« Passagers/Passengers » : beaucoup de technologie pour un mince contenu

Parmi les onze grands événements du 400e, Passagers/Passengers est le seul qui est identifié comme une exposition et, curieusement, le seul dont l’entrée est payante alors que tous les grands spectacles sont gratuits. En fait, cette « exposition » conçue par un réalisateur de cinéma et « inspirée de l’histoire du peuplement de la ville » est composée essentiellement de brèves projections cinématographiques.
L’idée de la valise que chaque visiteur enregistre à son nom au départ est amusante. Dans la première salle, le visiteur peut poser cette valise sur cinq bornes, ce qui active chaque fois un vidéo (environ 5 minutes) qui permet d’entendre et de voir des immigrants de fraîche date (une quarantaine au total) exprimer leurs sentiments sur le pays qu’ils ont quitté, le voyage et la ville qui les accueille. Ces témoins apparaissent sur le mur-écran comme s’ils étaient derrière le hublot d’un avion. Sur le mur opposé, des silhouettes de voyageurs et des éphémérides défilent : une trentaine de dates, la population de la ville à ce moment, l’origine et l’occupation de l’immigrant type de l’époque. Au fond de la salle, un tableau imitant ceux qui annoncent les arrivées dans les aéroports donne les villes d’où sont venus ces immigrants et des dates.
Dans la deuxième salle, le visiteur peut déposer sa valise sur onze bornes et faire démarrer autant de nouveaux clips consacrés chacun à une catégorie d’immigrants : Amérindiens, Français, Européens, Écossais, Allemands, Irlandais, Anglais, Juifs, ruraux des environs de Québec, Chinois et immigrants d’origines diverses. Les clips sont réalisés de façon très sobre : noir et blanc, arrière-plan uni, mise en scène minimale. Dans chaque cas, une personne raconte très brièvement (trois minutes environ) l’histoire de son ancêtre et de sa famille; quelques photos de familles (malheureusement plutôt floues) sont exhibées; chacun des clips se termine par une énumération des noms de familles appartenant à la même communauté culturelle. Sur les écrans qui ne sont pas activés, quelques photos défilent ainsi qu’une citation de Jean Duberger : « Nous sommes tous métis ».
La troisième salle pourrait être appelée la « pouponnière ». On y trouve trois berceaux dont le « matelas » sert d’écran pour projeter des images de nouveaux-nés. Ceux et celles qui trippent habituellement sur les effets spéciaux au cinéma (et sur les bébés) seront charmés : à quelques pas des berceaux, on a vraiment l’impression que ce sont de vrais bébés. Au mur, un tableau semblable à celui de la première salle fait défiler le nom et la date de naissance des bébés qui ont vu le jour au CHUL en 2008. En déposant sa valise sur la borne, ta-dam!, le visiteur voit son nom s’inscrire dans la liste avec la date de son « passage ».
Sur le plan technique, c’est impeccable et, pour les gens que les longs textes des expositions classiques ennuient, c’est de tout repos. Mais l’ennui peut cependant venir des clips de la deuxième salle qui ont tous le même scénario. Quant au contenu de cette « exposition », il doit tenir dans une quarantaine de pages et se trouve principalement dans la deuxième salle : on en retiendra surtout que les immigrants de souche française sont présentés selon le même format que les autres communautés culturelles. Cette exposition est un modèle de multiculturalisme, une approche particulièrement inappropriée dans le contexte de 2008 qui marque essentiellement l’origine de la nation qui célèbre son 400e anniversaire en Amérique.
P.S. : En sortant de l’exposition, avant de quitter l’édifice, il ne faut pas manquer les bornes informatiques qui semblent en pénitence dans le coin gauche du hall. Elle valent le détour, littéralement, même si personne ne signale leur présence au visiteur. Sans avoir à payer le droit d’entrée, on peut fureter dans six recensements (1851 à 1901), identifier les habitants de Québec, connaître leur âge et leur profession, et même situer leur rue sur la carte de la ville. La Société du 400e devrait mettre cette base de données en ligne au plus tôt : c’est de loin ce qui est offert de mieux sur le plan historique dans cet édifice.