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Yves Michaud et la souffrance du peuple juif

Comme l’écrit Jean-M. Salvet, dans Le Soleil du 13 février 2018 (et Marco Bélair-Cirino, en termes similaires dans Le Devoir du 15), Yves Michaud « n’a pas tenu, lors [des] États généraux [de décembre 2000], les propos pour lesquels les parlementaires l’ont blâmé. Ses détracteurs, en conviennent tous aujourd’hui [...] ».

Dans n’importe quelle institution normale, civile, militaire, économique, religieuse, universitaire, gouvernementale, etc., un blâme aussi mal fondé serait retiré. Mais ce n’est pas le cas de l’Assemblée nationale qui se prétend pourtant la première de nos institutions et le fondement de notre système démocratique.

Mieux encore, non satisfaits de l’accusation portée sans aucune preuve en 2000, les « détracteurs » de Michaud en insinuent une autre, 18 ans plus tard : Michaud aurait « minimisé la souffrance du peuple juif dans une entrevue accordée à une radio », selon ce que rapportent, sans plus de détails, les mêmes journalistes.

Affaire Michaud

Qui ? quoi ? où ? quand ? comment ?

L’entrevue en question a été menée par Paul Arcand le 5 décembre 2000 et n’avait suscité aucune réaction publique avant le témoignage de Michaud aux États généraux huit jours plus tard. Cette entrevue portait sur un livre que Michaud venait de publier chez VLB, Paroles d’un homme libre. Il en existe deux transcriptions, l’une rapportée dans La Presse du 19 décembre et une autre préparée par la firme spécialisée Caisse Chartier.

Cette dernière transcription omet fort curieusement de donner le libellé exact de la question qui nous intéresse et se limite aux mots suivants :

« Paul Arcand : (animateur) Passons à autre chose. »

La vraie question, telle que rapportée par La Presse, est la suivante :

« […] est-ce que vous ne sentez pas un désintérêt d’une bonne partie de la population sur la question de la souveraineté et sur la question nationale, des gens qui en ont assez, c’est terminé, passons à autre chose ? »

La réponse est semblable dans les deux transcriptions, à quelques détails près. Voici celle de la firme Caisse Chartier :

« Yves Michaud : (ex-politicien) Bien, je vais vous raconter une anecdote. J’étais… je suis allé chez mon coiffeur il y a à peu près un mois. Il y avait un sénateur libéral, que je ne nommerai pas, qui ne parle pas beaucoup, encore qu’il représente une circonscription française et qui me demande : es-tu toujours séparatiste Yves? J’ai dit, oui. Oui, je suis séparatiste comme tu es Juif. J’ai dit ça prit à ton peuple 2 000 ans pour avoir sa patrie en Israël. J’ai dit moi que ça prenne dix ans, cinquante ans, cent ans de plus, je peux attendre. Alors il me dit que ce n’est pas pareil. Aïe c’est jamais pareil pour eux. Alors j’ai dit c’est pas pareil. Les Arméniens n’ont pas souffert. Les Palestiniens ne souffrent pas. Les Rwandais ne souffrent pas. J’ai dit c’est, c’est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l’histoire de l’humanité. »

Il est question ensuite de Groulx, de B’nai Brith, de Jean-Louis Roux, de McGill, de révisionnisme, de Galganov, etc., mais rien d’autre sur le peuple juif en tant que tel.

« Minimiser la souffrance du peuple juif? »

La transcription de La Presse permet de rappeler que la question de Paul Arcand ne portait aucunement sur les Juifs, mais sur la pertinence actuelle de la lutte des souverainistes québécois. Avec son anecdote, Michaud compare cette démarche avec celle des Juifs qui ont cherché pendant 2000 ans à se bâtir une patrie et, selon lui, si les Québécois en ont besoin de 100, c’est bien peu de chose, il peut attendre. Son approche n’a évidemment rien de dévalorisant envers les juifs; elle implique au contraire une admiration pour leur persévérance.

