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Une mise en berne sans précédent

Dans un texte du 5 novembre annonçant que le drapeau canadien retrouvera bientôt sa place normale, Radio-Canada rappelait que l’unifolié avait été mis en berne le 30 mai « après la découverte des restes de 215 enfants près du terrain d’un ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops, en Colombie-Britannique » (https://www.msn.com/fr-ca/actualites/quebec-canada/l-unifoli%C3%A9-sera-hiss%C3%A9-de-nouveau-dimanche-soir/ar-AAQmOwC?parent-title=maux-de-lhiver-nos-solutions-douces-pour-passer-au-travers&parent-ns=ar&parent-content-id=AAk6mRi).

Quelques jours plus tôt (31 octobre, https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1835997/unifolie-pensionnats-autochtones-parlement-commemoration), la Presse canadienne (PC) avait adopté une formulation différente : le drapeau a été mis en berne « après que la Première Nation Tk’emlups te Secwepemc eut annoncé qu’un radar à pénétration de sol avait détecté ce que l’on pense être les restes de 215 enfants autochtones. »

La première formulation est courante, dans les médias québécois, pour parler du cas de Kamloops et des autres « découvertes ». Une chroniqueuse du Devoir a écrit le 23 octobre qu’on avait « trouvé » les corps de 751 enfants sur le terrain de l’ancien pensionnat de Marieval.

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(photo CBC)

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Il faut consulter les médias du Canada anglais pour comprendre la prudence de la PC. Le rapport préliminaire sur le cas de Kamloops a été dévoilé à la mi-juillet, mais ne semble pas avoir eu d’échos au Québec. Tel que rapporté notamment dans le Toronto Star du 16 juillet, le radar a repéré des « anomalies » dans le sol, mais on ne saura rien des « restes » tant qu’on ne les aura pas exhumés, comme l’a déclaré, la veille, le Dr Sarah Beaulieu, de l’Université Fraser Valley, qui supervise la recherche : « With ground-penetrating radar, we can never say definitely they are human remains until you excavate, which is why we need to pull back a little bit and say they are probable burials, they are targets of interest (Avec un radar à pénétration de sol, nous ne pouvons jamais dire avec certitude qu’il s’agit de restes humains tant qu’il n’y aura pas excavation, c’est pourquoi nous devons prendre un peu de recul et dire qu’il s’agit de sépultures probables, ce sont des cibles d’intérêt) » (https://www.thestar.com/news/canada/2021/07/16/number-of-probable-graves-near-former-residential-school-pegged-at-200.html).

La même observation s’applique vraisemblablement aux autres cas :

Notons qu’il ne s’agit de sépultures individuelles et non de « charnier », comme on a pu le lire dans de nombreux textes ici cet été.

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D’autres éléments doivent aussi être pris en considération.

Les médias ont conclu que 751 sépultures repérées à la fin de juin étaient celles de pensionnaires de la Marieval Indian Residential School. « But, according to a band councillor, that’s not necessarily the case. “It appears that not all of the graves contain children’s bodies,” Jon Z. Lerat told the Globe and Mail, noting that this was also the burial site used by the rural municipality. […] “We did have a family of non-Indigenous people show up today and notified us that some of those unmarked graves had their families in them — their loved ones,” Lerat said. [Cowessess Chief Cadmus] Delorme added that oral stories said the graves belong to “both children and adults” as well as “people who attended the church or were from nearby towns” (https://torontosun.com/opinion/columnists/malcolm-its-important-to-bring-accuracy-to-residential-school-graves-conversation?fbclid=IwAR3rztbI-M2FkbYkk76qpzO4UXVTeG1haQEpso751gSDpbYbh_zpcw3HOlM) ».

Contexte similaire pour les « 182 tombes non marquées » repérées quelques jours plus tard : « Like the Cowessess cemetery graves, the Lower Kootenay unmarked graves are within an existing cemetery — and again the cemetery was used by the broader community. […] Former chief Sophie Pierre told Global News “there’s no discovery, we knew it was there, it’s a graveyard. The fact there are graves inside a graveyard shouldn’t be a surprise to anyone.” » Les archives de ce cimetière démontrent qu’il a été ouvert en 1865, 50 ans avant l’ouverture du pensionnat, et qu’il a été utilisé, à partir de 1874, par le seul hôpital de la région de Cranbrook (https://torontosun.com/opinion/columnists/malcolm-its-important-to-bring-accuracy-to-residential-school-graves-conversation?fbclid=IwAR3rztbI-M2FkbYkk76qpzO4UXVTeG1haQEpso751gSDpbYbh_zpcw3HOlM). On peut donc prévoir y trouver d’autres sépultures que celles d’enfants pensionnaires.

