Non, ça ne s’adresse pas au président des séances du Conseil municipal, que notre maire a invité à libérer la place (Le Soleil, 30 septembre 2009) parce qu’il est là depuis 16 ans, sans réaliser qu’il en a recruté des plus «vieux» dans son équipe… Il s’agit plutôt du surnom légendaire «Vieille Capitale» que le maire ne trouve pas assez «sexy», et promet de remplacer «par une nouvelle marque de commerce pour mieux vendre la ville de Québec» (Le Soleil, 25 septembre 2009).
Le problème est que les surnoms collent à certaines villes depuis très longtemps sans que les pouvoirs publics en soient responsables (l’expression «Vieille Capitale» n’a jamais été utilisée par l’Office du tourisme et des congrès de la ville), alors que les slogans publicitaires créés de toutes pièces ne durent pas nécessairement. A Paris, on ne sait même pas avec certitude d’où vient le surnom «Ville-Lumière».
«Vieille Capitale» a le mérite de l’originalité, ce qui n’est pas le cas de toutes les «Venise de ci» et les «Perle de ça» qu’on trouve aux quatre coins du monde. Dans le répertoire des surnoms de Wikipedia (une fois n’est pas coutume…), on ne trouve que deux autres «vieilles» soit Toulon, la «vieille militaire», et Bordeaux, la «vieille endormie»! Rien sous «vieux», «old» ou «ancient».
Qui veut-on séduire : des touristes, des immigrants, des Québécois? Les touristes se dirigent naturellement vers le Vieux-Québec (les Vieux Canons et le Vieux-Duluth aussi!) et ce n’est pas l’ancienneté qui les dérange. Au contraire : ils se précipitent sur tous les «vieux quartiers» qu’ils peuvent trouver. Attirer les jeunes familles? Avec un nouveau surnom pour la ville ou un slogan publicitaire? Y a-t-il des exemples de cela quelque part? Ne sommes-nous pas déjà le «Berceau de l’Amérique française»?…
Pour inventer quelque chose de significatif, il faudrait trouver ce qui nous distingue, un produit, un trait de caractère, un aspect géographique… Québec est déjà connue comme le «Gibraltar d’Amérique», c’est quand même mieux que « le Gros village» ou «le Boutt’ de la 20»!
Qu’est-ce qui est distingue Québec depuis quelque temps, sinon son maire? C’est devenu un étalon pour mesurer la qualité des candidats à la mairie, comme dans «Montréal veut un Régis Labeaume». Tablons là-dessus et rebaptisons la ville! Dommage qu’une fin finaude fasse déjà des blagues sur Internet avec son «Monteregis» (http://traceyregina.blogspot.com/). C’eût été un sympathique pied-de-nez aux gens de «Mont-réal»… Mais peut-être un peu «vieux jeu» avec sa référence aux racines latines.
Mieux vaut de l’anglais, avec un accent américain de préférence. Il faut quelque chose qui colle à une ville qui connaît une croissance rapide et soudaine, qui bouge, qui saute et s’éclate.
La «Boom Town»?
Et le brave Henri IV?
Les partis politiques sont rarement unanimes. Ça leur arrive sur des questions d’une extrême importance, les «intérêts supérieurs de la nation», par exemple. Ou, inversement, quand il est question de peccadilles et de bons sentiments comme «la maternité et la tarte aux pommes». Et surtout s’il n’y a pas (trop) de votes à perdre.
La proposition de changer le nom «autoroute Henri IV» pour «autoroute de la Bravoure» entre dans cette dernière catégorie. Qui donc s’opposera à ce que qu’on souligne «la contribution de ceux et celles qui portent courageusement l’uniforme» ? Au pire, ceux qui sont contre la présence canadienne en Afghanistan resteront indifférents. Plusieurs ont jeté les hauts cris lorsque la ville a changé plusieurs toponymes après les fusions. «Pas MA rue !» Dans le cas qui nous occupe, on comprend qu’il n’y a pas de résidences sur Henri-IV, pas d’adresses civiques en jeu, pas de votes en danger…
La plus ancienne partie de cette artère a été construite en 1953-1954 pout faciliter la circulation vers le centre de Sainte-Foy (secteur de l’église Notre-Dame-de-Foy) et décongestionner la route de l’Église. C’était le «boulevard Henri-IV» qui a été prolongé jusqu’au boulevard Charest, puis jusqu’à l’autoroute de la Capitale. Il atteindra ensuite les territoires de Loretteville et de Valcartier sous le nom d’«autoroute Henri-IV».
Ce toponyme n’est pas apparu par hasard. Roi de France de 1589 à 1610, Henri IV (1553-1610) a été un artisan de la paix; il a mis fin aux guerres de religion (par le traité de Vervins et l’édit de Nantes en 1598), ce qui a ensuite favorisé la relance des expéditions outre-Atlantique. Sa politique de colonisation a permis l’établissement d’un poste de traite à Tadoussac, la création d’une colonie en Acadie et finalement la fondation de Québec qui marque la naissance de l’Amérique française.
