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Mémoire cachée

Un nouveau gadget numérique accroché à votre plaque d’immatriculation permet de faire défiler des messages personnalisés, comme « vous me suivez de trop près ». Le problème : ce dispositif cache une partie de la plaque d’immatriculation, ce qui enfreint le Code de la sécurité routière. En principe. Car un juge de la cour municipale de Laval a acquitté un automobiliste dont le bidule masquait la devise du Québec (en bas de la plaque) : « L’inscription accessoire Je me souviens est apparue à la faveur d’une volonté autre que législative », a-t-on subtilement décrété, d’où l’acquittement
En vertu de quoi la devise est-elle donc là, si ce n’est pas une volonté législative ? Voilà un mystère à expliquer.
En attendant, vous pouvez cacher le bas mais laissez le haut découvert.

Parité impaire

Lu dans le Journal des débats du 23 mai dernier : « c’est la première fois de notre histoire qu’un conseil des ministres, au gouvernement du Québec, est composé à parts égales d’hommes et de femmes, un geste audacieux qui peut-être aura inspiré le nouveau premier ministre français [...] qui a annoncé effectivement la composition de son Conseil des ministres paritaire. »
Les premiers ministres rivalisent en effet d’« audace » : ils ont présenté comme « paritaires » des conseils qui comprennent (premiers ministres inclus) 9 femmes et 10 hommes à Québec et 7 femmes et 9 hommes à Paris…
Il y a vraisemblablement une subtilité mathématique qui nous échappe, mais on a compris que le mot « parité » a la même signification en politique des deux côtés de l’Atlantique…

Yves Michaud avait visé juste

Les éditorialistes de nos quotidiens le plus modérés ont vivement dénoncé la position de l’organisation juive B’nai Brith qui demande au chef du Parti libéral fédéral d’exclure Jocelyn Coulon des candidats du parti en raison de ses opinions « anti-israéliennes ». B’nai Brith justifie cette demande en invoquant l’attitude hostile de monsieur Coulon envers Israël, ses discours antiaméricains et ses appels à la fin de l’isolement du gouvernement palestinien contrôlé par le Hamas. « Des faussetés », selon La Presse ; « Demande insensée », pour Le Soleil.
Cette intervention évoque de mauvais souvenirs. En décembre 2000, B’nai Brith pressait les électeurs de la circonscription de Mercier de rejeter la nomination d’Yves Michaud et intervenait auprès du premier ministre pour qu’il repousse cette candidature. On sait ce qui est arrivé ensuite…
Selon les termes du « réquisitoire » prononcé contre lui au Parlement, Yves Michaud avait qualifié B’nai Brith de « mouvement d’extrémistes ».
L’Histoire lui donnera raison. Au moins sur ce point.

L’opinion publique en vacances

Les nouvelles se cannibalisent. On l’a vu dans l’incident Justin Trudeau (Quel incident ? Voir la note « Just in time »). Il arrive aussi qu’elles tombent en plein « vide médiatique ». Ainsi, le 3 juillet dernier, le Procureur général du Québec annonçait que le gouvernement du Québec n’en appellera pas de la décision de la Cour supérieure du Québec sur les salaires des juges de la Cour du Québec et des cours municipales.
Il y a six ans, un « comité indépendant » recommandait d’augmenter la rémunération de ces magistrats de 31 % (trente et un) pour les années 2001, 2002 et 2003. Estimant cette augmentation injustifiée, le gouvernement québécois avait offert 8 %, puis 12 %, mais les juges ont contesté avec succès devant la Cour supérieure, la Cour d’appel et la Cour suprême.
« Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ?, cet Horace des temps modernes ? Que ces augmentations soient 10 fois supérieures à ce que le gouvernement a offert aux employés du secteur public ne semble pas un argument valable. Ni une raison pour justifier une réaction des médias, des groupes de pressions ou des syndicats.
Corneille aurait pu ajouter : « Nous étions en vacances, et ce fut le silence ».

