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Le salaire du futur député Bureau-Blouin

Léo Bureau-Blouin a promis de remettre 25% de son salaire de député à des organismes communautaires de sa circonscription (http://www.lapresse.ca/actualites/elections-quebec-2012/201208/07/01-4563180-leo-bureau-blouin-veut-donner-le-quart-de-son-salaire-sil-est-elu.php). Il ne court pas grand risque, direz-vous, son élection étant plus qu’hypothétique mais c’est quand même une bien mauvaise idée.
Il n’y a pas un observateur le moindrement informé sur le travail de député qui peut prétendre que l’indemnité de base est trop élevée pour les parlementaires qui veulent s’investir dans leur triple rôle de législateur, de « surveillant » du gouvernement et de représentant. Examiner les lois que le gouvernement présente, en proposer de nouvelles, si le cœur lui en dit, examiner les activités et les dépenses de centaines d’organisations (ministères, sociétés d’État, etc.), donner suite aux requêtes de ses commettants, s’exprimer sur la place publique, oralement ou par écrit, autrement qu’avec des « twits » : la tâche est immense pour le député qui veut exercer ses fonctions pleinement avec toute la liberté que lui permet théoriquement son statut. Au lieu de donner prise aux démagogues qui croient nos députés surpayés, l’ancien président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) serait mieux avisé de promettre de défendre l’intérêt commun, nonobstant les « lignes de parti ». Il aurait bien « mérité de la patrie »… et son salaire.
Ce n’est pas l’indemnité de base des parlementaires qu’il faut remettre en question mais les à-côtés qui se sont ajoutés au fil des ans. Si le candidat péquiste dans Laval-des-Rapides veut se pencher sur la « rémunération globale » des parlementaires, il peut considérer qu’il a déjà de quoi s’occuper pendant un mandat… ou deux. Sa chef a d’ailleurs ouvert la porte en souhaitant revoir les indemnités de départ que reçoivent les députés qui ne complètent pas leur mandat (http://pq.org/actualite/communiques/pauline_marois_veut_revoir_les_indemnites_de_depart_pour_les_deputes_qui_aband), une ouverture que le premier ministre s’est empressé de lui fermer sur les doigts en l’invitant à rembourser l’allocation qu’elle a reçue en démissionnant en 2006… Disons que la chef du PQ s’est placée dans une dans une position vulnérable. Ce n’est pas l’allocation de transition (selon son nom exact) qui pose problème en soi, ni le moment où on la touche (car il serait difficile de distinguer les bonnes et les mauvaises raisons invoquées pour démissionner), mais bien le cumul d’une prestation de retraite et d’une allocation de transition, allocation justement créée en 1982 pour permettre aux députés qui n’étaient pas admissibles à la retraite (repoussée alors à 55 ans) de se « r’virer de bord ». Un député admissible à la retraite ne devrait pas avoir d’allocation de transition; un député qui atteint « l’âge de la pension » (65 ans) non plus.
Un jeune député capable d’imaginer la fin du néo-libéralisme devrait pouvoir prendre l’initiative d’un petit projet de loi qui mettrait fin à ce cumul, sans attendre que tous les partis soient d’accord, comme le voudrait la tradition, en prenant sa chef au mot quand elle dit : « Ce n’est plus le temps de dire : « C’est toujours comme ça que ça s’est fait ». Nous devons entendre les Québécois et changer ». Parti sur cet élan, s’il trouve vraiment que les parlementaires sont trop payés, celui qui voulait entreprendre la guerre aux dépenses injustifiées dans les universités pourrait se pencher sur d’autres volets de la politique salariale parlementaire. A-t-on besoin de 18 adjoints parlementaires, une fonction que la Presse Canadienne (Le Devoir, 23 mai 2003) n’hésitait pas à qualifier de « titre honorifique », évaluation confirmée récemment, sur la Canal de l’Assemblée nationale, par un ancien président? A-t-on besoin de 17 personnes pour présider 30 ou 40 séances de commissions parlementaires par année alors qu’il y a déjà un président et un vice-président pour chacune de ces 10 commissions et qu’elles ne peuvent siéger plus de 4 à la fois?

