Le Parlement est-il aussi souverain à Laval?

Une quarantaine de juristes et de politicologues ont signé une lettre collective (Le Devoir, 16 janvier 2009) pour rappeler au public « les règles régissant le choix des membres du gouvernement dans notre système politique ». Comme plusieurs autres observateurs, ces experts ont noté « qu’une très grande proportion des Québécois et autres Canadiens connaissent mal les règles de notre démocratie constitutionnelle » surtout quand elle révèle ses particularités dans des crises comme il s’en déroule à Ottawa ces derniers temps. Par diplomatie, peut-être, ils ont évité d’évoquer le dérapage qu’on a pu observer en décembre dans les médias de nos grandes chaînes (voir la note du 7 décembre dernier).
L’idée principale du texte est pourtant élémentaire : « Puisque notre Constitution ne prévoit pas l’élection directe du premier ministre et de son cabinet, ceux-ci doivent en tout temps pouvoir s’appuyer sur une majorité des députés élus à la Chambre des communes. Dans notre système parlementaire, c’est précisément cet appui qui donne au gouvernement sa légitimité démocratique ».
Il en découle qu’un gouvernement minoritaire « ne peut pas prétendre avoir «gagné» le droit de gouverner. Au mieux, le premier ministre peut prétendre avoir le droit d’essayer de maintenir la confiance de la Chambre ».
Enfin, ces experts sont d’avis « que, s’il y avait un vote de censure ou si une demande de dissolution du Parlement était présentée au terme d’une session parlementaire n’ayant duré que quelque 13 jours, il serait judicieux pour la gouverneure générale d’inviter les partis d’opposition à tenter de former un gouvernement […]. Le principe de démocratie serait alors sauvegardé dans la mesure où ce gouvernement serait appuyé par une majorité des députés élus, assurant en cela une stabilité à notre système politique ».
Les signataires de cette lettre collective se répartissent géographiquement dans les mêmes proportions que la population ; le quart des membres du collectif sont du Québec (Université de Montréal, UQAM, McGill) mais les représentants de l’Université Laval (juristes et politicologues) brillent par leur absence. Seraient-ils d’un autre avis ?
Deux semaines plus tard, dans une lettre ouverte au Devoir, un juriste de Laval écrivait que le point de vue de ce collectif « n’était pas pas partagé par tous les professeurs de droit constitutionnel » et, mieux encore « que ceux parmi ces professeurs qui ont traité de cette question dans leurs travaux et écrits contemporains semblent voir les choses de manière très différente ».
C’est noté mais on attend la suite: la divergence d’opinion tient-elle aux pouvoirs du Parlement, à ceux du premier ministre ou au rôle du gouverneur-général?
Mystérieuse Québec.

Lendemains de veille

Vous vous êtes remis des célébrations entourant le Jour du drapeau?
C’était mercredi dernier… Mais vous êtes pardonnés de l’avoir manqué. Ce n’est pas parce que la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec – que nul n’est censé ignorer, dit-on – prescrit que « le 21 janvier est le jour du drapeau du Québec » (L.R.Q., c. D-12.1, a. 3) qu’il faut abandonner le travail en pleine semaine pour fêter.
La nouvelle ministre responsable de l’application de cette loi a émis un communiqué à 13h44, probablement pour qu’il soit disponible à 15h00 (et rappeler le moment précis où Duplessis a fait hisser le fleurdelisé au sommet de la tour de l’Hôtel du Parlement en 1948), mais un peu tard pour inviter la population à souligner cette journée, surtout que les autorités n’avaient pas prévu de cérémonie et qu’il n’y a eu aucune publicité dans les médias ce jour-là, du moins pas dans les quatre quotidiens que j’ai vus.
Le communiqué était bref et reprenait quelques idées émises antérieurement, dans de nouveaux arrangements : « Au-delà des origines, de la langue et des allégeances politiques, il dit ce que nous sommes et nous rassemble autour d’aspirations communes ». Et « il témoigne toujours de notre appartenance et de notre attachement au Québec ». Au moins, il se démarquait de certains textes précédents qui ne différaient parfois que par la date.
Une phrase semblait nouvelle : « Par son pouvoir évocateur et unificateur, le drapeau figure au premier rang des symboles qui nous représentent ». Ça se manifestera peut-être concrètement l’an prochain.

