Plusieurs observateurs de la scène politique ont déploré le climat qui a régné en chambre au cours de la dernière session. Le premier ministre n’aurait jamais vécu une telle situation, disait-il, l’opposition étant, nécessairement, la cause de ce mauvais climat, une situation dite sans précédent.
Peut-être avons-nous la mémoire bien courte. Et surtout pas de moyens de mesure. Est-ce plus « bordélique » qu’à la fin du régime Taschereau, du régime Duplessis ou du premier régime Bourassa ? (Que les exemples soient pris en fin de régime est le fruit du hasard, comme on dit au cinéma, et « toute ressemblance avec… etc., etc. »). La question est ouverte. Il faut aussi prendre garde de comparer notre époque de débats télévisés et de nouvelles continues avec « l’ancien temps » où il fallait se fier seulement aux reportages de la presse parlementaire.
Faut-il se scandaliser ? Il y a environ soixante-quinze périodes des questions de 45 minutes par année, ce qui donne une cinquantaine d’heures au total. Et on voudrait que ce soit en plus un genre de thé de 5 heures ? On parle quand même ici de débats parlementaires. L’Opposition harcèle le gouvernement et s’acharne sur certaines questions ? On a vu que, dans certains dossiers, après des jours de négation, il a fallu reconnaître qu’il y avait problème : calendrier scolaire, garderies, affaire D’Amour… Si l’opposition ne s’était pas acharnée (avec l’appui de la presse), on n’aurait rien su.
Par ailleurs, il est certain que la période des questions a changé d’allure. À l’origine, les députés utilisaient une brèche dans le règlement pour demander des renseignements aux ministres. Au fil des ans, cette période de questions née « naturellement » s’est institutionnalisée et, de dérives en tolérances, ce qui s’y passe aujourd’hui ne correspond plus à ce qu’on lit dans les règlements. Selon le règlement de l’Assemblée, les questions « doivent être brèves » (!) mais un « court préambule est permis pour les situer dans leur contexte » (!!). Les questions ne peuvent « 1° comporter ni expression d’opinion ni argumentation ; 2° être fondées sur des suppositions ; 3° viser à obtenir un avis professionnel ou personnel ; 4° suggérer la réponse demandée ; 5° être formulées de manière à susciter un débat » (!!!). Bien malin qui reconnaîtrait là ce qui se passe en réalité à la période des questions.
Faut-il revoir les règlements ? En 1997, le président de l’Assemblée suggéra de les changer pour « les rendre plus conformes à la réalité », le changement des comportements étant devenu impossible.
Les parlementaires ont peut-être un examen de conscience à faire mais il y a plus inquiétant, pour l’image de leur institution, et plus fondamental il me semble, même si la chose ne paraît pas préoccuper grand monde à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison.
Il y a quelques semaines, le premier ministre a congédié son ministre de la Famille qui avait reconnu avoir utilisé à des fins personnelles une carte de crédit de l’agence de sécurité BCIA, entreprise qui fait affaires avec des institutions publiques. Le ministre démis a aussi été expulsé du caucus mais il entend continuer de siéger comme député de LaFontaine. Or, s’il était indigne d’exercer une fonction exécutive et de faire partie du caucus libéral, comment peut-il décemment conserver son titre de parlementaire, le plus important des trois, puisqu’il a reconnu avoir utilisé cette carte pendant qu’il était député ? On attend peut-être de savoir si des dépenses déjà payées avec cette carte ont été aussi remboursées au député par l’Assemblée nationale. La Sûreté du Québec est sur le dossier depuis plus d’un mois, mais, dans ces circonstances, on se met à imaginer une Loi d’accès à l’information qui n’aurait pas mis un couvercle étanche sur les dépenses des parlementaires ou une étude des crédits qui ne soit pas du théâtre.