Les baudruches du Festival d’été

« On s’entend… Tout ça est galvaudé, vous le savez autant que moi. Les achalandages annoncés dans la plupart des grands événements au Québec, ça n’a parfois aucun sens. Si chacun comptait exactement ce qu’il a sur son site, bien des gens auraient de grosses surprises ».
Ces propos sont du directeur général du Festival d’été de Québec (FEQ), cité par Cédric Bélanger dans le Journal de Québec du 20 juillet 2010. Ils prennent tout leur sens, deux ans plus tard, quand le même journaliste dégonfle un gros ballon en diffusant les chiffres que les administrateurs du FEQ nous cachaient depuis deux ans. Oubliez les 100 000 personnes sur les Plaines lors de l’édition dite « exceptionnelle » de 2010 : le plus gros spectacle, celui de Rammstein, a fait 75 990 personnes (Journal de Québec, 7 juillet 2012).
Il n’est pas sans intérêt de retourner aux journaux de l’époque pour mesurer la différence entre le bluff et la réalité. Pour le spectacle d’Iron Maiden, le 9 juillet 2010, on donnait 75 000 spectateurs (La Presse du 12 juillet) au lieu des 65 000 calculés avec les bracelets selon la liste publiée par le Journal de Québec. Pour Arcade Fire, on avançait 45 000 (Le Soleil, 19 juillet) alors que les chiffres dévoilés samedi disent 25 346…
Ce fut ensuite le black-out. Le FEQ a décidé, en plein festival, de ne plus donner de chiffres d’assistance. Lors du spectacle des Black Eyed Peas, qui aurait attiré « la plus grande foule de l’histoire de l’événement », le DG confiait à la journaliste du Devoir (20 juillet 2010) que « depuis le dernier étage de l’hôtel Le Concorde, la foule était similaire à celle photographiée lors du concert de Paul McCartney »… Or, on sait maintenant qu’il y avait 63 397 spectateurs, soit QUATRE fois moins que l’estimation qui avait circulé lors du passage de sir Paul en 2008 et que le DG avouait cependant n’avoir jamais endossée.
Le FEQ a cessé de donner des chiffres d’assistance au moment précis où il avait des données fiables grâce aux bracelets à puce. « Comparer les assistances entre les spectacles, c’est une insulte que tu fais à la personne qui est venue voir l’artiste, expliquait-on au FEQ. Et tu ne peux pas exposer l’artiste à ça. Dans les grands événements, ça ne se fait pas (Journal de Québec, 20 juillet 2010) ».
C’était fort curieux comme explication : en d’autres mots, il était correct, jusqu’au début du festival de 2010, de donner des chiffres approximatifs et, soudainement, inacceptable de donner des chiffres exacts… La vérité était que le décompte réel entrait en contradiction avec les chiffres annoncés et faisait mal paraître les évaluations précédentes. Comment expliquer qu’il y aurait eu 200 000 personnes au spectacle de McCartney alors que le site est pratiquement plein avec les 63 000 fans de Black Eyed Peas ?
Le FEQ n’est pas une entreprise publique, juridiquement, mais un organisme sans but lucratif, en principe, qui bénéficie d’un large soutien de l’État quand on compte les subventions des ministères et des organismes publics, les commandites venant des sociétés d’État (dont le montant exact est confidentiel) et l’aide en biens et services des différents niveaux de gouvernement. Il devrait faire preuve en retour de transparence en divulguant des données précises sur l’achalandage avec répartition géographique des détenteurs de bracelets. On saurait précisément si les vrais touristes (pas ceux qui résident à 40 ou 50 km de Québec) sont au rendez-vous et justifient les subventions accordées pour attirer du vrai monde de l’extérieur et non seulement assécher les alentours.

Baissez la tête : ça ne vole pas haut !

