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« Prendre une chance» sur les Plaines?

Céline Dion part en tournée mondiale jusqu’au 30 janvier 2009; elle visitera 85 villes sur 5 continents. La caravane Taking Chances entreprend cette semaine la première étape qui durera six mois. Après la pause de juillet, Céline Dion sera à Montréal du 15 au 31 août mais elle se produira sur les plaines d’Abraham le 22, un one-night stand qui figure parmi les dix grands événements inscrits au programme du 400e anniversaire de Québec.
Céline et ses musiciens ont préparé une soixantaine de chansons pour cette tournée et elle en choisira 20-25 chaque soir en fonction des préférences des auditoires. Selon ce que son chef d’orchestre a confié à la presse, une seule chanson en français sera interprétée : Pour que tu m’aimes encore, la chanson de Céline la plus populaire, en français, tous marchés confondus.
« La question qui tue », dirait Guy A. : a-t-elle un plan B pour Québec?
Il paraît que les clauses monétaires du contrat intervenu entre la Société du 400e et René A. doivent demeurer confidentielles mais, si on peut se résigner à ne pas savoir combien on paie, sait-on au moins ce qu’on entendra? « En Afrique du Sud comme ailleurs, selon le chef Mégo, le choix s’arrête sur les [chansons] préférées du public ». Alors, la Société du 400e a-t-elle fait des demandes spéciales? À six mois de l’événement, la diva peut-elle répéter quelques airs dans la langue de Charlemagne?

Les Québécois, « chiqueux de guenilles » ?

Il a fallu quelques semaines mais Denis Bouchard a réagi de façon classique aux commentaires suscités par le spectacle qu’il a mis en scène le 31 décembre : «… il y a beaucoup de chiqueux de guenilles à Québec, ça s’entretue, ça n’a pas de bon sens. C’est propre à cette ville-là… » (propos livrés à Radio X tels que rapportés par le Journal de Québec du 2 février). Au moins, il n‘a pas dit « village » et, comme la situation lui fait « beaucoup penser à Paris », on se retrouve en pas si mauvaise compagnie. D’ailleurs, les commentaires les plus raides sont venus de Montréal.
Le Devoir du 3 janvier a titré « Un ratage historique » : « Quel gaspillage ! Quarante-cinq petites minutes à remplir, un an de travail, près de trois millions de dollars de fonds publics et on nous a servi ça. […] On est en droit de se demander pourquoi la Société du 400e lui a confié la direction artistique de ce spectacle, certes rodé techniquement, mais au contenu faible et bâclé ? À la décharge du maître d’œuvre, comment les patrons du 400e ont-ils pu donner le feu vert à une proposition artistique aussi pitoyable ? »
Dans son édition de janvier, L’Action nationale a donné un autre point de vue :
« Ce spectacle navrant n’était pas un échec, bien au contraire. On a pu y voir là la représentation de ce que l’ordre canadian tolère qu’on soit, un vestige désincarné, ballotté entre le quétaine et le folklore, s’agitant dans le party parce qu’on lui a refusé la Fête et beuglant son contentement dans une finale en anglais achevant de dire le contraire de ce que tout cela aurait dû signifier. […]
« L’absolue médiocrité qui a empêché ce spectacle d’atteindre à la vérité artistique a tout simplement permis de révéler, en quelque sorte in absentia, ce qui faisait objet de censure : la culture québécoise, la vérité de la nation. « Tu penses qu’on s’en aperçoit pas » chante Ti-cul Lachance (Gilles Vigneault). Ce spectacle était criant de vérité. Et la réaction qu’il a suscitée, porteuse d’une vérité plus grande et plus forte encore : nous ne sommes pas cela, nous ne voulons pas cela. Nous aurions pu faire autrement, mais, somme toute, nous avons commencé l’année du bon pied, en refusant, les uns sur la place d’Youville, les autres dans les chaumières et les fêtes de famille, ce qu’on veut faire de nous. »
Dures, les critiques de Québec ? Le programme officiel de cette soirée n’avait-il pas promis « un univers imaginaire qui fera revivre 400 ans de notre histoire » ?