S’il y a un souverain français dont le nom peut être associé à Québec, au Québec et au Canada, c’est bien Henri IV et la Commission de toponymie devra être bien armée pour justifier sa déchéance à peine un an après le 400e anniversaire de la capitale. Henri IV ne vote pas mais ce n’est pas seulement un numéro. Les motifs invoqués pour en faire un toponyme ne vaudraient plus ?
La Presse et le Moulin
L’éditorialiste en chef de La Presse a produit cinq ou six éditoriaux (versions papier et versions numérique) sur le Moulin à paroles. On se serait cru au cœur d’une grave crise menaçant les fondements de l’État… Il ne s’agissait pourtant que d’un spectacle, une histoire du Québec par les textes, et les réactions qu’il a suscitées, dans ce journal en particulier, intrigueront sûrement nos descendants. Comment La Presse en est-elle venue à publier en page éditoriale une photo du coffre de la voiture où Laporte a été retrouvé en octobre 1970 ?
L’Histoire est subversive et on comprend la Société du 400e anniversaire de Québec, sous l’influence déterminante du gouvernement fédéral, d’avoir mis le couvercle sur l’essence même de l’anniversaire qu’on aurait dû fêter en 2008, celui de l’Amérique française. En 2009, le gouvernement du Québec et les autorités de la ville ont préféré ignorer le 250e anniversaire de la bataille des Plaines et de la capitulation de Québec, laissant au gouvernement fédéral, encore, le soin d’organiser une commémoration consensuelle, par Commission des champs de bataille interposée, qui ambitionnait de rallier les vainqueurs et les vaincus dans une bataille d’opérette…
Dans son dernier papier (« Le prochain Moulin », 20 septembre 2009), l’éditorialiste reconnaît du bout de la plume que le ministre Hamad a exprimé son indignation « maladroitement » et que le Moulin a été une réussite « à certains égards ». Il lui reproche cependant d’avoir raté un objectif, celui de tenir un événement rassembleur, et n’a évidemment pas l’élégance de souligner les efforts que les organisateurs ont faits pour l’atteindre, ni, d’ailleurs, le calme et la dignité qui ont marqué ces 24 heures de lecture. Le manifeste du FLQ « a été applaudi », s’indigne-t-il, mais bien malin qui pourrait départager ceux qui acclamaient la prestation du lecteur et les autres. On a aussi applaudi Wolfe, Durham, les évêques qui dénonçaient les Patriotes, Ô Canada…
Un texte supprimé (le manifeste du FLQ) et quelques ajouts, dont un discours de Bourassa (autre que celui de juin 1990), des textes de La Fontaine, Laurier et Trudeau (qui en avait un, mais pas assez « représentatif »…) rendraient-ils un autre Moulin acceptable ? L’éditorialiste souhaiterait « un rapprochement avec les fédéralistes », une histoire lue « dans toutes ses nuances », « un événement à la fois pédagogique et rassembleur ». C’est comme espérer la publication d’un manuel d’histoire unique, une idée qui revient à toutes les générations depuis cent ans, et qui se bute à la bête réalité : les Canadiens anglais et les Canadiens français n’ont pas la même histoire.
Les promoteurs du Moulin n’ont pas voulu attendre qu’on arrive à cet improbable consensus et ont invité leurs compatriotes de souche ou de culture française à célébrer leur survivance et leur développement malgré la Conquête et toutes les difficultés qui ont suivi. Le gouvernement du Québec et l’éditorialiste de La Presse n’ont rien trouvé de positif dans cette commémoration. Faut-il s’en étonner ?
« L’Année des Anglais » chez les talibans
(Un soldat du contingent canadien en Afghanistan a reçu L’Année des Anglais en cadeau…)
Bonsoir, M. Deschênes,
Je vous écrit un petit mot rapide du fin fond du fond de l’Afghanistan où votre livre a su trouver son chemin pour me parvenir, avec l’aide de Simon Gilbert, bien sûr!
Merci beaucoup pour la dédicace, ce genre de détail me tient beaucoup à coeur étant un passionné de livres.
C’est le cas de le dire, votre livre n’a pas fait long feu, je l’ai dévoré en seulement quatre jours, avant d’aller au lit histoire de me changer les idées de mes traditionnels talibans qui font les cents coups contre les Forces de la Coalition. D’une façon très personnelle, vous contribuez donc au support des troupes! Le livre est magnifique, bien fait avec de belles photos… rien pour freiner mon avis de me trouver une jolie petite maison du Régime français!!
