La Ligue des contribuables s’est une autre fois manifestée, à juste titre, à la suite de la démission du ministre de la Sécurité publique qui quitte, à mi-mandat, avec une « allocation de transition » de quelque 150 000$, en attendant un premier chèque de pension qui ne tardera pas, tout comme l’annonce de nouvelles fonctions bien rémunérées. Bref, triple parachute.
L’allocation de transition, rappelons-le, a été créée par la loi qui a rendu la pension moins accessible, en 1982, en reportant l’âge minimum à 55 ans. Comme son nom l’indique, cette allocation devait aider à se « r’virer d’bord » les députés sortants qui ne seraient pas admissibles à la pension ou trop jeunes pour la toucher. À l’époque, quelques députés s’étaient trouvés dans des situations difficiles, incapables de se replacer sur le marché du travail ; dans un élan d’humanité, et de grande générosité, le législateur a rendu la mesure universelle, applicable même quand le besoin n’a rien d’évident, notamment quand la transition consiste à… prendre sa retraite !
D’après une dépêche émise par la Presse canadienne le 9 août, le premier ministre s’est contenté « d’affirmer que ce sont les règles de l’Assemblée nationale qui s’appliqueraient, tout simplement »; le démissionnaire, aurait-il déclaré, « s’est dévoué de manière exceptionnelle au service de ses concitoyens ». Ceci justifiant visiblement cela.
On aurait juré entendre un prof de chimie ou de physique, un Lavoisier causant de la loi de la conservation de la matière ou Newton expliquant la loi de l’attraction universelle. La fatalité, quoi ! Autrement dit, « Que voulez-vous? »
On est pourtant loin des lois de la nature mais bien plutôt dans le domaine des règles d’origine humaine qu’on peut changer lorsqu’elles s’avèrent déraisonnables et qu’on a les deux mains sur le volant.
Les prétendus « gaspillages » de la Vérificatrice générale
Les journaux de Québécor sont partis en guerre contre le gaspillage dans l’administration publique. Reportages, listes d’engagements financiers, statistiques, on ne ménage rien pour débusquer les dépenses qui semblent injustifiées.
Rien à redire en principe : c’est le rôle de la presse d’avoir le gouvernement à l’œil mais il ne faudrait quand même pas charrier.
La « capture » de la semaine est la Vérificatrice générale du Canada. Le Journal de Québec du 9 août consacre deux grandes pages à des « formations douteuses » dont elle aurait fait bénéficier son personnel, en mettant l’emphase sur la somme de 345$ dépensée pour que l’UN de ses employés participe à UN atelier de renaissance (rebirth). On est loin des montants donnés au Parlement en « allocations de transition » et il faudrait plus d’information sur LE cas pour en évaluer la pertinence.
Le texte mentionne que le Bureau du vérificateur a déboursé 445 816 $ en 2009 pour des formations suivies par son personnel, qui compte 650 employés. Que représente ce demi-million par rapport au budget total? Le lecteur doit faire le calcul lui-même et mettre les choses en perspective.
Le Journal s’interroge sur le rapport entre le mandat du vérificateur et les cours que TROIS employés ont suivis sur le marxisme, la civilisation romaine et les théories classiques en anthropologie. On s’étonne effectivement, au premier abord, et on reste étonné si on ne sait pas que ces cours s’inscrivent dans un cadre plus vaste. Si l’employeur aide un employé prometteur à obtenir un diplôme de premier cycle universitaire qui pourrait lui valoir ultérieurement une promotion, on imagine que l’employé n’y arrivera pas en suivant trente fois le même cours de comptabilité.
Dépense injustifiée? Perfectionner un employé productif pourrait bien coûter moins cher, en fin de compte, que de recruter et former une nouvelle ressource. Mais, pour le savoir, il faut plus que des chiffres bruts publiés en vrac.
Roméo et Juliette (bis)
« Pour le moment, le monde trouve ça « ben cute », du moins officiellement, mais ça peut difficilement durer ».
C’est ainsi que se terminait ma note du 7 mai 2009 sur nos Roméo et Juliette parlementaires. Je pourrais dire « je l’avais dit » mais c’était tellement bien écrit dans le ciel.
Plus difficile d’imaginer comment s’est terminée « l’affaire ». Mais, à tout hasard, avançons une hypothèse sur les derniers mots:
« Ne me quitte pas
Il faut l’oublier
On ne pourra pas
Ainsi continuer
Je t’ai averti
C’est trop demander
Que de traverser
Dans votre parti
Les deux vire-capots
Qui m’ont précédé
Ne m’incitent pas trop
À récidiver
Ne me quitte pas
Etc. etc.