Quand le sénateur répond : « ce n’est pas pareil », Michaud s’insurge, car le parlementaire fédéral nie la valeur du combat souverainiste.  : « […] ce n’est pas pareil? Les Arméniens n’ont pas souffert, les Palestiniens ne souffrent pas, les Rwandais ne souffrent pas. J’ai dit : c’est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l’histoire de l’humanité. »

On notera ici qu’il n’est pas question de la Shoah, mais de luttes nationales respectives des Juifs et des Québécois. Michaud n’accepte pas que la sienne soit banalisée, quelle que soit la valeur de l’autre. S’il avait été convoqué pour se défendre, comme on procède en pareil cas dans les parlements normaux, il aurait pu lire aux députés ce passage de Paroles d’un homme libre (p. 30) :

« On botte les fesses du peuple québécois depuis deux siècles et demi. Ce n’est pas tellement long en comparaison de deux millénaires d’errance du peuple juif, mais cela fait mal tout de même… »

Comment peut-on dire ensuite que Michaud « minimise la souffrance du peuple juif »?

(voir, sur cette question, https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/affaire-michaud-l)

Hymne au « Bas de Québec », par François Hertel

Au XIXe siècle, les écrivains issus de la Côte-du-Sud, ou inspirés par ses choses et ses gens, désignaient la région sous le nom qui s’était progressivement imposé depuis les débuts du peuplement. C’est le cas de Casgrain, Aubert de Gaspé, Chauveau, Renault, Montpetit, Taché, Lemoine et probablement de plusieurs autres.

Dans la description du Canada qu’il publie en 1855, Joseph-Charles Taché décrit la Côte-du-Sud comme une « magnifique suite d’établissements » qui est « connue et célèbre dans tout le pays ». Sa Côte-du-Sud s’étend jusqu’à Rimouski.

Chauveau situe son Charles Guérin dans « une de ces riches paroisses de la côte du sud, qui forment une succession si harmonieuse de tous les genres de paysages imaginables, panorama le plus varié qui soit au monde [sic...], et qui ne cesse qu’un peu au-dessus de Québec, où commence à se faire sentir la monotonie du district de Montréal ».

La plupart des auteurs sudcôtois qui ont fait carrière dans la région de Montréal au XXe siècle ne se sont pas intéressés à la Côte-du-Sud dans leurs œuvres et certains ont adopté l’expression « Bas de Québec » pour désigner tout de qui se trouve à l’est de la capitale. Dans Canadiennes d’hier, Élisa Michaud met dans la bouche d’un personnage montréalais l’expression « être bas de Québec » qui signifie quelque chose comme « ancien » ou « vieux jeu ».

Hertel et Academie_canadienne-francaise_8_decembre_1944 WIKI

 (Hertel à l’Académie canadienne-française. Il est debout à droite.)

François Hertel (né Rodolphe Dubé) a utilisé cette expression dans un poème peu connu.

Né à Rivière-Ouelle, le 31 mai 1905, Hertel étudie au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et au Séminaire de Trois-Rivières. Entré chez les Jésuites à vingt ans, il reçoit l’ordination sacerdotale en 1938 après avoir obtenu un doctorat en philosophie et en théologie à Rome. Déjà, il a commencé à publier des poèmes, des essais et des romans tout en enseignant la philosophie au Collège Jean-de-Brébeuf.À la fin des années quarante, Hertel quitte les Jésuites et s’installe à Paris. Il fonde et dirige les Éditions de la Diaspora française, et il publie les revues Rythmes et couleurs et Radiesthésie magazine. En 1985, il revient mourir à Montréal.

L’œuvre littéraire de François Hertel comprend une quarantaine de titres, sans compter les articles de revues et les conférences, mais on y trouve très peu de références à sa terre natale, à part quelques poèmes dont Le dortoir des petits (1936) et son Hymne au « Bas-de Québec », qui daterait de la fin des années trente, publié dans Poèmes d’hier et d’aujourd’hui, 1927-1967 (Montréal, Parti-pris, 1967, p. 20-21). 

HYMNE AU « BAS DE QUÉBEC »

Je t’aimais tant, pays de mes jeunes années,
Que j’ai gardé toujours en moi ton souvenir.
Le sort eut beau souffler au vent mes destinées,
Je t’apporte un amour que rien n’a pu ternir.

Vaste plaine à carreaux où les avoines d’or
S’étendent mollement dans leur décor de saules,
Où les troupeaux songeurs que l’équinoxe endort
Vers le ruisseau voisin balancent leurs épaules.