Je ne sais pas si Simon vous a parlé un peu de moi?! Nous nous sommes connus dans l’armée, à l’époque où je lui disais de cesser de vivre dans le passé avec ses Français et ses Anglais… J’ai fait mon arbre généalogique après qu’il m’ait montré le sien et me voilà aussi accro que lui! Je suis le descendant d’un soldat des Compagnies franches de la Marine, arrivé à Québec en 1750 à bord du navire marchand l’Infante Victoire. Il joignit la Compagnie de Saint-Ours, se maria à Québec en 1758 avec le grade de caporal et, ensuite, il obtint une concession dans le fief Dutord en 1778. Il me reste encore beaucoup de recherches à faire pour tenter de retrouver un maximum d’information sur lui. Selon la généalogie des Saint-Ours, son capitaine devait être Pierre-Roch de Saint-Ours; hélas, il est le seul dans la famille avec très peu de détails sur ses états de service. Il est seulement mentionné qu’il a participé à la majorité des batailles de son époque…
Enfin, votre livre est un très bel ouvrage.
Merci encore.
Martin Dauphinais
Même pas un oeillet
La controverse autour du Moulin à paroles devrait faire les délices des analystes de l’information. Une étude pourrait porter sur « l’influence des vacances et des longues fins de semaine sur la qualité de l’information ».
Au début d’août, les organisateurs du Moulin ont donné une conférence de presse qui a eu de bons échos dans la presse. Le projet était très clair : en bref, inviter des gens de tous les horizons à venir raconter l’histoire du Québec. Était-il en vacances avec les responsables de sa revue de presse (c’est l’hypothèse optimiste)? Toujours est-il qu’un ministre du gouvernement du Québec n’y a rien compris (autre hypothèse optimiste) et a dénoncé la lecture du manifeste du FLQ sur les Plaines les 12 et 13 septembre. La nouvelle est sortie un vendredi (était-ce voulu?), à la veille d’un longue fin de semaine, un moment où la presse est toujours un peu assoupie et moins critique à l’égard de ce qui se passe et se raconte.
L’intervention du ministre a roulé sur les canaux d’information continue et sur Internet pendant trois jours dans la trajectoire (spin) que le ministre lui a donnée, c’est-à-dire, tout croche. Plusieurs citoyens ont retenu qu’un groupe de personnes se réunirait sur les Plaines le 12 septembre pour faire une lecture publique du Manifeste du FLQ. Avant que les journalistes ne reviennent de congé, l’ornière était tracée. Plusieurs commentateurs n’ont pas pris la peine d’aller aux sources, ce qui leur aurait permis d’apprendre que ce document n’était qu’un des quelque cent textes illustrant l’histoire des Québécois, et quelques autres n’ont pas voulu le faire, préférant utiliser l’événement pour manger du souverainiste. Le plus remarquable à cet égard est l’éditorialiste en chef de La Presse qui a jugé bon de consacrer deux notes sur le blogue de l’édito et deux éditoriaux! Son dernier texte présente le communiqué annonçant la mort de Laporte comme le « vrai manifeste du FLQ » et souhaite qu’on le lise au Moulin, le tout accompagné d’une reproduction du communiqué et d’une photo du coffre de la voiture où le ministre a été retrouvé! On se croirait au beau milieu d’une crise qui menace nos institutions et cette controverse illustre bien comment l’Histoire dérange.
Comme le démontre Simon Gagné dans Le Soleil (11 septembre), le Manifeste du FLQ a été lu ou utilisé dans de nombreuses manifestations artistiques ou autres ces dernières années, sans que personne ne s’en offusque. Radio-Canada le diffuse sur son site. Où est le problème? Le Manifeste n’est ni contaminé, ni radioactif. Il n’a tué personne. Ses auteurs peuvent-ils apparaître en 2009 comme de dangereux exemples pour la jeunesse? Pas plus que d’autres personnages qui seront « représentés » au Moulin, comme les Patriotes, Louis Riel, ou James Wolfe, qui a terrorisé les campagnes autour de Québec en 1759. Dans le Moulin à images, ces deux derniers étés, on a pu voir Denis Lortie tirer sur les pupitres de l’Assemblée nationale et personne n’a imaginé que Robert Lepage incitait à la haine et à la violence. Lortie visait le gouvernement Lévesque, lui, et n’a réussi à tuer que trois humbles fonctionnaires : c’est peut-être moins important.
Les initiateurs du Moulin à paroles ont invité le gouvernement à participer et à contribuer financièrement à une commémoration qui souligne la résistance, la survivance et la résilience des Québécois. Le gouvernement a refusé. Quels que soient ses prétextes, son attitude n’étonne pas. En 2008, il a laissé le gouvernement fédéral orienter le 400e des origines de l’Amérique française à sa manière. En 2009, il ne dépensera même pas un œillet sur la tombe de la Nouvelle-France et de ses héros. C’est logique. Et significatif.