Roch jusqu’à l’anse à Gilles. Elle incendie 140 maisons, perd un homme dans une escarmouche et capture six femmes et cinq enfants. Le vent d’ouest empêche l’embarquement. La troupe campe vraisemblablement à l’anse à Gilles.

Le lendemain matin, c’est la marée qui empêche les vaisseaux de s’approcher tôt le matin, et on profite du délai pour brûler 60 maisons entre l’anse à Gilles et Cap-Saint-Ignace.

Dans son bilan, Scott écrit que ses hommes ont incendié près de 1000 « bons bâtiments », soit vraisemblablement la quasi totalité des maisons du bord de l’eau. Il ramène quinze prisonniers, revendique cinq morts chez les Canadiens et compte deux morts et quatre blessés dans ses rangs.

Pendant cette semaine tragique, les Sud-côtois ont résisté dans la mesure de leurs moyens, multipliant les embuscades sur le chemin des incendiaires. L’Histoire retiendra le nom de Charlotte Ouellet qui a pris les armes avec d’autres femmes à Sainte-Anne. Dans la région de L’Islet, les hommes de Scott ont fait six prisonnières qui sont probablement aussi des résistantes.

***

Jusqu’à la fin du siècle dernier, il n’y avait pratiquement pas de lieux de mémoire consacrés à l’incendie de la Côte-du-Sud. À Beaumont, une plaque rappelait succinctement (17 mots) que Monckton s’était emparé de l’église et y avait affiché le placard de Wolfe invitant la population à demeurer neutre.

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Le 24 juin 1997, on a inauguré, devant l’édifice municipal de Saint-Jean-Port-Joli, un obélisque conçu par Armand Robitaille qui salue le courage des familles de la Côte-du-Sud qui se sont relevées après le ravage de leurs propriétés.

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Le 13 septembre 2009, on a dévoilé à Montmagny un monument qui rappelle la mort du seigneur Jean-Baptiste Couillard et de ses trois compagnons, tous tués le 14 septembre 1759, « par les Anglais » dirigés par Goreham. L’œuvre de Lucie Garant représente la silhouette d’un homme blessé mais résistant.

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Le monument que nous dévoilons aujourd’hui constituera une pièce essentielle dans le parcours mémoriel qui s’est bâti depuis une vingtaine d’années. Ces monuments à Kamouraska, Saint-Jean-Port-Joli et Montmagny marquent des moments forts de cette semaine de septembre 1759. À chaque endroit, les touristes et les gens d’ici auront une occasion de se souvenir et seront incités à apprendre davantage sur ce chapitre de notre histoire.

Yves Roby, historien (1939-2019)

La communauté historienne de Québec a perdu l’un de ses plus admirables membres et le Septentrion, l’un de ses plus prestigieux auteurs.

Monsieur Yves Roby est décédé à l’Hôpital général du Lakeshore, le 7 août 2019. Il avait voulu se rapprocher de sa famille, à Montréal, il y a quelques années, après avoir passé presque toute sa vie à Québec.

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Né à L’Ancienne-Lorette en 1939, Yves Roby a étudié à l’Université Laval, à la Sorbonne et à l’Université de Rochester (NY). Il a ensuite enseigné à l’Université Laval où je l’ai connu en 1969.

Nous avions une chose en commun : il a fait sa première thèse et moi, ma seule, sur le mouvement coopératif, un secteur peu fréquenté par les historiens. Pendant son cours sur les États-Unis, il nous avait expliqué pourquoi il considérait Alphonse Desjardins (le sujet de sa thèse de licence publiée en 1964) comme un véritable héros, ce qui nous en disait beaucoup, en quelques mots, sur ses valeurs.