Dans le collège que j’ai fréquenté il y a cinquante ans, une institution classique disciplinée dirigée par des clercs de leur époque, les étudiants n’avaient pas moins d’imagination qu’aujourd’hui et produisaient en catimini des « chefs-d’œuvre » de littérature populaire qui n’avaient rien à envier à ce qu’on pouvait probablement entendre dans d’autres milieux, à la taverne du village, autour d’un feu de grève après cinq bières, dans les chantiers ou les usines. Grivoiseries, gauloiseries, parodies de chants populaires ou religieux, bravades contre autorités en tous genres : nous n’avions rien inventé en matière de bêtises et nous n’avons pas beaucoup de leçons à donner aujourd’hui. On ne citera pas d’exemples ici, mais… Bon, seulement un. Je me souviens d’avoir entendu chanter dans une « séance » organisée chez la deuxième voisine : « Ô Canada ! (crotte de rats) / Terre de nos aïeux (crotte de bœufs) / Ton front est ceint (crotte de chiens)… » Et ainsi de suite, jusqu’à épuisement du « stock ». Ce n’était pas brillant, mais les plus vieux (vieilles) du groupe n’étaient pas plus qu’adolescents (tes).
Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, et en dépit de nos prétentions artistiques, nous n’aurions jamais imaginé que ces œuvres puissent être diffusées au-delà des murs (ou des clôtures) de leur lieu de production ; seule la tradition orale en a conservé quelque trace, et encore, en ne gardant souvent que le plus racontable.
Ce souvenir m’est venu à l’esprit en lisant les « paroles » de quelques chansons du groupe de musiciens qui a eu son heure de gloire récemment grâce à nos plus hautes autorités politiques nationales et municipales. Dans le Québec d’aujourd’hui (et probablement ailleurs, car nous n’avons pas le monopole de la bêtise), les polissonneries peuvent être mises en ligne, en ondes, en disques ou en spectacles, urbi et orbi. Leurs auteurs peuvent même être invités à la fête nationale.
Le premier ministre a mis le doigt accusateur sur un passage concernant madame Courchesne mais il aurait pu citer la première strophe de la même chanson (intitulée Ah vous dirais-je maman, avec la plus grande économie de ponctuation) qui s’intéresse au recteur de l’UQAM :
« Ah vous dirais-je… Corbo
Mon couteau m’as te l’planter dans l’dos »
Le répertoire du groupe comprend plusieurs autres gentillesses du genre mais il s’agirait, paraît-il, de « blagues », « d’humour » à prendre « au second degré ». Bien sûr… De la violence ? Pas pire, répliquent les artistes, que certains textes « de figures importantes de la chanson, comme Georges Brassens et Richard Desjardins » (… !)
En attendant de pouvoir citer d’improbables exemples, on se laisse sur des extraits d’une œuvre qui constitue une sorte d’exposé géopolitique. Ça s’intitule J’ai vingt va chier! (jeux de mots : j’ai vingt = G20).
« […] J’ai 20 millions
De bonnes raisons
De t’enfoncer dans l’fion
Ma révolution
Harper, tu m’fais pas peur
Obama, osti d’tarla
Zuma, gros tas
Merkel, ah non pas elle!
Saoud, mange mon coude
Kirchner, sorcière
Kevin Rudd, t’es pas à mode
Lula, Social-Traître
Hu Jintao, pire que Mao
Myung Bak, tu fumes du crak
Patil, Palpatine
Bambang, bang bang!
Berlusconi, crève mon osti
Hatoyama, t’es même pas là
Hatoyama, Hiroshima
Medvedev, on t’fait la grève
Calderón, puta cabrón!
Cameron, puta cabrón!
Sarkozy, t’as un p’tit zizi
Gül, on t’encule ».
Et dire que la CLASSÉ s’est formalisée de blagues prétendument « sexistes » des vrais humoristes….

Un autre René Lévesque ?