Les célébrations de 2009

« On a parfois reproché au 400e d’avoir beaucoup fêté et peu parlé d’histoire, écrit François Bourque ce matin. Voilà une belle occasion pour l’histoire de prendre sa revanche » (« À la mémoire d’Abraham », Le Soleil, 20 janvier 2009). Et de citer les activités à venir de nos grands musées.
Monsieur Bourque règle l’affaire « en trois coups de cuiller à pot », sans égard aux contenus.
En 2008, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNABQ) a vite expédié une exposition sur l’histoire des arts à Québec pour faire de la place à celle sur le Louvre qui a tenu l’affiche tout l’été, mais qui était sans rapport avec l’anniversaire de Québec. Le Musée de la Civilisation a offert une modeste « exposition » sur Champlain (un film en fait, dans une annexe) et une autre sur monseigneur de Laval. L’histoire de Québec, du Québec et de l’Amérique française? On ne l’a vue dans aucune exposition d’envergure.
Arrive 2009. Au MNABQ, on présentera tout l’été « une exposition qui soulignera le 250e anniversaire de la prise de Québec ». Le Musée de la civilisation ne sera pas en reste avec, à compter de juin, une exposition sur « La guerre de Sept ans », cette période « au cours de laquelle s’est conclu le sort de la Nouvelle-France ».
C’est fort ironique. Les origines de l’Amérique française n’offraient pas assez d’intérêt en 2008 mais la fin de la Nouvelle-France sera soulignée en double en 2009.

« …pleurs et grincements de dents » (Mt 13,44-52)

L’expression est de saint Matthieu. Elle évoquait l’enfer dans son évangile, mais elle peut aussi bien décrire ce qu’on a vécu à Québec avec la mort de l’ancien maire Jean Pelletier.
Les éloges ont été quasi unanimes, à juste titre, car ce fut un maire remarquable par ses réalisations et son tempérament. C’était un homme déterminé qui n’y allait pas avec « le dos du gant de velours », pour utiliser un « péronisme » connu. Il savait où il allait et ceux qui venaient en sens inverse n’avaient qu’à s’écarter. Ceci dit, la ville de Québec lui doit beaucoup et il mérite tout ce qu’on a dit de lui sur ce plan.
Les entretiens qu’il a eus avec Gilbert Lavoie et que Le Soleil a publiés cette semaine ont cependant laissé un goût amer à de nombreux Québécois. Louis Bernard y a fait écho dans les médias. L’ancien maire raconte comment, voyant le OUI en avance de sept points, le premier ministre Chrétien a décidé de monter dans le ring en 1995, en se fichant « très franchement du comité du Non ». Et de la loi.
- … vous êtes-vous posé des questions sur le financement, demande le journaliste?
- Je ne m’en souviens pas. Dans la guerre, on ne se demande pas si les munitions sont payées, on les tire.
- Je veux dire le financement par rapport à la Loi référendaire.
- Non. Il y en a peut-être qui se sont posé ces questions-là, mais pas moi. Des ordres de marche, puis salut! Quand on est en guerre, on va-tu perdre le pays à cause d’une virgule dans la loi?
Fin de la citation.
Pour Jean Pelletier, les dispositions législatives régissant les élections et les consultations référendaires au Québec étaient des signes de ponctuation. Au siècle des Lumières, Voltaire appelait ça du « despotisme éclairé » .

Bonne année quand même!

Pour la deuxième année consécutive, le premier ministre du Québec a échangé les vœux du Nouvel An avec les citoyens. Il a souhaité faire une tradition de cet « événement » lancé au début de 2008; d’après le communiqué émis à cette occasion, c’était « la première fois qu’un premier ministre du Québec [ouvrait] les portes de l’Assemblée nationale pour accueillir les citoyens et échanger avec eux ».
Il n’y a pas seulement mon ordinateur qui « manque de mémoire vive »…
De simples sondages dans un quotidien « en ligne », gracieuseté de la Bibliothèque nationale (http://www.banq.qc.ca/portal/dt/collections/collection_numerique/archives/archives.jsp?categorie=6), permettent de retrouver de nombreuses cérémonies semblables dans le passé : Lesage au début des années soixante, Godbout en 1944, Taschereau en 1935… Dans ce dernier cas, on peut lire (L’Action catholique du 3 janvier) que le premier ministre Taschereau et le lieutenant-gouverneur ont reçu les vœux des Québécois au Parlement, le premier de l’An, « suivant la coutume ».
Une autre première à l’eau! Il faudra se contenter de « la relance d’une vieille tradition » délaissée par les premiers ministres « montréalais» depuis les années 1970.