Une femme assaillie

L’ex-copine de l’ex-ministre beauceron a eu beau se couvrir littéralement jusqu’au cou, elle a monopolisé l’attention à la réception donnée pour souligner les 50 ans de l’éditeur qui l’a séduite, la bien-nommée maison des « Éditions de l’Homme ». D’après le reportage du Journal de Montréal, « tous les regards se sont tournés » quand elle s’est présentée « vêtue d’une robe saillante [sic] noire », comme le précise le texte et un bas de vignette.
Une tenue « seyante » n’aurait évidemment pas attiré les flashs et les caméras, mais une robe « saillante » éveille naturellement la curiosité. On présume que la journaliste n’a pas voulu évoquer les saillies littéraires (« traits d’esprit brillants ») ou vétérinaires (« de salire, couvrir une femelle »). Mais aurait-elle eu à l’esprit les structures architecturales qui s’avancent, débordent ou dépassent, comme un « balcon qui saille »?
Peut-être aussi que le chef de pupitre s’est bien amusé. Ça arrive.

Seulement de bien belles images : dommage!

La plupart des gens qui ont vu le Moulin à images ont justement vu… des images, des images qu’ils n’avaient probablement jamais vues, mais n’ont pas appris grand chose qu’ils ne connaissaient pas. « C’est beau, mais qu’est-ce que c’est? C’est qui, ce personnage? », se sont demandé bien des Québécois devant les images qui défilaient à vive allure: que dire alors des visiteurs et des touristes?
Bien sûr, les Québécois ont reconnu leurs classiques, de Champlain à Chez Gérard, du pont de Québec à la Dominion Corset, mais ces personnages qu’ils ont vu défiler en rafale, ces centaines de photos, de portraits et de statues, auraient été des Albertains qu’ils n’auraient pas fait de différence.
La presse a été élogieuse, à juste titre, car le Moulin est une idée de génie parfaitement réalisée, un chef- d’œuvre de technique et d’infographie. Robert Lepage a livré ce qu’il avait annoncé, une vision impressionniste de l’histoire de Québec; ce sont les porte-parole du 400e qui, en fin de juin, soulagés de voir enfin un projet bien reçu, se sont empressés de présenter cette oeuvre artistique comme la réponse définitive à ceux qui estimaient que 2008 manquait de contenu historique.
Plusieurs auraient souhaité une narration, des explications, et le livre qui est sorti des presses en août (Nicolas Ruel, Le Moulin à images, Robert Lepage inc./Ex Machina, 90 pages) aurait pu répondre à leur souhait mais il ne contient lui aussi que des images. Aucun texte explicatif, sauf sur des aspects techniques.
Cette absence a été qualifiée de « bémol » par le critique du Soleil (« Le Moulin à rêver », 24 août 2008). Le commentaire est généreux : peut-être faudrait-il parler de fausse note. Les images du livre sont à la mesure du Moulin mais, depuis le temps qu’on travaille sur ce projet, il n’aurait pas été difficile (et surtout pas coûteux) d’ajouter quelques bas de vignettes qui auraient donné une valeur supplémentaire à la publication. On a voulu profiter de la vague? Éviter de donner prise à des critiques sur le contenu historique? Tous ne partagent pas l’enthousiasme de François Bourque (« À la prochaine… », Le Soleil, 8 septembre 2008) pour qui le contenu du Moulin est « inattaquable » et « hors d’atteinte des critiques » : au fait, y a-t-il quelqu’un qui en a fait une analyse sérieuse sur le plan historique mais, d’abord, comment critiquer une vision impressionniste?
On s’y remettra peut-être l’an prochain. En attendant, ce livre servira de carte de visite à Ex Machina pour vendre son savoir-faire à des clients qui seront sûrement, eux aussi, impressionnés par les images. Et ne se soucient guère des bas de vignettes.

Peut-on être député à temps partiel?

