Vous vous êtes remis des célébrations entourant le Jour du drapeau?
C’était mercredi dernier… Mais vous êtes pardonnés de l’avoir manqué. Ce n’est pas parce que la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec – que nul n’est censé ignorer, dit-on – prescrit que « le 21 janvier est le jour du drapeau du Québec » (L.R.Q., c. D-12.1, a. 3) qu’il faut abandonner le travail en pleine semaine pour fêter.
La nouvelle ministre responsable de l’application de cette loi a émis un communiqué à 13h44, probablement pour qu’il soit disponible à 15h00 (et rappeler le moment précis où Duplessis a fait hisser le fleurdelisé au sommet de la tour de l’Hôtel du Parlement en 1948), mais un peu tard pour inviter la population à souligner cette journée, surtout que les autorités n’avaient pas prévu de cérémonie et qu’il n’y a eu aucune publicité dans les médias ce jour-là, du moins pas dans les quatre quotidiens que j’ai vus.
Le communiqué était bref et reprenait quelques idées émises antérieurement, dans de nouveaux arrangements : « Au-delà des origines, de la langue et des allégeances politiques, il dit ce que nous sommes et nous rassemble autour d’aspirations communes ». Et « il témoigne toujours de notre appartenance et de notre attachement au Québec ». Au moins, il se démarquait de certains textes précédents qui ne différaient parfois que par la date.
Une phrase semblait nouvelle : « Par son pouvoir évocateur et unificateur, le drapeau figure au premier rang des symboles qui nous représentent ». Ça se manifestera peut-être concrètement l’an prochain.
Les célébrations de 2009
« On a parfois reproché au 400e d’avoir beaucoup fêté et peu parlé d’histoire, écrit François Bourque ce matin. Voilà une belle occasion pour l’histoire de prendre sa revanche » (« À la mémoire d’Abraham », Le Soleil, 20 janvier 2009). Et de citer les activités à venir de nos grands musées.
Monsieur Bourque règle l’affaire « en trois coups de cuiller à pot », sans égard aux contenus.
En 2008, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNABQ) a vite expédié une exposition sur l’histoire des arts à Québec pour faire de la place à celle sur le Louvre qui a tenu l’affiche tout l’été, mais qui était sans rapport avec l’anniversaire de Québec. Le Musée de la Civilisation a offert une modeste « exposition » sur Champlain (un film en fait, dans une annexe) et une autre sur monseigneur de Laval. L’histoire de Québec, du Québec et de l’Amérique française? On ne l’a vue dans aucune exposition d’envergure.
Arrive 2009. Au MNABQ, on présentera tout l’été « une exposition qui soulignera le 250e anniversaire de la prise de Québec ». Le Musée de la civilisation ne sera pas en reste avec, à compter de juin, une exposition sur « La guerre de Sept ans », cette période « au cours de laquelle s’est conclu le sort de la Nouvelle-France ».
C’est fort ironique. Les origines de l’Amérique française n’offraient pas assez d’intérêt en 2008 mais la fin de la Nouvelle-France sera soulignée en double en 2009.
« …pleurs et grincements de dents » (Mt 13,44-52)
L’expression est de saint Matthieu. Elle évoquait l’enfer dans son évangile, mais elle peut aussi bien décrire ce qu’on a vécu à Québec avec la mort de l’ancien maire Jean Pelletier.
Les éloges ont été quasi unanimes, à juste titre, car ce fut un maire remarquable par ses réalisations et son tempérament. C’était un homme déterminé qui n’y allait pas avec « le dos du gant de velours », pour utiliser un « péronisme » connu. Il savait où il allait et ceux qui venaient en sens inverse n’avaient qu’à s’écarter. Ceci dit, la ville de Québec lui doit beaucoup et il mérite tout ce qu’on a dit de lui sur ce plan.
Les entretiens qu’il a eus avec Gilbert Lavoie et que Le Soleil a publiés cette semaine ont cependant laissé un goût amer à de nombreux Québécois. Louis Bernard y a fait écho dans les médias. L’ancien maire raconte comment, voyant le OUI en avance de sept points, le premier ministre Chrétien a décidé de monter dans le ring en 1995, en se fichant « très franchement du comité du Non ». Et de la loi.
- … vous êtes-vous posé des questions sur le financement, demande le journaliste?
- Je ne m’en souviens pas. Dans la guerre, on ne se demande pas si les munitions sont payées, on les tire.
- Je veux dire le financement par rapport à la Loi référendaire.
- Non. Il y en a peut-être qui se sont posé ces questions-là, mais pas moi. Des ordres de marche, puis salut! Quand on est en guerre, on va-tu perdre le pays à cause d’une virgule dans la loi?
Fin de la citation.
Pour Jean Pelletier, les dispositions législatives régissant les élections et les consultations référendaires au Québec étaient des signes de ponctuation. Au siècle des Lumières, Voltaire appelait ça du « despotisme éclairé » .
Bonne année quand même!