On a vu souvent
Dans le Parlement
Des unions qui durent
Des législatures
Il est paraît-il
Des couples interdits
Mais c’est plus facile
Dans un même parti
Et quand vient le soir
Pour pouvoir durer
Faut pas se faire voir
Sur la Grande Allée
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Ne me quitte pas
Je t’inventerai
Des questions plantées
Que tu comprendras
Si les miens critiquent
Trop tes politiques
Je t’avertirai
Sur ton blackberry
Autrement, bien sûr,
En cas de censure
Je m’éclipserai
Pour ne pas voter
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Fouillez-moi pourquoi
On a pu penser
Que cette affaire-là
Pouvait continuer?
Il est bien connu
Quand on est complice
Que l’amour est plus
Fort que la police
Ceux qui pensaient ça
N’avaient certes pas
Rencontré les types
Du bureau du whip
Ne me quitte pas
Etc. etc.
Ne me quitte pas
S’il faut maintenant
Finir mon mandat
Sur un arrière-banc
Je démissionnerai
Pour aller veiller
À tes intérêts
Dans ton cabinet
Tenir l’agenda
Faire les jobs de bras
Chauffeur de ton char
Ou garde-du-corps
Ne me quitte pas
Etc. etc. ».
Note de vacances
Petit dialogue au centre-ville :
— Paraît que le maire de Québec est revenu de Bordeaux avec un… un… lumbago?
— Une autre affaire pour l’hôtel de ville?
— Pour le moment, il reste au lit avec.
Les râleurs de Québec
Après avoir lu le reportage de François Bourque, dans le Soleil de ce matin (« Comment mater les râleurs professionnels »), je pense comprendre pourquoi le maire de Québec veut tellement rajeunir la ville, comme il l’a répété sur de nombreuses tribunes depuis son avènement. L’automne dernier, il avait suscité la colère de la FADOQ après avoir dit, lors d’un déjeuner-causerie devant des hommes d’affaires, que « les aînés ne consomment pas, [...] envahissent les bibliothèques et demandent de plus en plus de services de loisirs et de culture…»
De passage à Bordeaux cette semaine, il y est allé « d’une charge contre ceux qui accaparent selon lui l’espace public », des « quasi-politiques » que ses homologues de Bordeaux et de Strasbourg appellent « râleurs professionnels » ou « spécialistes de la grogne ». Avec ses collègues, il a rebrassé ses notions de sociologie pour définir « la bête » : des gens « très intelligents » et qui ont le temps, des employés de l’État à la retraite, des sexagénaires plutôt que des trentenaires, des universitaires plutôt que des citoyens de quartiers populaires, des hommes plus que des femmes. Bref, je me sentirais visé si le « très intelligents » ne me laissait pas une petite gêne…
Ces « râleurs professionnels patentés » (une expression dont la paternité n’est pas claire), sont embarrassants. « Dans une semaine, comme l’a expliqué le maire (dans une description que le journaliste a jugée caricaturale !), ils peuvent venir le lundi soir au conseil municipal ; le mardi au conseil d’agglomération ; le mercredi à la Communauté métropolitaine ; le jeudi au conseil d’arrondissement ; le vendredi au conseil de quartier ; le samedi, ils peuvent participer à la consultation publique sur un projet ; le dimanche, ils devraient se reposer, mais pourraient participer à un référendum de quartier ou aller s’exprimer auprès du conseil régional des élus. »
Il faudra s’y faire car ce n’est qu’un début. Les baby-boomers, puisqu’il faut appeler les « choses » par leur nom, ne font que poindre et la variété la plus inquiétante pour les politiciens — les retraités du secteur public — est particulièrement répandue à Québec. Ils sont instruits, informés, souvent rompus à la communication orale ou écrite, équipés de nouvelles technologies, et, de plus, familiers avec les affaires publiques, les grandes et les « petites », qui sont souvent les pires.
Pour les politiciens qui argumentent à coup de commentaires cassants et de « je veux », ce serait effectivement plus reposant de gouverner une ville composée de petits couples qui n’ont pas le temps de s’intéresser aux affaires publiques, municipales et autres, malheureusement trop occupés qu’ils sont à bosser en double pour entretenir une maison achetée trop grande et gazer deux chars trop gourmands.