(Commentaire sur la chronique de Gilbert Lavoie, « La triple assiettée d’Arthur », Le Soleil, 30 août)
En cumulant ses fonctions de député et celles de journaliste, de conducteur d’autobus et d’annonceur, le député indépendant de Portneuf-Jacques-Cartier à la Chambre des communes n’est évidemment pas dans l’illégalité, juste en rupture d’éthique.
Pendant 30 ans, au Parlement, j’ai entendu les députés justifier les hausses de traitement en invoquant une surcharge de travail: un tue-monde, une machine à divorces, l’éducation des enfants au téléphone, deux ou trois douzaines de municipalités à materner, autant de clubs de l’âge d’or à visiter et quoi encore! Que certains d’entre eux aient de la disponibilité pour continuer l’exercice d’une profession en parallèle m’a toujours étonné : que dire lorsqu’il y en a trois!
Bien sûr, la charge de travail est inégale. D’après ce que j’en ai retenu, les boîtes à lettres ne débordaient pas dans certaines circonscriptions montréalaises et le tapis ne devait pas user vite dans le « bureau de comté » de Jean-Talon. Si on examinait attentivement les exemples de cumul que monsieur Lavoie cite, on verrait probablement qu’il s’agit de « petites » circonscriptions pas très exigeantes pour leur représentant. Les députés-médecins qu’il mentionne n’avaient peut-être pas beaucoup de patients.
Comment le député indépendant de Portneuf-Jacques-Cartier peut-il desservir adéquatement les 70000 électeurs d’une grande circonscription rurale qui comprend une trentaine de municipalités en travaillant à temps partiel? La charge est moins exigeante pour les députés fédéraux? Pourquoi alors sont-ils mieux payés qu’à Québec?
Le député peut faire ce qu’il veut de ses loisirs mais, s’il a autant du temps libre, n’est-ce pas parce qu’il se désintéresse de son rôle de surveillant de l’administration publique, lui qui était pourtant si critique au sujet de la bureaucratie autrefois? La tâche du député-contrôleur est infinie. C’est un peu comme celle d’un journaliste qui se consacre vraiment à sa profession, le genre Vastel, par exemple, qui n’aurait pas pu faire du taxi les fins de semaines. Le député de Portneuf dispose de ressources (budget de recherche, services professionnels de la bibliothèque du Parlement, etc.) pour fouiller n’importe quel recoin de l’administration publique et, en tant que député indépendant (ce qu’il est théoriquement), il a beaucoup plus de latitude que les autres, surtout les ministériels, pour « brasser la cage », comme il l’avait d’ailleurs promis.
S’il n’aime pas la période des questions, rien ne l’empêche de prendre les bouchées doubles en commission. Pourquoi préfère-t-il consacrer ses énergies ailleurs, sinon pour l’appât du gain ou en signe de désintérêt pour le mandat qui lui a été confié?

Un président élu au vote secret?

Le chef de l’ADQ s’oppose au candidat que le caucus libéral veut proposer comme président de l’Assemblée nationale ; il ne pardonnerait pas à monsieur Vallières de l’avoir qualifié de « girouette » et il demande que le prochain président soit élu au vote secret, ce qui signifie que plusieurs noms pourraient être soumis aux députés.
L’élection du président au scrutin secret est une excellente idée. Elle a pour principale vertu de réduire l’emprise du chef du gouvernement sur le parlement, alors que la procédure actuelle fait en sorte que le chef de la majorité finit toujours par faire accepter sa proposition, quitte à en payer le prix sous diverses formes. Au Parlement, tout se négocie.
Le vote secret a été utilisé deux fois, le 2 mars 1999 (pour la réélection de monsieur Jean-Pierre Charbonneau) et le 12 mars 2002 (pour madame Harel). Monsieur Charbonneau avait réussi à faire inscrire cette nouvelle procédure parmi ses nombreux projets de réforme. Malheureusement, elle n’a pas été intégrée au règlement permanent avant la fin de la législature et elle est devenue caduque avec la dissolution.
À l’ouverture de la session qui a suivi le scrutin général de 2003, il aurait fallu déroger aux règles de procédure normales pour renouveler l’expérience de 1999 et de 2002. Mais il n’y a pas eu de « contentement unanime » essentiel à cette fin et il a fallu se reprendre le lendemain avec la vieille formule. La situation était gênante : on a même décidé que cette séance n’avait pas eu lieu et qu’elle serait effacée des procès-verbaux !
Pourtant, la majorité libérale était en faveur de l’élection du président au scrutin secret; l’Opposition officielle aussi. Celui qui a fait dérailler la réforme n’est donc pas difficile de retracer, même s’il n’est pas toujours facile à suivre.

