Le sort des Nouvelles Casernes de Québec

En plein été pré-électoral, le gouvernement Charest annonçait un investissement de 18,6 millions $ en cinq ans pour restaurer les Nouvelles Casernes de Québec et son intention de donner à cet édifice le statut de « bâtiment historique ». Comme le soulignait Le Soleil, les élus participant à la conférence de presse n’ont pas ménagé les superlatifs et, sur cet élan, le maire de Québec y a pris un engagement solennel : «Je voudrais dire à la terre entière que le projet que nous mettons en branle aujourd’hui est pour moi irréversible. Jamais la population de Québec et mon administration n’accepteront de revenir en arrière. Tout recul nous sera collectivement interdit» (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201207/26/01-4559701-186-millions-en-cinq-ans-pour-les-nouvelles-casernes.php).
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Cette annonce créait une certaine surprise car le dossier des Nouvelles Casernes n’était pas vraiment sur le dessus de la pile, relégué dans l’ombre des grands projets de construction (le Colisée, le Musée, etc.) et des nombreux dossiers qui ont attiré l’attention sur le plan patrimonial ces derniers temps. Nul doute qu’il a fait diversion en permettant à l’administration municipale de s’ériger en protecteur des édifices patrimoniaux. Par ailleurs, dans l’excitation du moment, personne ne s’est attardé sur l’attitude des autorités de l’Hôtel-Dieu qui ont mis un demi-siècle à découvrir que ce « précieux héritage du régime français » n’avait pas de vocation médicale et l’ont laissé dépérir au point où il faudra y consacrer1,3 million de dollars de travaux urgents. Pour commencer.
Il en faudra plus pour redresser l’opinion publique au sujet d’un nouveau gouvernement qui éprouve des difficultés avec ses promesses mais voilà qu’il réalise celles des autres : les Nouvelles Casernes sont officiellement inscrites au Registre du patrimoine culturel du Québec et un comité formé cet été pour leur trouver une nouvelle vocation a commencé ses travaux en vue de remettre un rapport en décembre 2013.
Les autorités du Ministère estiment naturellement qu’il est trop tôt pour parler de l’avenir du bâtiment construit pour loger les troupes françaises et occupé ensuite par la garnison britannique (1759-1871) et une fabrique de munitions (fermée en 1964). Certaines idées circulent néanmoins. Il est question d’une institution dédiée à l’archéologie ou à la généalogie.
Selon ce que rapportait le Journal de Québec dans son édition du 24 octobre, le maire de Québec aurait émis, lors de sa visite à Saint-Malo l’été dernier, le souhait que les Nouvelles casernes puissent accueillir « un centre d’interprétation de la conquête de la Nouvelle-France », une institution qui raconterait « l’aventure de la Nouvelle-France et des conquérants » (http://www.journaldequebec.com/2012/10/24/les-conquerants-racontes-aux-nouvelles-casernes).
On pourrait questionner le choix des mots. Spontanément, quand on lit « conquête de la Nouvelle-France », on pense à la bataille des plaines d’Abraham, mais, cette première impression passée, on devine qu’il n’est pas question de raconter l’aventure des conquérants… britanniques. Par ailleurs, on imagine assez mal un centre d’interprétation dédié aux Français qui ont « conquis » quelque chose qui n’existait pas avant eux comme entité géopolitique. Le territoire qui est devenu la Nouvelle-France n’a pas été pris à la manière espagnole et nous serions bien les premiers à « interpréter » la colonisation française comme une opération de « conquistadores ». Comme l’explique si bien David Fischer dans son ouvrage sur Champlain (dont un extrait a été lu au pied du monument du fondateur de Québec le 3 juillet dernier), « quelque chose d’extraordinaire s’est produit en Nouvelle-France au début du XVIIe siècle : quelque chose de bien différent de ce qui s’est passé en Nouvelle-Espagne, en Nouvelle-Angleterre, en Nouvelle-Hollande. Les spécialistes de nombreux pays s’entendent pour dire que les fondateurs de la Nouvelle-France ont su maintenir de bonnes relations avec les Indiens d’Amérique, mieux que toute autre puissance colonisatrice. […] Ces Français n’étaient pas venus conquérir les Indiens ou les asservir, comme c’était le cas en Nouvelle-Espagne. Ils ne les maltraitaient pas comme les Anglais en Virginie ni ne les chassèrent de leur territoire comme en Nouvelle-Angleterre. Dans la région que l’on commençait à appeler le Canada, de 1603 à 1635, de petites colonies de Français et d’imposantes nations indiennes vécurent les unes près des autres dans un esprit d’amitié et de concorde. Elles conçurent du respect les uns pour les autres dans la compréhension des intérêts de chacune et bâtirent des rapports de confiance qui durèrent très longtemps ». Un siècle après « l’alliance de Tadoussac » (1603), la France a conclu la Grande paix de Montréal (1701) avec les Amérindiens et l’expansion de son empire vers le sud (Louisiane) et l’ouest (jusqu’aux Rocheuses) s’est poursuivi de manière pacifique.
Au-delà d’une terminologie à raffiner, il faut retenir de cette courte mais bonne nouvelle qu’on y trouve six références à la France et à la francophonie : il y a donc une intention claire, à la ville de Québec, de voir cet espace consacré à l’Amérique française. Archéologes et généalogistes pourraient y trouver leur part mais, surtout, la ville qui a été le point d’ancrage de l’Amérique française, sa capitale et un lieu de ralliement pour les francophones d’ici, trouverait une honorable façon de rattraper ce qui a été échappé en 2008.

2 réflexions au sujet de « Le sort des Nouvelles Casernes de Québec »

  1. Agnès Maltais propose sa «vision» pour les Nouvelles Casernes
    http://www.lapresse.ca/le-soleil/dossiers/elections-quebecoises/201208/22/01-4567335-agnes-maltais-propose-sa-vision-pour-les-nouvelles-casernes.php
    N’oublions pas que la mission première des Nouvelles Casernes a été le casernement des soldats françois de la garnison de Québec et des troupes d’infanterie de Montcalm, ce fait historique doit être souligné dans l’avenir réservé à ces bâtiments historique.

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