Les comptes rendus de livres prennent parfois l’allure de combats de ruelle à sens unique. S’il est parfois difficile de mettre le doigt sur les motivations des re-censeurs (le trait d’union est voulu), on reste souvent interloqué devant les exécutions sommaires.
Dans un périodique où s’expriment les plus savants disciples de Clio, un universitaire a récemment commenté les Mythes et réalités dans l’histoire du Québec (HMH, t. 2, 2004) de Marcel Trudel, un historien connu comme LE spécialiste de la Nouvelle-France. Résumons : « Certains pensent pouvoir se permettre des fantaisies [comme] réunir des vieilles fiches et des anecdotes, les enchaîner […] sans fil conducteur véritable […] dans cette publication qui s’apparente plus à une collection des conférences pour grand public […] ». « A-t-on vraiment besoin aujourd’hui d’un compte rendu de quinze pages ridiculisant un livre publié en 1950 et peu lu? » « Le seul chapitre qui peut intéresser les historiens est celui sur le contenu de sa petite bibliothèque […]. Voilà une récolte bien maigre et qui ne contribue guère à la gloire de l’auteur ».
Chacun a droit à ses opinions mais, comme on dirait à la boxe, le critique s’est ici trompé (volontairement?) de catégorie. Dans le premier tome des ses Mythes, Trudel a annoncé ses couleurs : présenter des questions historiques de façon concise, en aborder d’autres moins importantes simplement « pour le plaisir de l’esprit », réunir « un certain nombre de conférences et articles », sans imposer au lecteur une « lecture en un fil continu ». Les lecteurs de bonne foi auront compris que ces textes ne s’adressent pas prioritairement aux historiens patentés et que l’auteur ne s’est pas particulièrement demandé si ces derniers en avaient « besoin ». Et si on peut maintenant juger la production des universités selon le critère du « besoin », on pourra du même coup régler leurs problèmes de financement…
Marcel Trudel a publié des dizaines d’ouvrages au cours d’une carrière qu’il a entreprise dans les années quarante et qu’il poursuit depuis, sans trêve, au seuil de ses 90 ans, alors qu’un grand nombre de ses congénères ont lâché la plume bien avant la retraite. Il ne devrait pas en tirer une immunité mais sûrement un peu de considération. Comme lire ses avant-propos avant de lui reprocher de faire simplement ce qu’il annonce. Pour ce qui est « de se permettre des fantaisies », mieux vaudrait l’imiter : ça garde l’esprit serein.
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Lecture – Étienne-Paschal Taché
Étienne-Paschal Taché, 1795-1865, par Yves Hébert chez Éditions GID, 2006.
Voilà un personnage sudcôtois qui a enfin une biographie, au même titre que son collège et voisin de comté, Augustin-Norbert Morin, qui l’a devancé d’un an sur les rayons des bibliothèques.
Médecin à Montmagny, patriote en 1837-1838, Étienne-Paschal Taché a choisi d’appuyer Louis-Hippolyte La Fontaine dans l’aventure de l’Union des Canadas. Député puis conseiller législatif, il occupe plusieurs fonctions ministérielles avant de devenir lui-même premier ministre du Canada-Uni à deux reprises.
Ce n’était pas le plus flamboyant des hommes politiques, mais plutôt un modéré qu’on ramènera justement en politique, en 1864, pour arbitrer les conflits. Il meurt avant la mise en place de la constitution de 1867 et n’a pas le temps de se faire haïr, comme d’autres pères de la Confédération, ce qui explique peut-être qu’on l’ait passablement oublié.
L’ouvrage a été lancé, à Montmagny, où la maison Taché présente une exposition sur cet homme et sa famille qui comprend plusieurs illustres personnages. Taché est en effet le père du peintre Jules Taché et d’Eugène-Étienne, architecte du Parlement, le grand-père de l’écrivain Joseph Marmette, l’arrière-grand-père des écrivaines Anne Hébert et Marie-Louise Marmette, l’oncle de l’écrivain Joseph-Charles Taché, pour ne nommer que les plus connus.