Raymond Giroux a soulevé une triste histoire dans le Soleil du 29 août (http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/chroniqueurs/201208/29/01-4569416-senatrice-inapte-liberaux-ineptes.php).
Une sénatrice libérale, atteinte de la maladie d’Alzheimer, a été déclarée inapte à prendre des décisions par son médecin en février dernier, et mise sous la tutelle de sa nièce et du chef de cabinet son patron politique en avril, mais elle est restée en fonction et a voté une douzaine de fois depuis cette déclaration officielle d’inaptitude. On a finalement annoncé à la fin d’août que la sénatrice âgée de 73 ans ne reviendrait pas à la rentrée d’automne et serait en congé de maladie pour un temps indéterminé.
Son droit « au respect et à la dignité n’a pas été respecté », estime un spécialiste en éthique consulté par Giroux. Pas du tout, prétendent des amis et des collègues de la sénatrice : il serait « contraire à l’éthique et à la morale de retirer brutalement quelqu’un de son milieu de travail » (http://www.lapresse.ca/le-droit/politique/sur-la-colline-parlementaire/201208/29/01-4569303-alzheimer-les-amis-dune-senatrice-defendent-sa-decision-de-rester-au-travail.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4569416_article_POS1). La sénatrice serait au Parlement dans sa « zone de confort »; elle y a travaillé depuis près de 50 ans, d’abord comme journaliste puis comme adjointe du premier ministre Pierre Elliott Trudeau qui l’a nommée au Sénat en 1984, selon les bonnes vieilles pratiques de reconnaissance pour services rendus.
Dans l’entourage de la sénatrice, on rappelle qu’elle est veuve et que ce sont des amis de Lethbridge et ses employés qui l’aident à gérer son quotidien car sa plus proche parente serait une nièce qui vit en Afrique. Les sénateurs libéraux évoquent le respect de sa vie privée…
On veut bien, mais cette sénatrice n’est pas présidente d’un cercle local de tricot. Elle occupe une fonction publique que les sénateurs, en d’autres circonstances, estiment a-b-s-o-l-u-m-e-n-t essentielle au bon fonctionnement de l’État. Le cas de la sénatrice de Lethbridge est assurément émouvant mais il faut en revenir. Sa mise à la retraite (avec une pleine pension de l’ordre de 100 000 $) ne la mettra pas « dans le chemin ».
En l’absence de « législation précise pour encadrer une telle situation », le Sénat se trouverait bien embêté, écrit Giroux. Pourtant, si une personne inapte ne peut voter aux élections, on se demande bien comment elle pourrait remplir un mandat parlementaire.
Le salaire du futur député Bureau-Blouin
Léo Bureau-Blouin a promis de remettre 25% de son salaire de député à des organismes communautaires de sa circonscription (http://www.lapresse.ca/actualites/elections-quebec-2012/201208/07/01-4563180-leo-bureau-blouin-veut-donner-le-quart-de-son-salaire-sil-est-elu.php). Il ne court pas grand risque, direz-vous, son élection étant plus qu’hypothétique mais c’est quand même une bien mauvaise idée.
Il n’y a pas un observateur le moindrement informé sur le travail de député qui peut prétendre que l’indemnité de base est trop élevée pour les parlementaires qui veulent s’investir dans leur triple rôle de législateur, de « surveillant » du gouvernement et de représentant. Examiner les lois que le gouvernement présente, en proposer de nouvelles, si le cœur lui en dit, examiner les activités et les dépenses de centaines d’organisations (ministères, sociétés d’État, etc.), donner suite aux requêtes de ses commettants, s’exprimer sur la place publique, oralement ou par écrit, autrement qu’avec des « twits » : la tâche est immense pour le député qui veut exercer ses fonctions pleinement avec toute la liberté que lui permet théoriquement son statut. Au lieu de donner prise aux démagogues qui croient nos députés surpayés, l’ancien président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) serait mieux avisé de promettre de défendre l’intérêt commun, nonobstant les « lignes de parti ». Il aurait bien « mérité de la patrie »… et son salaire.
