L’abbé Luc Deschênes, doyen des prêtres du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, est décédé à Saint-Jean-Port-Joli le 4 mai 2025, au début de sa centième année.
Né le 10 avril 1926, il était issu d’une famille rurale qui a été décorée en 1968 du titre de « famille terrienne de l’année ».
Avec ses frères (deuxième à gauche)
Après des études à l’école du rang, il entre au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en septembre 1941 et se distingue dès ses Éléments latins par « d’excellentes notes de travail, de conduite et de piété ». En dépit d’une santé fragile, il termine ses études classiques en 1949 ; à la traditionnelle « prise de ruban » de juin, il choisit le blanc et entre au Grand Séminaire de Québec à l’automne.
Le 4 juin 1953, Saint-Jean-Port-Joli vit un événement exceptionnel quand Luc Deschênes et Marcel Caron, deux fils de la paroisse, sont ordonnés prêtres par Mgr Bruno Desrochers. Le premier est le frère de mon père, le second, le frère de ma mère. Ils disent leur première messe le 5 et le 7 ; à l’automne, ils se retrouvent tous deux prêtres auxiliaires (« maîtres de salle ») au Collège de Sainte-Anne.
À la sortie de sa première messe en 1953.
En 1958, Luc Deschênes commence des études, à l’École normale supérieure de Montréal, où il obtient un Brevet A et un baccalauréat en pédagogie. Il est ainsi bien préparé pour diriger l’Externat classique de Montmagny de 1959 à 1961.
En juin 1961, il est nommé directeur des étudiants au Collège de Sainte-Anne, d’abord au secondaire puis au collégial. En 1969, la création du Cégep réduit le collège à une institution d’enseignement secondaire ; il y devient professeur et supérieur de la communauté des prêtres. Parallèlement à ses fonctions d’éducateur, il assure avec des confrères le ministère estival à la desserte du lac Trois-Saumons.
Dans un hommage rendu à son confrère, lors du cinquantenaire de son ordination en 2003, l’abbé Fernand Bélanger écrivait : « Il était un éducateur hors de l’ordinaire, proche des étudiants. Combien de fois ai-je entendu des anciens du Collège de Sainte-Anne me parler de l’abbé Luc. Nous avons gardé un merveilleux souvenir de ce prêtre compréhensif et bon, dont nous nous sentions aimés. »
Vingt ans plus tard, je peux corroborer le témoignage de l’abbé Bélanger. À plusieurs reprises dans nos derniers conventums, des confrères du 137e cours sont venus prendre des nouvelles de leur ancien directeur ; certains m’ont confié à quel point mon oncle Luc les avait marqués, aidés et parfois même « épargnés » à la suite d’une coche mal taillée qui aurait pu leur valoir une punition plus grave. On ne peut mieux illustrer le rôle de l’abbé Luc qu’avec ce témoignage rendu par Émile Gilbert (136e cours), lauréat du prix Personnalité 2018 : « à chaque fois que je songe à mon parcours, mon regard se tourne vers un homme, pour qui j’ai le plus profond respect, et qui a toujours été un modèle pour moi : l’abbé Luc Deschênes. Pour moi, ce personnage plus grand que nature, représente à mes yeux ce que le Collège de Sainte-Anne avait de meilleur à offrir, et le plus beau compliment que je pourrais recevoir, ce serait de me faire dire que j’ai reçu en moi un peu de son humanisme ».
En 1975, l’abbé Marcel Caron quitte la cure de Saint-Pamphile pour le vicariat épiscopal du « district pastoral de la Baie-James », un immense territoire où il a exercé son ministère pendant plus de 20 ans. Luc Deschênes le remplace à Saint-Pamphile pour une période de six ans. En 1981, il est nommé curé de L’Islet où il passe 15 ans.
C’est ensuite la retraite à Saint-Jean-Port-Joli. En principe. Dans son hommage de 2003, l’abbé Bélanger mettait le mot entre guillemets, ce qu’il convenait de faire encore, vingt ans plus tard. Messes, baptêmes, mariages et sépultures, visites aux malades pour la communion ou le réconfort : il n’a pas cessé de donner au coup demain au curé de la paroisse, dans la mesure de ses moyens. Dans une entrevue accordée à la revue diocésaine Intercommunication en 2010, il évoquait ses loisirs : « Je marche tous les jours, beau temps, mauvais temps. Le médecin me dit que c’est un bon remède ! Je consacre un temps à la lecture, je m’intéresse aux activités sociales et paroissiales qui sont assez nombreuses. Je suis impliqué dans les groupes, FADOQ, AQDR, groupes d’amis. Les rencontres familiales et amicales sont fort appréciées. Et puis j’essaie de m’apprivoiser avec l’Internet… »
(photo J.-C. Saint-Pierre)
Quand le temps le permettait, il faisait sa visite au quai, admirant le fleuve — dont il s’est bien ennuyé quand il était à Saint-Pamphile —, saluant ceux qu’il rencontrait, paroissiens ou touristes, conversant avec chacun, taquinant les parents et les proches. Jusqu’à tout récemment, il conduisait sa voiture. Il y a moins d’un mois, il assistait à une « partie de sucre » dans l’érablière familiale.
Dans le village de Saint-Jean-Port-Joli, il était devenu un personnage, même s’il n’a jamais « monté en grade » ni obtenu de titre ou de ceinturon coloré. Pour ses coparoissiens, c’était simplement « l’abbé Luc ».