(Pour comprendre ce qui se passe à l’Assemblée nationale ces jours-ci, un texte extrait de mon livre Le Parlement de Québec, Multimondes, 2005)
L’unifolié est devenu le drapeau du Canada le 15 février 1965. Ce jour-là, le gouvernement du Québec a rendu hommage au drapeau qui a d’abord été hissé au mât de la tour sud-est (angle Honoré-Mercier-Grande Allée) en présence des plus hautes autorités civiles, religieuses et militaires. Ensuite, la cérémonie s’est poursuivie dans la salle du Conseil législatif où le drapeau a été béni. L’unifolié n’est pas demeuré en permanence sur la tour sud-est mais il a été d’usage, par la suite, de le hisser à ce mât lors de la visite officielle de représentants du gouvernement fédéral. Jusqu’au milieu des années 1980, ce mât était d’ailleurs exclusivement réservé au drapeau canadien. À l’intérieur, le drapeau canadien a probablement été mis en évidence occasionnellement, notamment lors des fêtes du centenaire de la Confédération et de visites officielles, mais il n’a pas été déployé de façon permanente ni dans le hall ni ailleurs.
En 1980, le député de Pointe-Claire a demandé au président de l’Assemblée nationale quand il allait « replacer » le drapeau canadien près du fauteuil, considérant « that the Canadian flag has always had its presence in this House until the arrival in power of this government. Le « débat » sur cette question a cependant fait ressortir qu’il n’y avait jamais eu de drapeau, ni québécois, ni canadien dans la salle des séances de l’Assemblée avant 1976. Deux semaines plus tard, l’Assemblée refusait son consentement à l’étude d’une motion sans préavis du député de Portneuf à l’effet que le drapeau canadien soit placé à la gauche du fauteuil. Le même vœu a été exprimé, sous forme de question, en 1984, et le premier ministre (Lévesque) a répondu qu’il y réfléchirait.
Le drapeau canadien a été placé dans la Salle du Conseil législatif à la toute fin de 1985 ou au début de 1986. Il a été retiré lors de l’assermentation du cabinet de Jacques Parizeau, en septembre 1994, et replacé pour l’assermentation du cabinet de Jean Charest le 29 avril 2003.
L’examen des photographies de cette salle permet d’établir que le drapeau du Québec y est en permanence depuis 1983 ou 1984.
En mai 1991, une motion fut présentée par un député du Parti Égalité, Gordon Atkinson. Elle se lisait comme suit : « Que le drapeau de notre pays, le Canada, trouve sa place et apparaisse à la gauche du fauteuil du président, ici à l’Assemblée nationale du Québec » Le leader du gouvernement et député de Portneuf, proposa un amendement et la motion principale telle qu’amendée se lisait finalement : « Que le drapeau de notre pays, le Canada, trouve sa place et apparaisse à la gauche du fauteuil du président, ici à l’Assemblée nationale du Québec, aux occasions que détermine, selon le cas, le Bureau de l’Assemblée nationale ». Cette motion fut adoptée le 1er mai 1991 mais il s’agissait d’un ordre de la Chambre qui est devenu caduc à la fin de la session.
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Au lendemain des élections
Les sondages
Les sites qui ont tenté de prédire le nombre de sièges à partir des sondages ont tous échoué, sortant même, dans le cas de Tooclosetocall, de la fourchette de leurs prévisions (min.-max.), mais, comme le souligne le responsable de ce site, Il aurait d’abord fallu que les sondages soient justes. Il fallait entendre Jean-Marc Léger dire qu’il avait visé dans le mille pour 5 des 6 partis, « oubliant » qu’il avait manqué le plus important, soit le score déterminant des libéraux.
Le vote
Le 26 août, je commentais les prévisions du site Tooclosetocall sur Facebook : « Regard rapide sur les projections: le PLQ est en avance dans dix comtés que le PQ pourrait prendre s’il pouvait rallier seulement la moitié des souverainistes dispersés (QS et ON). Même chose dans 4 comtés où la CAQ est en tête ».