Mais là s’arrêtent les comparaisons! Yves Roby a ensuite mené une carrière qui l’a placé parmi les historiens québécois les plus remarquables. Dans le livre-hommage qui lui a été consacré en 2002, Jacques Mathieu écrivait que son collègue Roby correspondait tout à fait

« à l’image de l’universitaire complet qu’il est, à un idéal qu’il a poursuivi avec ténacité et conviction. Sa carrière en témoigne de maintes façons. Elle propose en quelque sorte un modèle global, constitué par ses fonctions d’enseignement, de recherche et d’administration. Au plan scientifique, elle couvre complètement les aspects de la production, de la transmission et de la diffusion du savoir. Elle se caractérise par un constant renouvellement des problématiques et par l’éveil à de nouvelles réalités. Elle pose dans une sereine intensité le débat sur la nature et la place de l’histoire, ainsi que sur le rôle de l’historien dans la société. »

Les premiers ouvrages du professeur Roby portaient sur l’histoire économique. Son Histoire économique du Québec, 1851-1896, écrite avec Jean Hamelin, a obtenu le prix du Gouverneur général (à une époque où on considérait davantage les essais avec des chiffres et des tableaux…). Il s’est consacré ensuite à l’histoire des Franco-américains et j’ai eu le privilège d’éditer ses deux premiers ouvrages sur ce sujet au Septentrion: Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : 1776-1930, en 1990, et, surtout, son œuvre majeure, Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre. Rêves et réalités en 2000.

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Éditer Roby était sans histoires… L’auteur était affable, modeste, discret; son manuscrit parlait pour lui : soigné, méthodique, déjà révisé pour l’essentiel, un charme pour l’éditeur. On savait de plus que l’ouvrage deviendrait un classique. Pour le jury du prix Champlain (son deuxième), « ce livre qui met le sceau à sa réputation d’historien pourrait s’avérer l’histoire définitive des Franco-américains de la Nouvelle-Angleterre. »

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Avec Yves Roby et son Rêve brisé? au Salon du livre de Québec en 2007

J’étais sorti attristé de la lecture de cet ouvrage et perplexe sur l’avenir linguistique de certaines autres communautés francophones nord-américaines : le rêve d’une société francophone vigoureuse et dynamique aux États-Unis s’était heurté aux réalités de la vie. Dans un ouvrage subséquent, Histoire d’un rêve brisé? Les Canadiens français aux États-Unis (Septentrion, 2007), Yves Roby a présenté autrement le destin des Franco-américains : pour les émigrants canadiens-français qui avaient voulu améliorer leur sort et celui de leurs enfants, ce n’était pas un d’échec. Cette « autre lecture » illustre une facette de l’œuvre d’Yves Roby : comme le soulignait Martin Paquet dans son éloge publié par Le Devoir ce matin,

« […] l’historien n’impose pas ses valeurs et son esprit de système à ceux et celles qui ont vécu et qui ne peuvent plus répondre devant le tribunal de l’actuel. Parmi cette poussière d’information déposée dans les traces des devanciers, l’historien cherche d’abord à débusquer l’humanité de ses frères et sœurs défunts, leurs intentions et leurs rêves, leurs défis et leurs défaites, leurs accomplissements et leurs inachèvements ».

J’aurais aimé connaître l’opinion d’Yves Roby sur le récent livre de David Vermette (A Distinct Alien Race, 2018), un « Américain d’origine canadienne-française » qui présente justement l’histoire de ses compatriotes sous cet angle positif. Le temps a manqué. Avec quatre autres anciens de la cohorte 1968-1971 réunis pour un dîner à la fin de juillet, j’ai tenté une visite à l‘improviste à son chalet de Deschambault, paroisse natale de son épouse Francine (avec qui il a fait une belle monographie en 2013). Une voisine nous a dit qu’il n’était pas encore venu cette année et on ne savait pas encore qu’il n’y reviendra que pour y reposer en paix, sur le même majestueux promontoire, à quelque cent cinquante mètres de sa résidence estivale.

À Francine et à sa famille, mes plus sincères condoléances et celles de l’équipe du Septentrion.