Pour la deuxième année consécutive, le premier ministre du Québec a échangé les vœux du Nouvel An avec les citoyens. Il a souhaité faire une tradition de cet « événement » lancé au début de 2008; d’après le communiqué émis à cette occasion, c’était « la première fois qu’un premier ministre du Québec [ouvrait] les portes de l’Assemblée nationale pour accueillir les citoyens et échanger avec eux ».
Il n’y a pas seulement mon ordinateur qui « manque de mémoire vive »…
De simples sondages dans un quotidien « en ligne », gracieuseté de la Bibliothèque nationale (http://www.banq.qc.ca/portal/dt/collections/collection_numerique/archives/archives.jsp?categorie=6), permettent de retrouver de nombreuses cérémonies semblables dans le passé : Lesage au début des années soixante, Godbout en 1944, Taschereau en 1935… Dans ce dernier cas, on peut lire (L’Action catholique du 3 janvier) que le premier ministre Taschereau et le lieutenant-gouverneur ont reçu les vœux des Québécois au Parlement, le premier de l’An, « suivant la coutume ».
Une autre première à l’eau! Il faudra se contenter de « la relance d’une vieille tradition » délaissée par les premiers ministres « montréalais» depuis les années 1970.
2008 : l’anniversaire exproprié
(En guise de contribution au projet « 400 ans-400 blogues » (http://400ans400blogues.com/) et pour saluer la fin de l’année, ci-dessous la conclusion d’un article paru sous ce titre dans le numéro spécial que L’Action nationale a consacré au 400e de Québec en décembre 2008)
…
Le sens de la fête ? À chacun d’apporter le sien, a-t-on lancé aux Montréalais lors de l’opération séduction en mai. « I’m here to deliver a show », a déclaré le directeur général de la Société du 400e au magazine Macleans en juin. La dimension historique ? « Mais on écrit également l’histoire », a répondu le directeur général à Michel Vastel.
Quand le nouveau directeur général a pris la direction du 400e, le train était sur les rails ; il ne pouvait modifier les orientations fondamentales, même s’il l’avait voulu, et devait jouer « à l’intérieur de ses moyens », c’est-à-dire gérer efficacement le dossier des spectacles, sa spécialité. Les questions philosophiques avaient été réglées dans les limites des balises fixées par le gouvernement fédéral et sa nouvelle version de l’histoire du Canada : en fondant Québec, Samuel de Champlain a aussi fondé l’État canadien dont il a été le premier gouverneur et Michaëlle Jean est son successeur en ligne directe, nonobstant le lien qui manque entre Vaudreuil et Murray. En donnant un caractère canadien à 2008 (« pour l’avantage général du Canada », comme on disait des chemins de fer autrefois), le gouvernement fédéral s’est justifié d’investir 110 millions $ (incluant les infrastructures) dans les fêtes du 400e anniversaire : on ne pouvait donc pas « l’empêcher de participer aux célébrations », comme l’a rappelé la ministre des Relations internationales du Québec le 6 mai dernier…
L’année est partie sur un très mauvais pied, avec le spectacle du 31 décembre dernier, et il est peu probable qu’on s’y attarde dans les DVD commémoratifs qui raconteront leur histoire de 2008. Comme le soulignait Robert Laplante dans L’Action nationale en janvier dernier, « l’absolue médiocrité qui a empêché ce spectacle d’atteindre à la vérité artistique a tout simplement permis de révéler, en quelque sorte in absentia, ce qui faisait objet de censure : la culture québécoise, la vérité de la nation ».
Malgré un certain nombre de correctifs, 2008 a été essentiellement un party. La portion congrue réservée à la commémoration et à l’histoire s’est déroulée sous le signe de la rectitude politique et du multiculturalisme. Pour les concepteurs de 2008, la commémoration ne pouvait porter sur l’installation des Français à Québec et les origines d’une nation : il fallait que la fondation de Québec en 1608 soit l’œuvre commune des Amérindiens, des Français, des Britanniques…
Pas de place pour les couleurs ou les symboles identitaires des Québécois, pas d’argent pour rendre hommage aux pionniers (les familles-souches, les vieilles familles terriennes, les filles du roi), rien de particulier pour le 24 juin (pour ne pas faire d’envieux chez les organisateurs du 1er juillet). C’est pourtant la fête de la nation née en 1608.
L’anniversaire de 2008 a été dépouillé de son véritable sens et transformé en festival et en mini-exposition universelle. L’événement historique qui avait un fort potentiel identitaire pour les Québécois d’origine française et l’ensemble de la Franco-Amérique est devenu un simple prétexte à festivités. Le refus d’amener à Québec la sculpture qu’un Québécois a réalisée en France en hommage aux familles-souches de Québec est comme le symbole de cet anniversaire exproprié. L’œuvre s’intitule La Grande Vague, soit exactement ce qu’on a voulu prévenir.
(Pour lire le texte complet, voir L’Action nationale de décembre disponible dans les bonnes librairies de Québec)