Les rares médias qui ont annoncé la parution de la biographie de Trudeau par John English (Trudeau, citoyen du monde, Tome 1 : 1919-1968, Montréal, Éditions de l’Homme, 2006, 544 p.) ont naturellement souligné que cet ouvrage explorait des facettes intimes de l’ancien premier ministre et révélait qu’il n’avait pas eu de relations sexuelles avant l’âge de 27 ans. On rappellera pour la petite histoire que l’une des premières flammes du héros a d’ailleurs eu la surprise d’apprendre que l’auteur avait accès à sa correspondance de jeunesse aux Archives nationales du Canada et la considérait comme la partie la plus intéressante du fonds mis à sa disposition. « Je veux que tu sois femme, lui écrivait Trudeau en 1946. Je ne veux pas que tu sois savante ». Celle qui est devenue ensuite une psychologue réputée y a retrouvé une partie de sa jeunesse et peut-être aussi les raisons pour lesquelles cette idylle avait pris fin.
Professeur d’histoire et de sciences politiques à l’Université de Waterloo, John English a eu le privilège de consulter une documentation exceptionnelle (dont le journal et la correspondance intimes de Trudeau, et même ses notes de frais chez le psychiatre). La biographie qu’il en a tirée se démarquera longtemps de tout ce qu’on a écrit sur le même sujet jusqu’à maintenant. Il est d’ailleurs étonnant que cet ouvrage ait attiré si peu de commentaires au Québec.
Ce premier tome porte sur Trudeau avant 1968. English nous montre un personnage qui, à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, épousait la cause d’un État catholique français et indépendant ; il « était non seulement antiguerre et antilibéral, mais également secret et très nationaliste ; du moins à cette époque, il était même séparatiste, voire radical ». Membre de la « cellule révolutionnaire secrète » appelée « Les Frères-Chasseurs », il participe à des manifestations qui prennent des airs antisémites. Lors de la campagne électorale pour Drapeau dans Outremont, il prononce un discours carrément xénophobe et la lettre qu’il écrit pour expliquer la défaite de son candidat n’est pas très loin des propos de Parizeau en 1995. Dans ses mémoires, Trudeau se décrivait pourtant comme un antinationaliste de toujours. English estime que ces propos « relèvent, au mieux, de l’hypocrisie » ; ailleurs, il constate que Trudeau « cacha la vérité ». S’agit-il ici des réflexes d’un auteur qui a siégé à Ottawa et appris à contourner les expressions antiparlementaires ? Ne peut-on pas conclure simplement que Trudeau a menti sur son passé ?
(à suivre)
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Hérouxville et les médias
Dans la Presse du 7 février, une journaliste a amorcé un article traitant des divergences entre les villages voisins d’Hérouxville avec le « lead » approprié (qui, quoi, quand, etc.) pour ensuite rappeler le contexte dans les termes suivants: « Le code d’Hérouxville, adopté à la fin du mois de janvier, bannit notamment la lapidation, l’excision et l’immolation des femmes sur son territoire…. ».
Voilà comment cet article (à la suite de nombreux autres) « résume » le contenu du Code pour le bénéfice du peuple. Ce que cette journaliste a retenu et invite à retenir, ce sont quelques exemples donnés pour illustrer un principe (égalité des hommes et des femmes) qu’elle passe sous silence. Le « résumé » est de plus inexact car le code ne « bannit » pas les actions précitées; il considère » comme hors norme toute action ou tout geste s’inscrivant à l’encontre de ce prononcé [sic], tels le fait de tuer les femmes par lapidation sur la place publique ou en les faisant brûler vives, les brûler avec de l’acide, les exciser etc. » (Je souligne)
On voit bien qu’il s’agit d’exemples (maladroitement exprimés, certes, comme l’ensemble du document, et probablement superflus aussi) donnés après avoir énoncé un principe (« Nous considérons que les hommes et les femmes ont la même valeur ») que je ne crois pas avoir vu nulle part dans les médias. C’est pourtant l’essentiel de la partie du texte qui porte sur les femmes.
Malheureusement, le premier journaliste qui a traité cette affaire est parti sur une « chire » sensationnaliste que le conformisme ambiant a empêché de corriger. En mettant l’emphase sur un simple exemple comme la lapidation, on a laissé entendre (et convaincu une bonne partie de la population) que le conseil municipal de Hérouxville s’immisçait dans le code criminel alors que son Code ne prétend nulle part que ses normes ont une « valeur juridique »: il dit d’ailleurs explicitement au départ que « ces normes résultent des lois municipales, provinciales ou fédérales, toutes démocratiquement votées ». L’introduction dit clairement que c’est un document d’information.
Il faut se poser des questions sur le traitement accordé à ce dossier par les médias qui se comportent souvent comme un banc de poissons. Ils se sont tous fait berner par la fausse pétition de 40 000 noms contre le changement de nom de l’avenue du Parc, se sont ensuite tous énervés frénétiquement sur la TRÈS TRÈS grave affaire Drainville…
Jour de fête?
