Les têtes brûlées de Catherine Dorion

Les commentaires sur le livre de Catherine Dorion ont surtout porté sur ses relations avec ses collègues, sur son intégration dans le parti et sur le traitement que lui ont accordé les médias, ce qui en a amené plusieurs à dire qu’elle avait couru à sa perte.

Têtes

La lecture de son livre nous fait réaliser que l’ex-député de Taschereau était fragile, à plusieurs égards, avant son élection et qu’elle s’est carrément brûlée dans une fonction qui ne lui convenait pas et qu’elle devait concilier en plus avec des responsabilités familiales et une grossesse. On se demande d’ailleurs ce qu’elle allait faire dans une galère dont elle ignorait vraisemblablement le b.a.-ba. Elle n’est pas la première à s’engager dans la vie parlementaire sans savoir ce qu’il en retourne, comme si elle arrivait d’une autre planète et n’avait jamais lu une chronique parlementaire. On compte sur les doigts de la main les artistes qui se sont fait élire à l’Assemblée nationale (ce n’est pas le Sénat…). Ce sont peut-être des métiers incompatibles?

Un passage de son livre illustre à sa fois sa vision du métier et le mépris qu’il lui inspire :

« Voilà qu’à côté de tout ce que je considère comme essentiel à ma démarche artistique, il faut que je m’enchaîne à une quantité effroyable de tâches dont je ne saisis plus le sens. Des tâches qui, souvent, nuisent à la communauté plutôt qu’elles ne la servent [?!]. Autant d’obligations bureaucratiques tatillonnes, de gestes répétitifs, de sollicitations insignifiantes qui accroissent la surcharge informationnelle qui étouffe nos cerveaux, qui désensibilise nos neurones jusqu’à l’overdose, et qui plonge notre société dans une famine généralisée d’affect, de souffle et de pensée » (p. 208).

C’est bien tourné, mais encore ? On ne trouve pas, dans ce livre, une ligne où l’auteure aurait exprimé, au-delà de son ressenti, la moindre idée concrète suggérant ce qu’il faudrait changer dans ce régime abominé. Quelques pages idéalisent les soirées tenues dans le « bureau de circo », avec conférencier discourant devant un auditoire assis sur des coussins, mais il n’y a rien là comme modèle pour réformer nos institutions. Peut-être aurait-elle pu trouver quelques orientations dans les programmes des nombreux groupes qui ont donné naissance à son parti : le NPD, Option citoyenne, Démocratie socialiste, le Parti communiste ?

Les médias se seraient probablement quand même concentrés davantage sur ses vêtements que sur ses idées, malheureusement, mais, à ce chapitre, pouvait-elle ignorer à quel point l’image domine la vie politique ? Pourquoi refuser les conseils qu’on lui a donnés, dès le départ, en matière vestimentaire et pourquoi être allée ensuite poser, assise sur une table, avec ses « Doc Martens » dans le hall de l’Hôtel du Parlement, puis déguisée en madame au Salon rouge ? Du jamais vu de mémoire d’homme, de femme ou de non-binaire.

Nous avons finalement assisté à une triste sortie de scène au terme d’une pièce qui pourrait s’intituler Le malentendu. Le personnage était intéressant, mais la comédienne a accepté un mauvais  casting .

(Les têtes brûlées. Carnets d’espoir punk, Montréal, Lux Éditeur, 2023, 376 pages)