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L’auteur du «Noël des petits oiseaux» était un drôle de moineau

(Mis à jour le 9 décembre 2019)

J’ai longtemps cherché des interprétations de ce chant de Noël dont on retrouve les paroles dans les cahiers de la Bonne chanson, mais qui a eu très peu d’interprètes sur disque. C’est finalement chez Sillons, rue Cartier (une bonne adresse disparue…) que j’ai, non pas trouvé, mais commandé un disque français repéré sur Internet, plus précisément un coffret de cinq disques, intitulé Vive Noël!, qui comprend le Noël des petits oiseaux, paroles de Camille Soubise et musique de Charles Pourny, chanté par Jacques de Mersan. Ces disques m’ont fait découvrir de nombreuses chansons de Noël inconnues ici.

OIseaux

Rarement interprété sur disque, le Noël des petits oiseaux était aussi peu fréquent sur Internet, au moment de la première version de ce texte, et les rares prestations étaient peu impressionnantes. On le trouvait accompagné de diaporamas plutôt kitsch (https://www.youtube.com/watch?v=XGO1Sx5VZ0U), interprété par une chorale mal filmée (https://www.youtube.com/watch?v=_sz5O0e7a2U) ou par un ténor correct qui devrait cependant suivre son texte (https://www.youtube.com/watch?v=58h4mhbs6yA). Il y avait aussi  la sympathique interprétation de Passe-Partout (https://www.youtube.com/watch?v=gMQ_gA8_32Q).

Aujourd’hui, on a plus de choix avec l’interprétation de Mersan (https://www.youtube.com/watch?v=1JNTAOUOVgQ) et celle de Fabienne Thibeault (https://www.youtube.com/watch?v=jE4v0cyHZwg), entre autres.

Aucun des interprètes ne donne au complet le texte de Camille Soubise qui, pour tout dire, n’est pas vraiment Soubise, comme Francis Sartorius l’a révélé en 2000 dans un article (« La métamorphose d’un aventurier des lettres » publié dans la revue Histoires littéraires) dont on trouve l’essentiel sur le site du cimetière du Père-Lachaise (http://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=2470).

Soubise-portrait

Né à Perwez (Belgique) en 1833, Camille Soubise s’appelait en fait Alphonse Vanden Camp, nom sous lequel il a été légitimé en 1840 par le mariage d’Adolphine Raynaud avec Jean-Baptiste Vanden Camp. Il a 19 ans quand il lance un premier journal, une feuille hostile aux élites (clergé et noblesse) et proche des idées socialistes de Fourier. En 1856, il devient rédacteur en chef du Libre Penseur et collabore à différents journaux sous divers pseudonymes.

Plusieurs motifs pourraient expliquer son départ pour Paris. Il semble avoir été condamné par défaut à cinq ans de prison en 1864, puis à six mois pour port public de faux nom;  il divorce ensuite en 1867 ou 1868. À Paris,  il se serait aussi compromis dans des affaires douteuses. Pour gagner sa vie, celui qui s’identifie maintenant sous le nom de « du Camp » propose des textes aux éditeurs de chansons populaires. C’est sous le nom de Camille Soubise (pour éviter d’être confondu avec l’auteur Maxime du Camp) qu’il se fait connaître avec un de ses grands succès, la fameuse Chanson des blés d’or (https://www.youtube.com/watch?v=eJYWaZNc7Lo). 

À Paris, c’est bientôt l’insurrection de la Commune contre le régime de Napoléon III et notre homme devient membre du Comité central de la Garde nationale puis membre du Conseil de la XVIIe légion fédérée et secrétaire de la Commission municipale du XVIIe arrondissement. Encore là, les ennuis le courent. Arrêté pour fraude, il parvient à se disculper; soupçonné d’être un mouchard, il est sauvé par la chute de la Commune; recherché par l’armée versaillaise et condamné par contumace à la déportation, il resurgit, comparaît en 1873 et réussit à se faire acquitter.

Vanden Camp regagne alors Bruxelles où il s’adonne encore au journalisme et se retrouve encore devant les tribunaux. Il est condamné en 1874 à trois mois de prison pour usage de faux noms, malgré ses tentatives de se présenter… sous une autre identité !