La légendaire « maison du traître »

La dernière maison de Saint-Jean-Port-Joli, « en bas de la paroisse », à la limite entre Saint-Jean et Saint-Roch, a hérité d’un surnom peu élogieux, la « maison du traître ». Son propriétaire, dit-on, aurait donné à manger aux soldats anglais qui ont incendié la Côte-du-Sud en 1759, sauvant ainsi sa propriété du désastre.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Il est difficile de documenter cette histoire qui repose sur une tradition orale.

Gérard Ouellet mentionnait cette maison dans l’introduction de Ma Paroisse en 1946 (p. XI-XII) : « Au moment de sortir de Saint-Jean-Port-Joli, il vaut la peine que vous vous arrêtiez à la dernière maison, sur votre gauche. C’est un autre souvenir du régime français. Propriété de M. Jean-Émile Ouellet aujourd’hui, cette habitation fut érigée par Jacques Dupont, pionnier de la demi-lieue. Parce que les soldats anglais trouvèrent le couvert en 1759, elle échappa à la destruction ». Plus loin, sous la photo de la maison, il écrivait : « La maison de Jean-Émile Ouellet, la dernière de la paroisse, à l’extrémité est, a été construite peu après 1740 par l’ancêtre des Dupont. Les Anglais l’épargnèrent en 1759 parce qu’ils y eurent le couvert. On a fait un autre toit par-dessus l’ancien qui était à pic ».

C’est la plus ancienne mention qu’on a pu retrouver jusqu’à maintenant sur cet incident. Arthur Fournier n’en parle pas dans son Mémorial. Où Ouellet a-t-il pris cette information ? Mystère. L’auteur est affirmatif : il présente les faits comme avérés, mais ne parle cependant pas du surnom qui court aujourd’hui et qui a été mentionné notamment dans Au pays des miens (p. 197), dont l’auteure est Monique Miville-Deschênes (en 2001) , et dans la brochure intitulée Circuit du patrimoine bâti de Saint-Jean-Port-Joli en 2008 (p. 32).

Les Dupont dans Les Anciens Canadiens

Aubert de Gaspé parle des Dupont dans le chapitre qu’il consacre à « l’incendie de la Côte-du-Sud » dans ses Anciens Canadiens (1863). La responsabilité de cette funeste opération avait été confiée à un Écossais, Archibald Cameron de Locheill, qui, dans le roman, avait vécu en Nouvelle-France avant la Conquête, avait étudié avec le fils (Jules) du seigneur du Port-Joli (le capitaine d’Haberville) et fréquenté sa famille. En entrant dans Saint-Jean-Port-Joli (qu’il doit incendier), les souvenirs encore récents lui reviennent à la mémoire :

« La première maison de Saint-Jean-Port-Joli était celle d’un riche habitant, sergent dans la compagnie du capitaine d’Haberville, où de Locheill avait été fréquemment collationner avec son ami Jules et sa sœur pendant leurs vacances. Il se rappelait, avec douleur, l’empressement, la joie de ces bonnes gens si heureux des visites de leurs jeunes seigneurs et de leurs amis. À leur arrivée, la mère Dupont et ses filles couraient à la laiterie, au jardin, à l’étable, chercher les œufs, le beurre, la crème, le persil, le cerfeuil, pour les crêpes et les omelettes aux fines herbes. Le père Dupont et ses fils s’empressaient de dételer les chevaux, de les mener à l’écurie et de leur donner une large portion d’avoine. Tandis que la mère Dupont préparait le repas, les jeunes gens faisaient un bout de toilette; on improvisait un bal, et l’on sautait au son du violon, le plus souvent à trois cordes qu’à quatre, qui grinçait sous l’archet du vieux sergent. Jules, malgré les remontrances de sa sœur, mettait tout sens dessus dessous dans la maison, faisait endiabler tout le monde, ôtait la poêle à frire des mains de la mère Dupont, l’emmenait à bras-le-corps danser un menuet avec lui, malgré les efforts de la vieille pour s’y soustraire, vu son absence de toilette convenable; et ces braves gens, riant aux éclats, trouvaient qu’on ne faisait jamais assez de vacarme. De Locheill repassait toutes ces choses dans l’amertume de son âme, et une sueur froide coulait de tout son corps, lorsqu’il ordonna d’incendier cette demeure si hospitalière dans des temps plus heureux […] ».

