Pas de notes depuis plusieurs jours? Je suis en voyage dans les « vieux pays ».
Nous sommes actuellement à Chinon, dans la vallée de la Loire, après 4 jours en Charentes (à Puyravault, j’en reparlerai) où nous avons visité notamment Brouage (pays de mes ancêtres Miville), Rochefort, La Rochelle, Fouras… Hier, en chemin, plusieurs stations dans la journée (Coulon dans le marais du Poitou, Niort, Richelieu, etc.).
A Niort, je me suis un peu égaré dans une rue tellement étroite qu’il a fallu fermer les rétroviseurs pour passer. Faut dire que j’avais demandé une automatique et que l’agence de location (manquant probablement de stock) m’a donné une Santa Fe de Hyunday (4×4, full equiped). Ne connaissant pas cette marque, je me suis aperçu, un fois rendu dans le parking lot, comme ils disent ici, que c’était GROS. Bref, je fais pas mal cousin américain parvenu…. Mais je m’habitue (à la voiture…). Je pourrais même faire du taxi ou du fret si j’avais un peu plus de temps.
Après trois jours dans la région de Chinon, ce sera Blois, pour le RDV de l’Histoire.
Les exilés de l’anse à Mouille-Cul au petit écran
Un épisode de la série « Canada en amour » sera inspiré de l’histoire que j’ai racontée dans Les exilés de l’anse à Mouille-Cul. Produite par Vic Pelletier, de Matane, cette série s’intéresse à des histoires de couples généralement bien connus. Ce n’est pas le cas de Laurent Chouinard et de Claire Gagnon, qui étaient de simples paroissiens de Saint-Jean-Port-Joli, mais leur histoire sort de l’ordinaire.
Laurent était célibataire, Claire était une jeune veuve, mais, pour des raisons obscures, le curé desservant de Saint-Jean et l’évêque de Québec refusaient de les marier. En janvier 1774, ils improvisèrent donc un mariage à domicile avec un groupe d’amis et s’installèrent ensemble. Mis au ban de la paroisse, ils se réfugièrent dans le bas du fleuve, laissant aux parents de Claire les trois enfants nés de son mariage avec feu Romain Duval.
Après vingt ans d’errance entre le Bic et Cap-Chat, et deux autres enfants, les exilés tentèrent encore de se marier avec l’aide de curés qui ignoraient le fond de leur histoire. À la troisième tentative, le mystère commence à s’éclaircir. Il y aurait eu crime. Lequel ? On ne pourra jamais l’établir avec certitude.
Chacun des épisodes de cette série est fait d’entrevues et des reconstitutions dramatiques tournées en studio avec des comédiens. Le tournage des entrevues a débuté dans la dernière semaine de septembre. Nous avons tourné aux archives de l’évêché de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, à Saint-Jean-Port-Joli et à l’anse à Mouille-Cul, dans le parc du Bic, où le couple Chouinard-Gagnon a eu un bout de terre vers 1780.
L’émission sera diffusée à la télévision de Radio-Canada et à la télévision franco-ontarienne au début de 2008.
La maison La Fontaine et « l’année de la terreur » (1849)
Le Devoir du 18 août nous a rappelé que la maison où résidait Louis-Hippolyte La Fontaine, premier ministre du Canada (1848-1851), était toujours debout, un des derniers témoins des événements dramatiques survenus en 1849, quand Montréal était la capitale du Canada-Uni.
En avril 1849, excédés par une série d’événements politiques qui tournent tous en faveur des « Canadiens français » (meilleur contrôle sur les dépenses publiques par la majorité parlementaire francophone, formation d’un gouvernement dirigé par un francophone, rétablissement des droits du français au Parlement, l’amnistie générale des insurgés de 1837-1838, indemnisation des personnes dont les biens ont été endommagés ou détruits durant les répressions de 1837 et 1838), des émeutiers anglophones excités par la Gazette et dirigés par un chef pompier (!) attaquent et incendient l’édifice qui servait de Parlement depuis 1844 (sur le site actuel de la place d’Youville).
L’agitation se poursuit pendant plusieurs jours. Les émeutiers s’en prennent notamment à la maison où le premier ministre s’apprêtait à emménager le 1er mai. L’intérieur de la maison est saccagé et les dépendances, totalement brûlées. Le 30 avril, les émeutiers s’attaquent au gouverneur devant le château Ramezay et le font retraiter vers sa résidence de Monklands d’où il ne sortira plus de l’été.
De mai à août, la ville ne connaît pas de repos. On attaque notamment un groupe de ministres à l’hôtel Têtu. Le 15 août, quand on arrête finalement les présumés responsables de l’incendie d’avril, les tories sont furieux. Environ 200 émeutiers attaquent la maison de La Fontaine dont la garde avait été confiée à quelques amis du premier ministre dirigés par le docteur Étienne-Paschal Taché, conseiller législatif et commissaire (ministre) des Travaux publics. Quelques coups de feu sont tirés par les assaillants qui retraitent à la première fusillade de la « garnison ». Un nommé Mason est blessé et meurt le lendemain. Des émeutiers incendient ensuite l’hôtel où se tient l’enquête du coroner. La Fontaine doit se réfugier dans le corps de garde où il passe le reste de la journée, sous la protection des militaires qui avaient fait preuve d’une discrétion « remarquable » depuis quatre mois….
