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La circonscription électorale Côte-du-Sud

Les toponymes Kamouraska, L’Islet et Montmagny sont disparus de la carte électorale du Québec. On ne peut s’en réjouir car ils appartenaient au patrimoine régional. Kamouraska et L’Islet étaient apparus dans la carte électorale de 1829 et la circonscription de Montmagny avait été formée de parties de L’Islet et de Bellechasse en 1853. Plusieurs ont protesté, surtout du côté de Kamouraska, alors que les gens de Montmagny-L’Islet semblent s’être résignés, probablement parce que le nom de la nouvelle circonscription, Côte-du-Sud, leur est plus familier. Le Kamouraska s’identifie davantage au Bas-Saint-Laurent, auquel il appartient administrativement. En fait, il vit bien par lui-même et possède une forte « personnalité » qui survivra aisément au découpage électoral.
La bonne nouvelle est que la Commission de la représentation électorale a refusé de suivre les habitudes outaouaises et d’additionner les noms des circonscriptions fusionnées. Au lieu d’un « Montmagny-L’Islet-Kamouraska », les commissaires ont eu le génie de restaurer une appellation qui est encore plus ancienne puisqu’elle remonte au régime français, sans avoir jamais été un toponyme officiel. Ses frontières sont donc assez floues.
Philippe Aubert de Gaspé a consacré un chapitre de ses Anciens Canadiens à « l’incendie de la Côte-du-Sud » qui a touché, en septembre 1759, la région qui va de Kamouraska à Berthier, ce qui correspond exactement à la nouvelle circonscription. Dans la description du Canada qu’il publie à l’occasion de l’exposition universelle de Paris en 1855, Joseph-Charles Taché décrit la Côte-du-Sud comme une « magnifique suite d’établissements » qui est « connue et célèbre dans tout le pays ». « Sa » Côte-du-Sud s’étend jusqu’à Rimouski. Quelques années plus tard, dans son Dictionnaire généalogique des familles canadiennes, Mgr Tanguay témoigne d’un changement de perception : il parle de L’Islet et des paroisses voisines comme d’une région « qu’on appelait la Côte-du-Sud », signe que ce toponyme n’est plus à la mode. Effectivement, à la même époque, Stanislas Drapeau dresse une carte du « Bas-Saint-Laurent ». Drapeau écrit aussi « Bas-du-Fleuve » pour désigner cette région qui s’étend de la rivière Chaudière à la Gaspésie. Les guides touristiques feront de même jusqu’aux années 1970.
On recommence à parler de Côte-du-Sud dans les années 1950 sous l’impulsion de la Société historique de Kamouraska qui devient en 1953 la Société historique… de la Côte-du-Sud! Le toponyme acquiert une certaine notoriété au cours de la décennie suivante. En 1962, les représentants du monde municipal se regroupent au sein du Conseil d’aménagement et d’expansion de la Côte-du-Sud (dont le siège social est situé à La Pocatière). La même année, on trouve, dans l’Annuaire statistique du Québec, une « Carte routière et touristique de la région de la Côte-du-Sud » qui va de Beaumont à Rivière-du-Loup. En 1966, un regroupement de coopératives donne naissance à la Coopérative agricole de la Côte-Sud (aujourd’hui devenue Dynaco) qui recrute ses membres de Montmagny à Saint-Alexandre.
Mais 1966 est aussi la création des régions administratives. Cette fois, les historiens ne sont plus dans le coup : les régions administratives sont découpées en fonction des « pôles d’attraction » et de « zones d’influence ». Le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie s’empare du Kamouraska tandis que le reste de la Côte-du-Sud « historique » est inclus dans la région de Québec. Ce « reste » est pourtant puissant car les députés de Bellechasse, Montmagny et L’Islet sont dans le cabinet Johnson (1966-1968), mais ces trois ministres plaideront en vain pour la création d’une sous-région « Côte-du-Sud » avec Montmagny comme capitale. Il faudra attendre vingt ans avant de voir naître une région distincte sur la rive sud. Elle s’appellera d’abord « Québec-Sud » en 1987 puis, un an plus tard, « Chaudière-Appalaches ». Les régions touristiques adopteront ensuite bêtement le même découpage. La partie ouest de la Côte-du-Sud devra vivre sous le chapeau touristique « Chaudière-Appalaches » alors qu’elle renferme, selon les mots mêmes des savants consultants (Pluram) de l’époque, « les plus riches composantes patrimoniales et muséologiques de la région », ce qui aurait dû lui valoir plus qu’un strapontin dans une région « touristique » hétéroclite, comme le constatait une autre savante firme d’expert (Éverest) en 1989 : « La région se subdivise en trois zones distinctes auxquelles sont rattachés des produits diversifiés. Il n’existe donc pas d’homogénéité dans l’offre touristique. Le caractère propre à chacune des régions ne crée pas de sentiment d’appartenance […] ».
Un sentiment d’appartenance à une région qui a de profondes racines dans l’histoire : une fois accepté le deuil de leurs anciennes appellations, c’est ce qu’on souhaite aux électeurs de la Côte-du-Sud.

