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« Justice suprême, suprême injustice »

L’ex-grand chef David Ahenakew a été acquitté le mois dernier. Dans un jugement du 21 février, le juge Wilfred Tucker a estimé que ses déclarations n’étaient pas préméditées et qu’il avait cité en exemple les Juifs dans le but de convaincre ses confrères de défendre leurs droits en tant qu’autochtones… Le juge a aussi souligné que la Couronne n’a pu prouver hors de tout doute que l’ancien « sénateur » de la FSIN (Federation of Saskatchewan Indian Nations) faisait la promotion de la haine envers un certain groupe et qu’il en était conscient.
Les reportages des médias de langue française sur cette affaire ne nous éclairent malheureusement pas sur les propos qui ont justifié les accusations et amorcé cette saga judiciaire.
En décembre 2002, après une allocution devant les membres de la FSIN, où il avait notamment évoqué les « goddamn immigrants » et la responsabilité des Juifs dans le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, Ahenakew avait été invité par un reporter du Star Phoenix de Saskatoon à préciser sa pensée : « The Jews damn near owned all of Germany prior to the war. …That’s how Hitler came in. He was going to make damn sure that the Jews didn’t take over Germany or Europe. That’s why he fried six million of those guys, you know ». Le reporter lui ayant demandé comment il justifiait l’Holocauste, il répondit : « How do you get rid of a disease like that…? » Bref, si on a bien compris le « chef » Ahenakew, pour se défaire de cette « maladie », il suffisait de la faire « frire »…
Si cette affaire mérite un rappel, c’est que deux ans auparavant, dans un geste sans précédent dans l’histoire du parlementarisme d’inspiration britannique, l’Assemblée nationale a blâmé Yves Michaud pour des propos prononcés 24 heures plus tôt, sans même prendre le soin de citer « l’acte d’accusation », comme si ce qu’on lui reprochait était trop grave pour être répété… La vérité était qu’il n’y avait rien pour soutenir une initiative aussi exceptionnelle. Quelqu’un se rappelle-t-il desdits propos? Il aurait dit que les Juifs n’étaient pas les seuls à avoir souffert dans l’histoire de l’humanité. Comme il n’y a eu ni dépôt d’accusation ni enquête, on n’en sait officiellement rien!
Monsieur Michaud a été victime d’un exceptionnel alignement de planètes : sous couvert de rectitude politique, le chef de l’Opposition et le premier ministre ont sauté à pieds synchronisés sur l’occasion d’écarter un candidat encombrant à l’élection complémentaire de Mercier. Un tribunal sérieux aurait au moins pris la peine d’entendre l’accusé.
Ce dernier a épuisé en vain tous les recours judiciaires. Il s’est heurté au refus des tribunaux de remettre en cause l’omnipotence du Parlement. Un juge de la Cour d’appel n’a cependant pas pu s’empêcher d’émettre ce commentaire exceptionnel, presque cynique, dans l’arrêt du 8 juin 2006 :
« […] Je suis d’accord avec l’analyse et les conclusions de ma collègue, la juge Dutil. Je ne peux cependant m’empêcher de penser que le Droit est ici devant un étrange paradoxe. […] Pour préserver la démocratie parlementaire, et donc la libre circulation des idées, le Droit à l’époque des Chartes et de la prédominance des droits individuels permet qu’un individu soit condamné pour ses idées (bonnes ou mauvaises, politiquement correctes ou non, la chose importe peu), et ce, sans appel et qu’il soit ensuite exécuté sur la place publique sans, d’une part, avoir eu la chance de se défendre et, d’autre part, sans même que les raisons de sa condamnation aient préalablement été clairement exposées devant ses juges, les parlementaires. Summum jus summa injuria auraient dit les juristes romains ! »
«Justice suprême, suprême injustice». Il est évident que le Parlement a abusé de son « droit » de tout faire, pire encotre, que les partis ont utilisé le Parlement pour régler leurs comptes.

Yves Michaud avait visé juste

Les éditorialistes de nos quotidiens le plus modérés ont vivement dénoncé la position de l’organisation juive B’nai Brith qui demande au chef du Parti libéral fédéral d’exclure Jocelyn Coulon des candidats du parti en raison de ses opinions « anti-israéliennes ». B’nai Brith justifie cette demande en invoquant l’attitude hostile de monsieur Coulon envers Israël, ses discours antiaméricains et ses appels à la fin de l’isolement du gouvernement palestinien contrôlé par le Hamas. « Des faussetés », selon La Presse ; « Demande insensée », pour Le Soleil.
Cette intervention évoque de mauvais souvenirs. En décembre 2000, B’nai Brith pressait les électeurs de la circonscription de Mercier de rejeter la nomination d’Yves Michaud et intervenait auprès du premier ministre pour qu’il repousse cette candidature. On sait ce qui est arrivé ensuite…
Selon les termes du « réquisitoire » prononcé contre lui au Parlement, Yves Michaud avait qualifié B’nai Brith de « mouvement d’extrémistes ».
L’Histoire lui donnera raison. Au moins sur ce point.