Pôvre Champlain!

On l’a déjà souligné : Champlain a joué du coude pour faire sa place dans le 400e qui ne lui avait pas spontanément déroulé le tapis rouge. Mais il progresse. Ainsi, on peut maintenant voir son portrait dans une série de six signets officiels que la Société du 400e anniversaire a fait fabriquer (au Québec) par une firme montréalaise qui détient un brevet sur ce genre de produit. Il s’agit de signets luxueux (10$ pièce!) qui comprennent une sorte de jeton enchâssé dans la partie supérieure. Bref, le projet était à un pas d’un bravo sans réserve. Malheureusement, les textes à caractère historique qu’on trouve au verso ne semblent avoir été le premier souci des concepteurs.
La date de construction du château Frontenac (1803) est probablement une erreur de frappe et, avec de l’imagination, on peut croire que le pont de Québec s’inspire du pont de glace (…), mais le texte consacré à Champlain ne peut bénéficier de la même indulgence :
« L’explorateur et cartographe ouvrit une nouvelle page d’histoire en levant l’ancre à Honfleur pour naviguer vers un nouveau monde. Ses aventures l’ont mené vers la fondation de la Nouvelle-France en 1608, laquelle devint plus tard la Ville de Québec. Il prédit que la colonie deviendrait le cœur de la traite des fourrures, le point d’arrêt de la navigation et la principale forteresse de la vallée du Saint-Laurent. Le père de la Nouvelle-France restera toujours un personnage essentiel à l’essor de la ville de Québec ».
La Nouvelle-France serait devenue la ville de Québec? À première vue, on aurait plutôt pensé le contraire… Et que veut dire exactement : « personnage essentiel à l’essor de la ville »? Curieusement, la version anglaise est plus claire : « As such, the father of New France will always remain one of the city’s key historical figures ». On peut même se demander si le texte n’a pas d’abord été écrit dans cette langue. En anglais, on parle plus justement de « travels », au lieu d’« aventures », et de « major port », au lieu de « point d’arrêt de la navigation », cette dernière expression ne correspondant pas vraiment avec les vues de Champlain qui cherchait la route des Indes.
Champlain mieux servi par un rédacteur anglophone? Ce ne serait pas étonnant : ses meilleurs biographes sont au Canada anglais.