Riv.-Ouelle-réduite

(photo P. Lahoud)

Fleuve où j’allais rêver au vent des promontoires,
Regardant s’écrouler, là-bas, sur les récifs,
Les houles qui giclaient en larges flots de moire
Jusqu’au lointain poudreux des horizons captifs.

Quais aux plançons verdis par les baisers des flots
Où les pêcheurs muets s’estompent dans la brume;
Abordage éperdu des mers aux longs sanglots
Brandissant leurs cheveux éblouissants d’écume.

Plages d’or où les « crans » font des taches plus sombres,
Où la « pêche » « tendue » en zigzags vers la mer
Semble indiquer au loin, passant comme des ombres,
Le morne défilé des élégants steamers.

Anguille-pêche2-GD

Montagnes d’outremer où l’on voit se percher
Des fermes en plein ciel, que la forêt emmure,
Couronnant le sommet des farouches rochers,
Comme des écussons sur l’acier d’une armure.

Et vous, les monts du sud aux versants affaissés,
Comme sous le fardeau obscur des millénaires,
Retraites de fraîcheur d’où les champs assoiffés
Attendent le breuvage haletant des rivières!

Collège de Sainte-Anne, au loin, sur la colline,
Tel une forteresse au milieu d’un jardin,
Tu t’incrustes au cœur des souples mousselines,
Que pointillent de vert les têtes des sapins.

La plaine, de partout, s’entr’ouvre comme un vase,
Entre chaque taillis surgit une maison.
L’Alléluia pensif des clochers en extase
Chemine, harmonieux, au bout de l’horizon.

O pays de lumière et de rusticité,
Où la légende vibre aux humains fraternelle,
Pays que la « jongleuse » a jadis visité,
Où son pied s’est gravé sur la roche éternelle,

Raquettes-Hudon, p. 53 -réduite

(«pistes de raquettes» de la  Jongleuse, selon la légende)

Pays que j’ai quitté, mais que j’aime toujours,
J’aurais voulu fixer tes sites grandioses
En un hymne brûlant comme un premier amour
Où j’aurais pénétré jusqu’à l’âme des choses;

J’aurais voulu graver du burin de mon style,
Dans le bronze des mots, tes contours imprécis…
Hélas, je n’ai tracé qu’une esquisse débile
De ton âme innombrable, ô mon pauvre pays!

«La mort de Champlain»

par Serge Usène, pseudonyme d’Eugène Seers[1]

Champlain 01-New01-023c_LT

Sur un rocher neigeux, dans un pays perdu
En face du grand fleuve aux ondes solitaires,
Le héros, l’œil hanté de visions austères,
S’endort, comme accablé de son labeur ardu. 

Quelques soldats obscurs environnent sa couche,
Braves qu’avait gagnés son rêve conquérant,
Et ces fils éperdus recueillent en pleurant
Les syllabes d’espoir qui tombent de sa bouche. 

Un prêtre, compagnon d’œuvres et de combat,
Comme un gage de paix pour l’heure redoutée,
Au chevalier pieux offre, sur son grabat,
Cette croix qu’en ce sol naguère il a plantée. 

La stupeur se répand dans la bourgade en deuil,
Sur les cœurs atterrés l’effroi plane en silence,
Et chacun se demande : « Est-ce notre existence
Que cet homme en mourant va clouer au cercueil ? » 

Autour, la forêt vierge et les savanes bleues
Où glissent le Mohawk et le Tsonnontouan ;
Puis les déserts sans fin, puis le morne océan…
La France est par-delà, si loin, à mille lieues !

Et le calme héros expire sans renom,
Sans une voix chantant sa pénible épopée,
Sans savoir si quelqu’un reprendra son épée,
Sans laisser même un fils pour porter son grand nom.  

Mais qu’importe l’oubli lorsque l’œuvre demeure
Et qu’au Christ, à la France, un royaume est acquis ?
Mais, au soir des combats, sur le tertre conquis
Quand flotte le drapeau, qu’importe que l’on meure ?

Peut-être à ses yeux clos brille alors le secret
Des triomphes futurs, des grandes destinées,
D’une gloire qui vient par-delà les années,
Et, comme sans remords, il tombe sans regret.  