À quoi sert un drapeau au Parlement ?

Le vote sur la présence du drapeau canadien à l’Assemblée nationale n’a pas eu lieu le 28 novembre, tel qu’annoncé par le président la semaine précédente. D’après Jean-Marc Salvet (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201211/28/01-4598770-drapeau-canadien-a-lassemblee-nationale-encore-un-bras-de-fer.php): il y a un os : le gouvernement Marois veut que les partis exposent leurs positions sur le sujet mais l’Opposition officielle veut voter sans aucun débat.
Comme le disait mon ancien prof de chimie en distribuant les notes misérables à certains étudiants : « Ce serait drôle si ce n’était pas si triste ! ». Les libéraux déchiraient leurs chemises il y a quelques jours à peine parce que l’absence de l’unifolié au Salon rouge serait « un déni de notre pays » (Le Soleil, 17 novembre) et un mépris de la démocratie, mais ce « terrible » affront ne semble pas mériter d’explications devant le Parlement. Le fin fond de l’affaire est qu’un débat démontrerait la vacuité de leur position qui est strictement politique et tactique alors que celle du gouvernement Marois repose sur une approche juridique et rationnelle de la question.
Patrice de la Brosse, qui a été responsable du pavoisement pour le gouvernement du Québec, a exposé très clairement cette approche dans Le Soleil du 26 septembre 2012 (http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201209/24/01-4577075-quelle-guerre-de-drapeaux-.php), bien avant que la « crise » actuelle n’éclate. « Dans les administrations gouvernementales, écrivait-il, le pavoisement est un geste hautement significatif et ne doit laisser aucune place à la subjectivité. […] il existe cependant des lois, des normes et des façons de faire reconnues internationalement ». Quel drapeau déployer? Réponse de l’expert : « Celui qui représente l’État, l’autorité ou l’administration qui s’exprime (par exemple, on ne verra pas de drapeau du Québec à l’entrée d’un parc fédéral, uniquement l’unifolié) ». Il est donc absolument clair que le drapeau du Québec doit prendre place seul dans les salles où siègent l’Assemblée nationale et ses commissions. Y installer un autre drapeau ne peut qu’engendrer la confusion et l’ambiguïté : on signalerait qu’il s’y trouve une autre autorité.
« Le retour du drapeau canadien au Salon rouge, poursuit monsieur de la Brosse, a été imposé en 2003 par le cabinet du nouveau premier ministre, sans justification aucune. Ce geste n’avait qu’une logique de nature politique. En effet, si cela avait été objectivement justifié, on aurait placé le drapeau du Canada dans deux autres places d’honneur dans l’édifice où loge l’Assemblée nationale: sur le toit de l’Hôtel du Parlement, et surtout dans la Salle de l’Assemblée nationale (le « Salon bleu », où siègent les députés). On peut supposer qu’une telle décision aurait soulevé quelques questions… »
Peut-on retirer un drapeau? « Oui, répond de la Brosse, mais… il s’agit d’une opération aussi lourde de signification que le fait d’installer un drapeau. Cependant, on peut se le permettre lorsque ce retrait veut rectifier un pavoisement afin de le rendre conforme aux us et coutumes reconnus au Québec comme ailleurs. […] La décision appartient à l’autorité responsable du lieu, vraisemblablement le Bureau de l’Assemblée nationale et il s’agira d’un geste administratif qui n’a rien à voir avec tel ou tel parti ou telle ou telle tendance fédéraliste, autonomiste ou souverainiste ».
Patrice de la Brosse voit juste quand il évoque le Bureau de l’Assemblée nationale. En décembre 1984, un député demandait au président si le drapeau canadien serait hissé à l’un des mâts réservés au drapeau des pays étrangers dont une délégation est en visite à l’Assemblée nationale. Le président décida (comme le fera un de ses successeurs en mai 1990) que le Bureau de l’Assemblée nationale était l’autorité compétente en la matière (JD, 6 décembre 1984, p. 1437). Le Bureau avait d’ailleurs émis une directive sur les drapeaux en août 1984, directive qui sera remplacée en décembre 2005 (décision 1289) par le Règlement sur le pavoisement des édifices de l’Assemblée nationale.
Ce règlement du Bureau traite du pavoisement (dont la mise en berne) et lors des visites officielles. Il n’est pas spécifiquement question de la présence des drapeaux dans les salles de délibérations mais, lorsqu’un député du Parti Égalité demanda, en 1991, que le drapeau du Canada prenne place à l’Assemblée nationale du Québec, l’Assemblée majoritairement libérale décida que ce serait fait « aux occasions que détermine, selon le cas, le Bureau de l’Assemblée nationale » (JD, 1er mai 1991). Cette position était cohérente avec l’article 114 de la Loi sur l’Assemblée nationale (« L’aménagement et l’utilisation des locaux ainsi que l’utilisation de l’équipement de l’Assemblée et de ses services doivent être approuvés par le Bureau »).
Pourquoi alors le Bureau est-il tenu sur la touche en 2012 ? C’est pourtant à cette instance que les questions de pavoisement ont été référées depuis plus de 25 ans, sauf les « décisions » prises par le gouvernement Bourassa en 1985, le gouvernement Parizeau en 1994 et le gouvernement Charest en 2003 ?
Présidé par le président de l’Assemblée, le Bureau comprend cinq députés ministériels et quatre de l’opposition (art. 87 et 88). Le gouvernement Marois y a donc une « majorité »… tant que le président Chagnon ne vote pas et, supposant qu’il vote avec « son » parti (envers et contre les principes exposés par M. de la Brosse ci-dessus), il y aurait une égalité des voix qu’il pourrait départager avec son vote prépondérant (art. 97). En d’autres mots, en suggérant à l’Assemblée de se prononcer sur la présence du drapeau canadien à la Salle du Conseil législatif, le président de l’Assemblée nationale peut esquiver la situation délicate dans laquelle il se trouverait si cette question était soumise au Bureau, ce qui l’obligerait à se prononcer officiellement, en tant que défenseur des privilèges du Parlement québécois, sur la question de fond : à quoi sert un drapeau ?