Rappelons qu’il s’agit d’un ROMAN écrit un siècle après un événement bien réel, l’incendie de la Côte-du-Sud, mais Aubert de Gaspé a arrangé les faits à sa façon. Ainsi, la maison Dupont n’était pas dans Saint-Jean-Port-Joli à l’époque, mais dans la seigneurie de L’Islet-à-la-Peau, aussi appelée D’Auteuil (la Demi-lieue) qui faisait partie la paroisse de Saint-Roch ; Jacques Dupont était d’ailleurs recensé dans cette dernière paroisse en 1762 et ne pouvait être sergent de milice dans la compagnie du capitaine d’Haberville.

Catalogne

Le « père Dupont » avait 36 ans en 1759  ; « la mère Dupont », environ 30 ans; le couple comptait seulement un fils et les deux filles étaient plutôt jeunes (5 et 2 ans 8 mois) pour l’assister dans la cuisine. Notons surtout que l’accueil chaleureux qui est évoqué ne se situe pas en 1759, mais plus tôt, avant la guerre de la Conquête, à l’époque où l’Écossais fréquentait la famille du seigneur du Port-Joli. Retenons aussi que, dans le roman, la maison a été incendiée.

On peut se demander par ailleurs si les soldats avaient faim en passant chez Dupont ! Ce jour-là, le 16 septembre 1759, ils ont quitté Saint-Roch de bonne heure et entrepris une longue marche qui les a menés à l’anse à Gilles (Cap-Saint-Ignace) en soirée. Ils ont franchi plus de distance qu’à l’habitude et, s’ils se sont sûrement arrêtés pour manger en cours de route, c’est plus probablement à mi-chemin, dans les environs de Saint-Jean, plutôt qu’en arrivant à la Demi-lieue, peu après leur départ.

Une maison du régime français ?

La TERRE de Jacques Dupont est passée ensuite entre les mains de plusieurs générations de Ouellet, le dernier de la lignée étant Réal, fils de Jean-Émile, mais s’agit-il de la même MAISON ?

On a souvent écrit qu’elle datait des années 1740, voire de 1700, et qu’il s’agissait d’une relique du régime français ; sa toiture au larmier cintré fait plutôt XIXe siècle, mais les traces d’une charpente précédente, plus à pic et plus associée à l’inspiration française, sont encore visibles en-dessous, ainsi que des traces d’incendie.

Cependant, comme on peut le lire sur le site du Musée de la mémoire vivante (http://www.memoirevivante.org/SousOnglets/AfficheSousOnglet?SousOngletId=2),

« des recherches récentes laissent plutôt croire que la maison aurait été construite au lendemain de la Conquête, vraisemblablement au tout début du 19e siècle. En effet, selon des analyses dendrochronologiques effectuées par la firme Dendrolab en 2010, la maison actuelle aurait été construite vers 1809-1810. Certes, on retrouve dans le bâtiment des lambourdes datant du 18e siècle, mais, à l’époque, il n’était pas rare d’utiliser des pièces de bois provenant d’autres bâtiments ».

En somme, si Jacques Dupont (1723-1799) a donné le couvert aux Anglais en 1759 ─ ce qui reste à prouver ─, ce n’est vraisemblablement pas dans la maison qu’on trouve aujourd’hui au 851, avenue de Gaspé est.

Et la « maison du traître » s’avère une autre belle légende de Saint-Jean-Port-Joli, comme la « prison », à l’autre extrémité de la paroisse.