Ce n’est pas l’indemnité de base des parlementaires qu’il faut remettre en question mais les à-côtés qui se sont ajoutés au fil des ans. Si le candidat péquiste dans Laval-des-Rapides veut se pencher sur la « rémunération globale » des parlementaires, il peut considérer qu’il a déjà de quoi s’occuper pendant un mandat… ou deux. Sa chef a d’ailleurs ouvert la porte en souhaitant revoir les indemnités de départ que reçoivent les députés qui ne complètent pas leur mandat (http://pq.org/actualite/communiques/pauline_marois_veut_revoir_les_indemnites_de_depart_pour_les_deputes_qui_aband), une ouverture que le premier ministre s’est empressé de lui fermer sur les doigts en l’invitant à rembourser l’allocation qu’elle a reçue en démissionnant en 2006… Disons que la chef du PQ s’est placée dans une dans une position vulnérable. Ce n’est pas l’allocation de transition (selon son nom exact) qui pose problème en soi, ni le moment où on la touche (car il serait difficile de distinguer les bonnes et les mauvaises raisons invoquées pour démissionner), mais bien le cumul d’une prestation de retraite et d’une allocation de transition, allocation justement créée en 1982 pour permettre aux députés qui n’étaient pas admissibles à la retraite (repoussée alors à 55 ans) de se « r’virer de bord ». Un député admissible à la retraite ne devrait pas avoir d’allocation de transition; un député qui atteint « l’âge de la pension » (65 ans) non plus.
Un jeune député capable d’imaginer la fin du néo-libéralisme devrait pouvoir prendre l’initiative d’un petit projet de loi qui mettrait fin à ce cumul, sans attendre que tous les partis soient d’accord, comme le voudrait la tradition, en prenant sa chef au mot quand elle dit : « Ce n’est plus le temps de dire : « C’est toujours comme ça que ça s’est fait ». Nous devons entendre les Québécois et changer ». Parti sur cet élan, s’il trouve vraiment que les parlementaires sont trop payés, celui qui voulait entreprendre la guerre aux dépenses injustifiées dans les universités pourrait se pencher sur d’autres volets de la politique salariale parlementaire. A-t-on besoin de 18 adjoints parlementaires, une fonction que la Presse Canadienne (Le Devoir, 23 mai 2003) n’hésitait pas à qualifier de « titre honorifique », évaluation confirmée récemment, sur la Canal de l’Assemblée nationale, par un ancien président? A-t-on besoin de 17 personnes pour présider 30 ou 40 séances de commissions parlementaires par année alors qu’il y a déjà un président et un vice-président pour chacune de ces 10 commissions et qu’elles ne peuvent siéger plus de 4 à la fois?
Retour sur le 400e de Québec
Le 400e de Québec, c’est de l’histoire, maintenant, mais nous ne perdons rien à nous en souvenir et le maire L’Allier alimente notre mémoire dans l’entrevue qu’il a donnée au Soleil le 14 juillet, même s’il ne dévoile que le dessus du panier en rappelant la saga du « ratatinement » du legs de la France (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/la-capitale/201207/13/01-4543581-jean-paul-lallier-deplore-un-rendez-vous-rate-avec-la-france-lors-du-400e.php).
Monsieur L’Allier ne ménage pas les euphémismes quand il dit (selon les propos rapportés par la journaliste) avoir l’impression que les pouvoirs supérieurs, plutôt tièdes à l’idée d’encourager toute expression de nationalisme, se sont employés à contrecarrer les plans de Québec de placer la France au cœur des festivités : « Cela a dû exciter les antisouverainistes, les antinationalistes, à Ottawa comme à Québec, et on s’est mis à faire de la fumée pour éviter que ce soit comme ça. […] à partir du moment où il y avait des signaux qui pouvaient lui être transmis par Ottawa ou par Québec que [ce n’était] pas tout à fait ce que souhaitaient les autorités canadiennes, la France est probablement demeurée très calme et a accepté d’être gentiment enfermée dans le Séminaire. »
Après plusieurs projets d’envergure avortés (dont le fameux escalier et l’Allée de la France), la participation française s’est réduite à l’aménagement d’un misérable hall d’entrée pour un Centre de la francophonie aseptisé.