Retirer l’unifolié ? Une évidence.

Si les citoyens peuvent pavoiser librement chez eux, selon leurs convictions, leurs goûts ou simplement la mode du jour, l’État doit « arborer ses couleurs et ses armes » (drapeaux et armoiries) de manière logique et cohérente.
Comme l’a bien expliqué récemment Pierre-Paul Sénéchal (un expert qui ne semble pas avoir été adéquatement remplacé au gouvernement) dans une lettre ouverte, « le drapeau a pour fonction essentielle d’indiquer une juridiction » et les experts constitutionnels, qu’ils soient canadiens ou québécois, conviennent que « l’Assemblée nationale du Québec est entièrement souveraine dans les compétences que lui confère la constitution canadienne. Elle est seule mandatée pour voter toutes lois en regard de ces dites compétences. Jusqu’à tout récemment, tous les premiers ministres du Québec, toutes les oppositions officielles ont non seulement adhéré à ce principe, mais l’ont farouchement défendu ».
Le drapeau québécois a été hissé à la tour de l’Hôtel du Parlement en 1948 et placé dans la salle de l’Assemblée nationale en 1976. Le fleurdelisé est aussi présent dans les locaux où siègent les commissions parlementaires (qui sont des extensions de l’Assemblée nationale) et derrière le lutrin quand le premier ministre s’exprime au nom du Québec.
Avant l’introduction d’un drapeau du Canada au Salon rouge en 1985, il n’y avait jamais eu de « couleurs » fédérales au Parlement de Québec. Il n’y a pas d’armoiries canadiennes dans la décoration de la salle des séances, seulement des armoiries québécoises. Au-dessus du fauteuil du président, on trouve les armoiries du Royaume-Uni, symbole de la « couronne québécoise » représentée par le lieutenant-gouverneur. Les mêmes armoiries sont sculptées dans la pierre de la tour et, au sommet de cette dernière, avant 1948, ce n’est pas le Red Ensign (qui faisait alors office de drapeau du Canada) qu’on arborait depuis le début du siècle, mais l’Union Jack, le drapeau du Royaume-Uni, délibérément, pour bien exprimer la non-dépendance du Québec à l’égard du gouvernement fédéral et sa souveraineté dans les domaines de sa compétence. En d’autres mots, on s’accommodait mieux d’un lien colonial symbolique que d’une manifestation de dépendance face à l’autre niveau de gouvernement.
En plaçant un fleurdelisé près de son fauteuil de président de l’Assemblée nationale, Clément Richard a posé un geste incontestable au point de vue institutionnel : ce drapeau marque la juridiction exclusive et souveraine de l’Assemblée dans son champ de compétence. (Les rares personnes qui ont contesté cette initiative n’ont souvent rien trouvé de mieux, comme argument, que de prétendre faussement que le PQ avait retiré le drapeau du Canada, alors qu’il n’y avait jamais eu AUCUN DRAPEAU à cet endroit auparavant, comme c’était aussi le cas à la Chambre des communes où on a placé un unifolié vers la même époque.)
On ne peut en dire autant de l’installation du drapeau du Canada au Salon rouge en 1985, un geste politique et partisan qui aurait dû être dénoncé au nom du respect des institutions dans un régime fédéral normal. La présence permanente du drapeau canadien est injustifiée dans un espace consacré essentiellement au travail des parlementaires québécois et à l’exercice des compétences constitutionnelles du Québec.

