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Bernard Racine (1925-2017)

Bernard Racine est décédé à Québec le 23 octobre (http://www.fcfq.coop/avis-de-deces/bernard-racine-145607/).

Premier reporter français de la Presse canadienne, il y a travaillé 27 ans, dont 18 comme correspondant parlementaire à Québec.

RacineBernard-4dbJe l’ai souvent rencontré dans les corridors de l’Hôtel du Parlement, surtout qu’il s’intéressait beaucoup à l’histoire et fut un certain temps éditeur du bulletin de la Société historique de Québec, fonction que j’ai occupée aussi vingt ans plus tard.

Au début de décembre 1988, je lui ai donné un exemplaire de L’Année des Anglais, mon premier livre au Septentrion et le deuxième de cette maison d’édition, après celui de Léon Balcer. (https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/annee-des-anglais-ne-l)

J’espérais bien qu’il me fasse une recension. « Je vais en parler, mais pas tout de suite », qu’il me répond. J’étais déçu, on était dans la période des cadeaux de Noël, mais le gars connaissait son métier. Il écrivit son article et le laissa sur le coin du bureau plusieurs semaines. En janvier, dans le creux des nouvelles, le texte fut mis sur le fil de presse, quatre quotidiens l’ont reproduit (ce qui n’était pas courant pour un livre d’histoire régionale) et le livre resta longtemps « positif » dans les rapports du distributeur (plus de ventes que de retours).

Merci, monsieur Racine!

Amherst et la variole

(Mon collègue Denis Vaugeois a rédigé, sur Amherst et la variole, un article que Le Devoir n’a pas jugé suffisamment intéressant pour ses pages; il a demandé l’hospitalité de mon blogue pour diffuser ce texte qui n’engage que son auteur. )

 Pauvre Amherst! La capitulation de Montréal le 8 septembre 1760 l’avait couvert de gloire. Il avait triomphé des forces françaises en Amérique du Nord. Dans le texte de la capitulation, il avait imposé ses quatre volontés. Tout lui semblait sous contrôle, lui qui avait le sens du détail, il n’avait rien oublié. Il ne lui restait qu’à attendre la signature du traité de Paris qui confirmerait la cession de la Nouvelle-France. Et voilà que le bruit d’une agitation dans la région des Grands Lacs lui parvenait. Londres commençait à s’inquiéter. On ne comprenait pas que quelques bandes d’Indiens puissent tenir tête au général Amherst.

Amherst

Les victoires des Indiens sous la conduite du chef Pontiac et le soutien discret de quelques Canadiens s’accumulaient. Le colonel Henry Bouquet en poste dans la région n’avait que de mauvaises nouvelles. Pour ajouter aux difficultés, il signala en juin 1763 l’apparition de la variole dans la garnison. Le 7 juillet, Amherst ajoutait un post-scriptum : « could it not contrived to send the small pox among those disaffected tribes of Indians? We must, on this occasion, use every stratagem in our power to deduce them » (Ne devrait-on pas répandre la variole parmi les Indiens? Et recourir à tous les moyens à notre disposition pour les éliminer). Le 13 juillet, Bouquet se dit prêt à passer à l’action « and take care not to get the disease myself ». Il est en effet inquiet pour lui-même. Trois jours plus tard, Amherst lui demande « to try to inoculate the Indians by means of blankets […] to extirpate this Execrable race ».

Pendant que Bouquet et Amherst s’écrivaient, d’autres militaires étaient passés à l’action.

Le 24 juin 1763, le commandant Simon L’Écuyer avait remis à des chefs indiens deux couvertures et un mouchoir infecté. « J’espère que cela aura l’effet désiré », écrivait-il à Bouquet peu après.

La variole était déjà présente dans la région et on ne saura jamais quel impact aura le cadeau empoisonné de L’Écuyer.

Mais le « pire », si on peut dire, est à venir. La British Library conserve les Bouquet papers (ADD.21654F168) parmi lesquels se trouve une réclamation pour les frais encourus pendant le siège de Fort Pitt où se passe l’essentiel de cet épisode.