Le mot de la fin résume tout : « La bataille des Plaines s’est confirmée ici: on a perdu. »
Les baudruches du Festival d’été
« On s’entend… Tout ça est galvaudé, vous le savez autant que moi. Les achalandages annoncés dans la plupart des grands événements au Québec, ça n’a parfois aucun sens. Si chacun comptait exactement ce qu’il a sur son site, bien des gens auraient de grosses surprises ».
Ces propos sont du directeur général du Festival d’été de Québec (FEQ), cité par Cédric Bélanger dans le Journal de Québec du 20 juillet 2010. Ils prennent tout leur sens, deux ans plus tard, quand le même journaliste dégonfle un gros ballon en diffusant les chiffres que les administrateurs du FEQ nous cachaient depuis deux ans. Oubliez les 100 000 personnes sur les Plaines lors de l’édition dite « exceptionnelle » de 2010 : le plus gros spectacle, celui de Rammstein, a fait 75 990 personnes (Journal de Québec, 7 juillet 2012).
Il n’est pas sans intérêt de retourner aux journaux de l’époque pour mesurer la différence entre le bluff et la réalité. Pour le spectacle d’Iron Maiden, le 9 juillet 2010, on donnait 75 000 spectateurs (La Presse du 12 juillet) au lieu des 65 000 calculés avec les bracelets selon la liste publiée par le Journal de Québec. Pour Arcade Fire, on avançait 45 000 (Le Soleil, 19 juillet) alors que les chiffres dévoilés samedi disent 25 346…
Ce fut ensuite le black-out. Le FEQ a décidé, en plein festival, de ne plus donner de chiffres d’assistance. Lors du spectacle des Black Eyed Peas, qui aurait attiré « la plus grande foule de l’histoire de l’événement », le DG confiait à la journaliste du Devoir (20 juillet 2010) que « depuis le dernier étage de l’hôtel Le Concorde, la foule était similaire à celle photographiée lors du concert de Paul McCartney »… Or, on sait maintenant qu’il y avait 63 397 spectateurs, soit QUATRE fois moins que l’estimation qui avait circulé lors du passage de sir Paul en 2008 et que le DG avouait cependant n’avoir jamais endossée.
Le FEQ a cessé de donner des chiffres d’assistance au moment précis où il avait des données fiables grâce aux bracelets à puce. « Comparer les assistances entre les spectacles, c’est une insulte que tu fais à la personne qui est venue voir l’artiste, expliquait-on au FEQ. Et tu ne peux pas exposer l’artiste à ça. Dans les grands événements, ça ne se fait pas (Journal de Québec, 20 juillet 2010) ».
C’était fort curieux comme explication : en d’autres mots, il était correct, jusqu’au début du festival de 2010, de donner des chiffres approximatifs et, soudainement, inacceptable de donner des chiffres exacts… La vérité était que le décompte réel entrait en contradiction avec les chiffres annoncés et faisait mal paraître les évaluations précédentes. Comment expliquer qu’il y aurait eu 200 000 personnes au spectacle de McCartney alors que le site est pratiquement plein avec les 63 000 fans de Black Eyed Peas ?
Le FEQ n’est pas une entreprise publique, juridiquement, mais un organisme sans but lucratif, en principe, qui bénéficie d’un large soutien de l’État quand on compte les subventions des ministères et des organismes publics, les commandites venant des sociétés d’État (dont le montant exact est confidentiel) et l’aide en biens et services des différents niveaux de gouvernement. Il devrait faire preuve en retour de transparence en divulguant des données précises sur l’achalandage avec répartition géographique des détenteurs de bracelets. On saurait précisément si les vrais touristes (pas ceux qui résident à 40 ou 50 km de Québec) sont au rendez-vous et justifient les subventions accordées pour attirer du vrai monde de l’extérieur et non seulement assécher les alentours.