Après le scrutin, plusieurs journalistes ont abordé le même thème, comme Pierre Dubuc dans L’aut’ journal (http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=3957). Dubuc a dressé « la liste des 22 circonscriptions où la division du vote a permis l’élection du candidat libéral ou caquiste » Il ajoutait que « l’unité des progressistes et des souverainistes aurait décapité littéralement la CAQ, en causant la défaite de François Legault et de Jacques Duchesneau. De grosses pointures libérales seraient également tombées : les ministres Yves Bolduc, Raymond Bachand, et Marguerite Blais ».
Certes, les votes obtenus pas QS et ON ne seraient pas tous allés directement au PQ. N’empêche. Une simple moitié de ces votes auraient suffi pour donner une majorité au Parti Québécois, selon Bryan Breguet, de Tooclosetocall (http://www.tooclosetocall.ca/). La moitié? Je vais lui offrir mes analyses la prochaine fois.
L’attentat
Au lendemain de l’attentat du Métropolis, le maire de Montréal (http://www.lapresse.ca/actualites/regional/montreal/201209/05/01-4571369-gerald-tremblay-bain-na-rien-a-voir-avec-la-communaute-anglophone.php) s’est empressé de dire que le tireur n’avait « rien à voir avec la communauté anglophone », que cette dernière avait « toujours joué un rôle important à Montréal » et que, si le statut de la langue française commande d’être «vigilant», la Charte de la langue française est suffisante et il ne faut « pas nous diviser sur des questions qui ont été réglées depuis des décennies ».
On comprend que le maire ait voulu calmer le jeu; c’est le même « analyste », sauf erreur, qui ne voyait pas de clivage linguistique dans le vote sur les « défusions » à Montréal… Cette réaction a soulevé le scepticisme du chroniqueur Pierre Foglia (http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/pierre-foglia/201209/08/01-4572317-fou-pas-si-fou.php), le seul, à ma connaissance à avoir relevé le curieux enchaînement des commentaires du maire :
« Si cela n’a rien à voir avec la communauté anglophone et avec les différends qui peuvent l’opposer à la majorité francophone, qu’est-ce que la loi 101 vient faire dans cette histoire d’un tireur fou ? […]
« Êtes-vous en train de nous dire qu’il ne fait pas trop agiter ces questions de langue qui nous divisent, au cas où cela rendrait fous d’autres anglos ?
« […] C’est un problème de santé mentale ou c’est un peu aussi la faite de la loi 101 ?
« Et si c’est un peu la faute de la loi 101, alors cet attentat au Métropolis serait finalement un peu la faute des francophones ?
« Je savais que ça finirait comme ça. »
La sénatrice de Lethbridge
Raymond Giroux a soulevé une triste histoire dans le Soleil du 29 août (http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/chroniqueurs/201208/29/01-4569416-senatrice-inapte-liberaux-ineptes.php).
Une sénatrice libérale, atteinte de la maladie d’Alzheimer, a été déclarée inapte à prendre des décisions par son médecin en février dernier, et mise sous la tutelle de sa nièce et du chef de cabinet son patron politique en avril, mais elle est restée en fonction et a voté une douzaine de fois depuis cette déclaration officielle d’inaptitude. On a finalement annoncé à la fin d’août que la sénatrice âgée de 73 ans ne reviendrait pas à la rentrée d’automne et serait en congé de maladie pour un temps indéterminé.
Son droit « au respect et à la dignité n’a pas été respecté », estime un spécialiste en éthique consulté par Giroux. Pas du tout, prétendent des amis et des collègues de la sénatrice : il serait « contraire à l’éthique et à la morale de retirer brutalement quelqu’un de son milieu de travail » (http://www.lapresse.ca/le-droit/politique/sur-la-colline-parlementaire/201208/29/01-4569303-alzheimer-les-amis-dune-senatrice-defendent-sa-decision-de-rester-au-travail.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4569416_article_POS1). La sénatrice serait au Parlement dans sa « zone de confort »; elle y a travaillé depuis près de 50 ans, d’abord comme journaliste puis comme adjointe du premier ministre Pierre Elliott Trudeau qui l’a nommée au Sénat en 1984, selon les bonnes vieilles pratiques de reconnaissance pour services rendus.