Une minuscule manifestation dominicale à Montréal. C’est à peu près tout ce qui a souligné le Jour du drapeau le 21 janvier 2007. Quand la SSJB est seule à fêter et que l’État se contente d’un communiqué émis après la fermeture des bureaux le vendredi précédent (et tombé littéralement dans le vide journalistique du week end), on ne s’étonnera pas qu’un sondage vienne révéler que seulement 76% des Québécois considèrent que le fleurdelisé est le drapeau « de tous les Québécois ». Cela en dit long sur la formation civique au Québec.
On ne manque pourtant pas de drapeaux. Ils sont partout, voire banalisés dans la vie quotidienne; ils tapissent les fonds de scène des conférences de presse mais, quand vient le temps de souligner l’essentiel, un fonctionnaire lance un communiqué sur le fil de presse en fermant le bureau pour la fin de semaine.
Avant l’institution du Jour du drapeau dans sa forme actuelle (le 21 janvier), on avait une journée du drapeau en mai. Il arrivait donc que ce jour tombe une journée de session parlementaire, ce qui donnait au moins l’occasion d’UNE activité officielle où les représentants de l’État renouvellaient leur foi envers ce symbole.
En janvier, c’est différent. Il suffirait d’un peu d’imagination pour attirer l’attention. Mais d’abord de la volonté et de la conviction.
La coquille
Avez-vous lu Les exilés de l’anse Mouille-Cul? Non, ce n’est pas un ouvrage érotique. Et oui (pour ceux et celles qui auraient pu penser que ce titre avait été choisi pour son caractère accrocheur), cette anse existe bel et bien dans le parc du Bic et les héros de l’histoire y ont vécu.
(Soit dit en passant, la publication de ce livre a fait gonfler les visites sur le site du Septentrion où ont échoué plusieurs « googleurs » qui cherchaient plus croustillant…!)
Si vous ne l’avez pas lu, il en reste sûrement. Et si vous l’avez lu, vous avez probablement vu la coquille de la page 15.
Un cas classique. La correction de dernière minute. J’avais écrit que Saint-Jean-Port-Joli comptait 56 « feux » en 1774 et on m’a suggéré d’expliquer l’expression. Une correction simple sur le montage: un mot entre parenthèses. Mais « foyers », écrit pourtant lisiblement, est devenu « forges », ce qui fait beaucoup de forgerons dans un village de 250 habitants.
On sait tous, dans le métier, qu’il faut toujours, dans ces circonstances, « vérifier et corriger jusqu’à satisfaction », ce qui n’a pas été fait dans la précipitation des derniers milles de la production.
Mea culpa.
Les parlementaires et l’Histoire
Les députés français ont adopté une proposition qui prévoit une peine d’une année de prison et 45 000 euros d’amende pour toute personne qui nierait que les Arméniens ont été victimes d’un génocide sous l’empire ottoman. Cette proposition doit maintenant être soumise au Sénat, ce qui pourrait prendre plusieurs mois, si jamais la deuxième chambre la prend en considération. En effet, il faut souhaiter que les sénateurs viennent remettre un peu de raison dans un Parlement qui est parti sur une voie totalement irrationnelle. La loi qu’il a adoptée en 2001 pour qualifier de « génocide » les massacres d’Arméniens entre 1915 et 1923 n’était-elle pas déjà de trop ?
Selon une définition officielle, un génocide est l’extermination, physique, intentionnelle, systématique et programmée d’un groupe ethnique, national ou religieux. Quelques génocides ont été reconnus par des instances internationales dépendant de l’ONU mais il existe plusieurs autres dossiers « litigieux ». Sous la rubrique « génocide », l’encyclopédie Wikipédia dresse une liste des « massacres de peuples entiers ont déjà eu lieu dans le passé » et de ceux « dont le caractère génocidaire est discuté ». Au cas où des parlementaires voudraient s’adonner à d’autres exercices de législation mémorielle, voici quelques-uns des cas cités par Wikipédia : « la déportation des Acadiens par les Britanniques sous les ordres du gouverneur Charles Lawrence en 1755 », « l’extermination des Beotuks à Terre-Neuve par les Britanniques », « au Canada, les enfants des aborigènes ont été envoyés, entre 1922 et 1984, dans des écoles résidentielles indiennes […], ce qui conduisit à une mortalité moyenne de 50 %, soit entre 50 000 et 100 000 décès d’enfants en quelques décennies », « le gouverneur Jeffrey Amherst a fait distribuer aux Indiens Delaware en 1763 des couvertures infectées de petite vérole (variole) », « la disparition en quelques décennies des populations autochtones des États-Unis au passage des immigrants ».
Tous ces cas représentent des drames qu’il n’est aucunement question de minimiser ici mais, avant que tout ce monde ne s’engouffre dans le lobby ouvert par la proposition socialiste, il serait peut-être indiqué de se demander si c’est le rôle du Parlement de définir la nature d’un événement historique et de prévoir en plus des peines pour ceux qui ne seront pas d’accord avec son point de vue ? Particulièrement lorsque l’événement s’est produit à l’étranger, hors de sa juridiction ? Si le premier ministre turc vient en France et nie le génocide, le mettra-t-on en prison ?
Sur cette question, on pourrait lire avec profit le petit ouvrage d’Emmanuel Terray intitulé Face aux abus de mémoire. Mais le président Chirac a tout résumé l’an dernier : « Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire. L’écriture de l’Histoire, c’est l’affaire des historiens ».