Sources :
Au pays des miens. Récits de vie et généalogies de Saint-Jean-Port-Joli, Cap Saint-Ignace, La Plume d’oie, 2001, p. 197.
Comité culturel de la municipalité de Saint-Jean-Port-Joli, Circuit du patrimoine bâti de Saint-Jean-Port-Joli [brochure], 2008, p. 32.
Firme DendroLab, Datation de la maison Ouellet. Compte-rendu #2010-04, Saint-Jean-Port-Joli, 17 avril 2010, p. 19-21.
Ouellet, Gérard, Ma paroisse, Québec, Éditions du Pilier, 1946.
Saint-Pierre, Angéline, Hommage aux bâtisseurs, Cap-Saint-Ignace, La Plume d’oie, 2003, p. 22.

Estafette et raffinerie : une légende ?

On raconte souvent cette anecdote impliquant Yves Michaud, Jean-Noël Tremblay et Maurice Bellemare.

C’était à la fin des années 1960. Michaud (député de Gouin de 1966 à 1970) a la parole et, pour signaler que le ministre Tremblay n’est pas à son siège, il s’interrompt pour dire au président : « Ce n’est pas un ministre que nous avons, c’est une estafette ! » Maurice Bellemare se lève aussitôt pour demander que le député de Gouin retire ces basses accusations contre Tremblay, mais un autre collège lui glisse à l’oreille que Michaud a dit « estafette » et non autre chose, comme « tapette ». Bellemare retire alors sa demande en prétextant qu’on ne comprend pas toujours le député de Gouin car il parle parfois avec « raffinerie ».

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Yves Michaud (BANQ)

Les termes pouvaient varier puisqu’on n’avait pas de référence précise au Journal des débats publié depuis 1963, mais pas très bien indexé. On pouvait même se demander s’il s’agissait d’une légende entretenue pour ridiculiser le député de Champlain.

Le moteur de recherche du Journal des débats étant enfin digne des années 2000, on peut y chercher le mot litigieux.

1967

Michaud l’a utilisé une première fois le 14 juin 1967 (JD : 4058) dans une intervention sur la loi du cinéma : « Je m’aperçois que le ministre des Affaires culturelles quitte la Chambre. Ce n’est pas un ministre qu’on a, c’est une estafette ».Jean-Noël Tremblay invoque aussitôt le règlement pour se justifier en disant qu’il en a « assez de ce baragouin démagogique que nous avons entendu depuis quelques jours ici et qui n’apportent rien de rien au projet de loi qui a été présenté par le Secrétaire de la province. Comme ministre des Affaires culturelles, ajoute-t-il, je suis le premier intéressé à ce que la loi du cinéma soit une loi qui réponde aux besoins de la culture du Québec ».

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Jean-Noël Tremblay (BANQ)

Maurice Bellemare invoque aussi le règlement pour dire que le débat en troisième lecture d’un projet de loi « doit être strictement restreint au contenu de celui-ci ».

1968

Michaud récidive le 16 mai 1968 (JD : 1725 et ss.). Pendant qu’il parle des crédits des Terres et Forêts, le ministre Tremblay l’interrompt souvent, ce qui donne lieu à l’échange suivant :

M. MICHAUD : Le ministre des Affaires culturelles est comme un interrupteur automatique. Non seulement en cette Chambre est-il comme une estafette qui va de son siège à l’extérieur, mais il est aussi un interrupteur automatique. M. le Président, je vous demande de rappeler le ministre des Affaires culturelles à l’ordre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Non, M. le Président…

M. MICHAUD : L’estafette, j’ose le dire, fait partie du cérémonial d’inauguration des séances dont j’ai parlé tout à l’heure avec le roi, sa cour, ses barons et ses baronets.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Non, vous n’avez pas tout énuméré.

M. MICHAUD : L’estafette est le commissionnaire du roi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Ah non, pas du tout, ce n’est pas ça.

M. MICHAUD : Un rôle dans lequel je vois très bien le ministre des Affaires culturelles, ou peut-être dans celui de fou du roi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Non, M. le Président, pour la vérité historique, l’estafette était le commissionnaire du grand connétable de l’armée. Vous voyez, c’est ça la culture. Il ne connaît même pas les mots qu’il emploie ».