En 1879, il retourne à Paris où il gagnera sa vie en composant le texte de nombreuses chansons, dont le Noël des petits oiseaux, probablement en 1880, et l’une des plus célèbres romances sur le thème de la perte de l’Alsace-Lorraine, C’est un oiseau qui vient de France (https://www.youtube.com/watch?v=T_JQR2I9L50),  un thème qui ne correspondait pas vraiment à ses convictions anarchistes… En 1887, il lance une éphémère revue littéraire et artistique, La Muse française. En 1892, il publie un recueil de poésies, Les Lunes bleues, toujours signé Camille Soubise, le nom sous lequel il était désormais connu et qui paraîtra sur le faire-part de son décès en 1901. Il laissait dans le deuil Marie Buisson, avec qui il avait régularisé sa relation en 1897, légitimant du même coup deux filles nées respectivement en 1871 et 1873.

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Noël des petits oiseaux

(paroles tirées de La Bonne Chanson, troisième cahier, page 119)

Les verts sapins de la vallée,
Ce soir sont habillés de blanc,
Car de Noël c’est la veillée,
Et minuit s’avance à pas lents.
Plus d’un petit oiseau frissonne,
Car il a neigé sur les toits;
Mais chut! voici l’heure qui sonne!,
Entendez-vous ces douces voix?

(Ref.) Il est minuit et Jésus vient de naître,
Pour protéger les nids et les berceaux.
Le ciel est bleu, le printemps va renaître…
Noël! Noël! pour les petits oiseaux! (bis)

Merles pinsons, bergeronnettes,
Se réveillant tous à la fois,
Comme au bon temps des pâquerettes,
Soudain font retentir les bois!
Voyant que la neige étincelle,
Et que l’étoile brille aux cieux,
Ces chers mignons battant de l’aile,
Redisent dans leurs chants joyeux :

(Ref.)

Les roitelets, les rouges-gorges,
Quittant les toits et les buissons,
Gazouillant comme au temps des orges
Et l’air était plein de chansons!
Puis, croyant au réveil du monde,
Et préparant déjà leurs nids,
Ils cherchaient de la laine blonde
Pour abriter tous leurs petits!

(Ref.)

Mais tout à coup, la nuit s’achève,
Voici l’aurore au front vermeil!
Et ne sachant si c’est un rêve,
Chacun se dit « Quel doux soleil! »
Car Noël sur les plaines blanches
A fait luire un beau rayon d’or!
Puis sous les toits et sur les branches
On entend gazouiller encor :

(Ref. final)
L’ombre s’enfuit, le jour vient de paraître,
Pour éclairer les nids et les berceaux!
Le ciel est bleu le printemps va renaître…
Noël! Noël! pour les petits oiseaux! (bis)

Le travail dominical en France : ce n’est pas réglé ?

Le débat fait rage en France depuis la présentation de la « loi Macron » (du nom du ministre de l’Économie) en conseil des ministres au début de décembre. Le premier ministre, citant le président, l’a décrite comme « une loi de progrès et de liberté », conçue pour « créer et développer l’attractivité ».

Il s’agit en fait d’une loi fourre-tout visant à guérir la France de quelques maladies dont la défiance, la complexité et le corporatisme. Une de ses dispositions consiste à assouplir le travail dominical : les commerces pourront travailler cinq dimanches par an sans autorisation spéciale, et jusqu’à douze au total, sur autorisation des mairies. Dans les zones touristiques internationales, l’ouverture sera autorisée jusqu’à minuit. Nouveauté introduite par le Conseil d’État avant la présentation du texte en conseil des ministres : toutes les entreprises commerciales devront verser une « compensation salariale » pour les employés travaillant le dimanche. (http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/12/08/travail-du-dimanche-autocars-professions-reglementees-qu-y-a-t-il-dans-la-loi-macron_4536498_4355770.html#34A0tWEueuqtYGCc.99)

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Voilà qui en étonnera plus d’un (et le soussigné fera lui-même semblant de l’être…) puisqu’il y a 25 ans, quand nous sommes nous-mêmes entrés dans l’ère dite « de progrès et de liberté », on nous chantait sur tous les tons qu’il fallait nous décoincer et faire comme « tout le monde » en Europe. Il se trouvait plusieurs observateurs, surtout chez les journalistes des grands quotidiens (qui travaillaient souvent 4 jours semaines…), pour dire qu’il s’agissait d’un débat d’attardés, que « seuls les Québécois » pouvaient faire de cette question un « débat de société », etc.

