Légende banlieusarde

Travailleuse autonome, madame X utilise Internet depuis qu’il existe. Elle est en communication constante avec plusieurs entreprises et protège évidemment sa connexion sans fil avec un antivirus efficace.
Au printemps 2009, elle constate que son fournisseur de services Internet lui a facturé un supplément parce qu’elle a dépassé le maximum de téléchargement prévu à son contrat. Appel chez le fournisseur au début de mai. Dans une conversation enregistrée (d’après le message téléphonique de l’entreprise), un technicien l’informe sans se faire prier qu’il y a eu des téléchargements énormes dans sa connexion tel et tel jour, entre telle et telle heure. Quelqu’un a réussi à cracker son routeur, à partir de telle date et cette personne se trouvait à 40 ou 50 mètres de son ordinateur. Le technicien ne lui a pas donné l’adresse IP du pirate mais il n’aurait pas été nécessaire de le torturer longtemps pour la connaître.
Non seulement quelqu’un a-t-il utilisé sa connexion pour effectuer d’énormes téléchargements mais il a laissé des traces d’effraction sur son ordinateur sous forme de virus, chevaux de Troie et autres cochonneries, de telle sorte qu’elle doit faire reformater son appareil. Par mesure de précaution, elle s’abonne au service de sécurité du fournisseur et revient à la connexion avec fil. Madame X habite dans «un pavillon de banlieue» depuis une trentaine d’années. Vérification faite dans l’entourage, deux voisins ont été piratés quelques mois plus tôt. Le «problème» est vite cerné.
Plainte à la police en août. En allant aux nouvelles, deux mois plus tard, elle apprend que le dossier a été fermé en septembre. L’enquêteur s’est fait répondre par le fournisseur de services Internet que la plaignante ne se protégeait pas assez et que la présence de virus dans son ordi était la cause des téléchargements massifs!?! Bref, la version informatique de la jupe trop courte.
Si le pirate fait partie de ses abonnés, le fournisseur peut théoriquement mettre fin à ses comportements frauduleux. Si le pirate n’est pas son client, il pourrait porter plainte pour atteinte à son entreprise. En pratique, le fournisseur s’en lave les mains car la fraude touche SEULEMENT ses clients; lui, il encaisse sur tous les plans : facturation des surplus de consommation, abonnement à son service de sécurité, etc.
Moralité : aucune. Le fournisseur de services Internet est une sous-espèce du propriétaire de bordel. Ce qui se passe dans les chambres ne le concerne pas, tant que personne ne brise ses meubles.

À lire sans rire, sourire ou pleurer

«Du fait que l’accommodement offert est en fait exécuté par la personne en charge de la répartition des dossiers, les évaluateurs et évaluatrices ne sont pas confrontés à un refus de leurs services par le client demandeur d’accommodement.» (http://www.cdpdj.qc.ca/fr/publications/docs/accommodements_politique_SAAQ_commentaires_Commission.pdf)
• la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au sujet de la politique que la Société de l’assurance automobile du Québec applique lorsqu’un candidat à l’examen de conduite requiert la présence d’un évaluateur et non d’une évaluatrice; autrement dit, «ce qu’on ne sait pas ne fait pas mal».
«Nous ne changeons pas notre position. Elle a simplement évolué.» (Soleil, 17 octobre 2009)
• un attaché de presse pour expliquer que le gouvernement du Québec voit d’un bon œil le financement intégral du futur Colisée par des fonds publics alors que le premier ministre, en campagne électorale, et son ministre, en août dernier, considéraient tous deux l’implication du secteur privé comme d’un élément incontournable.
«Les tuyaux n’appartiennent à personne.» (Soleil, 18 octobre 2009)
• un porte-parole de la Ville de Québec, au sujet d’un ancien réseau d’alimentation des réverbères dont les tuyaux ont laissé échapper des gaz toxiques dans le quartier Saint-Sauveur, forçant les citoyens à quitter leurs résidences pendant quelques jours. Probablement des tuyaux sauvages.
«Je pète une coche régulièrement et, si je n’ai pas de raison de la faire, j’en trouve une.» (Journal de Québec, 2 octobre 2009)
• le maire de Québec, sur un aspect de son entrevue dont l’interprétation n’a pas été contestée.

Dehors les vieux!

