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Les impôts, au gouvernement; les profits sur les logiciels, à l’étranger

Un bulletin récent de Desjardins (http://www.desjardins.com/fr/a_propos/etudes_economiques/previsions/en_perspective/per1013.pdf) décrivait comment notre commerce de détail est en train de changer de mains, ce qu’on pouvait déjà constater à l’œil nu.

Selon cette étude, les détaillants étrangers n’accaparent qu’environ 15 % du total des ventes au détail au Canada mais, si on exclut les secteurs de l’alimentation, de l’automobile (véhicules et essence) et de la pharmacie, cette part passe à environ 41 % et elle appartient à 60 % à quatre grands détaillants : Walmart, Costco, Home Depot et Best Buy. La situation ne serait pas très différente au Québec et elle évolue rapidement. L’étude signée Joëlle Noreau cite un douzaine de nouvelles bannières établies en sol québécois entre juillet 2011 et octobre 2013 (dont Target et Marshalls) et huit d’entre elles étaient déjà présentes ailleurs au Canada avant de faire leur entrée au Québec.

À l’approche de la saison des impôts, il est intéressant d’observer ce qui se passe dans un secteur très particulier, celui des logiciels qui permettent aux citoyens de préparer leurs déclarations de revenus.

Au début des années 1990, 21 d’entreprises, la plupart québécoises, offraient leur produit aux contribuables. Aujourd’hui, il en  reste huit autorisées par Revenu Québec (selon la liste émise en 2013) et le champ est occupé à plus de 90% par quatre logiciels : H&R Block, ImpôtExpert, Impôt Rapide et et TaxPrep.

- H&R Block

Pour les Québécois, H&R Block évoque naturellement l’impôt. H&R Block Canada Inc. est une des nombreuses filiales de H&R Block Inc. (http://www.hrblock.com), entreprise fondée aux États-Unis en 1955 et toujours basée à Kansas City, Missouri.

- ImpôtExpert

Le logiciel ImpôtExpert a été développé à Montréal par Logiciel Dr Tax. Les mots «canadiens» ou «Canada» apparaissent souvent dans la présentation du logiciel, mais Dr Tax, depuis janvier 2012, fait partie de l’empire Thomson Reuters, une multinationale établie à New York.

- Impôt Rapide

Le logiciel Impôt Rapide est exploité par les Entreprises Intuit Canada (qui offrent également ProFileMD et ont déjà eu Impôtmatique), une des filiales de Intuit Inc., entreprise inscrite au Nasdaq (INTU) et basée à Mountain View, Californie (http://www.intuit.com).

- TaxPrep

Le logiciel TaxPrep est passé entre plusieurs mains canadiennes ou américaines avant de se retrouver en 1998 chez Wolters Kluwer, une multinationale établie aux Pays-Bas. Deux ans plus tôt, la société WK avait acquis CCH Inc. (autrefois Commerce Clearing House Inc.) et elle a confié l’exploitation du logiciel à sa filiale CCH Canadienne qui a des bureaux à Brossard mais dont le site Internet (www.cch.ca/) mène à Wolters Kluwer CCH, tout comme, aux États-Unis, « CCH is a Wolters Kluwer business » (http://www.cch.com/about/).

Les autres logiciels sont :

  • Studio Tax, conçu par « un petit groupe de professionnels de l’informatique basé à Ottawa » (http://www.studiotax.com/fr/?page=6).
  • Taxtron, qui appartient à Softron Computers Inc., une entreprise établie à Mississauga, Ontario, et fière de se dire « 100 % Canadian Owned and Operated » (http://www.softrontax.com/company/).
  • Impôt5dollars, exploité par une petite entreprise qui était établie à Pointe-Claire mais ne semble plus en affaires à cet endroit et son site est actuellement inaccessible (www.5dollartax.ca).
  • Impôt Professionnel, un logiciel conçu à Québec par Les Logiciels Marichênes et distribué depuis 1985 (http://www.impotprofessionnel.com/).