Fort_Pitt,_1759

Les marchandises contaminées y figurent pour une valeur de 2 livres, 13 shillings et 6 pence. Le quartier-maître L.S. Ourry refuse des frais de transport et le remboursement de chandelles mais accepte le reste pour un total de 58 livres. Thomas Gage, successeur d’Amherst, autorise le paiement. La facture indique clairement qu’il s’agit de « sundry which were taken from people in the hospital to convey the small pox to the Indians ». Rappelons qu’il y a un « Chemin Gage » près de le rue Côte-des-Neiges.

La variole contre des frères de sang

Il y a beaucoup à dire sur les maladies apportées en Amérique par les Européens. L’épisode de Fort Pitt est une bien faible illustration des ravages inouïs causés par la variole. Les militaires avaient à composer avec cette maladie et plusieurs ont eu l’idée de s’en servir comme « arme de destruction massive » et pas seulement contre les autochtones.

En 1775, au tout début de la guerre d’indépendance, la variole réapparut autour de Boston alors occupée par des troupes britanniques. En mars 1776, celles-ci évacuaient la ville. Depuis des semaines, Washington soupçonnait l’ennemi de chercher à répandre la contagion. Prudent, il fait occuper la ville par une troupe d’un millier de soldats qui avaient été inoculés. À l’été, une forte épidémie y faisait rage.

Washington qui connaissait cette maladie, pour l’avoir eu à l’âge de 19 ans, mena de front la lutte aux Britanniques et à la variole. Celle-ci lui paraissait une plus grande menace que « the sword of the Enemy », le glaive ennemi. Malgré l’avis de ses médecins, il eut recours à un procédé assez primitif de variolisation appliquée à ses jeunes recrues. Au moment de les inscrire, on leur remettait un uniforme, un fusil et la variole à petite dose. La suite lui donnera raison.

Une vraie arme de destruction massive

Ce sont des médecins de Bagdad qui furent parmi les premiers à étudier cette maladie. Cette connaissance a été conservée de même que possiblement une souche de la variole.

Sous l’œil attentif du médecin officiel de la Maison Blanche, le docteur Richard Tubb, le président des États-Unis, George W. Bush, a reçu, à midi quinze, samedi le 21 décembre 2002, le vaccin contre la variole. La nouvelle a fait le tour de la planète. C’est un autre aspect de la mondialisation.

Une semaine plus tôt, le président Bush avait annoncé tout un plan de vaccination obligatoire pour plus d’un demi-million de soldats américains.

La variole a vidé l’Amérique de ses premiers occupants. Une nouvelle menace variolique serait un triste retour du pendule. Les Américains le savent, d’autres en ont l’intuition. Cette fois, les habitants de la planète entière sont comme les Indiens de 1492. Ils ne sont pas immunisés contre la variole. Sauf les plus âgés, ils ne l’ont jamais eue. La variole a été déclarée éradiquée en 1980, mais des souches subsistent, ce qui ouvre la porte à une possible épidémie mondiale. Pauvres de nous!

Le grand pin blanc de la paix

Entendu à Radio-Canada dimanche, au début de l’émission C’est fou, le commentaire de Serge Bouchard sur le symbole ajouté cette semaine sur le drapeau de Montréal : « C’est le grand pin blanc de la paix de Iroquois qui n’arrêtaient pas de s’entre-tuer » (http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/c-est-fou).

Si Serge Bouchard le dit…

Drapeau de Montréal

En fait, ils ne battaient peut-être pas tellement entre eux, mais ils ont fait la guerre intensément aux autres tribus et à leurs alliés Français, surtout les « Montréalistes ».

Quand Maisonneuve fonde Montréal, il n’y a pas d’Indiens à cet endroit, sur l’île et dans les proches environs. Champlain l’a noté en 1603 : ceux que Cartier a rencontrés en 1535 (des Iroquoiens, dit-on) ne sont plus là, pour des raisons qui nous sont encore inconnues.