Les critiques estompées?

Dans le Soleil du 30 août, Anne-Marie Berthiaume a commenté les propos de François Bourque (Soleil, 26 août) sur les critiques qui ont fini par s’estomper au sujet du 400e. C’est à lire, dans la version longue publiée sur le site du journal (http://www.cyberpresse.ca/article/20080831/CPSOLEIL/80829106/5826/CPSOLEIL), en particulier ce passage:
«On peut penser que l’opposition a fait son deuil de ce qu’elle avait souhaité et imaginé pour ces festivités par respect pour ceux qui prenaient visiblement plaisir à ce gigantesque «festival d’été» et à ces autres événements annuels bonifiés par des budgets conséquents. [...] Pour ma part, c’est la résignation et l’impuissance qui me font accepter que le 400e ait investi ses millions (en particulier ses derniers 6 millions $ libérés du championnat de hockey junior) dans un immense party de foule, et que la ville se soit offert des shows et des méga-shows «gratuits» (mais pas si gratuits qu’ils n’en n’ont l’air), qui laissent bien peu en substance, en profondeur et en découvertes.»
Si les critiques ont fini par s’estomper, comme l’écrit monsieur Bourque, c’est aussi parce qu’elles ont imposé quelques ajustements au programme et que des irritants majeurs se sont éclipsés, comme la gouverneure générale qui s’est manifestement fait dire de sortir de la cuisine et de cesser d’alimenter des controverses, un rôle qui sied fort mal aux représentants royaux. Pourquoi autant de trémoussements au départ des voiliers à La Rochelle et si peu pour les accueillir à l’arrivée à Québec? Il faudra y mettre le temps pour tout comprendre.
Par ailleurs, après la mi-juillet, le passage de McCartney et la fin du « Summer festival », les spectacles offerts portaient moins à critique. Il faut un peu d’imagination pour trouver un caractère commémoratif à la plupart des spectacles que monsieur Bourque mentionne mais ils étaient au moins en français et on aurait évité bien des ennuis en commençant par là. Pour l’histoire de la chanson québécoise, cependant, on repassera; seul le spectacle des chorales s’y est consacré et peu de gens ont pu voir ce spectacle (payant, notons-le).
Il ne faut pas négliger non plus l’impact de l’affaire McCartney. Après la job que la presse a faite à Luc Archambault, en rapportant le contraire de ce qu’il avait écrit dans son « manifeste », et après la violence des réactions que ce dérapage médiatique a engendrées sur Internet et dans les lignes ouvertes, on imagine aisément que les critiques ont été, disons, prudents, histoire de ne pas trop se faire crucifier, voire insulter, par des chroniqueurs qui prêchent pourtant la liberté d’expression pour eux.
Si les critiques ont semblé s’estomper durant l’été, ne serait-ce pas aussi parce qu’elles ont moins passé dans les médias? Les textes de réflexion sur le 400e ont été plus nombreux à Montréal (Devoir et Presse) et ce serait trop court d’y voir une simple rivalité de clochers. Il faudrait reprendre la table ronde qui a été organisée l’hiver dernier, à Laval, pour évaluer les conséquences des partenariats entre les médias les plus importants de Québec et une organisation « gouvernementale » comme la Société du 400e.
Il faudra y revenir, car le meilleur goût qu’à laissé la dernière semaine de spectacles ne fera pas oublier ce qui a précédé et surtout ce qui a manqué dans ce 400e.