Le site Internet de Softron Computers Inc. s’ouvre sur cette réflexion : « You would think that companies providing expert tax services to Canadians would be owned by Canadians; but two of the three major tax service companies are U.S. owned ».

Le concepteur de Taxtron peut se consoler : au Québec, les joueurs locaux ont presque tous abandonné la partie et le marché est presque entièrement occupé par des entreprises établies à l’extérieur qui multiplient les artifices pour donner à leurs clients l’impression qu’ils font affaires avec des entreprises qui sont au moins canadiennes. Ainsi, « CCH Canadienne » se définit comme « un fier membre du groupe Wolters Kluwer », comme s’il s’agissait d’une association volontaire.

Plusieurs facteurs se sont combinés pour aboutir à cette concentration. Si la conception d’un logiciel d’impôt constitue un défi, sa mise à jour et son accréditation annuelles sont encore plus exigeantes, surtout depuis que les déclarations peuvent être envoyées par Internet. Avant d’agréer un logiciel, le gouvernement fédéral a exigé qu’il puisse traiter les déclarations de revenus de six provinces; les entreprises étrangères ont pu s’acquitter aisément de cette exigence en choisissant six provinces anglophones alors que les entreprises québécoises ont eu le fardeau de rendre leur logiciel utilisable dans des marchés où ils n’avaient pas nécessairement d’intérêt, compte tenu des efforts qu’il fallait consentir pour donner un soutien technique dans les deux langues. Tout un prix à payer pour avoir le droit d’envoyer la déclaration de revenu fédérale des Québécois par Internet.

Harper et son drapeau bâtard

Le drapeau que Stephen Harper utilise comme fond de scène est un fleurdelisé bâtard.
Drapeau-Harper.JPG
Sur un fleurdelisé normal (voir ci-dessous), l’espace entre le bras vertical de la croix et la fleur de lis est égal à la largeur de la fleur. Cet espace est beaucoup plus grand sur un bâtard qui est fabriqué selon la norme du drapeau du Canada (1:2), donc plus long.
img-proportions-drapea.jpg
Les fleurdelisés bâtards sont légion; on en trouve même devant des édifices du gouvernement du Québec (https://blogue.septentrion.qc.ca/wp-content/uploads/archives/gastondeschenes/2009/07/les_fleurdelises_batards_1.php). On ne s’étonnera donc pas de voir le gouvernement fédéral en utiliser; ce n’est pas la première loi québécoise qu’il ne respecte pas..

Charly Forbes (bis)

Avec un certain retard, soit deux semaines après sa mort et quatre jours après ses funérailles (mais plus exactement trois jours après le reportage qu’en a fait Le Soleil…), l’Assemblée nationale a adopté une motion sans préavis pour « honorer la mémoire du colonel Jean-Charles Forbes, héros québécois de la Deuxième Guerre mondiale ».
Parmi les interventions, retenons celle du député de La Peltrie :
«C’était un des militaires les plus décorés au Canada et malgré ça, M. le Président, c’était un homme simple et apprécié de ses compagnons. D’ailleurs, si vous voulez savoir à quel point un leader est un leader, regardez comment se comportent les gens autour de lui. Et, à ses funérailles, je peux vous dire que ça a été un moment de grande émotion.
M. le Président, c’est un moment aussi pour moi d’exprimer une certaine honte, parce que j’étais à ses funérailles, j’étais le seul élu du Québec à ses funérailles. Le gouvernement du Québec n’avait délégué personne pour assister aux funérailles d’un grand Québécois. C’est un moment de honte. Le gouvernement du Canada n’avait délégué personne. La consule générale de France… pardon, la consule générale de Hollande est venue nous enseigner qu’on enseigne en cinquième année qui est Jean-Charles Forbes aux petits Hollandais, aux jeunes Hollandais, alors que les gens sur la rue se demandaient: Mais c’est qui, ça, Jean-Charles Forbes? Ici, M. le Président, on dit que c’est un héros, au Canada. Personne au Canada ne le connaissait. On ne l’enseigne pas. Et c’est un moment de honte pour moi, M. le Président.»