Sauvée de la démolition en 1987, la maison est inhabitée depuis 15 ans et mal en point. Son propriétaire ne semble pas intéressé à en exploiter la valeur patrimoniale et le gouvernement fédéral fait preuve d’indifférence.
Il devrait s’en occuper, en faire un « lieu historique national », tiens : il y en aurait au moins un pour célébrer une bataille remportée par des Canadiens français.
(Pour plus de détails sur 1849, voir ci-contre Une capitale éphémère. Montréal et les événements tragiques de 1849 )
Le poète d’Ottawa
Pour « encourager la littérature, la culture et la langue et en promouvoir l’importance au sein de la société canadienne », le Parlement du Canada s’est doté en 2002 d’un poète officiel qui « peut », en vertu de la loi, rédiger des œuvres de poésie, notamment pour des occasions importantes, parrainer des lectures de poésie et conseiller le bibliothécaire du Parlement sur ses collections et les acquisitions propres à l’enrichir dans le domaine de la culture.
Les trois premiers titulaires de la fonction ont bien compris que le Parlement se contentait de « peut »… Comme on pouvait l’apprendre dans Le Devoir du 2 août, le premier et le dernier n’ont rédigé aucun poème commandé ; l’autre a écrit un poème à la mémoire des deux derniers vétérans de la Première guerre mais son texte n’a pas été agréé. L’allocation annuelle du poète est néanmoins passée de 12 000 $ à 20 000 $…
Comme c’est souvent l’usage, en pareilles circonstances, on a justifié la création de ce poste en disant que « plusieurs pays, dont l’Angleterre et les États-Unis, ont également leur poète officiel ». En fait, information prise auprès du House of Commons Information Office, le Parlement britannique « does not have an official poet itself »: le « UK’s official royal poet », comme son nom l’indique, est le poète officiel du royaume, choisi par la reine sur recommandation du premier ministre, et rattaché à la maison royale. Créée en 1668, cette fonction est purement honorifique depuis 1850 et elle ne semble pas comporter de rémunération. Aux États-Unis, le « Poet Laureate Consultant in Poetry to the Library of Congress » est rémunéré par un fonds privé créé en 1936 par un magnat du rail. Et non par les fonds publics.
Ici, ce n’est pas pareil. Ottawa nage dans l’argent. Mais est-ce le rôle du Parlement de subventionner les arts en gardant ainsi un « poète en cage »… et néanmoins libre de produire s’il le veut ? Si les parlementaires désirent « encourager la littérature, la culture et la langue », ils n’ont qu’à augmenter les crédits du Conseil des arts et de la Commission de droit de prêt public. Les programmes d’aide à la littérature de ces organismes sont moins glamour, mais les écrivains qui en bénéficient ont des comptes à rendre et ne sont pas censurés.
Le bilan de madame Boucher
Il est malheureux que des incidents aient troublé la tranquillité que la famille de la mairesse de Québec aurait souhaitée pour vivre son deuil. C’est l’élément essentiel — la perte d’une épouse et d’une mère — qui devait primer la semaine dernière. Mais cette femme expressive, authentique, colorée, fonceuse et déterminée pouvait-elle sortir sans bruit?
Maintenant qu’elle a été portée en terre, et qu’on retrouvera la possibilité de faire son bilan politique sans heurter les sensibilités, il faudra sortir de l’immense marmite de guimauve chauffée au papier-journal dont les vapeurs nous ont embrouillé les lunettes depuis une semaine.
On mettra probablement sur le compte de l’émotion (et de la délicatesse de ses adversaires) un certain nombre de propos tenus ces derniers jours à son égard. Pigés parmi les commentaires générés par la controverse entourant les funérailles, les propos suivants illustrent un certain décalage par rapport à la réalité historique. « [Elle] a servi la population de Québec depuis 40 ans », a-t-on avancé pour justifier des changements protocolaires, qui s’imposaient par ailleurs « avec tout ce que cette femme a fait pour la ville de Québec ».
Madame Boucher a été mairesse de Québec pendant moins de deux ans. Elle aurait peut-être inscrit des réalisations dignes de mention dans l’histoire de la capitale si la mort n’avait pas interrompu un bref mandat dont le bilan ne pèsera évidemment pas lourd, surtout si on le compare à celui de son prédécesseur. Pour le reste, soit de 1968 à la fin du siècle dernier, la carrière de madame Boucher s’est déroulée dans la ville voisine (qui saura en faire le bilan) et dans un climat d’incessante opposition avec Québec.
Après l’avoir vue s’opposer à la candidature de Québec aux Jeux de 2002, on n’ose imaginer comment elle aurait vécu la célébration du 400e, de son point de vue fidéen, s’il n’y avait pas eu de fusions. Pour la mairesse de Sainte-Foy, Québec était comme une mauvaise herbe apparue inopinément dans un champ de banlieues.
Qu’elle soit devenue ensuite mairesse de la capitale n’est pas le seul paradoxe de cette femme qui, tout en se réclamant du peuple, pouvait « contourner » les résultats d’un référendum sur l’hôtel de ville et s’opposer à la construction de HLM sur son territoire. Mais ce sont là des considérations que ses « fidèles » évalueront. À Québec, la perspective sera différente.