Big Brother déjoué par le sarcasme

Si le « Big Brother » qui envahit Internet commence à vous agacer, ou à vous inquiéter sérieusement, adoptez un moyen de défense efficace : « sarcasmez »!
C’est ce que suggère la dernière chronique de Fabien Deglise (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/363828/la-modernite-expliquee-a-sa-mere-6) qui nous apprend que le sarcasme est « un des plus gros problèmes de l’informatique ». Rien de moins. C’est un spécialiste en linguistique et psychologie de l’Université de la Californie du Sud qui l’écrit dans le Wall Street Journal. Le sarcasme « est en train de fourvoyer les traqueurs de tendance, les analystes du présent qui s’écrit en réseau, les collecteurs de données à des fins commerciales, et surtout leurs machines incapables […] de distinguer le sens caché derrière un tweet, de mesurer le degré d’ironie dans un commentaire en apparence anodin ».
Si vous constatez, par exemple, que notre royale majesté porte son coquelicot de manière in-orthodoxe (à l’instar de notre première ministre…) et qu’elle s’est bricolé une décoration de poitrine avec des coquelicots retenus par un broche clinquante qui cache une partie des fleurs, et que vous écrivez sur Facebook : « Shame on her! Aux armes, légionnaires!!! », vous risquez de vous faire inscrire dans la colonne des terroristes et de vous retrouver fiché quelque part par un « robot » qui n’a pas saisi que vous vous moquez des vétérans de la Légion.
Le sarcasme, écrit Deglise, « pourrait conduire à des quiproquos, à des erreurs, dont les annonceurs, les prospecteurs et autres spécialistes de l’influence, de la conviction et de la surveillance, qui rêvent de pénétrer la psyché du citoyen-consommateur numérique pour mieux lui conter fleurette, aimeraient bien pouvoir se passer ».
La situation est « grave » au point où de grandes compagnies comme IBM ou Warner Bros appuient les recherches d’un labo universitaire californien « qui cherche ardemment les moyens – et surtout les algorithmes – à donner aux machines pour leur permettre de comprendre et de traduire le sarcasme ».
Avec Fabien Deglise, nous leur souhaitons (IRONIQUEMENT) bonne chance.