Nous étions en retard, paraît-il, alors que notre société était parfaitement normale puisque la question du travail dominical a soulevé des débats dans de nombreux pays occidentaux et que nombre d’entre eux l’interdisent encore ou lui posent de sévères restrictions. (http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Le-travail-du-dimanche-en-Europe-une-situation-contrastee-2014-11-27-1270926)

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En France comme ailleurs, l’assouplissement de la législation concernant le travail dominical suscite la controverse et la réprobation des syndicats, notamment. Selon un sondage qui vient de paraître, six Français sur dix (62%) seraient favorables à l’ouverture des magasins le dimanche, soit 28% tout à fait favorables, 34% plutôt favorables, contre 38% qui y sont opposés, dont 16% tout à fait opposés, mais le même sondage révèle que les Français sont aussi en nette majorité (60%) en désaccord avec l’idée de travailler eux-mêmes le dimanche, une opposition en hausse par rapport à l’an dernier (+4 points). (http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/travail-dominical-une-majorite-de-francais-pour-mais-pas-pour-eux-memes-04-12-2014-4347617.php)

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Le député de l’Essonne et maire d’Yerres, Nicolas-Dupont-Aignan, est de ceux qui s’opposent au travail dominical et qui mesurent bien l’hypocrisie (pour le travail dominical des autres…):

« Hormis quelques zones touristiques, sa généralisation à grande échelle déstructurerait un peu plus notre société et détruirait au moins autant d’emplois qu’elle en créerait. Des milliers d’emplois durables, bien répartis sur le territoire national dans les petits commerces qui n’ont pas les moyens d’ouvrir sept jours sur sept, disparaîtraient, remplacés par des jobs à temps partiel dans la grande distribution. Mais, plus grave, on fabriquerait une France à deux vitesses. D’un côté, ceux qui peuvent consommer le dimanche, et, de l’autre, ceux qui sont condamnés, faute de mieux, à travailler pour les servir. » (http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Moi-president-Nicolas-Dupont-Aignan-non-au-travail-dominical-674220)

 

 

Mourir au mauvais moment

On dit que la mort est la seule chose juste en ce bas monde mais, encore là, il existe une hiérarchie dans la disparition surtout chez ce qu’on appelle les « personnalités ». Le monologuiste Gilles Pellerin, fort populaire à son époque, a eu le malheur de mourir un jour avant Elvis Presley. Son départ n’a pas fait de bruit. Dix ans plus tard, un grand « favori des dames », Yoland Guérard, mourait juste après René Lévesque.

Depuis une dizaine de jours, les départs se sont précipités dans le monde artistique, un décès chassant l’autre : Françoise Gratton, Picolo, Muriel Millard, … et même cette « reine du music-hall » a dû laisser toute la scène à Jean Béliveau.

Un autre grand Québécois a été éclipsé en mourant le même jour que le « Numéro 4 ». Décédé le 2 décembre, André Laurin méritait mieux, dans les médias d’information générale, qu’un simple texte du Soleil perdu en fin de journal (http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/consommation/201412/03/01-4824974-andre-laurin-1926-2014-un-grand-defenseur-des-consommateurs-seteint.php) et une lettre de lecteur au Devoir (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/426229/andre-laurin-utopiste), …

Du hautbois au budget familial

Né en 1926, dans une famille aisée de Québec, André Laurin aurait été hautboïste, n’eût été la tuberculose qui lui a littéralement coupé le souffle. Il se retrouve plutôt au comptoir postal de la Compagnie Paquet dont sa mère avait hérité du fondateur, Zéphirin Paquet.

Sensibilisé à la misère des petites gens en accompagnant son père médecin puis en s’engageant dans la société Saint-Vincent-de-Paul dès son adolescence, André Laurin s’intéresse au problème de l’endettement et réussit à redresser la situation de la première famille pauvre qui lui est confiée en lui faisant établir et respecter un budget. Sa tentative pour associer le mouvement Desjardins à une action concertée pour réduire l’endettement est reçue plus que froidement et il se tourne vers la Confédération des syndicats nationaux (CSN) où il crée le service budgétaire familial en 1962. Il se trouvait alors dans une situation paradoxale car la Compagnie Paquet avait contesté la formule Rand jusqu’en Cour suprême!