Non, ça ne s’adresse pas au président des séances du Conseil municipal, que notre maire a invité à libérer la place (Le Soleil, 30 septembre 2009) parce qu’il est là depuis 16 ans, sans réaliser qu’il en a recruté des plus «vieux» dans son équipe… Il s’agit plutôt du surnom légendaire «Vieille Capitale» que le maire ne trouve pas assez «sexy», et promet de remplacer «par une nouvelle marque de commerce pour mieux vendre la ville de Québec» (Le Soleil, 25 septembre 2009).
Le problème est que les surnoms collent à certaines villes depuis très longtemps sans que les pouvoirs publics en soient responsables (l’expression «Vieille Capitale» n’a jamais été utilisée par l’Office du tourisme et des congrès de la ville), alors que les slogans publicitaires créés de toutes pièces ne durent pas nécessairement. A Paris, on ne sait même pas avec certitude d’où vient le surnom «Ville-Lumière».
«Vieille Capitale» a le mérite de l’originalité, ce qui n’est pas le cas de toutes les «Venise de ci» et les «Perle de ça» qu’on trouve aux quatre coins du monde. Dans le répertoire des surnoms de Wikipedia (une fois n’est pas coutume…), on ne trouve que deux autres «vieilles» soit Toulon, la «vieille militaire», et Bordeaux, la «vieille endormie»! Rien sous «vieux», «old» ou «ancient».
Qui veut-on séduire : des touristes, des immigrants, des Québécois? Les touristes se dirigent naturellement vers le Vieux-Québec (les Vieux Canons et le Vieux-Duluth aussi!) et ce n’est pas l’ancienneté qui les dérange. Au contraire : ils se précipitent sur tous les «vieux quartiers» qu’ils peuvent trouver. Attirer les jeunes familles? Avec un nouveau surnom pour la ville ou un slogan publicitaire? Y a-t-il des exemples de cela quelque part? Ne sommes-nous pas déjà le «Berceau de l’Amérique française»?…
Pour inventer quelque chose de significatif, il faudrait trouver ce qui nous distingue, un produit, un trait de caractère, un aspect géographique… Québec est déjà connue comme le «Gibraltar d’Amérique», c’est quand même mieux que « le Gros village» ou «le Boutt’ de la 20»!
Qu’est-ce qui est distingue Québec depuis quelque temps, sinon son maire? C’est devenu un étalon pour mesurer la qualité des candidats à la mairie, comme dans «Montréal veut un Régis Labeaume». Tablons là-dessus et rebaptisons la ville! Dommage qu’une fin finaude fasse déjà des blagues sur Internet avec son «Monteregis» (http://traceyregina.blogspot.com/). C’eût été un sympathique pied-de-nez aux gens de «Mont-réal»… Mais peut-être un peu «vieux jeu» avec sa référence aux racines latines.
Mieux vaut de l’anglais, avec un accent américain de préférence. Il faut quelque chose qui colle à une ville qui connaît une croissance rapide et soudaine, qui bouge, qui saute et s’éclate.
La «Boom Town»?

Et le brave Henri IV?

Les partis politiques sont rarement unanimes. Ça leur arrive sur des questions d’une extrême importance, les «intérêts supérieurs de la nation», par exemple. Ou, inversement, quand il est question de peccadilles et de bons sentiments comme «la maternité et la tarte aux pommes». Et surtout s’il n’y a pas (trop) de votes à perdre.
La proposition de changer le nom «autoroute Henri IV» pour «autoroute de la Bravoure» entre dans cette dernière catégorie. Qui donc s’opposera à ce que qu’on souligne «la contribution de ceux et celles qui portent courageusement l’uniforme» ? Au pire, ceux qui sont contre la présence canadienne en Afghanistan resteront indifférents. Plusieurs ont jeté les hauts cris lorsque la ville a changé plusieurs toponymes après les fusions. «Pas MA rue !» Dans le cas qui nous occupe, on comprend qu’il n’y a pas de résidences sur Henri-IV, pas d’adresses civiques en jeu, pas de votes en danger…
La plus ancienne partie de cette artère a été construite en 1953-1954 pout faciliter la circulation vers le centre de Sainte-Foy (secteur de l’église Notre-Dame-de-Foy) et décongestionner la route de l’Église. C’était le «boulevard Henri-IV» qui a été prolongé jusqu’au boulevard Charest, puis jusqu’à l’autoroute de la Capitale. Il atteindra ensuite les territoires de Loretteville et de Valcartier sous le nom d’«autoroute Henri-IV».
Ce toponyme n’est pas apparu par hasard. Roi de France de 1589 à 1610, Henri IV (1553-1610) a été un artisan de la paix; il a mis fin aux guerres de religion (par le traité de Vervins et l’édit de Nantes en 1598), ce qui a ensuite favorisé la relance des expéditions outre-Atlantique. Sa politique de colonisation a permis l’établissement d’un poste de traite à Tadoussac, la création d’une colonie en Acadie et finalement la fondation de Québec qui marque la naissance de l’Amérique française.
S’il y a un souverain français dont le nom peut être associé à Québec, au Québec et au Canada, c’est bien Henri IV et la Commission de toponymie devra être bien armée pour justifier sa déchéance à peine un an après le 400e anniversaire de la capitale. Henri IV ne vote pas mais ce n’est pas seulement un numéro. Les motifs invoqués pour en faire un toponyme ne vaudraient plus ?