Les chiffres évoqués ci-dessus sont d’ailleurs intrigants. La Commission de vérité et de réconciliation a compté 139 pensionnats et 3200 enfants décédés, soit une vingtaine de décès par pensionnat, en moyenne. Or, dans les 4 cimetières mentionnés ci-dessus, on parle de 1300 sépultures, au total, soit une moyenne de plus de 300. Ce sont des chiffres difficiles à… réconcilier.

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« Les drapeaux canadiens resteront en berne tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral n’aura pas eu l’aval des communautés autochtones pour les remonter », a déclaré Justin Trudeau au début de septembre (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1823325/drapeaux-canada-pensionnats-autochtones-trudeau-lever, 10 septembre), concédant ainsi aux Autochtones ce qu’on pourrait appeler « une victoire dans la course victimaire » : leur cause occulterait toutes les autres, car la mise en berne « permanente » du drapeau empêcherait toute autre commémoration sur la tour du Parlement canadien.

Trudeau s’était « peinturé dans le coin » avec sa mise en berne sans échéance et, avec le temps, les représentants autochtones ont interprété « une levée des drapeaux non pas comme un retour à la normale, mais comme une insulte » (Dumont).

L’Assemblée des Premières Nations (APN) en rajoutait le jeudi 4 novembre en réclamant que « l’unifolié soit hissé dimanche sur tous les bâtiments fédéraux aux côtés d’un drapeau orange portant la mention ’Chaque enfant compte’ » et « que les deux drapeaux, l’orange et l’unifolié, flottent côte à côte jusqu’à ce que toutes les dépouilles d’enfants soient récupérées et envoyées dans leur terre d’origine – physiquement ou symboliquement »… Heureusement, malgré cette proposition peu réaliste, Ottawa et ses partenaires autochtones ont annoncé le lendemain que la mort des enfants qui ont fréquenté les pensionnats serai rappelée autrement, ce qui a permis de relever le drapeau en vue de la commémoration de l’Armistice (https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/1837591/chaque-enfant-compte-unifolie-jour-souvenir-pensionnats). L’exhumation des dépouilles d’enfants pose des problèmes techniques, légaux et scientifiques d’une telle ampleur qu’on ne peut imaginer le jour où elles auraient toutes été identifiées, à la grandeur du Canada et à la satisfaction de l’APN.

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Comme l’écrivait Mario Dumont le 3 novembre (https://www.journaldemontreal.com/2021/11/03/relevez-ce-drapeau), « cette mise en berne permanente est un cul-de-sac. Oui, il fallait mettre les drapeaux en berne à l’époque pour souligner la tristesse et l’indignation collective devant des horreurs du passé. […]

Les millions de citoyens du Canada veulent une réconciliation, certes. Ils sont d’accord pour que leur gouvernement prenne des moyens pour assurer la réconciliation. Mais les citoyens du Canada ne vivent pas dans la honte en permanence. »

Beneva, Sollio, Avantis et les autres

MA mutuelle d’assurance, La Capitale, a fusionné avec SSQ Assurance. La première était, à l’origine (1941), la « Mutuelle des employés civils, société de secours mutuels » et, plus tard, la « Mutuelle-vie des fonctionnaires du Québec » ; la seconde a été baptisée « Coopérative de santé de Québec » (1944), mais a grandi sous le nom de « Services de santé de Québec, société de secours mutuels ».
Les deux institutions sont issues du mouvement mutualiste qui a débuté à la fin du XVIIIe siècle ; elles ont aussi en commun d’avoir survécu au mouvement de démutualisation qui a marqué la seconde partie du XXe.
La création de ce géant de l’assurance est évidemment justifiée par le besoin d’affronter la compétition et on comprend aisément qu’il est difficile d’aller au combat dans le vaste monde avec une combinaison quelconque de leurs anciens noms. Après « un long processus de réflexion », dit-on, « parce qu’il se prononce bien dans les deux langues officielles du Canada et qu’il répond aux visées d’expansion à l’extérieur du Québec », on a créé « Beneva ».