Le sort des Nouvelles Casernes de Québec

En plein été pré-électoral, le gouvernement Charest annonçait un investissement de 18,6 millions $ en cinq ans pour restaurer les Nouvelles Casernes de Québec et son intention de donner à cet édifice le statut de « bâtiment historique ». Comme le soulignait Le Soleil, les élus participant à la conférence de presse n’ont pas ménagé les superlatifs et, sur cet élan, le maire de Québec y a pris un engagement solennel : «Je voudrais dire à la terre entière que le projet que nous mettons en branle aujourd’hui est pour moi irréversible. Jamais la population de Québec et mon administration n’accepteront de revenir en arrière. Tout recul nous sera collectivement interdit» (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201207/26/01-4559701-186-millions-en-cinq-ans-pour-les-nouvelles-casernes.php).
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Cette annonce créait une certaine surprise car le dossier des Nouvelles Casernes n’était pas vraiment sur le dessus de la pile, relégué dans l’ombre des grands projets de construction (le Colisée, le Musée, etc.) et des nombreux dossiers qui ont attiré l’attention sur le plan patrimonial ces derniers temps. Nul doute qu’il a fait diversion en permettant à l’administration municipale de s’ériger en protecteur des édifices patrimoniaux. Par ailleurs, dans l’excitation du moment, personne ne s’est attardé sur l’attitude des autorités de l’Hôtel-Dieu qui ont mis un demi-siècle à découvrir que ce « précieux héritage du régime français » n’avait pas de vocation médicale et l’ont laissé dépérir au point où il faudra y consacrer1,3 million de dollars de travaux urgents. Pour commencer.
Il en faudra plus pour redresser l’opinion publique au sujet d’un nouveau gouvernement qui éprouve des difficultés avec ses promesses mais voilà qu’il réalise celles des autres : les Nouvelles Casernes sont officiellement inscrites au Registre du patrimoine culturel du Québec et un comité formé cet été pour leur trouver une nouvelle vocation a commencé ses travaux en vue de remettre un rapport en décembre 2013.
Les autorités du Ministère estiment naturellement qu’il est trop tôt pour parler de l’avenir du bâtiment construit pour loger les troupes françaises et occupé ensuite par la garnison britannique (1759-1871) et une fabrique de munitions (fermée en 1964). Certaines idées circulent néanmoins. Il est question d’une institution dédiée à l’archéologie ou à la généalogie.
Selon ce que rapportait le Journal de Québec dans son édition du 24 octobre, le maire de Québec aurait émis, lors de sa visite à Saint-Malo l’été dernier, le souhait que les Nouvelles casernes puissent accueillir « un centre d’interprétation de la conquête de la Nouvelle-France », une institution qui raconterait « l’aventure de la Nouvelle-France et des conquérants » (http://www.journaldequebec.com/2012/10/24/les-conquerants-racontes-aux-nouvelles-casernes).
On pourrait questionner le choix des mots. Spontanément, quand on lit « conquête de la Nouvelle-France », on pense à la bataille des plaines d’Abraham, mais, cette première impression passée, on devine qu’il n’est pas question de raconter l’aventure des conquérants… britanniques. Par ailleurs, on imagine assez mal un centre d’interprétation dédié aux Français qui ont « conquis » quelque chose qui n’existait pas avant eux comme entité géopolitique. Le territoire qui est devenu la Nouvelle-France n’a pas été pris à la manière espagnole et nous serions bien les premiers à « interpréter » la colonisation française comme une opération de « conquistadores ». Comme l’explique si bien David Fischer dans son ouvrage sur Champlain (dont un extrait a été lu au pied du monument du fondateur de Québec le 3 juillet dernier), « quelque chose d’extraordinaire s’est produit en Nouvelle-France au début du XVIIe siècle : quelque chose de bien différent de ce qui s’est passé en Nouvelle-Espagne, en Nouvelle-Angleterre, en Nouvelle-Hollande. Les spécialistes de nombreux pays s’entendent pour dire que les fondateurs de la Nouvelle-France ont su maintenir de bonnes relations avec les Indiens d’Amérique, mieux que toute autre puissance colonisatrice. […] Ces Français n’étaient pas venus conquérir les Indiens ou les asservir, comme c’était le cas en Nouvelle-Espagne. Ils ne les maltraitaient pas comme les Anglais en Virginie ni ne les chassèrent de leur territoire comme en Nouvelle-Angleterre. Dans la région que l’on commençait à appeler le Canada, de 1603 à 1635, de petites colonies de Français et d’imposantes nations indiennes vécurent les unes près des autres dans un esprit d’amitié et de concorde. Elles conçurent du respect les uns pour les autres dans la compréhension des intérêts de chacune et bâtirent des rapports de confiance qui durèrent très longtemps ». Un siècle après « l’alliance de Tadoussac » (1603), la France a conclu la Grande paix de Montréal (1701) avec les Amérindiens et l’expansion de son empire vers le sud (Louisiane) et l’ouest (jusqu’aux Rocheuses) s’est poursuivi de manière pacifique.
Au-delà d’une terminologie à raffiner, il faut retenir de cette courte mais bonne nouvelle qu’on y trouve six références à la France et à la francophonie : il y a donc une intention claire, à la ville de Québec, de voir cet espace consacré à l’Amérique française. Archéologes et généalogistes pourraient y trouver leur part mais, surtout, la ville qui a été le point d’ancrage de l’Amérique française, sa capitale et un lieu de ralliement pour les francophones d’ici, trouverait une honorable façon de rattraper ce qui a été échappé en 2008.