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Laurin s’attaque aux « compagnies de finance » qui régnaient alors en l’absence de toute réglementation sérieuse protégeant les consommateurs. À Chicoutimi, en particulier, comme le rappelle le président de la CSN, malgré les menaces de poursuites, il mène « une lutte acharnée contre les requins de la finance qui égorgeaient littéralement les travailleurs et leurs familles ». Dans plus de 200 procès, il prouve l’illégalité des contrats de vente à tempérament et des taux d’intérêt exigés par Household Finance et compagnie.

Un réformateur imaginatif

À cette époque où les citoyens trouvaient naturellement des solutions à leurs besoins dans l’action communautaire, André Laurin se consacre à la mise sur pied d’outils neufs. Les caisses populaires établies sur une base paroissiale ne lui semblant pas une formule adéquate pour rejoindre les travailleurs, il inspire et contribue à mettre en place une centaine de caisses d’économie au sein de grandes entreprises. Il imagine ensuite un nouveau genre d’outil communautaire, les associations coopératives d’économie familiale, à la fois centre de dépannage et d’éducation populaire, groupes de pression politique et « réseau de coopératives qui prendrait d’assaut les marchés de la consommation de l’habitation de l’automobile, des produits pétroliers, de l’alimentation, etc. »

André Laurin jouera un rôle déterminant dans la mise en place de la première loi sur la protection du consommateur, de l’Aide juridique et de la SAAQ, mais sa grande réalisation se situe en 1971, avec la création de la Caisse d’économie des travailleurs réunis de Québec, une institution innovante qui a fait un peu de bruit car elle optait pour une approche plus collective que les traditionnels services d’épargne et de crédit aux particuliers. Au lieu de viser le meilleur taux d’intérêt sur les dépôts, elle va plutôt mettre en place des services collectifs comme l’achat en groupe de mazout pour le chauffage domestique. Les membres (syndicats et syndiqués) conviennent de placer une partie de leurs épargnes dans des comptes sans intérêts, et ces fonds sont ensuite prêtés à un très faible taux pour la construction de coopératives d’habitation et sans intérêts pour les travailleurs en grève. Laurin est traité de fou (et d’hérétique par les dirigeants des caisses populaires) mais cette coopérative créée avec quelques milliers de dollars affiche aujourd’hui un volume d’affaires d’un 1,5 milliard$ et s’appelle la Caisse d’économie solidaire… Desjardins.

***

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Peu connu du grand public, et mort au mauvais moment, André Laurin était une sorte de Michel Chartrand « tempéré » : il n’a pas eu le même « retentissement » que le syndicaliste de Montréal mais il n’avait rien à lui envier sur le plan de l’engagement, des convictions et surtout des réalisations.

La société québécoise, heureusement, a reconnu les mérites de ce réformateur dérangeant. André Laurin a reçu le premier Prix annuel de la protection du consommateur (2003) et le Prix de la justice (2009). Il a été fait chevalier de l’Ordre national du Québec (2012) et l’Université Laval lui a décerné un doctorat honoris causa en science de la consommation (2014).

(Sur André Laurin, une grande entrevue en deux parties sur https://www.youtube.com/watch?v=xLiexBW2cjk)

Les vestiges de l’hôpital Jeffery Hale

Les Immeubles Jeffrey Hale qui appartiennent à la société Immeuble populaire de Québec inc. (1977) sur le boulevard René-Lévesque sont les deux plus anciens pavillons qui restent de l’hôpital Jeffery Hale.

Le Répertoire du patrimoine culturel décrit ainsi les bâtiments  qui portent les numéros civiques 250 et 300:

« Le pavillon principal [250] est érigé en 1900 et 1901. Il s’agit d’un édifice en brique rouge, de plan en « T » à deux étages et demi, coiffé d’un toit à croupes. Sa façade antérieure comprend un avant-corps central coiffé d’un toit en pavillon, doté d’une imposante lucarne et flanqué de tours légèrement en saillie à toit pyramidal. Construit de 1904 à 1906, le McKenzie Memorial Building [300] est un édifice en brique rouge, de plan en « L » à trois étages, coiffé d’un toit plat et d’un dôme central. L’avant-corps central de la façade antérieure est couronné d’un fronton flanqué de tours coiffées d’un petit dôme et est doté d’un porche semi-circulaire ». (http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92959&type=bien#.VG-uP2d0yM8)

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Ancien hôpital Jeffery-Hale, 250, boul. René-Lévesque est. Photo Christian Lemire 2007, © Ministère de la Culture et des Communications.