Beneva

Ils prennent vraiment les francophones pour des demeurés, ceux qui prétendent que ce nom se prononce bien dans les deux langues officielles qui sont, rappelons-le, l’anglais et le français. Pour les anglophones, les Italiens et les latinistes, « ça va bien aller » : ils diront évidemment « Bé-né-va ». On leur a épargné les accents. Les francophones, eux, s’accommoderont, comme d’habitude, et prononceront le nom à l’anglaise, à moins de dire « boeuf-noeud-va », à la manière d’un ancien premier ministre. Si vous lisez « benedicite » à haute voix, ça ne sonnera pas comme « bénédicité ».
Il est très décevant de voir de grandes institutions québécoises incapables de s’affirmer en s’identifiant en « vrai » français. Le nom « Beneva » évoque la bienveillance, dit le PDG, mais on a choisi de le construire avec sa version anglaise, « benevolent ». Les Anglais vont vite s’y reconnaître : leurs anciennes sociétés d’entraide mutuelle étaient des « benevolent societies ». C’est d’ailleurs plus évident dans les explications données par l’entreprise, en anglais, à Insurance Business : « When split into « Bene » and « va », it can be associated with « benevolence » and « movement » (in French) ». Les sociétés équivalentes au Canada français s’identifiaient traditionnellement comme « société de secours mutuels » ; c’était le cas des deux nouveaux mariés qui ont cependant mis de côté la référence à la mutualité et engendré Beneva, sans accent, pour plaire à la clientèle « mondiale ».
C’est la même course à l’image de marque (branding) qui a amené la fédération quasi centenaire des coopératives agricoles, la Coop fédérée (autrefois la Coopérative fédérée de Québec) à changer récemment son nom pour Sollio, où on retrouverait, dit-on, le sol, le soleil et la solidarité… Plusieurs coopératives affiliées à cette fédération créée en 1922 ont aussi changé de nom au fil des ans. Celle que mon père a gérée autrefois, la Coopérative agricole de la Côte-du-Sud, a pris récemment le nom Avantis (et déménagé en plus son siège social en Beauce).
(On pourrait aussi mentionner le cas de L’Industrielle-Alliance, même si cette institution a été démutualisée depuis longtemps. Le couple date de 1987, résultat de l’union de L’Alliance nationale, société de secours mutuels créée en 1892 pour favoriser l’avancement des Canadiens français, et de l’Industrielle, compagnie d’assurance mutuelle fondée à Québec en 1905. Depuis 2015, L’Industrielle-Alliance est devenue « iA groupe financier », avec un « i » minuscule incongru qui n’existe probablement que pour « faire parler les curieux », mais rappelle immanquablement le « Hi Ha » de Roland Tremblay ou le « Hee Haw » de la fameuse émission country américaine. Mais peut-être faut-il dire « Ail-hé » ?)
On aura remarqué le goût pour les consonances latines (Beneva, Sollio, Avantis…), mais probablement moins le dommage collatéral qui consiste à faire disparaître, dans les marques, les références à la mutualité et à la coopération. D’autres ont réussi pourtant (dont Co-operators, Coop Mountain, et, ici, Promutuel) à concilier la course à la marque et la vraie nature de l’institution qui est à la fois une association et une entreprise.
Desjardins est un cas particulier. L’image de marque passe par l’utilisation d’un nom, celui du fondateur, qui s’est imposé, alors que le qualificatif « populaires » a été écarté des raisons sociales.  On entend moins aussi, tant pour les caisses que pour l’ensemble des coopératives, le mot « mouvement » qui évoque la démarche solidaire des coopérateurs (l’association) vers un système économique plus équitable.
C’est l’entreprise qui domine : on dit « chez Desjardins », comme chez Bombardier, McDonald ou Molson, et il n’est pas étonnant que voir le sentiment d’appartenance s’étioler. La crise suscitée par la fuite de données en 2019 en a fourni une illustration patente. Un recours collectif a été intenté au nom des quelque trois millions de membres touchés, une démarche qui consiste bêtement à se poursuivre soi-même : au bout du compte, la somme que les membres obtiendraient en compensation représenterait une sorte de retrait de leur avoir collectif… Comme absence de sentiment d’appartenance, on peut difficilement faire mieux, et, pourtant, oui : certains Québécois croient que les caisses appartiennent à la famille Desjardins ! C’est bien leur nom qui est sur la porte, non ?