La Presse et le Moulin

L’éditorialiste en chef de La Presse a produit cinq ou six éditoriaux (versions papier et versions numérique) sur le Moulin à paroles. On se serait cru au cœur d’une grave crise menaçant les fondements de l’État… Il ne s’agissait pourtant que d’un spectacle, une histoire du Québec par les textes, et les réactions qu’il a suscitées, dans ce journal en particulier, intrigueront sûrement nos descendants. Comment La Presse en est-elle venue à publier en page éditoriale une photo du coffre de la voiture où Laporte a été retrouvé en octobre 1970 ?
L’Histoire est subversive et on comprend la Société du 400e anniversaire de Québec, sous l’influence déterminante du gouvernement fédéral, d’avoir mis le couvercle sur l’essence même de l’anniversaire qu’on aurait dû fêter en 2008, celui de l’Amérique française. En 2009, le gouvernement du Québec et les autorités de la ville ont préféré ignorer le 250e anniversaire de la bataille des Plaines et de la capitulation de Québec, laissant au gouvernement fédéral, encore, le soin d’organiser une commémoration consensuelle, par Commission des champs de bataille interposée, qui ambitionnait de rallier les vainqueurs et les vaincus dans une bataille d’opérette…
Dans son dernier papier (« Le prochain Moulin », 20 septembre 2009), l’éditorialiste reconnaît du bout de la plume que le ministre Hamad a exprimé son indignation « maladroitement » et que le Moulin a été une réussite « à certains égards ». Il lui reproche cependant d’avoir raté un objectif, celui de tenir un événement rassembleur, et n’a évidemment pas l’élégance de souligner les efforts que les organisateurs ont faits pour l’atteindre, ni, d’ailleurs, le calme et la dignité qui ont marqué ces 24 heures de lecture. Le manifeste du FLQ « a été applaudi », s’indigne-t-il, mais bien malin qui pourrait départager ceux qui acclamaient la prestation du lecteur et les autres. On a aussi applaudi Wolfe, Durham, les évêques qui dénonçaient les Patriotes, Ô Canada
Un texte supprimé (le manifeste du FLQ) et quelques ajouts, dont un discours de Bourassa (autre que celui de juin 1990), des textes de La Fontaine, Laurier et Trudeau (qui en avait un, mais pas assez « représentatif »…) rendraient-ils un autre Moulin acceptable ? L’éditorialiste souhaiterait « un rapprochement avec les fédéralistes », une histoire lue « dans toutes ses nuances », « un événement à la fois pédagogique et rassembleur ». C’est comme espérer la publication d’un manuel d’histoire unique, une idée qui revient à toutes les générations depuis cent ans, et qui se bute à la bête réalité : les Canadiens anglais et les Canadiens français n’ont pas la même histoire.
Les promoteurs du Moulin n’ont pas voulu attendre qu’on arrive à cet improbable consensus et ont invité leurs compatriotes de souche ou de culture française à célébrer leur survivance et leur développement malgré la Conquête et toutes les difficultés qui ont suivi. Le gouvernement du Québec et l’éditorialiste de La Presse n’ont rien trouvé de positif dans cette commémoration. Faut-il s’en étonner ?