Samuel de Champlain, le fondateur de Québec

(texte paru dans le Soleil du 7 janvier 2008)
En cette année du 400e anniversaire, Québec imposera à Champlain l’humiliation de défendre son titre de fondateur dans un duel théâtral avec un personnage, Pierre Dugua de Mons, qui a marqué les débuts de l’Acadie mais n’a jamais remonté le Saint-Laurent, n’est jamais venu à Québec et n’a fait qu’un passage fugace dans son histoire.
Pierre Dugua de Mons
Démobilisé au terme des guerres de religion, Pierre Dugua de Mons liquide la plupart de ses biens pour investir dans la lucrative traite des fourrures. Henri IV lui accorde un monopole pour dix ans et le titre de « lieutenant général au pais, territoire, des côtes de la terre de l’Acadie » (à défaut de celui de vice-roi). En retour, Dugua de Mons doit « transporter et laisser audict pais cent personnes » par année, nombre qu’il fera ensuite réduire à soixante. Il s’associe à d’autres marchands pour la traite et vient s’établir en Acadie, une région qu’il préfère à Tadoussac et à la vallée du Saint-Laurent. Après un hiver catastrophique à l’île Sainte-Croix, Dugua de Mons déménage le camp à Port-Royal et, dès 1605, s’en retourne en France. Son monopole est tellement contesté que le roi le révoque en 1607. Les gens de Port-Royal sont alors rapatriés, dont Champlain qui persuade Dugua de Mons de se tourner vers le Saint-Laurent. Au début de 1608, le privilège de traite est rétabli, pour un an seulement, sans obligation d’amener des colons. Dugua de Mons forme une nouvelle compagnie mais il renonce à revenir lui-même en Nouvelle-France ; c’est Champlain qui débarque à Tadoussac le 3 juin et prend la direction du site qu’il a repéré avec Dupont-Gravé en 1603. Le 3 juillet 1608, il arrive à Québec avec deux douzaines d’hommes et entreprend de construire une « habitation ».
Des historiens comme Armstrong, Biggar, Bishop, Heidenreich, ont étudié sérieusement la vie de Champlain et n’ont jamais mis en doute son titre de fondateur. Prétendre aujourd’hui que Dugua de Mons a été mis en marge parce qu’il était protestant ne tient pas la route. Ce sont des protestants qui lui ont préféré Champlain, supposément catholique.
Dugua de Mons est présent dans les manuels d’histoire du Canada comme pionnier de l’Acadie. C’est l’Acadie, et non Québec, qui était visée par les « requêtes » (où certains prétendent voir un « plan en sept points ») qu’il soumet au roi de France en novembre 1603. Ses mérites ont été reconnus par le gouvernement canadien qui a émis un timbre en son honneur en 2004 et qui lui avait érigé un monument à Annapolis Royal un siècle plus tôt, à titre de « pionnier de la civilisation en Amérique du Nord » et de fondateur du « premier établissement européen au nord du golfe du Mexique ». Le Canada a aussi participé au dévoilement d’un monument au « fondateur de l’Acadie et du Canada, initiateur et financier des expéditions de Champlain » à Royan (Charente) en 1957.
Mais les Royannais ne se sont pas arrêtés là, multipliant les commémorations où le fils du pays est mentionné comme « fondateur » ou « cofondateur de Québec », avec et même sans Champlain. Dans la biographie intitulée Pierre Dugua sieur de Mons, fondateur de Québec, Jean Liebel prétend que son héros mérite ce titre car il a fourni les fonds… Or, en 1608 (et encore plus après 1613), Dugua de Mons était un investisseur minoritaire dans l’entreprise de traite qui possédait « le lieu appelé Québec » : faudrait-il encore allonger la liste des « cofondateurs » pour inclure les autres associés ?
« Pionnier de la civilisation en Amérique du Nord », « fondateur du premier établissement européen », « fondateur de l’Acadie et du Canada », voilà beaucoup de titres pour un homme « oublié ». Mais pourquoi serait-il en plus le fondateur d’une ville où il n’a jamais mis les pieds ?
Champlain
Champlain a effectué 23 traversées de l’Atlantique et passé plusieurs hivers en Nouvelle-France. Il a négocié avec les Amérindiens, arbitré leurs disputes, établi des alliances et mené la guerre contre les Iroquois, sortant gravement blessé du second combat. Après avoir exploré plus de 2400 kilomètres le long du Saint-Laurent et quelque 2000 kilomètres de la côte atlantique, il a poursuivi ses explorations jusqu’au lac Huron et plaidé inlassablement la cause de la colonie. En 1629, les Kirke amènent Champlain prisonnier en Angleterre ; déterminé à poursuivre son œuvre, il revient à Québec où il meurt en 1635.
Non seulement Champlain a-t-il fondé Québec, mais il a veillé sur son développement pendant plus de vingt-cinq ans. Il l’a défendue et l’a fait connaître par ses écrits et ses cartes. Il aurait pu se décourager et vivre de ses rentes, de la pension qu’il touchait depuis 1601 ou de faveurs royales, comme Dugua de Mons l’a fait après son unique hivernement de 1604, se contentant ensuite d’une participation financière mineure aux opérations de traite et cherchant à se départir de l’« habitation » dès la fin de son monopole. De son côté, Champlain n’a jamais abandonné Québec, qui aurait bien pu connaître alors le sort de Port-Royal.
La part des choses
À Québec, la plaque posée en 1999 et celle qui accompagne le monument érigé en 2007 n’attribuent pas au lieutenant général Dugua de Mons le titre de fondateur ou de cofondateur de Québec. Dans des périphrases à peu près semblables, ces plaques disent, en bref, que Dugua de Mons a donné à Champlain « les pouvoirs et le soutien matériel et financier nécessaire pour fonder Québec » (pouvoirs et moyens qu’il avait lui-même reçus du roi avec sa commission de lieutenant général et son monopole de traite).
Après une dizaine d’années de pressions, c’est vraisemblablement ce que la ville lui reconnaîtra de mieux. Quant à Champlain, son rôle est exprimé clairement, sans détours ni circonlocutions, sur le monument qu’on lui a érigé en 1898 : il « fonda Québec en 1608 ».