Des chefs héréditaires wet’suwet’en d’origine québécoise

La présence d’un certain Alphonse Gagnon (aussi connu sous le nom de Kloum Khun) parmi les chefs héréditaires de la nation wet’suwet’en en a intrigué plusieurs. Et c’est d’autant plus intriguant que cet Alphonse a un frère, Adam, sous-chef du clan Fireweed de la même communauté.

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À première vue, ils auraient pu être des descendants des Français qui ont couru autrefois les Pays d’en haut et l’Ouest canadien, donnant naissance aux Métis et laissant des héritiers jusque chez les Dénés des Territoires du Nord-Ouest. Le nom de famille Gagnon se serait-il perpétué jusqu’à nos jours?

L’explication serait plus simple.

D’après l’auteur ou les auteurs du blogue JLS Report (https://www.jlsreport.com/2019/09/15/parrot-lakes-fiction-and-fantasies/), qui représente les membres de la nation wet’suwet’en favorable au gazoduc, Adam est le fils d’un Québécois, Louie Gagnon, et d’une autochtone de la nation wet’suwet’en, Annie Tommy, qui a aussi quelques enfants d’une union précédente.

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Il a grandi à Houston (B.C.) et, à la fin des années 1970, la famille a déménagé à Smithers. Empruntant par dérision le vocabulaire des radicaux de la communauté wet’suwet’en, JLS Report écrit qu’Adam Gagnon a été un « white colonialist » comme les résidents de ces deux villes. « Its like the rejected half breeds of yesterday have become today’s crusaders for the lost treasures that come with landing a multi billion dollar land claim » [C’est comme si les métis rejetés d'hier s’étaient mis aujourd'hui en croisade pour les trésors perdus qui accompagnent le dépôt d'une revendication territoriale de plusieurs milliards de dollars].

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Voir aussi: https://www.youtube.com/watch?v=ESzqgfz7UNA

 

« Les Pays d’en haut », entre vaudeville et « western »

Dans La Presse du 5 février, Hugo Dumas loue « le souci du détail historique » de l’auteur du téléroman Les Pays d’en haut, mais les exemples qu’il donne tournent court (https://www.lapresse.ca/arts/television/202002/04/01-5259587-un-mariage-et-un-deterrement-.php).

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Insérer un couple lesbien dans un téléroman n’a pas besoin de justification historique. L’exhumation d’Oscar Labranche a été inspirée d’un fait vécu, l’affaire Guibord, mais le véritable évêque de Montréal n’a pas « refait le cadastre », ce qui n’était pas en son pouvoir; il a désacralisé la tombe de Guibord. Quant au curé Caron, « amalgame » de plusieurs religieux, il ne correspond, comme tel, à aucun personnage historique, mais constitue plutôt à une immense caricature.

Le rôle de l’auteur de cette série n’est pas de donner des cours d’histoire, mais de distraire et on peut dire qu’il réussit. Entre vaudeville et western, Les Pays d’en haut ne manquent pas de couleur, de surprises, de rebondissements et … d’invraisemblances, comme ce sous-ministre à la gâchette facile ou Pâquerette et Donatienne qui réussissent à rédiger une longue lettre, sortir par le deuxième étage, prendre un train (qui ne se rend pas encore à Saint-Adèle) et se retrouver à Lowell, USA, avant le prochain message publicitaire.

Dans la campagne de presse qui a précédé le lancement, on a annoncé une œuvre qui montrerait les vraies choses et surtout la vraie Donalda, différente du personnage créé dans les années trente par un Grignon tenu, parait-il, sous l’influence du cardinal Léger (qui n’était en fait pas encore cardinal…). Dans le roman original, la pauvre Donalda meurt dans les premières pages et n’a évidemment pas pu mettre en valeur les qualités que ses contemporaines ont démontré dans toutes sortes d’activités réelles. C’est bien d’en parler, mais en créer une qui est à la fois épouse, mère, fermière, beurrière, infirmière, bibliothécaire et directrice d’école du soir, c’est peut-être beaucoup. Mais pas plus que Séraphin, l’agent des terres avare de Grignon, qui devient sous-ministre de la Colonisation et sera peut-être ministre l’an prochain!