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McKenzie Memorial Building de l’ancien hôpital Jeffery-Hale, 300, boul. René-Lévesque est. Photo Christian Lemire 2007, © Ministère de la Culture et des Communications

Le Répertoire du patrimoine culturel fournit aussi des indications sur les architectes et le style des bâtiments :

« Les deux bâtiments ont été érigés d’après les plans des architectes montréalais Alfred Arthur Cox (1860-1944) et Louis-Auguste Amos (1869-1948). Ils témoignent de l’influence de courants architecturaux en vogue au début du XXe siècle. En effet, le pavillon principal et le McKenzie Memorial Building, dont l’organisation est conçue dans l’esprit Beaux-arts, présentent un volume fonctionnel et une ornementation puisant dans différents styles. Élevé en 1900 et 1901, le pavillon principal illustre l’influence néo-Queen Anne, entre autres par l’usage décoratif de la brique, le jeu des couleurs, les lucarnes à la hollandaise et les tours à toit pyramidal. Le McKenzie Memorial Building, construit de 1904 à 1906, ajoute une note néo-baroque, notamment par son imposant dôme ainsi que par son avant-corps central couronné d’un fronton et flanqué de tours coiffées d’un petit dôme. Les deux pavillons, grâce à leur implantation et à leurs similitudes de volume, de composition et de matériaux, forment un ensemble monumental remarquable. Avec l’ancienne résidence des infirmières, ils sont aujourd’hui intégrés à un complexe résidentiel qui dénote un effort d’intégration des immeubles récents. Ils constituent encore un élément fort du paysage urbain ». (http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92959&type=bien#.VHJ7VWd0yM)

Les origines du « Jeff »

(Les informations qui suivent sont essentiellement tirées de l’ouvrage d’Alain Gelly, Centre hospitalier Jeffery Hale’s Hospital Centre, 1865-1990, Québec, 1990, 188 p., ill.)

L’hôpital québécois désigné communément sous le nom de « Jeff » est fondé en 1865 et reçoit son premier patient en 1867. Il était alors situé sur la rue Saint-Olivier, à l’angle de Des Glacis et avait été nommé en l’honneur d’un important marchand de Québec, Jeffery Hale (sur Hale, voir le Dictionnaire biographique du Canada en ligne http://www.biographi.ca/en/bio.php?id_nbr=4474)


Un nouvel emplacement

En 1895, désireux de donner plus d’envergure à l’établissement, le Bureau des gouverneurs achète un vaste terrain situé dans le quadrilatère formé par les rues Saint-Cyrille (auj. René-Lévesque), Notre-Dame du Précieux-Sang (Turnbull), Lockwell et Claire-Fontaine. La propriété comprend des bâtiments de ferme ainsi que l’une des tours Martello construite entre 1805 et 1810.

« Le choix de ce terrain est dû en grande partie à la décision des autorités du Jeffery Hale’s Hospital de construire un hôpital de type pavillonnaire, c’est-à-dire un hôpital où les bâtiments sont isolés les uns des autres afin « de limiter le transport des germes, bactéries et [améliorer] les conditions antiseptiques » […]. (Gelly, p. 42)

« Les contraintes monétaires feront que ces bâtiments seront construits à plusieurs années d’intervalle et sans véritable plan directeur. Cette situation explique, en grande partie, pourquoi les bâtiments sont disposés de manière asymétrique et sans aucune uniformité architecturale. Malgré tout, les administrateurs réussiront à allouer une fonction spécifique à chaque bâtiment et à les isoler les uns des autres. Cette persévérance dotera Québec de son seul hôpital de type pavillonnaire ». (Gelly, p. 68)

Le bâtiment principal

Le bâtiment principal, le premier construit, est celui qui se trouve toujours sur le coin Turnbull-René-Lévesque (numéro civique 250). Il doit regrouper « tous les cas généraux et les bureaux de l’administration ». La construction débute en 1900 et l’inauguration a lieu le 12 juin 1901. De part et d’autre de la porte principale, des cartouches indiquent le début la construction : « Anno domine » et « MDCCCC » (1900).