Hommage à notre « passé monarchique » ?

Monsieur le maire a invité les Québécois à ne pas trop critiquer le 400e et à faire preuve de solidarité. On sera tous d’accord pour ne pas « chiquer la guenille » inutilement mais il est difficile de promettre le silence sur ce qu’on n’a pas encore vu et sur tout ce qu’on verra durant cette longue année de festivités.
Que retient-on, par exemple, d’une première visite dans la boutique virtuelle « Québec 1608-2008 » (http://www.e-collection.ca/monquebec2008/). On y trouve un ensemble de produits dérivés (t-shirt, coton ouaté et casquette) qui se déclinent en trois collections: Célébration, Eco-bio et Héritage. Les vêtements de la collection Célébration mettent en évidence les rubans du 400e avec la mention « Québec 1608–2008 ». Les Éco-Bio 100% coton organique sont marqués du logo « Québec 08 » (sans point avant le 08…).
Jusque là, tout va bien. C’est dans la dernière collection que ça se complique. La gamme Héritage comprend des T-shirts « Ville » ornés d’une vue de la haute-ville de Québec et des T-shirts « Couronne », dont l’illustration n’est pas une évocation de la banlieue, comme certains pourraient le penser, mais une « sérigraphie illustrant le passé monarchique avec mention « Québec 400″ positionnée sur le devant ». En fait, il s’agirait d’une sorte de représentation stylisée des armoiries de Québec surmontées d’une couronne. Intéressant, au point de vue graphique, mais, si c’est le cas, pourquoi associer cette image au « passé monarchique » de Québec?
Cette évocation du « passé monarchique » de la ville en étonnera plus d’un, surtout que c’est le seul contenu historique visible dans ces trois collections de produits dérivés accessibles en ligne, mis à part les chiffres 400 et 1608.
On apprend aussi aujourd’hui que la chanson-thème intitulée Tant d’histoires ne sera pas au programme du spectacle d’ouverture. Décidément, l’histoire n’a pas la cote en cette veille de 2008.

Un supplément d’histoire pour le 400e

Le président de l’Assemblée nationale a tenu un déjeuner de presse mardi dernier (13 novembre) pour annoncer la contribution de l’institution qu’il préside au 400e anniversaire de Québec. En présence de plusieurs parlementaires (députés et ministres), des autorités du 400e, de la ville et de la Commission de la capitale nationale, il a dévoilé une programmation qui fait large place à l’histoire et vient donner de la vigueur à un volet de la programmation officielle du 400e (la commémoration) qui n’avait rien d’extravagant.
Sous le thème « Notre histoire s’exprime ici: 400 ans de traditions et d’institutions politiques », la programmation de l’Assemblée propose des activités variées: expositions, publications, conférences, simulations parlementaires, etc. Au déjeuner, les représentants de la presse ont demandé quelques précisions: heureusement, personne n’a soulevé la question du « nous »…
Échos dans la presse le lendemain? Rien au Devoir ni à La Presse, ce qui en dit long sur leur perception de cette « fête au village »… Entrefilet du Journal de Québec, mais substantiel article dans le Soleil. Quant à notre Société d’État, avec un sens consommé du timing, elle avait choisi précisément ce jour pour annoncer, sur son site Internet, sa propre contribution au 400e!