Au XVIIe siècle, les Iroquois vivent dans ce qui est aujourd’hui le nord de l’État de New York, mais ils viennent faire la guerre aux Français, de Montréal et d’ailleurs, de façon plus ou moins continue, pendant plus de 50 ans. Les missionnaires jésuites en convertissent quelques-uns: dans les années 1660, ils viennent s’établir dans la région de Montréal et sont à l’origine (après plusieurs déménagements) des villages du Sault Saint-Louis (Kahnawake, autrefois nommé Caughnawaga), du Lac-des-Deux-Montagnes (Kanesatake, aussi connu sous le nom d’Oka) et de Saint-Régis (Akwesasne).

En 1701, c’est la grande paix de Montréal avec les Indiens du nord-est de l’Amérique, une initiative du gouverneur Louis Hector de Callière. La Ligue iroquoise s’engage à rester neutre dans l’éventualité d’une guerre opposant les Anglais aux Français… Or, on sait ce qui arrive pendant la guerre de la Conquête : une partie des Iroquois, surtout des Agniers (appelés aussi Mohawks), s’est rangée du côté britannique.

Quelques jours avant la capitulation de Montréal (8 septembre 1760), des représentants de neuf nations vivant dans la vallée du Saint-Laurent ─ et jusqu’alors alliées aux Français , s’étaient rendus au-devant de l’armée d’Amherst, en amont de Montréal, pour conclure une sorte de « paix séparée » et obtenir des garanties quant à leurs terres leur religion. (Trois jours avant la capitulation, les Hurons de Lorette ont fait de même en allant voir Murray « to submit to His Britannick Majesty, and make Peace », selon les termes du sauf-conduit auquel la Cour suprême a donné valeur de traité).

La présence du grand pin blanc de la paix sur le drapeau de Montréal ne manque pas d’ironie.

«Les gens de Montréal à l’époque de la Confédération»

Le 1er janvier 1870, l’éditeur Georges-Édouard Desbarats lance L’Opinion publique, un hebdomadaire qui constitue le pendant français de son Canadian Illustrated News déjà sur le marché depuis deux mois. Les deux publications sortent des mêmes presses, certaines illustrations, et même des articles, sont identiques, mais elles ont des équipes éditoriales autonomes et des collaborateurs différents.

L’Opinion publique connaît une existence éphémère : avant-gardiste sur le plan technique et comme média d’information, l’hebdomadaire éprouve néanmoins des difficultés financières qui le mènent à sa fermeture dès 1883, mais il a laissé aux Montréalais un riche héritage iconographique.

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Contrairement aux intentions des fondateurs qui voulaient un hebdomadaire non partisan et impartial, Laurent-Olivier David donne d’abord à L’Opinion publique une orientation libérale et nationaliste qui le rapproche du Parti national. David est vite remplacé par Oscar Dunn, mais les dettes s’accumulent et Desbarats doit s’associer à Burland pour assurer la survie de son entreprise.

1878-07-18 Arrestation du grand maréchal-réduit

La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats demande à un nouveau rédacteur, Auguste Achintre, de produire un hebdomadaire artistique et littéraire pour tous les Canadiens français, un rôle qui ne lui convient pas vraiment et, en 1875, Desbarats doit prendre lui-même la direction, moderniser son journal et recruter des collaborateurs-vedettes comme Henri-Raymond Casgrain, Joseph Tassé, Benjamin Sulte, Hector Fabre, Faucher de Saint-Maurice, Louis Fréchette et plusieurs autres.

Desbarats rêve de transformer L’Opinion publique en « archives de la nationalité » mais les revenus ne sont pas au rendez-vous. La compagnie lui retire la rédaction : l’objectif demeure de travailler « à l’avancement moral et intellectuel des Canadiens » mais il faut couper les dépenses, multiplier les feuilletons et les annonces.