Baissez la tête : ça ne vole pas haut !
Dans le collège que j’ai fréquenté il y a cinquante ans, une institution classique disciplinée dirigée par des clercs de leur époque, les étudiants n’avaient pas moins d’imagination qu’aujourd’hui et produisaient en catimini des « chefs-d’œuvre » de littérature populaire qui n’avaient rien à envier à ce qu’on pouvait probablement entendre dans d’autres milieux, à la taverne du village, autour d’un feu de grève après cinq bières, dans les chantiers ou les usines. Grivoiseries, gauloiseries, parodies de chants populaires ou religieux, bravades contre autorités en tous genres : nous n’avions rien inventé en matière de bêtises et nous n’avons pas beaucoup de leçons à donner aujourd’hui. On ne citera pas d’exemples ici, mais… Bon, seulement un. Je me souviens d’avoir entendu chanter dans une « séance » organisée chez la deuxième voisine : « Ô Canada ! (crotte de rats) / Terre de nos aïeux (crotte de bœufs) / Ton front est ceint (crotte de chiens)… » Et ainsi de suite, jusqu’à épuisement du « stock ». Ce n’était pas brillant, mais les plus vieux (vieilles) du groupe n’étaient pas plus qu’adolescents (tes).
Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, et en dépit de nos prétentions artistiques, nous n’aurions jamais imaginé que ces œuvres puissent être diffusées au-delà des murs (ou des clôtures) de leur lieu de production ; seule la tradition orale en a conservé quelque trace, et encore, en ne gardant souvent que le plus racontable.
Ce souvenir m’est venu à l’esprit en lisant les « paroles » de quelques chansons du groupe de musiciens qui a eu son heure de gloire récemment grâce à nos plus hautes autorités politiques nationales et municipales. Dans le Québec d’aujourd’hui (et probablement ailleurs, car nous n’avons pas le monopole de la bêtise), les polissonneries peuvent être mises en ligne, en ondes, en disques ou en spectacles, urbi et orbi. Leurs auteurs peuvent même être invités à la fête nationale.
Le premier ministre a mis le doigt accusateur sur un passage concernant madame Courchesne mais il aurait pu citer la première strophe de la même chanson (intitulée Ah vous dirais-je maman, avec la plus grande économie de ponctuation) qui s’intéresse au recteur de l’UQAM :
« Ah vous dirais-je… Corbo
Mon couteau m’as te l’planter dans l’dos »
Le répertoire du groupe comprend plusieurs autres gentillesses du genre mais il s’agirait, paraît-il, de « blagues », « d’humour » à prendre « au second degré ». Bien sûr… De la violence ? Pas pire, répliquent les artistes, que certains textes « de figures importantes de la chanson, comme Georges Brassens et Richard Desjardins » (… !)
En attendant de pouvoir citer d’improbables exemples, on se laisse sur des extraits d’une œuvre qui constitue une sorte d’exposé géopolitique. Ça s’intitule J’ai vingt va chier! (jeux de mots : j’ai vingt = G20).
« […] J’ai 20 millions
De bonnes raisons
De t’enfoncer dans l’fion
Ma révolution
Harper, tu m’fais pas peur
Obama, osti d’tarla
Zuma, gros tas
Merkel, ah non pas elle!
Saoud, mange mon coude
Kirchner, sorcière
Kevin Rudd, t’es pas à mode
Lula, Social-Traître
Hu Jintao, pire que Mao
Myung Bak, tu fumes du crak
Patil, Palpatine
Bambang, bang bang!
Berlusconi, crève mon osti
Hatoyama, t’es même pas là
Hatoyama, Hiroshima
Medvedev, on t’fait la grève
Calderón, puta cabrón!
Cameron, puta cabrón!
Sarkozy, t’as un p’tit zizi
Gül, on t’encule ».
Et dire que la CLASSÉ s’est formalisée de blagues prétendument « sexistes » des vrais humoristes….