Les épisodes de cet hiver se déroulent au début des années 1890. Il y est quand même question de l’entrée des femmes à la faculté de Droit, de la Ligue catholique féminine et de la Commission de liqueurs, dont on n’entendra parler que 20 ou 30 ans plus tard.

Détails historiques ? Finalement, « c’est juste de la télé ».

La décennie : « pas finie tant que c’est pas fini »

Hypnotisés par un zéro à l’horizon, comme un chevreuil devant un phare la nuit, nos grands médias ont endossé la croyance populaire voulant que la décennie (comme le siècle et le millénaire, il y 20 ans) se termine avec un 9. À une époque où ces médias voudraient (avec raison) qu’on fasse confiance à la science en matière d’environnement, l’opinion des scientifiques ne pèse pas lourd quand il s’agit du calendrier. Et d’Histoire.

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À la fin des années 1990, la réputée Ruth S. Freitag, de la section Science et technologie de la Bibliothèque du Congrès, avait dressé une longue bibliographie sur ces gens qui célèbrent avant le temps. Dans cet ouvrage justement intitulé The Battle of the Centuries – un débat qu’elle qualifiait de « douce imbécillité » (minor imbecility) – , Freitag remontait au XVIIe siècle pour démontrer que le même débat revenait à chaque fin de siècle et qu’on aboutissait toujours à la même conclusion: il n’y a pas d’année 0 et « il n’y a jamais eu de périodisation des règnes, des dynasties ou des ères qui ne désignait pas sa première année comme l’année 1 » (http://www.loc.gov/rr/scitech/battle.html).

Ruth Freitag reconnaissait qu’elle nageait à contre courant. La croyance populaire voulant que les millénaires, les siècles et les décennies commencent par un zéro est tellement répandue, écrivait-elle, que quiconque essaie de signaler l’erreur est considéré comme pédant et ignoré (https://www.npr.org/2019/12/27/791546842/people-cant-even-agree-on-when-the-decade-ends).

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Dans Le Monde du 29 janvier 1980, un certain Georges Petit a réagi parce que Giscard d’Estaing avait déclaré que « la première année de la décennie, l’année 1980, sera difficile » :

« Quand l’Église décida, au sixième siècle, de définir une ère rattachée à la naissance de son fondateur, elle fit référence au calendrier alors en usage et fixa rétrospectivement son an 1 à [l’an] 734 de Rome ; jamais il ne fut question d’une année 0, et pour cause : les Arabes n’avaient pas encore donné le zéro à la chrétienté ».

Ironie de l’histoire, le moine responsable de cette réforme s’appelait Denis le Petit!

« Par contre, écrivait encore Georges Petit, les Conventionnels, eux, connaissaient le zéro ; ils n’en firent pas moins commencer leur calendrier révolutionnaire au 1er vendémiaire de l’an I de la République, qui coïncidait avec le 22 septembre 1792 du ci-devant calendrier grégorien. […] Mais d’année 0, point. » (https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/01/29/quand-commence-la-huitieme-decennie-du-xxe-siecle_2798778_1819218.html)

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Aujourd’hui, Rick Fienberg, de l’American Astronomical Society, Andrew Novick, du National Institute of Standards and Technology, et Geoff Chester, de l’Observatoire naval des États-Unis, disent la même chose, ce dernier précisant qu’il compte « de 1 à 10, pas de 0 à 9 » (http://www.slate.fr/story/185822/2020-nouvelle-decennie-2021-annees-decades).

Bien sûr, on s’étonnera que l’année 2020 fasse partie des années dix, mais, quand vous comptez sur vos doigts, le dixième fait partie de la dizaine. Et avec les orteils, vous arrivez à 20, soit une autre dizaine.

Parce qu’il n’a pas de doigt 0 non plus.

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PS: en terminant cette note, je découvre le texte de l’Agence Science-Presse publié hier, le 30 décembre ( https://quebec.huffingtonpost.ca/entry/2020-decennie-nouvelle-annee_qc_5e0a505fe4b0843d360a9b77).