« … un des membres les plus glorieux du Royal 22e Régiment », a dit le ministre responsable de la Capitale. En parodiant un pub bien connue, imaginons la considération qu’on porte aux autres.

Il y a 250 ans, l’exécution du meunier Nadeau (29 mai 1760)

Il y a 250 ans, le meunier Joseph Nadeau était exécuté par ordre du gouverneur James Murray dans des circonstances qui demeurent, encore aujourd’hui, mal connues et entourées de mystères et de légendes.
Le capitaine John Knox fait état de cette exécution sommaire dans son journal, le 30 mai 1760 :
« [traduction] Un individu originaire de la paroisse de Saint-Michel a été pendu hier, devant ses concitoyens, pour avoir mis toute son énergie à inciter ses compatriotes à la révolte et pour avoir amené des membres de la compagnie de milice dont il était le capitaine à joindre l’armée française ».
Le lendemain, le major Jean-Daniel Dumas, commandant du fort Jacques-Cartier (Donnacona) écrivait au gouverneur Vaudreuil que « le capne de St-Charles [a été] pendu ». Dans la même lettre, et dans celles des 2 et 3 juin, il évoque les actes de pillage commis aux environs de Québec ainsi que la violence verbale et « la sévérité » de Murray qui intimide les habitants.
La victime de cette exécution avait probablement participé à la campagne de Lévis contre Québec, voire à la bataille de Sainte-Foy. La note de Knox laisse entendre qu’il aurait contribué au recrutement de l’armée française alors que la population de la région de Québec, en principe, avait prêté serment aux nouveaux maîtres du pays.
Le 22 mai 1760, Murray avait adressé un nouveau manifeste aux habitants du « pays conquis ». Une nouvelle fois, il s’était plaint de « la folie de leurs démarches » et les avait menacés du « chatiment le plus rigoureux ».
« Le Roy mon maitre, resolu de posseder le Canada, ne desire pas regner sur une province depeuplée. Il Veut conserver les Habitans, la Religion qu’ils Cherissent et les Prêtres qui l’Exercent, Il veut maintenir les Communautés, et les Particuliers, dans tous leurs Biens, dans leurs Loix et Coutumes, pourvû que Contens de Sentiments si Genereux ils se Soumettent de Bonne Grace et promptement à ses Ordres. […]
Mais il faut mériter nos bienfaits ; Les Habitans ne pourront rentrer dans la Ville ni partager avec Nous les Douceurs qui viennent de Notre Continent. Jusques à ce que tout soit Soumis.
Canadiens, rétirés vous de L’Armée, mettés Bas les Armes, restés dans vos habitations et ne donnés aucuns Secours à Nos Ennemis, à ces Conditions Votre tranquillité ne sera point interrompue, vous ferés vos labours en Seureté, Le Soldat sera Contenû, on ne fera point Le Dégat des Campagnes ; Vous serés encore a tems pour Eviter la famine et la Peste, fléaux du Ciel, plus dévorans encore que celui de la Guerre, et qui a présent menacent le Canada d’une ruine totale et irréparable. »