Et ça se poursuit avec des jeux de mots douteux :

M. MICHAUD : M. le Président, au mot connétable, le ministre des Affaires culturelles aurait dû s’arrêter à la première syllabe.

M. ALLARD : Ah, ça, c’est fort !

M. MICHAUD : Parce que ce mot commence mal.

M. ALLARD : Fatiguant !

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Je m’en rends compte parce que cela a fait de vous un convaincu.

M. MICHAUD : Mais vous avez siégé longtemps dans une Chambre confédérale, vous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Ah oui, mais je ne suis plus un confédéré…

M. MICHAUD : Vous êtes un confédéré et dites-le vite, dites-le rapidement…

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : …contrairement à vos collègues, entre autres l’honorable chef de l’Opposition.

M. MICHAUD : …que vous êtes un confédéré, parce que nous allons nous poser des questions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Allez-y !

M. MICHAUD : Ne hachez pas les syllabes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Allez-y !

M. MICHAUD : M. le Président, je dis donc qu’une loi…

M. LE PRÉSIDENT : A l’ordre ! Je regrette de n’avoir pas la compétence pour juger un pareil débat.

Et, là, le ministre du Travail intervient :

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Maurice Bellemare (BANQ)

M. BELLEMARE : Grosse Bertha !

M. MICHAUD : Je n’ai pas demandé au ministre du Travail de retirer les mots « grosse Bertha ». D’ailleurs, c’est une expression que j’affectionne particulièrement puisque la grosse Bertha, à la fin de la guerre de 1914, en 1917, était une arme extrêmement puissante et offensive qui lançait des obus à longue portée, des obus qui rejoindront un jour le ministre du Travail et qui provoqueront sa propre dévastation.

M. BELLEMARE : Il y en a un qui vient de tomber.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : N’oubliez pas que les Allemands ont été battus avec la grosse Bertha.

M. MICHAUD : M. le Président, je sens que l’atmosphère est à la détente et qu’après ces débats…

M. HOUDE : Le ministre du Tourisme est mort de rire.

M. MICHAUD :  …violents et orageux que nous venons de traverser, alors que…

UNE VOIX : Insignifiants.

M. MICHAUD :  …nous sentions tous le besoin de laisser aller l’orateur.

M. LE PRÉSIDENT : A l’ordre !

Le Soleil du 17 mai reproduit ces échanges sous le titre « Du beau Lesage à la grosse Bertha ». Un éditorialiste commente le lendemain :

« Des deux côtés de l’Assemblée, on a eu tort de faire passer au premier plan des argumentations toutes sortes d’allusions personnelles. On n’a certes pas accéléré ainsi les travaux en cours. Le meilleur exemple de perte de temps est sorti des rangs des « back-benchers” ministériels ou oppositionnistes, notamment celui de l’algarade Michaud-Tremblay-Bellemare. On se demande ce qu’il faut admirer le plus dans cet échange, de la suffisance encyclopédique du député libéral de Gouin ou de la morgue littéraire du député de Chicoutimi, l’estafette étant le cavalier chargé d’acheminer le courrier, ni l’un ni l’autre des deux antagonistes n’avaient raison avec leur définition. Ils auraient été mieux de discuter du dictionnaire, dictionnaire en main ».

Et la « raffinerie »?

La Revue de Terrebonne reproduira plus tard (20 juin 1968) cet exemple du « ramage de nos députés » au « Salon de la Race à Québec », mais, là comme ailleurs, il n’est pas question de la « raffinerie ».

Aurait-elle échappé à la recherche de mot sur le site Internet de l’Assemblée?

Peut-être a-t-elle d’abord échappé aux micros qui ne captent pas tout ce qui se dit sur le plancher de la salle des séances où un technicien est chargé d’ouvrir un seul micro à la fois, celui de la personne à qui le président donne la parole. Les journalistes présents (moins nombreux à l’époque mais plus assidus au perchoir) pouvaient cependant entendre des choses qui ont échappé à la transcription officielle.