« Le Québec n’a jamais eu un leader aussi proche de René Lévesque. » C’est ce qu’un lecteur écrivait au sujet du « leader » de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, mercredi dernier (http://www.journaldemontreal.com/2012/05/29/un-grand-leader), dans les quotidiens de Québécor, où on en lit des « bonnes » (et pas seulement dans les lettres ouvertes). C’était avant que le député de Mercier se compare à Gandhi…
« Proche » comment ? Idéologiquement, politiquement, moralement ? Respirons un peu. L’Histoire jugera – si tant est que la bonne fortune de ce premier de classe dure plus que le temps d’un printemps – mais il y a au moins deux ou trois petites distinctions à soulever avant de faire « monter sur les autels » un garçon dont les fidèles n’ont évidemment jamais vu René Lévesque vivant.
On imagine mal Lévesque accepter d’être un simple porte-parole, comme c’est le lot du « leader » de la CLASSE. Aucune marge de manœuvre : il participe aux négociations pour en ramener une proposition aux assemblées générales, sans juger par lui-même (Voir à ce sujet la chronique d’Yves Boisvert dans La Presse du 2 juin : « Le partage de l’intransigeance » - http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/yves-boisvert/201206/02/01-4531144-le-partage-de-lintransigeance.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B40_chroniques_373561_accueil_POS2). Une forme exemplaire de démocratie ? On attend aussi de nos dirigeants politiques qu’ils fassent preuve de responsabilité et visent l’atteinte de résultats. À ce chapitre, le « leader » de la CLASSE est plutôt loin de l’ancien premier ministre (et de la plupart de nos autres chefs de gouvernement) : même les leaders nos syndicats les plus militants savent quand il faut « faire descendre le chat du poteau ».
Lévesque aurait condamné toute forme de violence, sans tergiverser et sans aucune réserve, comme il l’a fait d’ailleurs lors de la Crise d’octobre. Par électoralisme ? On peut le soutenir, mais il a démontré en d’autres occasions son aversion contre toute forme de violence et d’intimidation. Il avait aussi le respect des institutions juridiques, même de la Cour suprême et de son penchant.

Du français trafiqué

« Au Québec, nous nous battons à tous les jours pour trouver le mot français juste. Nous nous battons à tous les jours pour conserver cette magnifique langue. Très amicalement, je veux vous rappeler qu’à Québec, au Québec, nous nous interdisons et nous bannissons l’utilisation de tout anglicisme… »
Le maire de Québec a fait une nouvelle intervention en faveur de langue française lors de sa dernière visite (pardon : sa « mission diplomatique et commerciale », comme on l’écrit dans Le Soleil…) à Bordeaux.
Si un maire de la capitale utilise le poids de sa fonction en faveur du français, il faut s’en réjouir même si on ne peut s’empêcher de constater que, contrairement à la plupart des sportifs, il joue mieux à l’étranger. Ici, il s’accommodait de l’orientation multiculturelle que le fédéral a donnée aux fêtes du 400e en 2008, du projet de reconstitution de la défaite des Plaines en 2009, du contenu scandaleusement anglophone du festival d’été en 2010 et du second enterrement d’Henri IV en 2011. On élargit un peu la question, mais si peu.
Se bat-on vraiment tous les jours pour la défense de la langue française ? Le monsieur « un peu vexé » que la journaliste du Soleil a observé pendant le discours de Bordeaux a peut-être déjà visité Québec, entendu ses citoyens et observé son affichage commercial. Bien sûr, c’est l’Amérique et on ne peut échapper aux Future Shop, Best Buy, Target et autre Winners. Pas même à la Little Burgundy. Ce sont pourtant des restaurateurs francophones de pure souche qui, par exemple, nous ont récemment donné le Jack Saloon, le Fish Bowl et le Wazy Lounge Thaï to go, sans protestations municipales et avec la bénédiction de l’Office québécois de la langue française (OQLF).
Ce dernier se soucie-t-il de la qualité de la langue en acceptant un affichage qui peut contenir des mots anglais, pourvu qu’il y ait un générique « français » ? Selon ce principe, « Artist Cafe » (sans accent) est conforme à la loi. On se contente de peu; s’il y a un mot français dans le nom, c’est « correct », même si sa structure est anglaise, comme Paris Grill, Océan Grill et combien d’autres.
Passons sur le vénéré Red Bull Crashed Ice, le Hockey Pound et le Big Air : c’est la mondialisation (et le sport), évidemment. Il est plus difficile de comprendre que la ville et le ministère de la Culture (responsable de l’OQLF) aient tenu en 2009 un forum culturel sous un nom aussi bâtard que de « Québec horizon culture », que le même ministère ait mis en place l’an dernier un fonds de développement culturel qui s’appelle « Fonds capital culture Québec » et que le réseau des bibliothèques de la capitale n’ait pas trouvé mieux pour nommer son bulletin que Trafic culture… Tous les mots sont français mais le résultat est anglais. Les pouvoirs publics économisent sur les articles, comme la CAQ (Coalition avenir Québec).
Les Québécois se battent-ils vraiment « tous les jours » ? Ce n’est pas seulement au hockey que certains gros joueurs ne se présentent pas tous les soirs.