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Le bâtiment principal de l’hôpital Jeffery Hale et la tour Martello no 3. BANQ-Québec, P546,D3,P31, photo Fred C. Würtele, août 1904. Pour une description, voir Quebec Chronicle, 13 juin 1901, p. 4.

Le « pavillon des contagieux »

L’année suivante, on commence la construction du « pavillon d’isolation afin de permettre la mise en quarantaine des personnes atteintes de la fièvre scarlatine et de la diphtérie ». Le « pavillon des contagieux » aurait été terminé en 1903. Il était érigé au coin de Turnbull et Lockwell. C’est le site de l’actuel Centre d’hébergement Le Faubourg, 925, avenue Turnbull.

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Le « quartier des infections », ou « pavillon des contagieux », de l’hôpital Jeffery Hale à l’angle de l’avenue Turnbull et de la rue Lockwell. BANQ, P546,D3,P32, photo Fred C. Würtele, août 1904.

Le pavillon Mackenzie

Ces pavillons sont à peine occupés que Mme Elizabeth MacKenzie-Turnbull lègue 75 000$ pour la construction d’un nouveau pavillon en posant comme condition que ce bâtiment porte le nom de ses parents, comme l’indique une inscription au fronton central : « Erected and endowed in memory of her beloved parents by Mrs J.F. Turnbull » (Érigé et doté en mémoire de ses parents bienaimés par madame J. F. Turnbull).

JHale-1910c-03Q_P546D3P58Le MacKenzie Memorial Building, à droite, et le bâtiment principal. BANQ, P546,D3,P58, photo Fred C. Würtele, vers 1910). Pour une description, voir Quebec Chronicle, 25 septembre 1906, p. 4.

La construction débute en 1904 et l’inauguration a lieu le 24 septembre 1906. Le bâtiment comprend une maternité une salle pour les incurables et des logements pour les infirmières. Il s’agit de l’édifice qui porte aujourd’hui le numéro civique 300, boul. René-Lévesque.

La tour Martello a été démolie à cette époque comme le démontre une photo prise en 1904.

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Démolition de la tour Martello no 3 en 1904. BANQ-Québec, Fonds Fred C. Würtele, P546,D5,P29.

Le pavillon Douglas et la centrale d’énergie

Au printemps 1915, la construction d’un nouveau bâtiment débute à la suite d’une vaste campagne de souscription publique pour doter les anglophones d’un hôpital pour les tuberculeux et surtout grâce à un don exceptionnel du Dr James Douglas. La guerre retarde cependant les travaux, Le « James Douglas Tuberculosis Wards », nommé en l’honneur du généreux donateur, n’ouvre ses portes au public que le 11 février 1918. Conçu par l’architecte Thomas Reid Peacock (voir à son sujet le texte de J.-F. Caron dans Québecensia, novembre 2013), il est situé dans la partie est du quadrilatère, environ à mi-chemin entre Saint-Cyrille (René-Lévesque) et Lockwell, là où se trouve aujourd’hui un complexe immobilier géré par l’OMHQ (920, Claire-Fontaine, construit en 1986).

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Les bâtiments du Jeffery Hale en 1923. BANQ, 3851855_030.

Construite simultanément, une centrale (« central heating plant » ou « Power House ») pouvant répondre aux besoins de l’hôpital commence à fonctionner durant l’hiver 1917-1918. Elle se trouvait dans la partie sud du quadrilatère, là où se dresse aujourd’hui un autre immeuble à logements géré par l’OMHQ (385, Lockwell, construit en 1982).

La résidence des infirmières

Après l’ouverture du « James Douglas Tuberculosis Wards », le développement de l’institution fait une pause. En 1927, une chapelle est inaugurée pour les infirmières résidantes et dédiée à Saint-Barnabé, leur saint patron. Mais, elles ont surtout besoin d’espace pour leur école ouverte en 1901 (la première à Québec).