Peut-être aussi n’a-t-elle jamais existé ailleurs que chez quelques « malins », comme le disait Bonenfant.

Les environs de l’église de Saint-Jean-Port-Joli: grandeur et misères du patrimoine bâti

L’Association des beaux villages du Québec recrute ses membres parmi ceux qui ont su préserver un cachet ancien, principalement au cœur du village, soit essentiellement les environs de l’église. Ces villages se caractérisent notamment par « un patrimoine architectural présentant une valeur historique et culturelle », un « patrimoine architectural remarquable par sa quantité et /ou sa qualité », l’harmonie et l’homogénéité architecturales, la « conservation d’une partie significative du stock immobilier ancien », le « respect du rythme et de la densité des implantations [et l’] authenticité des ensembles ».

Comment le village de Saint-Jean-Port-Joli se classe-t-il en fonction de ces critères?  L’église elle-même demeure un joyau; quant au reste, disons, pas trop bien…

Un plan des environs de l’église, réalisé en 1906 pour le bénéfice des sociétés d’assurance, permet de mesurer comment le paysage a changé (double-clic pour agrandir l’image).

Environs de l'église- Plan-1906

Sur ce plan conservé aux Archives nationales du Québec, le bleu indique un bâtiment en pierre, le rose, des édifices en brique, le jaune, des résidences en bois et le gris, des bâtiments secondaires ou industriels.

Voyons les alentours de l’église, dans le sens des aiguilles d’une montre, en commençant, à 5 h.

La maison marquée 400 était autrefois connue sous le nom de « maison de Jules Ouellet ». On la voit bien sur une photo de 1913, juste devant l’église.

Place de l'église-ouest 1913 (ATri)

Elle a été déménagée dans la rue Verreault (291) dans les années 1950 pour permettre la construction de l’édifice qui abrite aujourd’hui la pharmacie Uniprix et qui appartenait à l’origine à la Coopérative de consommation La Paix.

Pharmacie, maison Raby, prebytère 2018  (Google St.)

Sa voisine, no 392, a conservé son gabarit mais a changé d’allure : c’est aujourd’hui la boutique Les Enfants du Soleil. La Paix y a eu son premier magasin dans les années 1940.

Maison La Paix c. 1940  (CH par ASP, ph. CP)

Construit en 1872, le presbytère (« priest‘s house », no 380) est toujours là mais le couvent (no 371), érigé en 1903, a été démoli en 1972; depuis 1960, un nouvel établissement scolaire, l’école Saint-Jean, s’élève tout juste au nord. Couvent

Couvent et Salle paroissiale 2018  (Google St.)

À l’est de l’église, au début du XXe siècle, la maison au toit mansardé marquée 184 abritait la « Banque d’épargnes » (Banque provinciale du Canada), comme le montre une photo de la collection Jean-Daniel Thériault.

Banque d'épargnes -1909 ( (CH par ASP, coll. JDT)

Elle existe toujours mais elle a été reculée pour permettre la construction du centre commercial dans les années 1960 et se trouve maintenant cachée par ce dernier. Elle a longtemps été habitée par la famille de Charles Chouinard, qui avait sa boucherie dans le centre commercial.

Maison Chouinard 2018

Une photo publiée dans l’album du tricentenaire en 1977 permet d’entrevoir cette maison, juste à gauche du clocher, mais surtout les bâtiments marqués 320 et 326, aujourd’hui disparus.

Salle mun. + maison Legros (ATri

La maison blanche à toit mansardé, à droite (no 320 sur le plan), appartenait autrefois à Délima Legros qui y vendait des bonbons, entre autres choses. Elle est morte en 1941 à 99 ans. La maison est ensuite passée à une famille Gagnon, le dernier propriétaire étant Louis-Georges Gagnon, sculpteur, mort en 1965. Située au coin de la rue Verreault, elle a été détruite à la même époque pour laisser place au bureau de poste, érigé dans un style qui s’inspire vaguement d’une ancienne maison normande…

Bureau de poste 2018

Quant à la salle municipale (aussi à droite, no 326), une autre construction à toit mansardé, elle a été érigée en 1880 et simplement démolie en 1965 pour faciliter le stationnement.

