Les baudruches du Festival d’été

« On s’entend… Tout ça est galvaudé, vous le savez autant que moi. Les achalandages annoncés dans la plupart des grands événements au Québec, ça n’a parfois aucun sens. Si chacun comptait exactement ce qu’il a sur son site, bien des gens auraient de grosses surprises ».
Ces propos sont du directeur général du Festival d’été de Québec (FEQ), cité par Cédric Bélanger dans le Journal de Québec du 20 juillet 2010. Ils prennent tout leur sens, deux ans plus tard, quand le même journaliste dégonfle un gros ballon en diffusant les chiffres que les administrateurs du FEQ nous cachaient depuis deux ans. Oubliez les 100 000 personnes sur les Plaines lors de l’édition dite « exceptionnelle » de 2010 : le plus gros spectacle, celui de Rammstein, a fait 75 990 personnes (Journal de Québec, 7 juillet 2012).
Il n’est pas sans intérêt de retourner aux journaux de l’époque pour mesurer la différence entre le bluff et la réalité. Pour le spectacle d’Iron Maiden, le 9 juillet 2010, on donnait 75 000 spectateurs (La Presse du 12 juillet) au lieu des 65 000 calculés avec les bracelets selon la liste publiée par le Journal de Québec. Pour Arcade Fire, on avançait 45 000 (Le Soleil, 19 juillet) alors que les chiffres dévoilés samedi disent 25 346…
Ce fut ensuite le black-out. Le FEQ a décidé, en plein festival, de ne plus donner de chiffres d’assistance. Lors du spectacle des Black Eyed Peas, qui aurait attiré « la plus grande foule de l’histoire de l’événement », le DG confiait à la journaliste du Devoir (20 juillet 2010) que « depuis le dernier étage de l’hôtel Le Concorde, la foule était similaire à celle photographiée lors du concert de Paul McCartney »… Or, on sait maintenant qu’il y avait 63 397 spectateurs, soit QUATRE fois moins que l’estimation qui avait circulé lors du passage de sir Paul en 2008 et que le DG avouait cependant n’avoir jamais endossée.
Le FEQ a cessé de donner des chiffres d’assistance au moment précis où il avait des données fiables grâce aux bracelets à puce. « Comparer les assistances entre les spectacles, c’est une insulte que tu fais à la personne qui est venue voir l’artiste, expliquait-on au FEQ. Et tu ne peux pas exposer l’artiste à ça. Dans les grands événements, ça ne se fait pas (Journal de Québec, 20 juillet 2010) ».
C’était fort curieux comme explication : en d’autres mots, il était correct, jusqu’au début du festival de 2010, de donner des chiffres approximatifs et, soudainement, inacceptable de donner des chiffres exacts… La vérité était que le décompte réel entrait en contradiction avec les chiffres annoncés et faisait mal paraître les évaluations précédentes. Comment expliquer qu’il y aurait eu 200 000 personnes au spectacle de McCartney alors que le site est pratiquement plein avec les 63 000 fans de Black Eyed Peas ?
Le FEQ n’est pas une entreprise publique, juridiquement, mais un organisme sans but lucratif, en principe, qui bénéficie d’un large soutien de l’État quand on compte les subventions des ministères et des organismes publics, les commandites venant des sociétés d’État (dont le montant exact est confidentiel) et l’aide en biens et services des différents niveaux de gouvernement. Il devrait faire preuve en retour de transparence en divulguant des données précises sur l’achalandage avec répartition géographique des détenteurs de bracelets. On saurait précisément si les vrais touristes (pas ceux qui résident à 40 ou 50 km de Québec) sont au rendez-vous et justifient les subventions accordées pour attirer du vrai monde de l’extérieur et non seulement assécher les alentours.