À cette heure, bien mieux que le bronze ou la pierre,
L’avenir, ô Champlain ! te consacre un autel.
Vois ! après trois cents ans, tout un peuple immortel
Germe sur ton cercueil et vit de ta poussière.


[1] Né à Beauharnois en 1865, Eugène Seers entre chez les Pères du Très-Saint-Sacrement, en Belgique, et gravit les échelons de son ordre jusqu’à devenir supérieur de la maison de Paris. À la suite d’une crise de foi, doublée d’une relation amoureuse, il rentre à Montréal en 1894 et travaille discrètement à l’imprimerie de la congrégation.

En 1903, il quitte les ordres et s’installe au Massachusetts avec Clotilde Lacroix. Il est successivement typographe chez un éditeur puis correcteur d’épreuves à l’imprimerie de Harvard. Désormais connu sous le nom de Louis Dantin, il ne fera que trois brefs retours au Québec avant sa mort en 1945.

Eugène Seers a publié des textes ici et là sous divers pseudonymes. En 1932, il regroupe quelques-uns de ses poèmes dans Coffret de Crusoé, dont « La mort de Champlain » (25 décembre 1635), publié initialement, sous le pseudonyme Serge Usène, dans Les fleurs de la charité, organe du Patronage de Saint-Vincent de Paul, en novembre 1898.

Bernard Racine (1925-2017)

Bernard Racine est décédé à Québec le 23 octobre (http://www.fcfq.coop/avis-de-deces/bernard-racine-145607/).

Premier reporter français de la Presse canadienne, il y a travaillé 27 ans, dont 18 comme correspondant parlementaire à Québec.

RacineBernard-4dbJe l’ai souvent rencontré dans les corridors de l’Hôtel du Parlement, surtout qu’il s’intéressait beaucoup à l’histoire et fut un certain temps éditeur du bulletin de la Société historique de Québec, fonction que j’ai occupée aussi vingt ans plus tard.

Au début de décembre 1988, je lui ai donné un exemplaire de L’Année des Anglais, mon premier livre au Septentrion et le deuxième de cette maison d’édition, après celui de Léon Balcer. (https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/annee-des-anglais-ne-l)

J’espérais bien qu’il me fasse une recension. « Je vais en parler, mais pas tout de suite », qu’il me répond. J’étais déçu, on était dans la période des cadeaux de Noël, mais le gars connaissait son métier. Il écrivit son article et le laissa sur le coin du bureau plusieurs semaines. En janvier, dans le creux des nouvelles, le texte fut mis sur le fil de presse, quatre quotidiens l’ont reproduit (ce qui n’était pas courant pour un livre d’histoire régionale) et le livre resta longtemps « positif » dans les rapports du distributeur (plus de ventes que de retours).

Merci, monsieur Racine!

Amherst et la variole

(Mon collègue Denis Vaugeois a rédigé, sur Amherst et la variole, un article que Le Devoir n’a pas jugé suffisamment intéressant pour ses pages; il a demandé l’hospitalité de mon blogue pour diffuser ce texte qui n’engage que son auteur. )

 Pauvre Amherst! La capitulation de Montréal le 8 septembre 1760 l’avait couvert de gloire. Il avait triomphé des forces françaises en Amérique du Nord. Dans le texte de la capitulation, il avait imposé ses quatre volontés. Tout lui semblait sous contrôle, lui qui avait le sens du détail, il n’avait rien oublié. Il ne lui restait qu’à attendre la signature du traité de Paris qui confirmerait la cession de la Nouvelle-France. Et voilà que le bruit d’une agitation dans la région des Grands Lacs lui parvenait. Londres commençait à s’inquiéter. On ne comprenait pas que quelques bandes d’Indiens puissent tenir tête au général Amherst.