Dans l’entourage de la sénatrice, on rappelle qu’elle est veuve et que ce sont des amis de Lethbridge et ses employés qui l’aident à gérer son quotidien car sa plus proche parente serait une nièce qui vit en Afrique. Les sénateurs libéraux évoquent le respect de sa vie privée…
On veut bien, mais cette sénatrice n’est pas présidente d’un cercle local de tricot. Elle occupe une fonction publique que les sénateurs, en d’autres circonstances, estiment a-b-s-o-l-u-m-e-n-t essentielle au bon fonctionnement de l’État. Le cas de la sénatrice de Lethbridge est assurément émouvant mais il faut en revenir. Sa mise à la retraite (avec une pleine pension de l’ordre de 100 000 $) ne la mettra pas « dans le chemin ».
En l’absence de « législation précise pour encadrer une telle situation », le Sénat se trouverait bien embêté, écrit Giroux. Pourtant, si une personne inapte ne peut voter aux élections, on se demande bien comment elle pourrait remplir un mandat parlementaire.
Le salaire du futur député Bureau-Blouin
Léo Bureau-Blouin a promis de remettre 25% de son salaire de député à des organismes communautaires de sa circonscription (http://www.lapresse.ca/actualites/elections-quebec-2012/201208/07/01-4563180-leo-bureau-blouin-veut-donner-le-quart-de-son-salaire-sil-est-elu.php). Il ne court pas grand risque, direz-vous, son élection étant plus qu’hypothétique mais c’est quand même une bien mauvaise idée.
Il n’y a pas un observateur le moindrement informé sur le travail de député qui peut prétendre que l’indemnité de base est trop élevée pour les parlementaires qui veulent s’investir dans leur triple rôle de législateur, de « surveillant » du gouvernement et de représentant. Examiner les lois que le gouvernement présente, en proposer de nouvelles, si le cœur lui en dit, examiner les activités et les dépenses de centaines d’organisations (ministères, sociétés d’État, etc.), donner suite aux requêtes de ses commettants, s’exprimer sur la place publique, oralement ou par écrit, autrement qu’avec des « twits » : la tâche est immense pour le député qui veut exercer ses fonctions pleinement avec toute la liberté que lui permet théoriquement son statut. Au lieu de donner prise aux démagogues qui croient nos députés surpayés, l’ancien président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) serait mieux avisé de promettre de défendre l’intérêt commun, nonobstant les « lignes de parti ». Il aurait bien « mérité de la patrie »… et son salaire.
Ce n’est pas l’indemnité de base des parlementaires qu’il faut remettre en question mais les à-côtés qui se sont ajoutés au fil des ans. Si le candidat péquiste dans Laval-des-Rapides veut se pencher sur la « rémunération globale » des parlementaires, il peut considérer qu’il a déjà de quoi s’occuper pendant un mandat… ou deux. Sa chef a d’ailleurs ouvert la porte en souhaitant revoir les indemnités de départ que reçoivent les députés qui ne complètent pas leur mandat (http://pq.org/actualite/communiques/pauline_marois_veut_revoir_les_indemnites_de_depart_pour_les_deputes_qui_aband), une ouverture que le premier ministre s’est empressé de lui fermer sur les doigts en l’invitant à rembourser l’allocation qu’elle a reçue en démissionnant en 2006… Disons que la chef du PQ s’est placée dans une dans une position vulnérable. Ce n’est pas l’allocation de transition (selon son nom exact) qui pose problème en soi, ni le moment où on la touche (car il serait difficile de distinguer les bonnes et les mauvaises raisons invoquées pour démissionner), mais bien le cumul d’une prestation de retraite et d’une allocation de transition, allocation justement créée en 1982 pour permettre aux députés qui n’étaient pas admissibles à la retraite (repoussée alors à 55 ans) de se « r’virer de bord ». Un député admissible à la retraite ne devrait pas avoir d’allocation de transition; un député qui atteint « l’âge de la pension » (65 ans) non plus.
Un jeune député capable d’imaginer la fin du néo-libéralisme devrait pouvoir prendre l’initiative d’un petit projet de loi qui mettrait fin à ce cumul, sans attendre que tous les partis soient d’accord, comme le voudrait la tradition, en prenant sa chef au mot quand elle dit : « Ce n’est plus le temps de dire : « C’est toujours comme ça que ça s’est fait ». Nous devons entendre les Québécois et changer ». Parti sur cet élan, s’il trouve vraiment que les parlementaires sont trop payés, celui qui voulait entreprendre la guerre aux dépenses injustifiées dans les universités pourrait se pencher sur d’autres volets de la politique salariale parlementaire. A-t-on besoin de 18 adjoints parlementaires, une fonction que la Presse Canadienne (Le Devoir, 23 mai 2003) n’hésitait pas à qualifier de « titre honorifique », évaluation confirmée récemment, sur la Canal de l’Assemblée nationale, par un ancien président? A-t-on besoin de 17 personnes pour présider 30 ou 40 séances de commissions parlementaires par année alors qu’il y a déjà un président et un vice-président pour chacune de ces 10 commissions et qu’elles ne peuvent siéger plus de 4 à la fois?