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Le contenu et le graphisme du Canadian Illustrated News et de L’Opinion publique relevaient davantage du magazine que du journal. Les deux hebdomadaires innovaient par l’abondance et la qualité de leurs illustrations. Avec William Auguste Leggo, Desbarats venait de faire breveter un nouveau procédé d’impression qui défiait la concurrence du New Dominion Monthly et de l’Album de la Minerve : le « leggotype » (1865) permettait la production d’illustrations de qualité supérieure, plus rapidement et à moindre coût.

1872-08-29 Régates de Lachine-JPG

L’Opinion publique est lancée en janvier 1870 au tirage initial de 5200 exemplaires. Ses illustrations, en bonne partie reprises du Canadian Illustrated News, constitueront son principal attrait. De nombreux artistes y publient des gravures dont Eugene Haberer, Albert-Samuel Brodeur, Edward Jump, Charles Kendrick, Bohuslav Kroupa, Ivan Pranishnikoff, W. Scheuer, G. Gascard, J. Weston, Achille Génot, sans oublier, naturellement, Henri Julien. Ces artistes produisent des portraits, des caricatures et surtout des croquis illustrant des événements (politiques, sportifs ou mondains) ou simplement des scènes de la vie quotidienne. Leurs œuvres constituent un témoignage irremplaçable sur une société disparue et font, de L’Opinion publique, une source incontournable pour toute recherche iconographique portant sur le Québec de la fin du XIXe siècle, et particulièrement sur Montréal.

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L’Opinion publique a publié des centaines d’illustrations sur Montréal. Il a fallu faire un choix en privilégiant, sauf exceptions, celles où on voit du monde, des Montréalais qui, d’un jour de l’An à l’autre, s’adonnent à diverses activités : ils festoient, jouent, mangent, voyagent et déménagent; ils fréquentent les parcs, les marchés et les grandes rues commerciales; ils assistent aux fêtes, aux compétitions sportives, à la débâcle et aux inondations; ils vont aux noces, au bal, au concert, aux expositions, aux funérailles, à la guerre et même en prison! Certains travaillent, mais ils ne sont pas nombreux. Ils sont au marché, au canal Lachine, occupés à couper de la glace ou à déneiger les rues.

1880-11-11 Marché aux pommes-JPG

Le monde ouvrier est le grand absent de ce portrait qui n’a aucune prétention scientifique. C’est un survol composé principalement d’œuvres réalisées par des artistes, et non par des photographes (les gravures qui reproduisaient des photographies ont d’ailleurs été écartées, à quelques exceptions près). Le lecteur reconnaitra facilement les caricatures à travers un ensemble d’illustrations que nous nous plaisons à croire « réalistes ». On y voit surtout du « beau monde », urbain et endimanché. N’était-ce pas le début de la la « Belle Époque »?

(Présentation du livre-http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/gens-de-montreal-a-l-epoque-de-la-confederation-les)

Le premier ministre du Québec et sa Politique d’affirmation

Curieux que le Devoir ait publié ce reportage complaisant de la PC (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/503584/constitution-couillard-se-dit-appuye-par-les-autres-provinces), même sous un titre prudent (« Couillard SE DIT appuyé… »).

Tout le texte dit le contraire :

  • Brad Wall a fait savoir que le Québec bénéficiait déjà largement du système de péréquation…
  • « Le désir du Québec de parler de ses valeurs, de sa culture et de sa perspective à l’intérieur de notre Confédération est bienvenu, a affirmé la première ministre de l’Alberta : polie pas très engageante.
  • Kathleen Wynne a dit comprendre qu’il n’était pas question pour l’instant de rouvrir la Constitution, mais plutôt de continuer de bâtir « des relations solides […]. C’est ça qui m’intéresse », a-t-elle précisé.
  • Au premier ministre de la Colombie-Britannique, il aurait dit : « Nous, on voudrait aller vous voir et vice versa, et quand je dis “nous”, ce n’est pas juste le gouvernement, c’est notre milieu universitaire, notre milieu des affaires, notre société civile. » : ça, c’était la vocation du mouvement de Bonne entente, il y a 100 ans. Sans résultat.