Amherst

Les victoires des Indiens sous la conduite du chef Pontiac et le soutien discret de quelques Canadiens s’accumulaient. Le colonel Henry Bouquet en poste dans la région n’avait que de mauvaises nouvelles. Pour ajouter aux difficultés, il signala en juin 1763 l’apparition de la variole dans la garnison. Le 7 juillet, Amherst ajoutait un post-scriptum : « could it not contrived to send the small pox among those disaffected tribes of Indians? We must, on this occasion, use every stratagem in our power to deduce them » (Ne devrait-on pas répandre la variole parmi les Indiens? Et recourir à tous les moyens à notre disposition pour les éliminer). Le 13 juillet, Bouquet se dit prêt à passer à l’action « and take care not to get the disease myself ». Il est en effet inquiet pour lui-même. Trois jours plus tard, Amherst lui demande « to try to inoculate the Indians by means of blankets […] to extirpate this Execrable race ».

Pendant que Bouquet et Amherst s’écrivaient, d’autres militaires étaient passés à l’action.

Le 24 juin 1763, le commandant Simon L’Écuyer avait remis à des chefs indiens deux couvertures et un mouchoir infecté. « J’espère que cela aura l’effet désiré », écrivait-il à Bouquet peu après.

La variole était déjà présente dans la région et on ne saura jamais quel impact aura le cadeau empoisonné de L’Écuyer.

Mais le « pire », si on peut dire, est à venir. La British Library conserve les Bouquet papers (ADD.21654F168) parmi lesquels se trouve une réclamation pour les frais encourus pendant le siège de Fort Pitt où se passe l’essentiel de cet épisode.

Fort_Pitt,_1759

Les marchandises contaminées y figurent pour une valeur de 2 livres, 13 shillings et 6 pence. Le quartier-maître L.S. Ourry refuse des frais de transport et le remboursement de chandelles mais accepte le reste pour un total de 58 livres. Thomas Gage, successeur d’Amherst, autorise le paiement. La facture indique clairement qu’il s’agit de « sundry which were taken from people in the hospital to convey the small pox to the Indians ». Rappelons qu’il y a un « Chemin Gage » près de le rue Côte-des-Neiges.

La variole contre des frères de sang

Il y a beaucoup à dire sur les maladies apportées en Amérique par les Européens. L’épisode de Fort Pitt est une bien faible illustration des ravages inouïs causés par la variole. Les militaires avaient à composer avec cette maladie et plusieurs ont eu l’idée de s’en servir comme « arme de destruction massive » et pas seulement contre les autochtones.

En 1775, au tout début de la guerre d’indépendance, la variole réapparut autour de Boston alors occupée par des troupes britanniques. En mars 1776, celles-ci évacuaient la ville. Depuis des semaines, Washington soupçonnait l’ennemi de chercher à répandre la contagion. Prudent, il fait occuper la ville par une troupe d’un millier de soldats qui avaient été inoculés. À l’été, une forte épidémie y faisait rage.

Washington qui connaissait cette maladie, pour l’avoir eu à l’âge de 19 ans, mena de front la lutte aux Britanniques et à la variole. Celle-ci lui paraissait une plus grande menace que « the sword of the Enemy », le glaive ennemi. Malgré l’avis de ses médecins, il eut recours à un procédé assez primitif de variolisation appliquée à ses jeunes recrues. Au moment de les inscrire, on leur remettait un uniforme, un fusil et la variole à petite dose. La suite lui donnera raison.

Une vraie arme de destruction massive

Ce sont des médecins de Bagdad qui furent parmi les premiers à étudier cette maladie. Cette connaissance a été conservée de même que possiblement une souche de la variole.

Sous l’œil attentif du médecin officiel de la Maison Blanche, le docteur Richard Tubb, le président des États-Unis, George W. Bush, a reçu, à midi quinze, samedi le 21 décembre 2002, le vaccin contre la variole. La nouvelle a fait le tour de la planète. C’est un autre aspect de la mondialisation.

Une semaine plus tôt, le président Bush avait annoncé tout un plan de vaccination obligatoire pour plus d’un demi-million de soldats américains.

La variole a vidé l’Amérique de ses premiers occupants. Une nouvelle menace variolique serait un triste retour du pendule. Les Américains le savent, d’autres en ont l’intuition. Cette fois, les habitants de la planète entière sont comme les Indiens de 1492. Ils ne sont pas immunisés contre la variole. Sauf les plus âgés, ils ne l’ont jamais eue. La variole a été déclarée éradiquée en 1980, mais des souches subsistent, ce qui ouvre la porte à une possible épidémie mondiale. Pauvres de nous!