On peut penser que Murray a choisi Nadeau pour faire un exemple et amener les habitants du gouvernement de Québec à demeurer tranquilles chez eux pendant que ses troupes se dirigeront vers Montréal.
Né à Beaumont en 1698, Joseph Nadeau était veuf pour la deuxième fois depuis le 20 mars 1760. De son premier mariage avec Angélique Turgeon (Beaumont, 1723), il avait eu sept enfants nés entre 1723 et 1740 et tous décédés longtemps après la Conquête. Dans les actes de mariage de deux garçons, au début de la guerre (1756 et 1757), Nadeau est identifié comme « capitaine de milice » de Saint-Charles. D’un deuxième mariage avec Marie-Anne Harnois (Québec, 1751), il avait eu deux garçons nés à Saint-Charles, Jean-Baptiste, né en 1752 (et décédé en 1753) et Charles, né en 1755.
C’est de ce dernier dont il aurait été question dans un texte de la Gazette de Québec (29 septembre 1768) sur une visite du gouverneur Carleton à Saint-Charles-de-Bellechasse, le 21 septembre 1768. À cette occasion, Carleton se serait fait présenter le fils orphelin du capitaine Nadeau et l’aurait fait mettre en pension au Séminaire de Québec. « C’est un général [Murray], aurait-il déclaré, qui lui a fait perdre un père, c’est un général qui lui en fera retrouver un autre ». Le nom de Charles Nadeau figure effectivement parmi les pensionnaires du Séminaire de Québec en octobre 1768.
Si la compassion de Carleton à l’endroit du fils est véridique, celle qui est évoquée par un personnage des Anciens Canadien, le « capitaine des Écors », tient de la légende. Murray aurait comblé la famille Nadeau de bienfaits, adopté les deux jeunes orphelins dont il avait fait mourir le père, et les aurait amenés avec lui en Angleterre. D’autres ont raconté qu’il s’agissait plutôt d’orphelines et qu’elles auraient été jetées à la mer!
L’acte de décès de Nadeau est introuvable dans les registres de la région. Les circonstances exactes de cette pendaison (et notamment le lieu de l’exécution) demeurent mystérieuses. Il mériterait néanmoins une plaque quelque part.
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(Pour des références précises sur Nadeau, voir L’Année des Anglais, Sillery, Septentrion, 2009.)

De remarquables oubliés

Quand le Canada confie à un Australien le soin de concevoir un spectacle pour les Américains, que pouvons-nous attendre d’autre… que ce qu’on a eu ? Mais, au-delà du déficit linguistique et d’une vision culturelle tronquée, il faut souligner les trous de mémoire olympiques de Vancouver lors de la cérémonie d’ouverture.
Parmi les huit porteurs et porteuses du drapeau olympique, l’olympisme était représenté par la championne de patinage artistique Barbara Ann Scott (1948) et le Québec par Julie Payette, Jacques Villeneuve et Roméo Dallaire ! Chez les cinq porte-flamme, l’olympisme était plus présent avec Catriona Lemay Doan, Nancy Green, Rick Hansen et, d’une certaine façon, Wayne Gretzky. Le Québec ? Absent.
On ne manquait pourtant pas d’olympiens méritants qui auraient pu prendre la place du basketteur Nash comme porte-flamme ou celle de plusieurs autres autour du drapeau olympique. Le plus grand médaillé des jeux d’hiver, avant Cindy Klassen (encore active), était le patineur de vitesse Marc Gagnon. Et avant lui, c’était Gaétan Boucher qui a obtenu une médaille d’argent en 1980 (derrière le légendaire Eric Heiden), puis deux médailles d’or (1000 et 1500 m) et une de bronze (500 m) en 1984. Il a donc quitté Sarajevo avec 3 des 4 médailles obtenues par le Canada cette année-là, et 4 au total en carrière, ce qui en faisait le plus grand médaillé de l’histoire canadienne, jusqu’à ce qu’il soit dépassé par Gagnon en 2002. C’était une époque où le soutien de l’État était dérisoire et ce n’est pas en examinant les chèques encaissés que le comité organisateur aurait pu se rafraîchir la mémoire.
Considéré en 1984 comme le plus grand athlète olympique du Canada, Boucher a été écarté en 2010 (de même que Gagnon) au profit d’une astronaute, d’un pilote automobile, d’un général et d’un basketteur. Pauvre lui (ce qui me fait penser à la « pauvre fille » de Jean Pelletier, elle aussi oubliée) ! Comme l’a écrit Patrick Lagacé (1er mars), il aurait dû aller vivre aux États, comme Gretzky (et Nash ainsi que les porte-drapeau Orr et Sutherland) ou jouer dans Star Trek avec William Shatner.
Ou entrer au Sénat comme Green et Dallaire.