La maison marquée 338 sur le plan était une des plus belles du secteur. D’après les recherches faites par Angéline Saint-Pierre, elle avait été construite peu après la Conquête avec un « toit en pavillon » (mais peut-être plus exactement un « toit à croupes »). Vers 1875, les frères Narcisse et Charles Duval, dits « les Charlots », lui ajoutent un dôme qui a fait dire au mendiant Servule Dumas que la folie était cette fois « par-dessus le comble »…

Maison Duval (BANQ)

Cette maison est ensuite devenue propriété du « seigneur » Ernest Fortin (qui n’était en réalité que le détenteur des droits seigneuriaux). En 1961, la maison a été déménagée dans la rue Verreault pour faire place à la caisse populaire; elle a été plus tard démantelée pour être reconstruite on ne sait où.

Caisse populaire 2018  (Google St.)

Enfin, la maison marquée 340 est toujours en place et a globalement conservé son allure initiale. On peut la voir, de l’arrière, sur une photo du chemin du Roy prise vers 1865 et conservée dans les archives du Séminaire.

Ch du roy c1865 (Edwards)-détail

Construite en 1860, elle a servi de bureau de poste de 1912 à 1947, à l’époque où elle appartenait aux Dupont. Elle est ensuite passée à Jean-Albert Morin, propriétaire du Vivoir moderne, et sa veuve, madame Toussaint, l’habitait encore il y a quelques années. La photo ci-dessous date de 2018.

Maisson Toussaint et Vivoir 2018 (Google St.)

La suivante montre son nouvel environnement, en décembre 2019, après la reconstruction du Vivoir.

Maison Toussaint2-GD-Déc. 2019 (2)

Avec la malheureuse passerelle… qu’on ne voyait pratiquement pas, incidemment, quand le projet a été présenté. C’est un peu toujours comme ça quand on veut vendre un projet avec des petites esquisses d’architectes pas trop réalistes.

Vivoir-1-1600x896

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En suivant le plan de 1906, on a fait le tour de l’église pour constater que la plupart des maisons et des édifices institutionnels qui y figuraient sont disparus et qu’il faudra pas mal de temps avant que les bâtiments construits à leur place puissent mériter un statut patrimonial…

Le seul ajout témoignant d’un souci d’harmonie avec l’environnement bâti est le centre paroissial, construit en 1949 et devenu l’hôtel de ville de Saint-Jean.

Centrte paroissial 1949 (CH par ASP, ph. AT)

Cette construction s’inspirait, pour la façade, de la maison québécoise traditionnelle et ses concepteurs ont profité de la déclivité du terrain afin de gagner l’espace nécessaire pour loger une salle de cinéma et une salle de quilles, sans que le passant puisse s’en apercevoir au premier coup d’œil. Aujourd’hui, c’est ce bâtiment qui semble détonner entre l’école et le centre commercial…

Centre paroissial entre école et centre d'achats

Par la suite, pendant une vingtaine d’années, du début des années 1950 (construction de la coopérative La Paix) au début des années 1970 (démolition du couvent), on ne peut dire que la protection du patrimoine bâti et du paysage a constitué une préoccupation. Prises individuellement, les nouvelles constructions pouvaient probablement se justifier; c’est le résultat global qui se solde par un patrimoine bâti grandement hypothéqué.

Du « stock immobilier ancien », pour emprunter les termes de l’Association des beaux villages, il reste le presbytère, l’ancien magasin de La Paix (les Enfants du Soleil), l’ancienne banque (maison cachée derrière le centre commercial) et l’ancien bureau de postes (maison Dupont-Morin-Toussaint). Il faut se consoler en se disant que les visiteurs, malgré tout, trouvent encore Saint-Jean « ben beau »!

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PS: les photos d’actualité proviennent de Google Street.