« Ton histoire est ‘une des pas pires’ » (titre inspiré du Frère Untel)

Dans son édition du mois d’août 2007, la revue Beaver publie le palmarès des « pires Canadiens de l’histoire ».
D’après les 14 300 internautes qui ont participé au « sondage », l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau domine le Top 10 des pires Canadiens de notre histoire ! Il est suivi du chanteur Chris Hannah (bien connu dans l’Ouest, semble-t-il…), du médecin Henry Morgentaler, de l’ancien premier ministre Brian Mulroney, des criminels ontariens Paul Bernardo et Karla Homolka, du premier ministre Stephen Harper, de la chanteuse Céline Dion, de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, du criminel Clifford Olson et de l’homme d’affaires Conrad Black.
Pour avoir une opinion « plus réfléchie et mesurée », la revue publiée à Winnipeg a aussi demandé à 10 historiens de renom de se prononcer. Leur liste, totalement différente, comprend, le dirigeant fasciste Adrien Arcand (au premier rang), l’ancien premier ministre John Diefenbaker, un bourreau reconnu de l’armée japonaise, Inouye Kanao (« The Kamloops Kid » ? !), un ancien fonctionnaire des Affaires indiennes, Joseph Trutch, les chefs militaires John Reiffenstein et Sam Hughes, l’ancien premier ministre John A. Macdonald, l’éditeur de journaux populaires Max Aitken, le journaliste Edward Farrer (pour ses propos racistes au sujet des francophones) et un autre fonctionnaire des Affaires indiennes, Duncan Campbell Scott.
Mon premier réflexe consiste à hausser les épaules devant ce coup de pub du magazine qui a « réservé la description du choix des historiens et l’analyse des résultats du vote du public à son édition imprimée »… et vendue. Le « sondage » n’est évidemment pas scientifique, comme le service de recherche de Radio-Canada a opportunément tenu à nous le dire… Mais, en ces jours de vacuum médiatique, la « nouvelle » s’est répandue sur Internet comme un feu de broussailles au mois d’août et tous les médias ont senti le besoin d’en parler, dont Le Devoir (à la une, s.v.p.) et Radio-Canada, probablement au nom du droit du public à l’information…
Une autre approche consiste à essayer d’en tirer quelque chose, une conclusion quelconque, des interrogations pour l’avenir, des pistes de recherche, n’importe quoi, bref, pour justifier cet exercice qui aurait eu pour objectif de « faire participer le grand public à l’élaboration d’une forme de perspective historique ». Le magazine n’exploitera-t-il pas le filon jusqu’à la lie en publiant même, dit-on, une analyse (sérieuse ?) des résultats de ce « sondage »…
Faisons quand même deux constatations sans prétentions. Premièrement, malgré une certaine formation en histoire et quelques 35 ans d’expérience, je ne connais pas la moitié des « déshonorables » énumérés par les historiens. Vit-on vraiment dans le même pays ? Mes collègues ont retenu un seul Québécois, Adrien Arcand (dont le parti s’appelait pourtant Parti de l’unité nationale du Canada…), oubliant notamment les opposants à la conscription ainsi que les séparatistes et les felquistes qui ont tourné le dos au Canada assez dramatiquement, merci, mais qui n’entrent pas dans les catégories les plus sensibles des historiens consultés, soit les personnages racistes et coupables de discrimination. Le rebelle Louis Riel faisait partie des « héros » proposés mais il n’a pas atteint le Top 10.
Par contre, lorsque le peuple (essentiellement anglophone, d’après ce qu’on peut en savoir) se prononce dans l’anonymat d’Internet, il place SIX Québécois d’origine dans le Top 10 ! Dont les trois premiers ministres d’origine québécoise qui ont gouverné le Canada pendant près de 40 ans. Gênant ! Ces Québécois y fréquentent trois criminels répugnants, un chanteur punk et… le premier ministre Harper ! Honnêtement, peut-on soutenir que Céline Dion n’est pas une meilleure Canadienne que Ben Johnson, Allan Eagleson et Don Cherry?
Tout cela ne veut probablement rien dire et mieux vaut finalement prendre cet exercice pour ce qu’il vaut, c’est-à-dire pratiquement rien. L’éditeur de la revue (interrogé par la PC) a d’ailleurs déclaré que ce palmarès avait été conçu « à la fois pour rire et mais aussi pour amener les Canadiens à discuter d’histoire ».
Allons-y donc pour la première option, mais de qui rira-t-on précisément ? Et est-ce vraiment drôle ?