Les baudruches du Festival d’été
« On s’entend… Tout ça est galvaudé, vous le savez autant que moi. Les achalandages annoncés dans la plupart des grands événements au Québec, ça n’a parfois aucun sens. Si chacun comptait exactement ce qu’il a sur son site, bien des gens auraient de grosses surprises ».
Ces propos sont du directeur général du Festival d’été de Québec (FEQ), cité par Cédric Bélanger dans le Journal de Québec du 20 juillet 2010. Ils prennent tout leur sens, deux ans plus tard, quand le même journaliste dégonfle un gros ballon en diffusant les chiffres que les administrateurs du FEQ nous cachaient depuis deux ans. Oubliez les 100 000 personnes sur les Plaines lors de l’édition dite « exceptionnelle » de 2010 : le plus gros spectacle, celui de Rammstein, a fait 75 990 personnes (Journal de Québec, 7 juillet 2012).
Il n’est pas sans intérêt de retourner aux journaux de l’époque pour mesurer la différence entre le bluff et la réalité. Pour le spectacle d’Iron Maiden, le 9 juillet 2010, on donnait 75 000 spectateurs (La Presse du 12 juillet) au lieu des 65 000 calculés avec les bracelets selon la liste publiée par le Journal de Québec. Pour Arcade Fire, on avançait 45 000 (Le Soleil, 19 juillet) alors que les chiffres dévoilés samedi disent 25 346…
Ce fut ensuite le black-out. Le FEQ a décidé, en plein festival, de ne plus donner de chiffres d’assistance. Lors du spectacle des Black Eyed Peas, qui aurait attiré « la plus grande foule de l’histoire de l’événement », le DG confiait à la journaliste du Devoir (20 juillet 2010) que « depuis le dernier étage de l’hôtel Le Concorde, la foule était similaire à celle photographiée lors du concert de Paul McCartney »… Or, on sait maintenant qu’il y avait 63 397 spectateurs, soit QUATRE fois moins que l’estimation qui avait circulé lors du passage de sir Paul en 2008 et que le DG avouait cependant n’avoir jamais endossée.
Le FEQ a cessé de donner des chiffres d’assistance au moment précis où il avait des données fiables grâce aux bracelets à puce. « Comparer les assistances entre les spectacles, c’est une insulte que tu fais à la personne qui est venue voir l’artiste, expliquait-on au FEQ. Et tu ne peux pas exposer l’artiste à ça. Dans les grands événements, ça ne se fait pas (Journal de Québec, 20 juillet 2010) ».
C’était fort curieux comme explication : en d’autres mots, il était correct, jusqu’au début du festival de 2010, de donner des chiffres approximatifs et, soudainement, inacceptable de donner des chiffres exacts… La vérité était que le décompte réel entrait en contradiction avec les chiffres annoncés et faisait mal paraître les évaluations précédentes. Comment expliquer qu’il y aurait eu 200 000 personnes au spectacle de McCartney alors que le site est pratiquement plein avec les 63 000 fans de Black Eyed Peas ?
Le FEQ n’est pas une entreprise publique, juridiquement, mais un organisme sans but lucratif, en principe, qui bénéficie d’un large soutien de l’État quand on compte les subventions des ministères et des organismes publics, les commandites venant des sociétés d’État (dont le montant exact est confidentiel) et l’aide en biens et services des différents niveaux de gouvernement. Il devrait faire preuve en retour de transparence en divulguant des données précises sur l’achalandage avec répartition géographique des détenteurs de bracelets. On saurait précisément si les vrais touristes (pas ceux qui résident à 40 ou 50 km de Québec) sont au rendez-vous et justifient les subventions accordées pour attirer du vrai monde de l’extérieur et non seulement assécher les alentours.