Encore une fois, c’est un mécène, Frank W. Ross, qui offre 50 000$ pour doter l’hôpital d’une école et d’un lieu de résidence pour les infirmières. Les travaux débutent en 1931 et le bâtiment est inauguré officiellement lors de la cérémonie de collation des diplômes des infirmières le 6 octobre 1932 . Il est toujours debout, au centre du vaste quadrilatère, actuellement propriété de la Coopérative d’habitation Claire-Fontaine (945, Turnbull).

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Le Jeffery Hale vers 1950. Archives de la ville de Québec, no 9815. Copie tirée d’un imprimé.

Ce sera la dernière construction pour l’hôpital Jeffery Hale dans ce quadrilatère. Au lieu d’essayer de rénover les plus anciens bâtiments, les gouverneurs décideront de repartir en neuf, sur un nouvel emplacement (1250, chemin Sainte-Foy) où le « Jeff » qu’on connaît aujourd’hui est ouvert en 1956.

Acquisition de l’hôpital par le gouvernement et destin des bâtiments

Le 2 février 1956, le gouvernement prend possession des anciens bâtiments (Voir la carte de 1957). Après des travaux de rénovation, le bâtiment principal et le pavillon MacKenzie sont occupés par la Sûreté du Québec, jusqu’au milieu des années 1970 puis achetés en 1980 par la Société d’habitation du Québec afin d’être transformés en logements sociaux.

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Le quadrilatère du Jeffery Hale au moment de l’acquisition par le gouvernement. BANQ, carte de 1957, 03Q_P600S6D1P0032.

Le pavillon Douglas sera utilisé par la Cour du Bien-être social puis par divers organismes. Ravagé par un incendie au début des années 1980, il est démoli pour permettre la construction d’un édifice à logement, tel que mentionné ci-dessus, au 920, Claire-Fontaine (sur ce sujet voir la revue Continuité, hiver 1983, été 1984 et été 1985).

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Vue aérienne récente du quadrilatère (Google Maps).

Œil au beurre noir pour la démocratie municipale

Quelques semaines ont passé et il faut bien se rendre à l’évidence que les accrocs à la démocratie ne font mourir personne à Québec.

En réaction à la lettre que lui avait adressée la conseillère Anne Guérette pour protester contre certainspropos du maire de Québec, la présidente du conseil municipal a soutenu en point de presse qu’elle n’avait pas entendu les propos en question et elle a promis qu’elle serait « intraitable » dès qu’elle entendra des « propos personnels volontairement irrespectueux et disgracieux dirigés vers un membre du conseil ».

Il n’y aurait rien à redire sur cette réaction si la présidente du conseil n’avait pas été « étrangement » (selon le mot du Journal de Québec- http://www.journaldequebec.com/2014/11/06/la-presidente-du-conseil-repond-a-guerette) accompagnée de deux conseillères « qui n’ont pas épargné Anne Guérette », ce qui a créé un « certain malaise  » (http://www.quebechebdo.com/Actualites/Politique/2014-11-06/article-3931266/Faux-pas-de-la-presidente-du-conseil-municipal%3F/1).

« Faux pas de la présidente du conseil municipal? », se demandait timidement Québec-Hebdo. Il n’appartenait évidemment pas aux reporters de jouer les analystes sur la scène municipale et ces derniers, manquant de temps, d’espace, voire de sensibilité envers les institutions démocratiques, sont restés dans les coulisses.

On ne peut tout de même pas enterrer aussi facilement cet incident qui entache gravement la présidence conseil.

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C’est peut-être faire beaucoup d’honneurs à la titulaire actuelle de la fonction que de la comparer au président de l’Assemblée nationale, mais peut-on imaginer ce dernier réagir publiquement à une plainte d’un député de l’opposition flanqué de deux députés ministériels pour appuyer sa position? Ou, pour prendre un exemple d’un niveau qui passera mieux à Québec, verrait-on un arbitre de hockey rejeter le protêt d’un entraîneur en appelant des joueurs du camp adverse en renfort?

On savait déjà que la présidence du conseil municipal ne respectait pas les standards de neutralité que la présidence des assemblées parlementaires a atteints et maintenus depuis l’époque de Duplessis. On sait maintenant que même les apparences d’impartialité se sont évanouies.