Décédé en 1908, le Dr Paul-Émile Prévost consacrait à la musique tous les loisirs que lui permettaient ses fonctions de directeur du Bureau d’hygiène provincial. « Non content d’interpréter les œuvres des maîtres, peut-on lire dans sa notice nécrologique (L’Avenir du Nord, 22 mai 1908), il composa de fort jolies choses, et le monde musical lui doit plusieurs recueils de mélodies très appréciés. Selon le critique du Passe Temps, sa musique « est gracieuse, merveilleusement brodée, mais le choix des poésies ainsi embellies dénote le sens littéraire et le bon goût poétique du musicien ».
Le Dr P.-É. Prévost composé plusieurs morceaux de musique religieuse, et même une opérette qui fut présentée à Montréal avec beaucoup de succès. Il a aussi publié un roman.
Un an avant sa mort, Prévost avait harmonisé plusieurs « Chansons canadiennes » réunies dans un recueil illustré par Joseph-Charles Franchère (1866-1921). Selon L’Avenir du Nord, il s’agissait d’un travail « de grande valeur et de grand mérite, où la richesse et l’harmonie savante de l’accompagnement forment un contraste séduisant avec la mélodie dont ils font oublier la rusticité ».
Le journaliste était manifestement respectueux, dans les tristes circonstances. Plusieurs chansons ne manquaient effectivement pas de « rusticité »! Et ignoraient la rectitude. En témoigne cette œuvre anonyme composée, selon les auteurs du recueil, à l’époque où le Parlement siégeait à Montréal, donc dans les années 1840.
Lettre à not’ député*
1.
M’sieur l’député d’not’ village,
Qui siégez au Parlement,
Je vous écris une page
Et vous fais mon compliment.
En prenant l’train pour Ste-Anne,
J’ai z’eu l’malheur d’égarer
L’paraplui’ qui m’servait d’canne ;
Faudrait m’le renvoyer
Faudrait m’le renvoyer !
2.
Avec les billets d’galeries,
Dont vous m’avez fait présent,
J’ai t’été voir les sing’ries
Que vous faites au Parlement.
J’ai tant ri de voir un type,
Qui savait l’art d’aboyer,
Que j’en ai lâché ma pipe…
Faudrait m’la renvoyer
Faudrait m’la renvoyer !
3.
J’ai fait voir à ma famille,
Les superbes monuments
D’la métropole, qui brille,
Par ses mille z’ornements.
Ma fille, un’ demoiselle sage,
Dit qu’c'est au carré Viger
Qu’elle a perdu son… courage…
Faudrait m’le renvoyer
Faudrait m’le renvoyer !
4.
Enfin, chos’ monumentale,
Dont j’demeure confondu !
Dans vot’ belle capitale,
Savez-vous ce que j’ai perdu ?
C’est su’ l’parvis d’Notre-Dame,
Ou ben dans un autr’ quartier,
Que j’ai dû perdre ma femme…
Faut pas m’la renvoyer,
Faut pas m’la renvoyer !
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* Une autre version de cette chanson avait été publiée dans Le Réveil, le 19 octobre 1895. Cette fois « Baptiste » avait perdu sa belle-mère.